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 La ferme Granchot

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Daneva
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MessageSujet: La ferme Granchot   La ferme Granchot I_icon_minitimeMer 20 Mai 2009 - 2:03

(Taanis est un petit village de pecheurs situe sur la cote, au niveau de la frontiere entre Merval et Langehack. C'est de la que sont partis les Silencieux pour rejoindre Nelen, et est donc devenu la jonction de leurs echanges avec le continent. La ferme Granchot est situee deux kilometre au dessus, enfoncee dans les terres comme d'autres fermes alentours, au milieux des champs. Je ne savais pas tres bien ou poster ca ^^")

La charrette avançait lentement sur la route rocailleuse. Le cocher, un petit homme émacié avec un grand chapeau, observait les environs d’un regard faussement absent. Il était à peu près midi, si on se fiait à la position du soleil dans le ciel. Tout était très calme. Les sabots du cheval produisaient un son très régulier, rassurant. Le chemin était sinueux et la végétation plutôt fournie, réduisant de fait la visibilité, pourtant l’homme paraissait connaître les lieux comme si il parcourait cette route quotidiennement. Il plissa les yeux un instant, puis donna un petit coup sur les rênes pour faire accélérer son cheval.

- Nous y sommes presque. Vous pouvez sortir, c’est désert.

Le chargement, qui semblait être uniquement constitué de caisses et de tonneaux divers, s’anima soudain. Un grand homme à la peau d’un gris intriguant écarta la planche de bois qui le dissimulait, et une femme s’extirpa de sous une couverture. Elle tenait sans ses bras ce qui ressemblait à un paquet emmitouflé dans un grand vêtement, mais l’un des plis du tissus s’écarta un instant, dévoilant le visage poupin d’un enfant endormi. Elle déplaça une autre planche, qui cachait jusque là un troisième homme. Ce dernier resta allongé, une main sur le flanc. La femme posa une main inquiète sur sa joue, mais il sourit à demi, comme pour la rassurer.

Le grand homme jeta un regard à la femme puis sauta de la charrette avant de disparaître dans les fourrés qui bordaient le chemin.


- Où va-t-il ?
- Vérifier si nous ne sommes pas suivis.

Le cocher hocha gravement la tête. Les temps étaient durs pour les Silencieux. Daneva enjamba divers objets pour venir s’asseoir à coté de lui, et il en profita pour jeter un coup d’œil à l’enfant.

- Votre enfant ?
- Oui. Son nom est Lucas.

Le regard de l’homme sembla se troubler un instant.

- J’ai un fils aussi.

Long silence. Daneva conserva une expression tout à fait neutre. Elle savait parfaitement ce qu’il allait dire.

- Il s’appelle Meron, et il a dix-neuf ans.

Toujours aucune réaction de la part de Daneva. L’homme semblait avoir du mal à prononcer ces mots.

- Il y a un peu moins d’un an, il a pris un bateau pour Nelen et s’est enrôlé dans votre Compagnie.

Daneva serra un peu plus fort Lucas contre sa poitrine.

- Il n’est pas mort.
- Je sais. Je l’ai vu ce matin, au retour des soldats…

La voix de l’homme se brisa.

-… fer aux poignets, comme des dizaines d’autres.

En tournant légèrement la tête, Dane put voir qu’une larme coulait sur la joue poussiéreuse de son interlocuteur.

- Il a eu de la chance de ne pas se faire tuer cette nuit.
- A quoi bon ? Les soldats l’emmènent à Diantra. Il y sera exécuté, comme tous ses compagnons.
- Ce sont en effet les intentions du roi.

L’homme lui jeta un regard en biais.

- Il sera insulté, maudit, malmené, peut être même torturé avant d’être pendu devant une foule hostile qui lui jettera des pierres.

Daneva n’ajouta rien, se contentant de fixer la route d’un regard impénétrable. Loki revint à ce moment là, et la charrette tangua brusquement sous son poids.

- Personne.

Dane acquiesça, sans quitter des yeux la ferme isolée qui venait d’apparaître au milieu des champs. Le chemin qu’ils empruntaient les y menait directement. Le cocher, une nouvelle étincelle dans le regard, fit claquer sa langue pour encourager le cheval.

Quelques minutes plus tard, la charrette s’engageait dans la cour de la ferme. Une jeune fille d’une douzaine d’années arriva en courrant depuis ce qui ressemblait à une grange.

- Papa ! Papa !

Les trois voyageurs et demi descendirent de la charrette, et le cocher prit sa fille dans ses bras. Une autre jeune femme, apparut et s’approcha en criant en direction de la maison principale.

- Madame Granchot ! Monsieur est rentré !

Pendant ce temps, Daneva et Loki s’affairaient à faire descendre Roc de la charrette. Il allait beaucoup mieux que le soir précédent, grâce au rhum des pirates. La fillette leur jeta un regard curieux.

- Papa, qui sont ces gens ?

L’homme n’eut pas le temps de répondre car son épouse ouvrit la porte d’entrée à ce moment là. A ses traits tirés, on remarquait tout de suite que quelque chose de très grave la préoccupait. Elle regarda à peine les étrangers, se pressant auprès de son mari.

- Des nouvelles de notre fils ?

Mais elle n’avait pas fini sa phrase qu’elle avait déjà deviné, au regard sombre de son époux. Elle éclata en sanglots, aussitôt soutenue par la deuxième jeune femme, qui arborait une fière crinière d’un blond éclatant comme Daneva en avait rarement vues. Alertés par le bruit, deux hommes vinrent eux aussi aux nouvelles, l’un dans la quarantaine, comme l’apparent maître des lieux, et l’autre beaucoup plus jeune. On lui donnait dans la vingtaine. Il avait un visage familier… Les yeux de Daneva s’arrondirent de surprise.

- Yedre ?
- Madame Daneva !

A cet échange, tout le monde se tourna vers les trois étrangers. Quatre.

- Daneva de Nelen ?
- Comment as-tu fait pour t’enfuir ?

Très nerveux, le jeune Yedre joignit ses mains pour se tordre les doigts.

- Quand… Quand la situation est devenue clairement désespérée, Jason et moi avons pris le chemin de la baie du Gros Piton, avec des amis du village. Les pêcheurs avaient là quelques embarcations, et nous avons pris le large en passant entre les bateaux de l’armée et de la Marine Marchande. Personne ne nous a vu !
- C’est un miracle que vous ayez réussi à vous en sortir…

Daneva avait murmuré ces derniers mots. La femme pleurait toujours, dans les bras de son mari. D’autres jeunes gens avaient rejoint l’attroupement, venant pour la plupart des champs alentours. La ferme devait employer quelques Taanisiens pour s’occuper de la production. Cela inquiéta Daneva, dont la tête et celles de ses compagnons étaient mises à prix.

- Sais-tu si d’autres que vous ont aussi réussi à se sauver ?
- J’ai vu l’Epine et les jumelles à Taanis, tôt ce matin. Ils m’ont dit de me cacher. Alors je suis venu ici. Alice est ma fiancée.

Il lança à la blonde un regard à la fois fier et incertain, et reçu en retour une demi sourire. Tout le monde était très inquiet. Dane en revanche avait ressenti une pointe de soulagement en apprenant que trois de ses meilleurs alphas, envoyés des mois auparavant en mission de recrutement chez les elfes, étaient de retour mais avertis de la situation précaire dans laquelle se trouvaient tous les Silencieux. Ou ex-Silencieux, désormais.

- Où est Jason ?
- Il est parti rejoindre sa famille, du coté d’Ydril.

La jeune femme poussa un petit soupir. Encore un de sauvé, si du moins il savait se montrer assez discret. Elle se tourna vers Loki, qui observait tous ces gens en fronçant les sourcils.

- Peut-on faire confiance à tes amis ?

La bouche de Yedre forma un cercle parfait, tant il était empressé d’assurer l’honnêteté des gens de la ferme.

- B… Bien sûr ! Bien sûr !

Les jeunes gens opinèrent du chef.

- Ma sœur habite à Diantra. C’est une alliée des Silencieux, et je crois qu’elle vous a rendu quelques services quand vous logiez dans les souterrains de la capitale.
- Moi je comptais m’engager cet hiver, après les récoltes !
- Mes parents ont recueilli cette nuit deux des vôtres…

Daneva se tourna aussitôt vers le dernier qui avait parlé. En réalité il s’agissait d’une adolescente, une petite rousse au nez très long à qui il manquait une dent de devant. Elle regardait Daneva comme si elle était en présence de la reine des drows. Voyant qu’elle avait attiré son attention, elle se tourna vers ses compagnons d’un air paniqué, puis de nouveau vers Daneva.

- Je ne sais pas vraiment qui ils sont, ils n’ont pas voulu nous dire leur nom.

Elle plissa les yeux, tentant douloureusement de se souvenir de quelques détails, histoire que la femme arrête de la fixer de cette façon.

- L’un avait les oreilles un peu pointues, mais c’était pas vraiment un elfe. Enfin… je crois ! Il a dit qu'il etait danseur, en fait. L’autre n’avait presque pas de cheveux, et il parlait avec un accent de nain.
- Kelen et Darisseï.

Encore quelques pierres de moins au fond de son estomac. Elle se sentait tellement coupable.

- Je vous assure que vous êtes là parmi des amis de l’organisation. Personne ne vous trahira !

A ces paroles, la maîtresse des lieux, toujours sanglotante, se mit à crier.

- Des amis ? A cause de cette femme, Meron va mourir ! Qu’elle aille au diable !
- Du calme Ariane… C’est la seule qui peut encore faire quelque chose.

A ces mots, Dane sentit son cœur se serrer, très fort. Roc sursauta et Loki fronça de nouveau les sourcils. Bien sûr qu’elle y avait pensé. C’était juste un projet, en cours d’ébauche, et elle osait à peine l’effleurer de peur de le voir s’effondrer sous la pression qu’elle subissait. A vrai dire, elle avait à peine eu le temps d’y réfléchir. Le dénommé Galbert Granchot y avait pensé, bien avant elle, et c’était sans doute la seule raison pour laquelle il avait accepté de les transporter jusqu’à chez lui.

Le silence s’était fait à ces derniers mots. Même la fillette avait cessé de sangloter pour entendre ce qui allait se dire. Galbert se redressa et fit quelque pas pour se poster juste en face de Daneva, son regard figé dans le sien. Elle pouvait y lire toute sa détresse.


- Je veux que vous alliez sauver mon fils.

Elle ne bougea pas. Dans son dos, un des adolescents ajouta timidement quelque chose.

- Et mon frère… ?
- Ton frère aussi, je l’ai vu parmi les prisonniers. Et aussi le fils des Flarell. Les anciens pêcheurs reconvertis à sa cause. Les pauvres mendiants devenus espions, voleurs ou tueurs sous ses ordres. Tous. Elle va tous les sauver, parce que c’est de sa faute.

Roc se redressa à son tour, une expression pas commode du tout sur le visage.

- Hé, vous, vous ne pouvez pas dire ça de…

Cependant Daneva posa sa main libre sur son épaule, sans quitter le paysan des yeux.

- Non, il a raison.
- … Comment ? Mais…
- J’ai besoin de réfléchir.

Roc paru troublé. Loki, de même, s’agita.

- Réfléchir ! En ce moment même des diligences grillagées emmènent Meron vers Diantra, pour l’y pendre ! Croyez-vous avoir le temps de réfléchir ?

Dane ne se départit pas de son calme. Les idées dans sa tête se mêlaient et se démêlaient à une vitesse folle. Le soleil de plomb qui faisait brûler sa peau et toutes ces têtes tournées vers elle en attendant une décision de l’aidaient pas à se concentrer.

- Agir précipitamment pourrait aggraver les choses, ou n’aiderait en rien votre fils. Je dois prendre les bonnes décisions rapidement, mais pour cela j’ai besoin de réfléchir.

Elle répéta ces derniers mots avec un regard particulier, celui-là même qui lui avait permis de rester à la tête d’un gang de voleur pendant plus de deux ans.

Lucas choisit ce moment pour se réveiller, sans doute à cause de la chaleur. Il s’agita, et de sa petite main agrippa le col de sa mère, qui le trouvait décidemment de plus en plus lourd. Plusieurs personnes sursautèrent. Ce que portait la jeune femme dans ses bras était resté jusque là un mystère.

- Par Saint Cremice, est-ce un enfant ?
- Mon fils, Lucas.

Plusieurs murmurent surpris furent échangés.

- Les décisions que je vais prendre l’impliquent… profondément. J’ai vraiment besoin de réfléchir.

L’épouse Granchot sembla soudain retrouver toute l’énergie qui devait caractériser la femme qu’elle était habituellement. Une femme chez laquelle l’instinct maternel était particulièrement fort.

- C’est folie que de rester sous ce soleil ! Entrez, entrez. Vous autres, retournez travailler !

Les jeunes gens se dispersèrent à contre cœur. Daneva entra la première dans la maison, une grande ferme construite avec de solides briques grises, suivies par Roc, lui-même soutenu par Loki. Le couple Granchot les invitèrent à s’asseoir sur les humbles fauteuils qui meublaient la grande pièce principale. Ce lieu hébergeait une véritable petite communauté.
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MessageSujet: Re: La ferme Granchot   La ferme Granchot I_icon_minitimeMer 20 Mai 2009 - 6:09

Madame Granchot se dirigea tout de suite vers le feu, où elle commença à préparer une épaisse soupe de légumes. Son époux s’installa sur un rondin de bois non loin, les coudes sur les genoux, le regard rivé sur les quatre convives. Lucas, reposé, n’aspirait plus qu’à explorer ce nouveau lieu, et Daneva le laissa gambader à sa guise.

- Ne t’éloigne pas.
- Je m’occupe de lui.

Daneva se prit la tête entre les mains. Ils avaient si peu de temps !

- Tu ne peux pas les sauver.
- Pas seule.

Roc soupira.

- Bon sang, tu n’as plus de Silencieux ! Il ne te reste que nous trois, et je ne sais pas si je pourrais monter à cheval avant une bonne semaine… Alors me battre ! Et aussi efficace que soit Loki, nous ne pourrions rien faire face à la vingtaine de soldats qui escortent le convoi !

Voyant qu’elle ne se décidait pas à réagir, il continua.

- C’est un combat désespéré. Tout ce que tu y gagneras, c’est de te faire tuer toi aussi.

N’obtenant rien de plus, il se décida finalement à donner son argument final.

- Beaucoup de gens ont encore une chance, et ils comptent sur toi. Lucas le premier.

Elle releva la tête, une nouvelle lueur de détermination éclairant ses traits.

- C’est pour ça qu’il doit rester en sécurité. Je ne peux pas le prendre avec moi.

Elle se tourna vers Galbert, qui sembla y réfléchir quelques secondes. Sa femme répondit à sa place.

- Nous nous occuperons de Lucas comme de notre propre fils, pendant que vous sauverez le nôtre.

Elle portait le petit garçon sur ses genoux, et ce dernier tenait entre ses doigts une patate chaude qu’il mordait voracement. Cette vision apaisa Daneva. Un étrange sentiment vint étreindre son cœur. Elle savait que Lucas ne serait pas mieux qu’ici, dans cette ferme, avec ces gens. C’était la bonne décision.

- Daneva…
- Tu dois rester ici toi aussi. Tu l’as dit, tu n’es pas en état de voyager, et il faut que tu te remettes rapidement. J’ai vraiment besoin de toi, en forme.

Elle avait adopté le même regard que précédemment, le regard de Daneva de Nelen, mais Roc passa tout simplement outre.

- Non.
- Je te le dis.
- Et je n’obéirai pas. Il n’y a plus de Silencieux, juste quelques rescapés. Je te respecte énormément, et c’est pour ça que je ne te laisserai pas y aller sans moi.

Il y eut un silence. Daneva était surprise d’entendre de telles paroles de la part de son officier.

- Si je dois mourir un jour, ce sera avec toi. Ou du moins pour toi.

Elle se crispa, un moment. C’était vraiment… inhabituel. Peut-être l’aimait-il. Dane était désormais étrangère à tout cela, et avait l’impression d’assister à la scène en tant que spectatrice. Ce n’était plus pour elle, plus jamais. Les mots de Roc étaient adressés à une femme qui ne pouvait tout simplement plus les recevoir. Mais il le savait… Il avait passé à ses cotés assez de temps pour savoir ce qu’il y avait à savoir. Sans doute était-ce sa dernière carte pour ne pas se séparer d’elle. Elle pouvait voir à son regard qu’il s’attendait à ce que ça ne marche pas.

- C’est faux, il y a encore des Silencieux. Ils sont enchaînés et condamnés au gibet, mais pas encore morts. Je peux faire quelque chose pour eux, et je le ferai. Toi, tu resteras ici, parce que tu n’as tout simplement pas d’autre choix. Le convoi avance un peu plus chaque minute, lentement mais il avance. Je dois galoper jusqu’à Diantra pour rassembler ce que je pourrai, puis je devrais intercepter le convoi avant qu’il n’arrive à la capitale. Le temps joue contre moi. Tu ne pourras pas m’accompagner.

Elle se leva.

- Et ne t’en fais pas pour moi. Je n’ai pas survécu à une attaque en règle de l’armée régulière combinée à celle de pirates avinés pour rien. Je reviendrai. Je veux voir grandir mon fils.

Roc baissa les yeux. Au fond, il n’y avait pas d’autre alternative. Loki se leva aussi, comme pour emboîter le pas à sa maîtresse.

- Toi non plus, Loki.

Cette fois-ci, ils furent deux à ouvrir la bouche pour protester, mais elle leva une main autoritaire.

- Perdrais-je mon temps à aller sauver quelques gars pendant que d’autres avancent eux aussi vers le gibet sans le savoir ? Loki, tu dois aller à la rencontre du groupe que j’ai envoyé au nord, dans les montagnes, il y a deux mois. Les jeunes guidés par Renard. Ils n’ont aucune idée de ce qui s’est passé ici, et leur chemin de retour les mène tout droit vers Diantra. Je veux que tu coupes par Atral-est. Traverses Aduram aussi vite que possible, tu devrais les trouver à Lante. Raconte leur. Dis leur qu’ils sont désormais libres, que les Silencieux ont été dissous une nouvelle fois. Il ne faut pas qu’ils se fassent prendre eux aussi. Nous sommes désormais tous des fugitifs.

Loki ne bougea pas. Elle savait qu’il était lui aussi très attaché à elle, c’était bien cela le problème. Le demi-drow était quelqu’un de très spécial. Elle avait appris à savoir qu’il ne vivait que pour la personne qu’il avait juré de protéger, et c’était elle qu’il avait choisi. Elle n’avait même pas eu le choix d’accepter ou non son service, il s’était tout simplement imposé à elle, un an auparavant. Ce jour là, elle avait découvert le sens profond de l’expression « dormir sur ses deux oreilles ».

Mais aujourd’hui, elle avait vraiment besoin qu’il obéisse, ne pouvant imaginer de choisir entre les jeunes de Meron ou les jeunes d’Orans. Ils pouvaient les sauver tous. C’est ce que dut comprendre Loki, car il finit par incliner la tête.

Galbert avait assisté à tout cela sans rien dire, étranger à ces intrigues. Cependant il avait compris l’essentiel : Daneva allait secourir son fils. Ariane aussi avait bien sûr suivi la conversation, et versait des larmes de soulagement en épluchant les légumes. Pourtant ce n’était ni l’un ni l’autre que Dane regardait, c’était son fils. Il avait terminé sa pomme de terre et était resté assis par terre pour jouer avec la peau, les deux jambes tendues devant lui. Sentant le regard de sa mère, il avait levé les yeux. Cette dernière réussit avec peine à dissimuler la bouffée d’émotion qui la prit alors à la gorge.


- Puis-je m’isoler un instant ?

Galbert hocha la tête et désigna une porte dans le fond. Daneva prit son fils dans ses bras et se dirigea vers la direction indiquée pour découvrir une petite chambre coquette. Sans perdre de temps, elle déposa Lucas sur le lit et s’agenouilla sur le sol pour se mettre à son niveau. Il était important qu’il comprenne bien ce qu’elle allait lui dire. Loin d’être idiot, le petit garçon fixait sur sa mère ses deux grands yeux bleus avec son air attentif des grands moments.

- Lucas… Je vais partir. Tu comprends ? Je vais partir, mais je vais revenir, plus tard.

Bien sûr qu’il comprenait. Ses paupières papillonnèrent, des larmes perlant déjà aux coins de ses yeux.

- Pas pour très longtemps mon amour. Je te promets d’être de retour très vite.

Il se mit à pleurer, ses deux petits bras se tendant vers l’avant, cherchant à enserrer le cou de sa mère. Elle se pencha en avant, des larmes coulant aussi sur ses joues, et le serra contre elle.

- Tu vas rester ici, avec Ariane et Galbert. Ce sont de très gentilles personnes. Ils s’occuperont de toi, tu seras bien.
- Vient avec toi !

- Non…

Elle sanglota.

- Non, tu ne peux pas. Lucas, mon bébé…

Elle se redressa et tenta de paraître plus sûre d’elle qu’elle ne l’était vraiment. Ses doigts vinrent trouver la fine chaîne d’or que Lucas portait autour du cou. En guise de pendentif, elle y avait passé la bague de Calis, celle qu’il lui avait donné avant de rendre l’âme. C’était tout ce qu’il lui restait de son père, elle voulait qu’il la garde précieusement.

- Tu ne seras pas seul. N’oublie pas ton père. N’oublie pas Calis.

Séchant ses paupières, elle se leva tandis que Lucas sautait du lit pour s’agripper à l’une de ses jambes.

- Maman ! Reste ! Reste !

Elle se pencha en avant, le saisit par les aisselles et le souleva, bras tendus, en face d’elle. Il se calma aussitôt : elle faisait toujours ça quand elle le grondait.

- Je m’en vais Lucas. Ne sois pas triste. Reste ici, sois sage et obéis. Roc reste avec toi. Je reviens bientôt.

Il avait cessé de pleurer, et la regardait d’un regard peiné. Roc le rassurerait… Il avait été très présent auprès de lui depuis sa naissance.

Elle le reposa au sol, lui prit la main et retourna avec lui dans la grande salle. Il n’arrivait toujours pas à marcher correctement sans appui, mais il apprendrait. Cette ferme était l’endroit idéal pour l’épanouissement d’un enfant, n’est-ce pas ? En tout cas, il se précipita vers Ariane pour quémander une autre pomme de terre.


- Il faut y aller.
- Je pars maintenant.
- Moi aussi. Prend ce qui nous reste pour t’acheter un bon cheval et galope vers Lante. Je sais que tu sauras les trouver avant qu’il ne soit trop tard.

Il acquiesça.

- Et toi ?

Elle regarda son ex-officier avec un sourire sans réelle joie.

- Je crois qu’il est temps de retrouver un vieil ami…

Il écarquilla les yeux.

- Iio ? Je pensais que tu l’avais vendu !
- Je l’ai vendu. A un certain Rexin Flarell.

Galbert tourna vivement la tête.

- Les Flarell ? Une demi heure de marche et vous êtes chez eux.
- Je sais bien. C’est pour cela que c’est à eux que je l’ai confié. Ils savent que je vais venir le chercher. Et ils me donneraient bien plus si je leur demandais, leur fils est dans le lot.

Madame Granchot prit Lucas par la main, qu’il accepta sans délaisser pour autant sa nouvelle pomme de terre. Ils sortirent tous les six, retrouvant le même soleil implacable.

- Vous trouverez un bon marchand de chevaux à Hiertirde, un camp de bucherons un peu plus à l’est.
- Merci.

Il se tourna vers Daneva, posa une main sur son épaule et plongea son regard dans le sien.

- Faites attention.
- Toi aussi.

Et il s’en alla. Sans aucun bagage, comme d’habitude. Cela la fit sourire, stupidement. Il saurait la retrouver une fois sa mission accomplie.

C’était son tour. Elle n’était pas demi-drow, c’est pourquoi Ariane s’éclipsa un moment pour aller fourrer un sac de diverses provisions. Pendant ce temps, Lucas s’était pris de passion pour les poules, qui se baladaient librement dans la cour. Dane savait qu’il faisait cela pour éclipser la peine de voir partir sa mère, c’est pourquoi elle n’essaya pas d’attirer son attention. Roc posa à son tour une main sur son épaule, son visage exprimant clairement à quel point il était en désaccord avec cette décision, et comme cela lui était difficile de la voir partir. Elle se contenta de le regarder un long moment.

- Prend soin de toi, et de Lucas. Attend mon retour. Grâce à Iio, je devrais être à Diantra demain soir ou le matin suivant. Le convoi n’y sera pas avant une semaine. J’aurai un peu moins de trois jours pour trouver de l’aide. Néanmoins…

Elle se rapprocha de lui pour qu’il soit le seul à l’entendre.

- Si les choses… durent plus longtemps. C’est possible que… j’ai des comptes à rendre, à Diantra. Je ne suis plus aussi forte qu’avant. Je serai de retour dans un mois, au plus. Passé ce délai, tu pourras partir. Me chercher, si tu veux… Ou vivre ta vie. Ce serait sans doute mieux pour toi.
- Je viendrai. Il n’y a qu’une seule option.

Un silence.

- Et Lucas ?

Elle pinça les lèvres, et répondit d’une voix déterminée.

- Il sera mieux ici que dans un orphelinat de Diantra. Je sauverai le fils Granchot, Lucas sera le deuxième fils. Parce que je sauverai le fils Granchot. Ils garderont Lucas. Ils s’occuperont de lui. Je sauverai Meron, ils sauveront Lucas…

Elle tremblait, à peine consciente du non-sens de ses propos. Roc la prit dans ses bras, inquiet.

- Qui vas-tu trouver à Diantra ? Les quelques Silencieux que nous y avions laissés se seront dispersés depuis longtemps.

Elle eut un autre demi-sourire énigmatique.

- On trouve des mauvaises herbes partout, il suffit juste de creuser un peu. Je m’en vais trouver la Ronce.

Il grimaça, peu convaincu.

- Bonne chance alors. Nous t’attendons dans un mois.

Elle prit le sac que lui tendait Ariane.

- Attendez Meron. Si je ne suis pas avec lui, c’est que j’aurai eu des ennuis.

Lucas appelait les poules avec un enthousiasme touchant, agitant ses bras fins dans leur direction. Dane lui caressa la tête, mais il l’ignora.

- Cocotte ! Cocotte !

Les sourcils résolument froncés, la jeune femme prit le chemin de la ferme Flarell.
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MessageSujet: Re: La ferme Granchot   La ferme Granchot I_icon_minitimeJeu 3 Sep 2009 - 6:40

***

Cela faisait un peu plus de quatre mois que Dane s’était lancée à la rescousse des silencieux prisonniers. Quand elle avait quitté la ferme, le cœur brisé de laisser derrière elle une partie d’elle-même, la saison était encore à la chaleur. La végétation luxuriante avait enchanté sa route de par ses couleurs, ses odeurs… Et même en étant peu réceptive à ce genre de choses, la jeune femme avait senti son cœur se regonfler en embrassant du regard les fantastiques paysages qui s’offraient alors à elle. Il y avait tant à voir, après cette longue année sans quitter la petite île de Nelen… Hélas, ses préoccupations la rongeaient profondément, et elle avait comme toujours focalisé son esprit sur ses – nombreux – objectifs. Désormais les landes environnantes se clairsemaient, les bosquets autrefois touffus dardaient de longues griffes dénudées vers le ciel. Un air frais soufflait doucement, faisant voltiger les cheveux de la jeune femme, qui serrait contre elle les pans de sa cape doublée de fourrure en songeant avec amertumes aux quelques foyers chaleureux qu’elle eu la chance de rencontrer sur son chemin. Il lui faudrait songer à remercier ces gens…

Tout ça n’était cependant pas encore à l’ordre du jour. Pour le moment, Dane était traquée, tant par les soldats que par d’anciennes connaissances en quête de vengeance ou de paiement. Il lui faudrait fuir ou faire face, mais surtout tenter de survivre, par tous les moyens. Cependant, avant toute chose, elle devait retrouver Lucas. Depuis plusieurs jours, une angoisse tenace lui tiraillait les entrailles avec acharnement. Elle avait un pressentiment étrange… Comme si quelque chose n’allait pas. Cela lui était déjà arrivé une fois, à Nelen. Elle était sur les docks, à vérifier les marchandises avec Roc, quand ce même sentiment s’était mis à serrer sa poitrine. Son regard s’était aussitôt porté vers le grand bâtiment administratif construit sur une falaise, surplombant le village. Lucas commençait à peine à se déplacer sur les genoux… Prise de panique, Daneva s’était aussitôt précipitée sur le chemin escarpé qui menait à ses appartements. Elle avait trouvé Lucas, meurtri, dans un buisson en contrebas des premières marches. Voulant retrouver sa mère, il avait échappé à la surveillance de la jeune fille de pêcheur qui lui servait de nourrice et s’était lancé dans une aventure dangereuse sur les rochers de Nelen. Jamais le cœur de Daneva n’avait battu aussi vite. Folle de rage, elle avait sévèrement réprimandé la nourrice, et Lucas de la même façon. Le garçon, âgé de moins d’un an à l’époque, s’en était sorti avec quelques égratignures, dont une large griffure sur la cuisse dont il garderait longtemps une cicatrice.

Que s’était-il passé cette fois-ci ? Levant régulièrement les yeux vers le ciel rougeoyant de cette fin d’après-midi, Daneva espérait silencieusement que le problème serait du même ordre que la dernière fois. Après tout, une chute, cela arrivait à tous les gamins… Mais quelque chose, au fond d’elle, lui hurlait que ce n’était pas aussi anodin, et cela lui donnait des ailes. Elle n’aurait jamais dû le laisser ainsi à des inconnus.


- Mais je n’avais pas le choix… Pas le choix... se répétait-elle pour elle-même.

Iio renâcla, mécontent. Depuis leur sanglante rencontre avec un kerkand et deux voyageurs quelques jours plus tôt, sa cavalière avait prit la fâcheuse habitude d’ignorer les chemins tracés, le menant plutôt sur des versants caillouteux et escarpé qu’il devait manœuvrer tant bien que mal. En réalité, ils se rapprochaient de la ferme, et Daneva traçait en ligne droite sans plus se préoccuper des routes et des aléas du terrain. Son impulsivité faisait bouillonner son sang. Elle aurait voulu y être déjà.

Son vœu fut exaucé une heure plus tard. Alors que le soleil disparaissait lentement derrière l’horizon, Iio parvint enfin à venir à bout de l’imposante colline qui masquait jusque là la mer, que Dane savait toute proche grâce à l’odeur des embruns qui portait jusque là. Une fois au sommet, elle stoppa sa monture et mit pied à terre, tant pour laisser l’étalon se détendre que pour profiter pleinement de la vue. Ses yeux, insensibles à la beauté de la mer, fouillaient méthodiquement l’espace à leur disposition pour déterminer la position de la ferme. Elle était là, nichée entre deux bosquets. Un petit filet de fumée grise s’échappait de la cheminée principale, témoin de la vie qui habitait le bâtiment. Indiscernables petites taches sombres, les travailleurs rentraient des champs pour aller se restaurer auprès du douillet feu de bois qui devait crépiter à l’intérieur. Daneva pinça les lèvres. Dans quelques minutes elle pourrait enfin étreindre son fils.

La descente ne lui prit pas plus d’un quart d’heure. Iio était épuisé, mais la perspective d’une botte foin semblait lui fournir des forces insoupçonnées. Iio avait toujours été un excellent cheval… Ils dépassèrent un des travailleurs, peut être Yedre, qui plissa les yeux sans les reconnaître, mais ils ne s’arrêtèrent pas. Les yeux de Daneva, eux, ne quittaient plus la ferme.

Elle déboucha enfin dans la cour principale, désormais baignée dans l’obscurité. Elle mit pied à terre une nouvelle fois et tira l’étalon vers une barrière pour l’y attacher. Un homme passa à coté d’elle pour entrer dans la ferme. Elle tenta d’attraper son regard, mais il détourna la tête et pressa le pas. Plus angoissée que jamais, la jeune femme sentit ses genoux trembler. Elle se précipita vers la grande porte en bois qu’elle avait franchi la première fois qu’elle était venue et déboula ainsi dans la grande pièce communautaire du bâtiment. La silhouette voûtée d’une femme se détachait devant l’âtre, et plusieurs individus s’affairaient alentours, certains assis sur de longs bancs de pierre.


- Lucas !

Dane avait cru apercevoir son fils, mais l’enfant qui leva les yeux vers elle, surpris, n’avait rien de Lucas. L’ex-Silencieuse leva les yeux vers la maîtresse de maison, qui s’était retournée à cet appel.

- Dame Daneva.

- Où est mon fils ?

La panique perçait dans la voix de la jeune femme, et le silence qui s’était fait à son arrivée n’avait rien pour la rassurer. Elle serra les poings pour empêcher ses doigts de trembler, et répéta à l’adresse de Madame Granchot, qui mettait trop de temps à répondre à sa question.


- Où est mon fils ?
- Il n’est pas ici.

Dane cru qu’elle allait s’effondrer lorsqu’elle s’aperçut de l’immense appréhension que reflétait le visage de son interlocutrice. Le mari de cette dernière fit à son tour irruption dans la pièce, sans doute alerté par le bruit. Il se figea en découvrant l’identité de la visiteuse, qui était désormais proche de l’hystérie.

- Où est mon fils !
- Ils l’ont pris…

C’était Galbert qui avait enfin répondu. Daneva trouva à peine la force de prononcer un mot.

- … Qui ?
- Nous ne savons pas. C’était il y a plus de deux mois. Cinq hommes sont arrivés à la nuit tombée. Ils étaient armés… Visiblement ils savaient où trouver votre fils. Ils ont menacé ma femme afin qu’elle leur dise lequel des enfants était Lucas.

Il baissa la tête, honteux, et Ariane éclata en sanglots. Daneva ne bougeait pas, incapable du moindre geste. Elle serrait les mâchoires à s’en faire mal.

- Comprenez… Meron n’était pas encore rentré… Nous pensions que vous aviez échoué… Et ils disaient qu’ils nous tueraient si nous…


Mais elle n’écoutait plus. Sentant qu’elle ne parviendrait pas à rester debout plus longtemps, elle se laissa tomber sur un rondin de bois et prit son front entre ses mains, le regard hagard. Toute la fatigue de son voyage et de ses exploits à Diantra lui retombait dessus comme une lourde couverture en laine, engourdissant son corps et son esprit. Elle aurait voulu se réveiller dans une forêt, se redresser, apercevoir Iio plus loin, et se rassurer en se disant que tout ça n’avait été qu’un cauchemar. Un affreux cauchemar. Ses pires craintes venaient de trouver confirmation : on avait fait du mal à son fils. On le lui avait pris. Qui ? Pourquoi ? Où ? Ces questions la torturaient comme autant d’infatigables guêpes.

- Ils ont laissé ça pour vous.


Galbert lui tendait une lettre froissée, encore cachetée. Dane s’en empara et la déplia fiévreusement, à la manière d’un automate à qui l’on vient de confier une nouvelle tâche. Ses yeux mirent un temps fou à s’habituer à la pénombre ambiante.

Citation :
« A l’attention de Daneva de Nelen, autrefois première Silencieuse ;

Rendez-vous au village d’Ortoup dès que vous prendrez connaissance de ces mots. Vous vous y ferez connaître auprès du tavernier de l’auberge du Loup qui dort, et viendrez seule. Il en va de la vie de votre fils.

X
»

La lettre n’était pas signée, seule une petite croix en signifiait la fin. Les paupières de Daneva papillonnèrent un instant, comme si on venait de lui asséner un coup de masse derrière la nuque. Elle n’avait strictement aucune idée de l’identité du ravisseur, et à vrai dire n’était pas en état d’y réfléchir davantage. Il fallait qu’elle aille chercher son fils tout de suite. Péniblement, elle se remit sur ses jambes.


- Où allez-vous ?
- Ortoup.
- Mais… C’est à trois jours de marche ! Vous ne pouvez pas vous y rendre dans cet état.

Iio était fatigué, il ne la porterait pas plus loin avant de s’être correctement reposé. Elle-même ne tiendrait pas une autre marche forcée comme celle qu’elle venait de s’imposer. De plus, elle était recherchée, surtout dans la région. C’était en effet impensable de repartir immédiatement, mais à quoi bon ? Daneva n’était plus que folie.


- Ecartez-vous.

L’homme hésita un instant, puis jaugeant l’expression de la jeune décida qu’il serait plus prudent de la laisser partir.

- Daneva !


Le cri venait de l’extérieur, mais il ne fallu pas longtemps à Meron pour passer la tête dans l’embrasure de la porte.

- Daneva ! C’est vous ! Vous êtes ici ! J’ai vu votre cheval et…

Il se tut, semblant mesurer la morosité ambiance. Puis il dut faire le lien entre Daneva et l’enfant qu’on avait enlevé, et fit une grimace compatissante.

- Il y a quelqu’un pour vous, dehors.
Voyant qu’elle ne réagissait pas, il continua. Il dit qu’il s’appelle Damps, et…

Daneva venait de sortir de la pièce, bousculant au passage le jeune homme. Comment était-ce possible ? Damps avait disparu des mois avant la fin de la Compagnie, la laissant seule aux commandes sans la moindre explication. Elle avait eu jusque là confiance en lui, à tel point qu’elle en avait fait son second. Mais depuis sa disparition, elle n’avait plus jamais entendu parler de lui. Et il était là ce soir. Improbable, mais pourtant ?

Une silhouette masculine se tenait devant Iio, flattant son encolure comme on réconforterait un vieil ami. Dane tituba.


- Damps ? C’est toi ?
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MessageSujet: Re: La ferme Granchot   La ferme Granchot I_icon_minitimeJeu 3 Sep 2009 - 23:45

Damps était sur le haut de la colline, depuis maintenant une dizaine de minutes à déguster une cigarette. Depuis qu’il avait quitté les Silencieux, il avait pris la mauvaise habitude de fumer régulièrement. Enfin tant que ça n'en devenait pas maladif, ce n’était pas un aussi gros problème que l'alcool qui lui avait causé bien des soucis. C'est un peu la raison pour laquelle l'ancien Silencieux avait décidé de reprendre sa vie en main, et de retrouver une femme qui comptait beaucoup pour lui même s'il ne lui avait jamais trop montrer, et qui lui avait tant donner par le passé... Son regret ultime étant de l'avoir quitter sans la prévenir, de l'avoir lâchement abandonner au sort tragique des Silencieux, dissouts et disséminés un peu partout sur le territoire des hommes.

Une des autres raisons qui l'avait poussé à quitter Diantra pour la cambrousse, était l'accumulation des ennuis et des histoires qui l'avaient suivit dans toutes les tavernes, et qui n'avaient fait que le mettre en danger de plus en plus. Il s'était fait particulièrement remarquer le soir où Ellana avait fait son apparition de façon soudaine, et le tavernier en était venu en main, menaçant le rôdeur de le dénoncer aux gardes, ignorant que celui-ci était déjà recherché par les autorités locales pour crimes divers et variés lorsqu'il était dans la Compagnie. Il avait donc décidé de se reprendre en main, sur les conseils d'Ellana, et de faire revivre le Silencieux qui sommeillait en lui...

Mais pourquoi avait-il fallu qu’il soit aussi stupide ? C’était la question qui avait tourné dans l’esprit de Damps, qui avait bien du s’avouer que malgré ses airs inflexibles, il s’inquiétait, plus que jamais. L'alcool changeait l'homme, d'une façon parfois insoupçonnée. Il l'avait fait devenir parano, fou, violent, dangereux. Et surtout, trop voyant. Il avait échappé à la mort à plusieurs reprises, parfois in extremis. Remonter la pente relevait alors du véritable miracle.. Mais il l'avait fait. Au bon moment, d'ailleurs, car après tout le remue-ménage que Daneva avait fait dans la capitale, il était encore plus en danger qu'avant, lui, un des seuls rescapés de Nelen se baladant dans les tavernes en se faisant passer pour un simple rôdeur. Et le pire, c'est qu'il ne s'était jamais fait repérer... Il n'était pas Damps pour rien, après tout.

Le jeune borgne observa la nuit noire qui l’entourait de son oeil impassible. Cela faisait à présent plus de deux jours qu'il était partit, enchainant les caleches, et la route à pied, et il touchait enfin au but même si la fatigue était présente après un si long trajet. Il avait du esquiver quelques patrouilles, ce qui n'était pas pour lui déplaire, lui qui était toujours un peu joueur, son sens du commerce et sa ruse lui avaient permis de dissuader quelques brigands de s'en prendre à lui. Et pourtant, toujours cette étrange impression d'être suivi... Quoi qu'il arrive, Damps était préparé... Il était armé d'une épée, d'une dague et d'une volonté de fer... Si jamais un individu hostile émergeait des buissons, il lui passerait le savon du siècle, foi de Damps.

La ferme. Il y était.
Il s'approcha de la maison, à l'interieur de laquelle il semblait y avoir du mouvement, mais surtout beaucoup de tension, et un jeune homme qui s'apprêtait à rentrer se joindre à cette petite ribambelle s'arrêta sur le perron, l'ayant visiblement repérer.

- Qui êtes-vous ?
"Je suis Damps. Je viens pour Daneva."
- Heu, oui... un instant !

Pendant le bref échange entre Meron et Daneva, la main de Damps vint effleurer lio, cette brave bête aux côtés de laquelle il avait à maintes fois chevaucher, mais l'arrivée brutale de l'ex leader de la Compagnie ne lui permit pas de s'éterniser dans ses caresses. Daneva... Un bref instant, il hésita à la prendre dans ses bras, mais il se contenta de sourire, un sourire attendri et presque ému, s'il eut été esquissé par un autre homme que Damps.

"C'est bien moi, oui. En chair et en os... Enfin, je crois." fit-il lentement avant de détailler sa coéquipière de toujours.

La voir ainsi, après autant de temps, lui faisait repenser avec nostalgie au bon vieux temps, à l'époque des débuts de la Compagnie. Ils avaient vécu tant de choses... Et il avait été si lâche de la quitter dans un moment difficile après tout ce qu'elle avait enduré, bien plus que n'importe qui au sein du groupe... Elle semblait ravagée par le temps et les douleurs, mais pourtant c'est toujours cette même beauté sauvage des premiers jours qui émanait d'elle, et cette même motivation face à toute épreuve, y compris celle de faire face à un homme qui l'avait en quelque sorte trahi. C'est ce qui faisait d'elle une femme respectable.

Finalement il écrasa son mégot sur le sol devant la porte en bois et s'adossa à celle-ci, toujours trop misanthrope pour se mêler à des gens qu'il ne connaissait pas... D'autant plus que s'il était venu voir Daneva, c'était pour lui parler et seul, bien entendu. Il s’étira un bon coup et resta quelques instants l'oeil fixé en direction de Daneva, qui avait l'air plus que jamais abattue... Pour ne pas trainer et rester collé dans ces retrouvailles un peu nianian, il rentra dans le vif du sujet.

"J'ai longtemps hésiter à reprendre contact avec la Compagnie... Jusqu'à ce que j'entende ton sifflement, un soir, dans les rues de Diantra... Mais j'étais si mal que j'ai pensé que mon imagination me jouait des tours... Plus tard quand j'ai vu Guel'na, elle m'a dit que c'était bien toi qui était venu à la rescousse des Silencieux... Elle m'a tout raconter. Le fils du fermier, Okän, la Ronce... et dire qu'il y a quinze ans je jouais dans les rues avec lui." lui confia t-il avec un petit rictus.

"Après l'escapade de Okän et des autres, la ville était en alerte. J'ai retrouvé Milan, et lui ai suggéré de se cacher à Ydril en attendant la suite. "

Milan était l'épeiste que Okän avait recruté et formé dans la Compagnie, son petit protégé. Il s'arrêta un instant, puis reprit

"Quant à moi, je t'ai suivit... De loin. Te rejoindre était ma principale priorité. Déjà pour me faire pardonner de t'avoir laisser t'occuper seule de la Compagnie, et donc pour me racheter, bien evidemment... Et ce, dès maintenant. " conclut-il en jetant un bref coup d'oeil à l'interieur de la pièce éclairée. Il sentait que quelque chose clochait, mais il ne savait pas encore quoi...
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MessageSujet: Re: La ferme Granchot   La ferme Granchot I_icon_minitimeVen 4 Sep 2009 - 10:18

C’était bel et bien Damps, debout devant elle. Dane ne savait pas très bien si elle devait se jeter dans ses bras ou bien lui envoyer son poing dans la figure. Elle se secoua légèrement. Toute sa vie elle avait su gérer des situations délicates, et bien que celle-ci lui donnât envie de hurler vers le ciel en s’arrachant les cheveux, elle devait se concentrer et agir au mieux pour retrouver Lucas. Chaque seconde qui passait lui était désormais torture, et il en serait ainsi jusqu’à ce qu’elle récupère son fils.

Il aurait fallu demander à Damps ce qui l’avait poussé à partir, ce qu’il avait fait durant tout ce temps et ce qui l’emmenait maintenant à revenir vers elle, mais Dane n’en eu tout simplement pas la force. Elle resta là, les bras ballants, à l’écouter lui donner quelques explications. Tout cela paraissait si lointain… Elle réfléchissait, droite comme un piquet devant son vieil ami, partagée. Elle aurait besoin d’aide, c’était certain, mais les ravisseurs avaient bien précisé qu’elle devait se rendre seule au rendez-vous. De plus, Damps méritait-il réellement sa confiance après tout ce qu'il s’était passé ? Il fallait bien prendre une décision, et si possible rapidement. La jeune femme leva une main pour la poser sur l’épaule du borgne, et parla d’une voix forte et claire.


- J’ai… en effet quelques ennuis, mais tu ne peux rien pour moi. Je dois me débrouiller seule, cette fois. Retourne d’où tu viens… Cache toi. Essaye de vivre du mieux que tu peux.

Sa bouche trembla tandis qu’elle posait sa deuxième main sur l’autre épaule de Damps.

- Je suis tout de même heureuse de te revoir.


Elle l’attira alors contre elle dans une étreinte spontanée. Glissant une main derrière sa nuque comme pour le rapprocher d’elle légèrement plus, elle approcha ses lèvres de son oreille et parla dans un murmure à peine audible.


- Retrouve moi au point de ravitaillement sud.


Ils s’éloignèrent l’un de l’autre, se considérant en silence un instant.


- Bon vent.

Elle l’observa s’éloigner un instant. Comprenant sans doute les craintes de son ancienne supérieure, Damps avait pris la direction des montagnes, à l’est. Il bifurquerait plus tard vers le sud pour rejoindre le point de rendez-vous. Il s’agissait d’un ancien avant-poste des Silencieux, où les marchandises étaient contrôlées avant de partir pour Nelen, aujourd’hui plus que quelques cabanes en pièces.

La jeune femme tourna alors les talons pour s’engouffrer de nouveau dans la ferme. Ariane lui préparait déjà un autre baluchon de vivres, mortifiée. Daneva s’approcha d’elle en silence, et la maîtresse de maison leva vers elle des yeux humides.


- Merci, pour Meron…


Daneva hocha la tête, les lèvres pincées. Avait-elle sacrifié son fils pour sauver celui de cette femme ? Quelle dérision. Pourtant, aussi forte que soit sa colère, elle ne parvenait à regretter ses actes. Elle avait fait ce qu’il fallait, elle n’aurait pu vivre en paix tout en sachant que de jeunes gens qui avaient cru en elle et en sa cause avaient été exécutés par sa faute. Et elle retrouverait Lucas, quoi qu’il lui en coûte.

- Où est Roc ?


Elle s’était étonnée de ne pas le voir à la ferme ce soir. Ariane noua fermement le baluchon et le lui tendit.

- Il est parti juste après le retour de Meron. Le jour où ces hommes sont venus… Elle baissa la tête. …il était encore alité. Il a mis longtemps à se remettre. Il s’est mis dans une colère effroyable quand il a appris ce qu’il s’était passé. Nous avons eu du mal à l’empêcher de se mettre en chasse sur le champ. Et puis Meron est rentré, disant que vous aviez été retenue à Diantra. Ce jour là, Roc a pris un cheval et il a déguerpi vers la capitale pour vous prêter main forte.
- Je ne l’ai pas vu…

Daneva soupira, sentant un nouveau poids venir peser sur ses épaules. Meron avait dû revenir à la ferme à peu près deux mois auparavant, et la jeune femme était encore à ce moment là à Diantra, à se débattre avec la libération d’Okän, qui n’avait pas été une mince affaire. Le reste du temps passé là bas, elle avait œuvré à l’organisation de la survie des Silencieux restants. Il avait fallut cacher les plus jeunes chez des familles sympathisantes, faire sortir de la ville et envoyer vers le nord les plus en danger, et donner des directives sur la conduite à tenir, mettre tout le monde à l’abris, dissimuler les biens importants de la guilde… Il était étrange que Roc n’ait pas atteint la capitale, car il aurait bien sûr su où trouver Daneva – il n’avait pas été officier chez les Silencieux pour rien. Hélas Dane n’avait pas le temps de s'en préoccuper pour le moment. Lucas passait avant toute chose…


- Vous partez vraiment, alors ? Vous pouvez rester pour la nuit, votre cheval n’a…
- Oui, je dois m’en aller tout de suite. Elle agita la lettre des ravisseurs. Ils veulent me rencontrer à Ortoup, alors j’y vais. Je ne peux pas attendre.
- Et votre ami ?
- Il est parti. Je dois y aller seule, c’est aussi l’une des… exigences.

Galbert hocha la tête, et son fils vint se camper à ses coté, un air inquiet sur le visage. Il y avait encore tant à dire… mais si peu de temps. Daneva leur adressa à tous un signe discret de la main.

- Tant que vous resterez discrets sur toute cette histoire, il ne devrait rien vous arriver. Que les dieux vous protègent.

Quelques derniers regards échangés, et elle sortit de la ferme. Quelqu’un avait pensé à attacher à la selle d’Iio un ballot de foin, et ce dernier piaffa de déception en voyant arriver sa maîtresse. Bast, le point de ravitaillement n’était pas si loin. Elle y serait dans deux heures, si l’étalon se montrait compréhensif.

La lune éclaira son chemin jusque là. La ferme s’éloigna, dans son dos, pour bientôt disparaître derrière une colline. Il fallu en fait un peu moins de trois heures à Daneva pour atteindre le lieu de rendez-vous, car dans l’obscurité elle se trompa d’embranchement et dut revenir sur ses pas. Le froid était désormais omniprésent, et même son épaisse cape fourrée ne parvenait pas à tenir à l’écart les violents tremblements qui l’agitaient toute entière.

Finalement, Iio déboucha dans une petite clairière circulaire où gisaient les ruines de ce qui avait été autrefois le point de ravitaillement sud. Damps était assis sur une souche, et se leva lorsqu’il aperçu la cavalière. Cette dernière mit pied à terre, et laissa Iio paître tranquillement. Elle leva une main pour couper court à toute question de son ami.


- Faisons un feu d’abord, je meurs de froid.

Rassembler du bois ne fut pas bien difficile, et tandis que l’homme s’occupait de faire prendre les flammes, Dane s’occupa de desseller son cheval, et étala le foin dans un coin pour qu’il puisse se restaurer. Enfin, elle alla s’asseoir au plus près du feu de camp et s’enroula dans la couverture qu’elle avait tirée de son sac. Elle grelottait toujours. Sur Nelen, l’hiver était tellement plus doux.

Lorsque Damps vint la rejoindre, elle tourna vers lui son visage soucieux.


- J’ai préféré te parler ici. J’ai peur d’être suivie… Et il vaut mieux qu’ils me croient seule.


Elle lui raconta ce qui était arrivé à Lucas en tentant de dissimuler sa détresse. Le feu la réchauffait un peu, et bientôt elle cessa de grelotter. Son histoire terminée, elle s’empara d’une branche pour retourner pensivement quelques braises.

- Je ne sais pas pourquoi ces gens ont fait ça. Ni ce qu’ils attendent de moi…

Et si ils lui demandaient quelque chose qu’elle ne pouvait pas leur donner ? Si la tâche qu’elle se voyait confiée était au dessus de ses capacités, que feraient-ils à Lucas ? Une bouffée d’angoisse prit Daneva à la gorge. Elle enfouit sa tête entre ses mains pour cacher à Damps les larmes qui lui étaient montées aux yeux. Elle se détestait de paraître si vulnérable devant lui, qui l’avait connue si forte. Mais il s’agissait de Lucas, son fils, sa chair et son sang. Elle ne pourrait pas supporter qu’on le fasse souffrir.
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MessageSujet: Re: La ferme Granchot   La ferme Granchot I_icon_minitimeVen 4 Sep 2009 - 20:47

Quand Daneva lui ordonna discrètement de se rendre au point de ravitaillement, Damps se contenta de hocher la tête et prit immédiatement la direction des montagnes pour feindre un retour à Diantra mais une fois seul, il s'orienta vers le sud et un ancien repère des Silencieux. Le froid ambiant lui tira un léger soupir de mécontentement. Progresser dans l'obscurité ne le gênait pas outre mesure mais le froid avait tendance à l'incommoder, même emmitouflé dans sa grande cape noire et protégé par son tricorne... Il était tard et les bruits étranges de la nuit avaient de quoi faire trembler le plus innocent des coeurs. Mais un coeur de pierre comme Damps ne craignait ni les bruits, ni les bêtes, ni quoi que ce soit.

Très vite il repéra un jalon -planté par les Silencieux- qui lui indiqua qu'il n'étais plus très loin de l'ancienne cache d'armes et de marchandises de la Compagnie. Il se hâta et arriva finalement dans une zone dégarnie qui semblait avoir bien changer depuis son dernier passage, il y a deux ans environ. Un tas de gravats jonchait le sol, la végétation avait été calcinée par endroits, les cabanes saccagées, les ressources éparpillées... L'endroit avait vu se dérouler un baroud qui avait dù coûter la vie ou la liberté à de nombreux Silencieux. Plongé dans ses pensées, Damps ne sentit la présence de Daneva que lorsqu'elle arriva devant lui, lui arrachant presque un sursaut.

Malgré le froid glacial, les arbres situés aux alentours restaient secs et du coup, il n'eut aucun mal à allumer un feu de bois. Quelques minutes plus tard, les deux protagonistes étaient autour du feu, se faisant face pour un conciliabule nocturne comme au bon vieux temps. Une cigarette à la bouche, Damps écouta attentivement le récit de Dane, hochant parfois la tête pour l'encourager à continuer, car il sentait que la situation la troublait au plus haut point. Il comprit alors la gravité de cette dernière... Son fils était en danger... Ce gamin pour qui elle s'était donné autant de mal, sur Nelen, tentant de combler le vide que Calis avait laissé derrière lui...

- Je ne sais pas pourquoi ces gens ont fait ça. Ni ce qu’ils attendent de moi…

Elle avait une sale mine, c’était peu de le dire, et il n'avait pas besoin de plus de lumière que la simple lueur des flammes pour le voir. Dans un geste de réconfort, il s'approcha d'elle et lui saisit la main, une main aussi froide que la mort qu'il serra bien fort comme pour tenter de la réchauffer... Puis il libéra le visage enfoui en se saisissant de l'autre main, imitant son précédent geste et découvrant le visage fatigué et chagriné de la belle... Elle ne devait sans doute pas vraiment s'attendre à ça de sa part, qu'il lui prenne les mains avec autant de douceur... Mais c'est bien tout ce qu'il pouvait faire. Quand il la lacha finalement, il soupira en replaçant une des mèches brunes de la Silencieuse qui lui barrait le visage.

"Ca va aller, Dane... Je vais t'aider à récupérer ton fils, même si je dois donner ma vie pour ça... Allons, repose-toi un peu et dès que tu seras prête, nous partirons pour Ortoup."

La voix du borgne s'était fait neutre, comme s'il communiquait ses pensées d'une simple équation... Pourtant l'envie d'aider Daneva était bien présente, plus que jamais ce soir là... Il garda son amie contre lui, comme un frère protégeant sa soeur... Comme pour la rassurer, il répéta ces quelques mots, qui n'étaient qu'un murmure dans la nuit, doux et patients...

"Ca va aller..."
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MessageSujet: Re: La ferme Granchot   La ferme Granchot I_icon_minitimeSam 12 Sep 2009 - 22:58

Le contact avec les mains glacées de son compagnon fut en effet assez surprenant, mais Daneva voguait déjà trop loin pour s’en inquiéter davantage. Elle serra entre ses doigts ceux de Damps et releva les yeux vers lui, les lèvres pincées.

- Tu étais là.

Elle faisait allusion à cette terrible soirée, durant laquelle Calis était mort. Chaque détail de ce drame avait été gravé au fer rouge dans la mémoire de la jeune femme. Elle revoyait l’éclat de la lune, le silence de ses pas sur les dalles de l’allée, le trouble de son regard quand elle avait aperçu Calis de l’autre coté de ce pont… Et surtout ses yeux à lui, lorsqu’il l’avait reconnue, qui s’étaient écarquillés de stupeur. Il la pensait morte… Et à peine se rendait-il compte de son erreur que c’était lui qui la quittait, pour de bon. Juste avant de percuter l’eau, Daneva avait entendu son souffle rauque accueillir l’agresseur. Quelques secondes plus tard, il sombrait à coté d’elle… Cela avait été tellement dur à accepter ! Toutes ces années à braver la mort, à se jouer de tous les pièges, à sauter au dessus des précipices les plus abrupts en riant comme une enfant ! La Mort avait souvent agité ses doigts osseux au dessus de sa tête, mais sans jamais réussir à l’attraper. Daneva l’Intouchable, c’était ainsi qu’elle se voyait. L’insouciance avait tracé sa route et l’avait menée, au culot, dans les situations les plus improbables avec un naturel à toute épreuve. Jusqu’à ce que Calis tombe. Quelque chose s’était brisé en Daneva. Son assurance s’était envolée, et ses rêves avaient suivi… Il n’y avait plus eu que la vengeance, une colère dévastatrice qui avait envahit la voleuse jusqu’au plus profond de son être. Kurt l’avait jetée à terre, dans tous les sens du terme, mais elle avait fini par le tuer et cela ne lui avait apporté aucun réconfort. Sa vie était devenue aussi vide que le néant qui sépare les étoiles. Elle avait continué à s’enfoncer dans cette eau noire, ne se souciant même plus de la suite.

Puis il y avait eu Lucas, et tout avait recommencé. Daneva n’avait plus touché à un verre d’alcool depuis le moment où Sin lui avait appris qu’elle attendait un enfant. Lucas était Calis, qui revenait pour lui apporter sa lumière, et Dane comptait bien empêcher la vie de le lui prendre, cette fois. Depuis la naissance du petit homme, tout ce qu’elle avait entrepris et réalisé avait été réfléchis dans un but caché : maintenir Lucas à l’abri et lui offrir la meilleure vie qu’elle était capable de construire autour de lui.

Là encore, elle risquait d’échouer.


- Tu sais ce qu’il s’est passé.

Un inconnu avait secouru la jeune femme au moment critique, mais c’était Damps qui l’avait retrouvée, inconsciente et complètement nue devant l’auberge où elle venait de commettre l’un des crimes les plus atroces de l’histoire de Diantra. Il l’avait ramenée au quartier général et s’était occupé d’elle jusqu’à ce qu’elle ait la force de se lever. C’est à cette époque que les Silencieux avaient fuis la capitale pour aller s’installer à Nelen.

Daneva n’avait aucune envie de se souvenir de tout ça, mais les images dansaient devant ses yeux avec la même intensité que si tout cela venait de se produire. Instinctivement, sa main libre alla se poser sur son ventre, dans un geste qu'elle avait souvent répété pendant sa grossesse, pour n’y trouver ce soir que le ventre dur et plat qu’elle s’était reconstruit à force d’entraînement physique. La sensation de manque fut intense.

Heureusement l’épuisement eut vite raison de la jeune femme, qui s’endormit finalement sur l’épaule solide de son ancien bras droit. Les mauvais souvenirs étaient trop affreux pour être ressassés longtemps… Et cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas sentit la rassurante chaleur de bras amis autour d’elle dans l’obscurité qu’elle n’eut pas d’autre préoccupation que de vider complètement son esprit afin d’être pleinement opérationnelle le lendemain.

Le ciel était toujours aussi sombre lorsqu’elle rouvrit les yeux. Elle se redressa aussitôt, la gorge nouée, pour constater la situation. Damps était allongé à coté d’elle, la respiration lente, mais il ouvrit un œil en la sentant s’agiter. Elle lui fit un signe rassurant de la tête et se leva complètement. Lucas avait bel et bien été enlevé. Toute cette histoire n’était malheureusement pas un cauchemar… Et il était temps de se ressaisir. Daneva n’était pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Iio la laissa s’approcher sans broncher et l’aventurière put inspecter rapidement ses sabots. Cet animal était lui aussi un allié de premier choix dans la chasse qu’elle entreprenait, et elle avait intérêt à mettre toutes les chances de son cotés si elle souhaitait réussir. Rapidement, elle le sella et fit passer les sacoches de part et d’autre de son dos. Damps n’ayant pas de monture, il monterait en croupe derrière elle jusqu’à ce qu’ils puissent acheter un autre cheval. Mis à part le fait que Lucas manquait atrocement à sa mère et qu’elle brûlait d’inquiétude à son sujet, ils n’avaient de raison spéciale de se presser. Tous trois exténués, ils valait mieux pour eux arriver en forme au point de rendez-vous. De plus, les ravisseurs ne savaient pas forcément quand Daneva trouverait la lettre qu’ils avaient laissée, l’aubergiste auquel ils faisaient allusion ne devait donc pas attendre la jeune femme à une date précise.

Le jour se leva peu à peu alors que Dane s’affairait. Lorsque Damps se redressa à son tour, elle lui tendit une tranche de viande séchée, puisée dans ses propres provisions, et le regarda manger sans rien dire, elle-même rassasiée. Elle aurait du mal à se l’avouer tout de suite, mais sa présence lui était d’un grand réconfort. Depuis presque deux ans, c’était la première fois qu’elle n’avait pas la sensation d’être seule.
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MessageSujet: Re: La ferme Granchot   La ferme Granchot I_icon_minitimeMer 14 Juil 2010 - 16:03

- Tu étais là.

Les yeux fermés, Damps ne répondit pas tout de suite, ignorant dans un premier temps ce à quoi elle faisait allusion. Il avait souvent été là, à ses côtés, et ce depuis qu'il l'avait rencontré, ce petit bout de femme, cette force de la nature dont le nom et la présence chez les Silencieux avait été synonyme d'espoir et de changement... A 16 ans, Damps avait eu plus que besoin de ce genre de repère, cette amie, cette soeur qui avait su même sans le savoir faire disparaitre ce froid implacable dans le regard du Silencieux pour qu'une lueur de tendresse y apparaisse... Cette tendresse héritée de sa mère aujourd'hui disparue.

- Tu sais ce qu’il s’est passé.

Mais cette soirée, il ne l'oublierait jamais, en effet... La voir dans un tel état, l'avait mis hors de lui, à tel point qu'il avait faillit quitté l'organisation qui ne s'était presque pas manifestée au moment des faits! La mort de Calis avait été la conséquence de l'incompétence de certains membres des Silencieux, et avait mené à la chute funeste et inéluctable de la Compagnie... Même à Nelen, personne n'avait vraiment pu faire le deuil de cette tragédie... Surtout pas Dane, qui avait en plus du assumer la naissance d'un enfant, qu'on lui avait injustement enlevé.

"Kurt a payé. L'Enfer l'a accueillit à bras ouverts." murmura t-il à voix basse comme pour rassurer Dane, avant de tirer une nouvelle bouffée de sa cigarette.

Sa nature vengeresque avait parlé à sa place. Lui qui avait tant souffert de la mort de son père, puis du chagrin fatal de sa mère, avait toutes les raisons du monde d'avoir la haine. La question était: envers qui ? Etait-ce la Compagnie qui l'avait tant fait souffrir? Peut-être mais il refusait de l'admettre, pour lui c'était les autorités, les hommes de loi et rien d'autre...

"Reste forte, avale tes larmes comme tu l'as toujours si bien fait. Tu es la femme la plus courageuse que je connaisse. Et ce compliment a beaucoup de sens venant de moi, machiste que je suis..." plaisanta t-il en esquissant un petit sourire inhabituel.

Une femme courageuse qui lui rappellait une fois de plus sa mère, qui avait tant subit sans jamais baisser les bras, qui s'était tant battue contre la volonté du père pour que son fils ne rentre pas dans la Compagnie, aujourd'hui il comprennait pourquoi. Elle avait toujours voulut le préserver du risque en fait, de la mort qui s'était emparé de son père, de la justice, ennemie des Meyshik depuis des générations.

"Je ne t'ai jamais dis. Je m'appelle Salman."

lui confia t-il, alors que c'est la première fois de sa vie qu'il révelait son vrai prénom, celui qu'il portait avant d'adopter le surnom de Damps. Un petit sourire nostalgique s'était installé au coin de ses lèvres, une pointe d'amertume mais un brin de soulagement de s'être débarassé d'un "poids" qui n'en était plus vraiment un, depuis le temps qu'il s'était fait une raison. Mais Daneva était la seule qui méritait vraiment de connaitre un peu plus son ancien capitaine. Même si elle le connaissait par coeur, dans l'action, son passé restait trouble bien qu'elle savait que son père avait servit la Compagnie.

Celle qu'il considerait aujourd'hui comme sa soeur s'endormit finalement sur son épaule, avant que lui-même ne ferme les yeux et bascule dans le monde de morphée. Leur courte nuit de repos se passa sans encombres, si l'on omettait quelques bruits nocturnes, des cris d'animaux ou d'autre chose qui sait... Et puis ils se réveillèrent, presque en même temps, comme conscients que le devoir qui les attendait ne pouvait attendre plus longtemps. Il accepta sans broncher la nourriture que lui tendit Daneva, désireux d'être un forme pour l'éventuel combat qui les attendait, puis se leva et s'étira, avant de s'avancer vers le cheval et de le caresser.

"Tu prends les rênes ?"
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MessageSujet: Re: La ferme Granchot   La ferme Granchot I_icon_minitimeJeu 22 Juil 2010 - 6:12

- Oui.

Après avoir rassemblé rapidement ses affaires, elle se leva à son tour et saisit les rènes de Iio. Fatiguée, elle réussi néanmoins à passer une jambe par dessus la croupe du cheval sans avoir l'air de lui tomber dessus. Puis elle tendit la main à son ami pour l'aider à monter derrière elle. L'étalon broncha sous la charge supplémentaire qu'on venait de lui imposer, mais mis à par un petit écart il la supporta sans problème. Il avait toujours été vigoureux, cependant cela ne suffisait pas à Dane.

- Il faudra voler un cheval dans la prochaine ville. Je n'ai plus aucun sous sur moi.

Elle se retint de faire remarquer que si c'était une rançon que récclamaient les ravisseurs, elle n'aurait rien à leur donner.
Ces derniers événements l'avaient courbatue et épuisée, en plus de la mettre dans un état de panique sans précédent. Quelle folie d'avoir laissé Lucas seul dans cette ferme... Cependant elle n'arrivait pas à se convaincre qu'elle aurait pu faire autrement. L'emmener à Diantra aurait été plus inconscient encore, car elle y avait plus d'ennemis que nulle part ailleurs. Du moins c'était ce qu'elle pensait jusqu'à ce qu'on lui apprenne qu'on l'avait enlevé, même mêlé à des fermiers au fin fond de la campagne de Langehack. Son malheureux état végétatif ne lui permit cependant pas d'ignorer la présence de Damps derrière elle, qui désormais ne la réconfortait plus du tout. Cela lui rappelait cette période bénie durant laquelle elle était tombée amoureuse de Calis. Ils avaient chevauché de concert sur le même cheval des semaines durant, alors qu'ils escortaient le nain Geraldim jusqu'à la riche cité naine de Kirgan.

Elle secoua la tête. Cela faisait presque un an qu'elle se sentait guérie de la disparition de son amant. Les pensées noires qui l'assaillaient n'étaient dû qu'à son état de faiblesse, et il était hors de question d'y succomber. Elle avait une tâche importante à accomplir.


- Dis moi, Damps... Comment dois-je t'appeler maintenant ?

Elle avait moins posé cette question par nécessité d'avoir une réponse que pour se changer les idée et briser la morne monotonie de leur voyage. Elle se rendait compte qu'elle n'avait pas desserré les lèvres depuis qu'ils étaient partis, et le soleil était déjà haut dans le ciel. Son cher officier, mais ami avant tout, qui l'avait quittée si longtemps et sans explication, lui revenait miraculeusement au moment où elle avait le plus besoin de lui. N'avait-elle pas tant de choses à lui dire ?

Le sentier coupait à travers bois pour rejoindre une petit bourgade en contrebas, c'était du moins ce qu'indiquaient le panneaux. Le ciel était gris et les nuages bas. Un orage éclaterait sans doute avant le soir. Il leur faudrait trouver un abri avant la nuit, car mouillée et fatiguée par un froid pareil, Dane tomberait surement malade sans un bon feu et un repas consistant. Elle se laissa doucement aller contre la poitrine de Damps, heureuse malgré tout qu'il l'accompagne dans cette épreuve. Il avait sans doute beaucoup de questions à lui poser sur tout ce qui s'était passé.
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