Une randonnée dans les montagnes [Rp avec Aureane]

Nicolaï avalait son repas sans réelle conviction. Il n'avait pas faim. Il n'avait pas envi de manger encore la même chose que la veille et l'avant veille. Et puis aussi, il se sentait déprimer. Cette petite gué guerre qu'il menait contre Aureane le minait intérieurement. C'était... insoutenable. Il n'avait qu'une seule envie: la prendre dans ses bras. Mais d'un autre côté, à chaque fois qu'il y pensait, il se souvenait des mots qu'elle lui avait dit ainsi que du fait qu'à chaque fois qu'il s'était approché d'elle, elle avait tout fait pour s'éloigner. Ou bien un malheur les avaient tout les deux séparé. Bref. Aureane était sans aucun doute bien mieux comme elle l'était maintenant. Même si les larmes qu'il l'avait entendu verser la veille et le déchirement que le jeune homme ressentait lui disait le contraire.

Plus déprimer à chaque seconde qui passait, Nicolaï regardait son morceau de boeuf salé avec un regard torve. Lorsqu'ils seraient rentré à Ysari, il dévorerait tout un cageot de pomme et peut-être même qu'il viderait les cuisines du palais d'Harnyll de tout leurs fruits. Il en avait assez de la viande salée.

Au moins, pendant qu'il grognait intérieurement après le fait que les rations étaient ridiculement petite et la nourriture à peine mangeable, il ne pensait pas à Aureae.

La jeune femme se mordillait la lèvre de plus en plus nerveusement. Mais bon. Ça, bien entendu, il ne pouvait pas le voir puisqu'il ne la regardait pas. S'il avait été un peut moins idiot, sans doute aurai-t-il levé les yeux. Il aurait vu l'état dans lequel elle était et aurait certainement sentit venir quelque chose. Mais foutue tête de pioche comme Gregor aimait dire qu'il était, il avait gardé les yeux obstinément baissé pour ne pas la voir. Notre gros benet (eh oui au bout d'un moment, il faut dire aussi se qui est) de chevalier était en train de finir son repas, en se demandant s'il allait pouvoir supporter d'entendre pleurer Aureane une nouvelle fois. Elle avait dit des choses qui l'avaient terriblement blessé. Mais... jamais elle n'avait été aussi lucide qu'en ce moment depuis leurs retouvailles. Elle ne tressait pas son cheval et ne parlait pas non plus à des membres des sa famille. Elle était Aureane.

Parfois (même souvent d'ailleurs) les filles se ventent d'avoir plus de jugeote que les garçons. Soyons clair, nous en avons un exemple flagrant sous les yeux. Se fut Aureane qui se dirigea vers Nicolaï la première. Est-ce qu'elle avait craquer? En tout cas, se fut elle qui mit fin au silence qui s'était installé entre eux. Elle alla finalement s'agenouiller devant lui.

Réaction instantanée de Nicolaï: on ignore la jolie jeune femme. Si elle désirait à nouveau dire quelque chose de blessant, au moins il ne pourrait plus faire preuve d'indifférence. C'était déjà le cas. Et puis, vu tout se qu'il avait déjà encaissé, il voyait difficilement se qu'Aureane pouvait faire de pire.
" Nicolaï… "

Bon début. Elle ne l'avait pas appelé Fald. C'était déjà ça de prit.

Il sursautat très légèrement lorsqu'il sentit la main d'Aureane se poser sur la sienne. Puis lorsqu'elle repartit, une vague de désespoir l'envahit.

*Non. Laisse la. Je voudrait sentir ta main sur la mienne. Je veux te savoir prêt de moi. Aureane. Reste... Espèce d'idiot. Pourquoi est-ce que tu n'arrive pas à le lui dire tout simplement?*

Elle n'osait pas la regarder et lui non plus. Ils faisaient vraiment la paire tout les deux. Un oracle interessant avait prédit que les enfants de Nicolaï auraient les yeux d'Aureane (holà, ça vas plus. Les délire de la CB envahissent le RP). Mais les caractères réunis de nos deux tourteraux qui se tournent autour ferait un mélange des plus intéressant. Enfin, c'est un avis du narrateur qui vas vite reprendre sa narration avant de se faire virer par le big boss dehors qui a pas l'air follement ravis.

Après toute ces petites divagation, revenons en à notre narration. Aureane semblait en pleine panique, n'arrivant pas à parler comme si on lui avait subitement retirer les cordes vocales. Vouloir prendre les choses en mains et briser ce blocus de silence qui s'était installé entre eux, c'était une chose. Parvenir à franchir la pas, s'en était une autre.

" Je… "

Si Nicolaï ne regardait toujours pas la jeune femme, elle avait toute son attention. Allait-elle réussir à faire le premier pas vers lui? C'était se qu'il espérait depuis tant de temps. Qu'elle lui dise quelque chose. N'importe quoi. Mais quelque chose qui lui ferait comprendre les sentiments qu'elle avait à son égard. Même si s'était pour s'entendre dire qu'il faudrait qu'il arrête d'insister. Il le ferait. Mais il voulait l'entendre de sa bouche. Lorsqu'elle était lucide et consciente de se qu'elle lui disait.

Il était tout à fait conscient que se n'était pas facile pour elle. Mais il voulait l'entendre. Il ne la laissait pas accrocher son regard. Cela risquerait de la bloquer dans son élant. Elle était partie. Hors de question de l'arrêter maintenant.

Mais l'attente s'éternisait et il ne se passait rien. Nicolaï hésitait à se mettre à parler. D'une certaine manière, il avait autant envie que la jeune femme que cette situation s'arrête. Mais il ne dit rien.

Elle se mit soudain à parler précipitamment. Les mots s'échappant de ses lèvres comme une cascade. Elle ne maîtrisait plus rien du tout et se laissait totalement aller.

" Je ne peux pas revenir en arrière mais... mais si je pouvais je le ferais... je m'en veux mais... mais je n'y peux rien... m'excuser encore ne changera rien alors... alors je ne sais pas quoi faire... "

Oui. Il ne servait à rien de remuer le passé. C'était inutile. Mais ce passé la ne l'était pas encore assez pour que Nicolaï l'oublie complètement. C'était trop récent. Les excuses? Elle les lui avaient déjà dites. En effet. Cela ne changerait pas grand chose. Se n'était pas des excuses qu'il voulait. S'était l'entendre dire quelque chose. Une chose que la VRAIE Aureane lui aurait dit. Elle le lui aurait en tout cas dit après le bateau. Juste avant qu'ils ne soient séparé. Se n'était pas une phrase en particulier. Mais... Enfin, c'est compliqué de décrire ça.

La gorge nouée, Aureane murmura finalement :

" Tu me manques. "

La réaction de Nicolaï fut presque instantanée. Ses yeux trouvèrent ceux d'Aureane.

Elle était belle. Il ne l'avait pas regardée pendant deux jours et la trouvait d'autant plus belle. C'était comme s'il la voyait pour la première fois. Oui. Vraiment belle.

Il resta un bon moment sans faire le moindre geste. En tout cas, pas immédiatement. Il resta là, planté devant elle sans paraître comprendre se qui se passait là. Elle venait de dire se qu'il attendait depuis si longtemps.

" Tu me manques. "

Trois mots qui étaient à présent définitivement gravé dans la mémoire de Nicolaï. Ils effaçaient tout se qui avait été dit avant. Doucement, il s'approcha d'Aureane et lui prit la main. Une main qu'il tourna un moment dans ses propres mains, la caressant doucement. Il resta à la regarder un moment avant de prendre la jeune femme dans ses bras, la serrant contre lui. Il restèrent un instant ainsi. Aureane paraissait complètement s'abandonner dans ses bras.

« Je... Je... Je t'... J... »

Non. Il n'arrivait pas à le lui dire. Il n'y parvenait plus. Sans doute le souvenir des deux fois qu'il avait prit cette liberté avec elle.

Doucement, il prit la main d'Aureane. Appuyant doucement, il traça les mots qu'il était incapable de dire. Espérant qu'elle comprendrait le message qu'il tentait de lui faire passer.

Elle arrivait enfin à capter son regard. Aureane n'y croyait plus, à ce moment, elle s'attendait à le voir s'éloigner sans avoir daigné lui dire un mot. C'était en soi un soulagement, mais elle ne savait toujours pas à quoi s'attendre. Il ne disait plus rien, elle non plus, son cœur s'accéléra à mesure que le temps passait. Qu'allait-il faire ? La rejeter ? Lui dire qu'elle en avait assez fait comme ça et qu'il voulait qu'elle le laisse en paix ? Ses yeux se remplirent de larmes mais elle continua à le regarder. Elle n'avait plus envie de fuir. Elle savait qu'elle n'était pas dans son état normal, mais pour une fois, cela pouvait lui servir, alors autant en profiter pour s'accrocher et aller jusqu'au bout.

Nicolaï finit par réagir, lui prenant la main, la jeune fille cessant de respirer... jusqu'à ce qu'il la prenne dans ses bras. Elle l'enlaça spontanément, le serrant de toutes ses forces. Elle ignorait si elle riait ou pleurait, sans doute un peu des deux, elle ne savait plus où elle en était, mais elle avait compris qu'il n'allait pas la rejeter. Alors, c'était sans doute des larmes de joie qui coulaient. Elle s'écarta un peu de lui alors qu'il tentait de lui parler, le regarda prendre sa main et tracer... J...

Aureane resta fixée sur sa main un instant, releva les yeux vers Nicolaï l'air d'avoir quelques secondes de passage à vide... puis elle sourit légèrement, hocha la tête pour montrer qu'elle comprenait, alors que son visage s'illuminait peu à peu. Cette fois, ce fut elle qui le prit dans ses bras. Elle se sentait soulagée et surtout... heureuse. Pleinement heureuse. Comme elle ne l'avait pas été depuis... depuis... elle ne savait plus, elle était trop émue, mais depuis suffisamment longtemps pour se sentir transportée. Elle n'avait plus envie de lâcher Nicolaï, elle voulait rester blottie contre lui, mais... Il restait une zone d'ombre dans tout cela, qui lui fit perdre son sourire rapidement. Elle se recula à nouveau et baissa les yeux.

" Je suis désolée... je suis tellement désolée... "

Ce n'était pas seulement des excuses, c'était aussi une façon d'exprimer la peur qu'elle avait de recommencer à divaguer. Elle avait eut le temps de réfléchir, de se poser des questions sur ce qu'elle avait pu dire et, si ses souvenirs étaient flous, elle avait vu le résultat de son comportement. Enfin, elle n'avait pas fait tout cela pour ne plus oser le regarder en face, aussi elle planta à nouveau ses yeux dans les siens et formula plus clairement :

" Je n'ai jamais voulu te faire du mal mais... j'ai peur de recommencer. "

Voilà, c'était dit. Elle respira à nouveau plus librement, mais lui prit les mains : elle avait besoin de savoir qu'il était là. Comme chaque fois qu'elle était perdue, elle se mordit la lèvre mais finit par ajouter :

" J'ai peur de te dire encore des horreurs que je ne pense pas... que je ne penserais pour rien au monde, tu comprends ? "

Elle s'aperçut qu'elle lui serrait les mains trop fort tant elle était tendue et relâcha légèrement la pression, continuant malgré tout.

" Je sais que... que je ne me souviens pas de ce que j'ai dit... ou fait. Mais je sûre que jamais, jamais je n'aurais pu dire consciemment quelque chose qui... enfin... "

Elle n'arrivait pas à finir sa phrase mais l'idée générale y était. Elle ne posait aucune question et n'exigeait pas de réponse : elle savait qu'elle lui avait fait du mal mais... elle aurait aimé qu'il montre qu'il comprenait, au moins un tout petit peu, qu'elle n'avait jamais voulu le faire souffrir.

Nicolaï ne voulait pas qu'elle continue mais elle avait besoin de parler et de clarifier la situation une bonne fois pour toutes. Elle savait ce qu'elle disait, pour une fois, même si elle sentait que ses pensées avaient du mal à ne pas se limiter à l'instant présent. Mais si cela ne durait pas... Il fallait qu'elle parle. Elle se tut pourtant lorsque le jeune homme posa une main sur ses lèvres. Après tout, elle en avait assez dit, remuer le passé ne serait que plus douloureux et c'était à présent inutile d'en rajouter. Mais il fallait qu'elle sache s'il avait compris... au moins un tout petit peu, ou s'il niait simplement l'évidence. Ce n'était pas du tout pareil, pour elle. Elle avait braiment besoin de savoir, elle ne pouvait pas faire comme si tout allait bien.

" Je ne veux pas qu'on en parle. Et encore moins maintenant. Je veux t'avoir auprès de moi et profiter de ce moment d'accord ? "

Aureane lui jeta un regard désespéré. Bien-sûr qu'elle aurait préféré profiter de l'instant ! Mais ensuite ? Que ferait-il lorsqu'elle profèrerait à nouveau des horreurs ? Il se boucherait les oreilles en attendant que ça passe ? Et elle, que ferait-elle quand elle ne serait plus qu'en mesure de constater les dégats ?

" Ce que tu vas dire ou faire, je m'en moque. Du moment que tu me promets de tout faire pour rester aussi lucide que possible, je ne veux pas savoir le reste. "

Après quelques secondes d'hésitation, elle finit par sourire à nouveau : c'était suffisant. Elle hocha la tête aussitôt, rassurée :

" C'est promis. "

Il l'embrassa, avant de la serrer contre lui et elle se réfugia dans ses bras avec bonheur. C'était presque trop beau pour être vrai. Aureane se sentait déjà déconnectée de la réalité mais jusque là elle en avait souffert. A présent, elle était transportée de joie, peut-être encore dans un état second, mais tellement contente d'avoir retrouvé Nicolaï que ça n'avait plus d'importance. Même s'il se trompait et qu'elle savait qu'elle était loin d'être elle-même, il avait raison : ce qui comptait c'était de profiter de l'instant présent.

" Si tu me promets que tu reviendras à la raison, que tu ne resteras pas toujours dans cet isolement, cela me suffit. Je n'ai pas besoin d'en savoir plus. Tout ce que je veux, c'est savoir que quoi qu'il arrive tu resteras avec moi. "

Aureane perdit instantanément son sourire. Elle ne pouvait pas lui promettre cela, ça ne dépendait pas d'elle. Elle pouvait lui promettre de s'accrocher, mais... Elle n'avait jamais su mentir, elle garda le silence et le serra à nouveau dans ses bras en essayant de se convaincre elle-même. Après tout, elle savait qui il était pour le moment, où ils se trouvaient et dans quel but ils voyageaient. C'était mieux que rien. Elle finit par soupirer :

" Je ferai tout ce que je peux, c'est promis. "

Elle ne pouvait rien lui promettre de plus en restant honnête avec lui et elle refusait de lui mentir en le sachant, elle le faisait suffisamment lorsqu'elle était inconsciente. Restant serrée contre lui, elle se dit une fois de plus qu'il valait mieux profiter de l'instant présent. Ça faisait deux jours qu'elle rêvait de le retrouver, alors elle pouvait bien cesser de s'inquiéter.

" Aureane... est-ce que tu m'aimes ? "

La jeune fille se raidit un instant et le regarda à nouveau en se mordant la lèvre. Elle finit par répéter doucement :

" Est-ce que... "

Pourquoi est-ce que cette question lui paraissait si compliquée et menaçait à nouveau de la faire paniquer ? Enfin, pas compliquée parce que la réponse était évidente mais...

" Je... "

Se jetant à nouveau dans ses bras, elle murmura finalement :

" Oui, oui, oui et... je te l'aurais dit plus tôt si... mais... je voudrais... "

Elle le serra plus fort dans ses bras pour être certaine qu'il n'allait pas s'envoler et poursuivit :

" Je voudrais... savoir que je suis moi et... te le dire... te le dire en face... te le dire vraiment... "

Non, elle ne voulait pas encore pleurer, elle l'avait assez fait dernièrement. Aussi, elle se redressa pour plonger à nouveau dans son regard métallique et ajouta doucement :

" Je ne doute pas, ça j'en suis sûre, mais... je veux être moi, tu comprends ? "

Elle eut un petit sourire et lui caressa la joue tendrement :

" Je crois que j'ai beaucoup de chance de t'avoir rencontré. "

Un petit moment de silence, puis :

" C'était lors d'un tournoi, n'est-ce pas ? "

Elle se souvenait... d'un chevalier en armure étincelante. C'était comme un rêve, en mieux. D'ailleurs, elle devait être dans un rêve, ce ne pouvait qu'être ça, c'était trop beau pour être vrai. Ce n'était pas grave, tant qu'elle était avec lui. Oui, elle revoyait ce jeune homme qui faisait le tour de la lice et qui s'approchait d'elle tandis que son cœur s'accélérait.

" Tu es... le chevalier d'argent... au dragon azur ? "

Elle souriait, heureuse de se rappeler enfin de quelque chose d'un peu plus consistant. Elle ne savait pas ce qui se trouvait avant et après ce souvenir, mais elle savait que c'était un beau souvenir.

Ce n'est pas sans surprise que Je'skar retrouva les deux humains étroitement enlacés l'un contre l'autre. Il les avaient entendu murmurer une partie de la nuit mais après l'obstination qu'avait passer le jeune homme à ignorer la jeune femme pendant les deux derniers jours, Je'skar n'aurait pas cru avoir le temps de les voir se réconcilier. Bah... Les humains étaient moins rancunier et pardonnaient vite. D'un autre coté, eux n'avaient pas l'éternité. Leurs brêves vies les obligaient à vivre à cent à l'heure. Il les réveilla sans douceur et ils repartirent pour une journée de chevauchée. Les paysages rocailleux devenaient répétitif et lassant... La journée ne fut ponctuée que par une pause repas avant la nuit.


Les premiers grains de sable commencent à parsemer notre route. Nous avons chevauché toute la journée, mais déjà les vents nous rendent la tache difficile. Je'skar choisit d'arrêter le voyage avant la tombée de la nuit et de rester à couvert des montagnes. Ils étaient déjà fatigués. Demain... Demain ils affronteraient la difficulté du désert, des tempêtes de sable et de la peur de se perdre...

{ Je n'interviendrais plus dans ce topic, je vous ai donné la base des deux jours. Demain, je lancerai la traverse du désert }

" Je comprends. Mais là, maintenant. Tu es toi. "

Non. Elle n'était pas elle-même, elle le sentait et ce n'était pas qu'une question de souvenirs. Elle aurait été incapable de dire ce qui clochait, mais elle n'était sûrement pas dans son état normal, elle l'aurait juré. Tant pis, elle ne voulait pas briser l'instant et les illusions de Nicolaï. Après tout, ça ne changeait strictement rien à ce qu'elle ressentait pour lui, de cela elle était certaine.

" Oui. Et toi, la demoiselle bleue. "

La jeune fille laissa échapper un petit rire à cette idée, même si elle situait assez mal la scène, elle y voyait bien Nicolaï et elle savait qu'elle aimait le bleu... Lorsqu'il se leva pour aller chercher les couvertures elle eut un instant d'inquiétude mais se rassura rapidement. Il était plus que temps de dormir et elle s'allongea contre le jeune homme sans se faire prier, gardant un petit sourire ravi aux lèvres. C'était quand même bien mieux de l'avoir tout contre elle que de se contenter de la chaleur de sa cape. Il commença à lui parler de ce qu'elle avait oublié et elle s'endormit sur tous ces souvenirs heureux, se sentant toute légère.

Le lendemain matin, la brusquerie de Je'skar laissa Aureane indifférente tant elle se sentait sur un petit nuage. Se réveiller aux côtés de Nicolaï l'avait mise d'excellente humeur pour la journée. Ni les courbatures dues à la chevauchée, ni la paysage morne ne lui firent perdre le petit sourire qui flottait sur ses lèvres.

Jusqu'à ce qu'ils s'allongent à nouveau pour la nuit... et qu'elle voit quelque chose dans l'obscurité qui la fit se raidir. Jetant un coup d'œil à Nicolaï, elle s'aperçut que ce dernier s'était déjà endormi et elle n'osa le réveiller. Ce n'était pas si grave. Peut-être que demain... elle ne verrait plus rien ?

Ce fut la première chose qu'elle vérifia se réveillant : elle la voyait encore. Sans la quitter des yeux, elle posa une main sur le bras du jeune homme, anxieuse.

" Nicolaï... "

Au son de sa voix, il n'était pas difficile de voir que quelque chose n'allait pas. Pas du tout, même. D'ailleurs, elle fixait le vide d'un air effrayé.

" Est-ce que... Est-ce que tu la vois ? "

Non, il ne voyait rien du tout, tout simplement parce qu'il n'y avait rien à voir si ce n'était la pierre du paysage et un drow qui préparait sa monture en se demandant sans doute ce qu'elle allait encore inventer comme délire et combien de temps il mettrait avant de craquer et l'assommer pour avoir la paix. Il n'y avait rien. Au moins, Aureane s'en doutait un peu. Sauf qu'elle, elle avait un autre spectacle devant les yeux et qu'elle ne pouvait pas en faire abstraction comme ça.

" Qu'est-ce que tu fais là ? " demanda-t-elle finalement d'une petite voix, mais pas en s'adressant à Nicolaï.

N'obtenant qu'un regard noir en retour, elle se tourna vers le jeune homme, légèrement désespérée, en essayant de faire taire la panique qui commençait à l'envahir :

" Je t'ai déjà parlé de ma famille ? "

Possible, elle ne se rappelait pas vraiment. Enfin, mieux valait tard que jamais si ça n'avait pas été le cas. Elle continua précipitamment :

" J'ai... j'ai... une sœur... Cyrielle... et je... je la vois... Elle n'est pas contente du tout... Elle nous suit... Je l'ai déjà vue hier soir... "

Aureane hésitait entre y croire ou pas. Elle voyait sa sœur : elle la voyait même très nettement. Mais elle avait aussi promis à Nicolaï de s'accrocher et elle savait qu'il y avait peu de chance pour que Cyrielle soit réellement là. Seulement, c'était tellement... enfin, elle avait vraiment l'impression de pouvoir la toucher. En même temps, elle avait peur que le jeune homme prenne très mal ce nouvel accès de ce qui était probablement de la démence.

" Je sais que... "

Elle avait besoin d'une confirmation. Dans un sens ou dans l'autre, peu importait, mais qu'il lui dise ce qu'elle pouvait croire avant qu'elle ne craque définitivement. Cyrielle ne cessait de les fixer d'un air réprobateur. Aureane serra le bras de Nicolaï pour s'assurer qu'il était encore là et répéta en essayant d'empêcher sa voix de trembler :

" Dis moi si tu la vois... "

Aureane s'accrocha au regard du jeune homme en hochant la tête. D'accord, ce n'était qu'une hallucination. D'accord. Une hallucination. Rien de plus.

" Elle... ne me fera pas de mal... Cyrielle ne me ferait jamais de mal. C'est juste que... je crois qu'elle me reproche quelque chose. "

Ce n'était pas sa sœur en elle-même qui lui faisait peur, c'était de la voir alors qu'elle n'était pas censée être là. Elle jeta un coup d'œil vers cette dernière qui semblait la surveiller d'un air sévère.

Le temps de remonter à cheval, Aureane passa le plus de temps possible près de Nicolaï et fut soulagée de se retrouver avec lui sur le cheval. Elle évitait autant que possible de regarder autour d'eux.

" Non... il n'y a rien d'autre, ça va. "

Mais Cyrielle restait et elle les suivait sans aucun doute. Il suffisait qu'Aureane lève les yeux un instant sur le paysage pour qu'elle la voit. Dans ces instants, la jeune fille ne disait rien, regardait les rênes fixement et se serrait un peu plus contre Nicolaï. Lui était bien réel. Enfin... elle l'espérait.

" Je me souviens de la fois où tu m'as montré la mer... " finit-elle par dire, afin de se changer les idées en discutant.

Elle sursauta dans la foulée et ouvrit de grands yeux effrayés avant d'essayer de se calmer.

" Cyrielle... elle... n'est pas contente ! "

Aureane secoua la tête et ferma les yeux pour chasser l'image de sa sœur.

" Mais pourquoi je la vois ? Pourquoi si je sais qu'elle n'est pas là ? Ça n'a pas de sens ! " s'exclama-t-elle, les nerfs à fleur de peau.

Elle rouvrit les yeux, s'aperçut que Cyrielle l'attendait un peu plus loin : elle se plaçait toujours un peu avant l'endroit où ils devaient passer. Ils lui passaient devant, puis elle réapparaissait un peu plus loin. Nicolaï pouvait s'en rendre compte, parce qu'Aureane ne put s'empêcher de la suivre des yeux un moment.

Après quelques heures à ce rythme, coups d'œil vers Cyrielle, entrecoupés de périodes où elle s'efforçait de l'ignorer, Aureane craqua, demandant directement à sa sœur :

" Qu'est-ce que tu veux ? "

Elle lança aussitôt un regard d'excuse à Nicolaï, consciente qu'il n'avait pas la moindre envie de la voir discuter avec une hallucination. Mais elle n'en pouvait plus de faire semblant de ne rien voir alors qu'elle avait l'impression qu'en tendant le bras, elle la toucherait. Elle avait besoin d'un semblant d'explication, c'était trop dur de faire comme si de rien était. Et puis... tant qu'elle savait que Nicolaï était bien là, lui, elle ne risquait rien, non ?

Un instant plus tard, elle regardait le jeune homme à nouveau, en soufflant, dépassée par les événements :

" Elle dit que je sais très bien... que je sais très bien pourquoi elle me gronde. "

Cyrielle s'était un peu éloignée, elle les regardait de loin, à présent.

" Mais je ne sais pas moi... Qu'est-ce que je dois faire ? " finit par demander Aureane à Nicolaï, complètement perdue.

Enfin, ça n'avait pas de sens ! Elle savait que c'était une hallucination et malgré tout, elle continuait à la voir, elle parlait avec... Pourquoi voir sa sœur ? Pourquoi elle, d'ailleurs ? Jusqu'à présent, ses autres délires étaient plutôt agréables. Alors quel intérêt de se torturer l'esprit avec une sœur réprobatrice ?

" Cyrielle Eldon. Je suis Nicolaï KalonErc'h. Chevalier d'Ysari. J'exige en tant que chevalier que tu expliques clairement quels sont tes griefs contre ta sœur. "

Aureane en resta bouche bée. Si maintenant le jeune homme se mettait lui aussi à parler avec ses hallucinations ! Elle fixa sa sœur un bon moment, se sentant quelque peu perturbée par tout cela. Elle ne s'était pas attendue à ce que Nicolaï tente de communiquer avec ses délires. Après tout, il avait bien dit que Cyrielle n'était pas là ! Elle eut un moment de silence avant de demander d'une petite voix :

" Tu crois... qu'elle est vraiment là ? "

Elle ne savait plus où elle en était. Sa sœur s'approcha d'eux mais Aureane ne broncha pas. La jeune fille avait l'impression d'être revenue à l'époque de son enfance, lorsque son ainée lui faisait des leçons de morale. Cette dernière la dévisageait d'un regard sévère. Aureane aimait beaucoup Cyrielle, elle lui avait toujours fait confiance, c'était un peu sa deuxième maman. Mais sa sœur avait aussi un sacré caractère et une poigne de fer lorsqu'il s'agissait de s'occuper des petits.

" Elle dit... "

Aureane se comportait comme si elle se faisait gronder et se mit à jouer nerveusement avec ses mains sans plus oser regarder quiconque.

" Elle dit que je sais. "

Elle fit une pause et soupira :

" Ça la rend triste. "

En tous cas, ça rendait Aureane au moins aussi triste. Elle fixait obstinément ses mains, mais continua à parler tout doucement, comme si elle répugnait à s'expliquer :

" Elle dit que ce n'est pas bien et que tu le sais aussi. "

Elle releva soudain la tête, les sourcils froncés et se retourna vers Nicolaï, un soupçon de révolte dans la voix :

" Écoute, je ne veux pas savoir ce qu'elle a à dire, d'accord ? "

Aureane se rebellait. Les dieux seuls savaient contre quoi, mais elle avait décidé d'avoir la paix. Ce devait bien être la première fois qu'elle s'opposait aussi ouvertement à quelque chose, presque violemment - si on prenait ses références, à savoir qu'elle n'aurait pas écrasé un moustique. Une violence toute relative, donc, mais déjà bien présente en cet instant. Elle alla jusqu'à prendre un air légèrement buté.

" De toute façon je ne la vois plus. "

C'était faux, inutile d'être un expert en mensonge pour s'en apercevoir. Et puis, Aureane n'était pas douée pour cacher la vérité, elle ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil coupable à Nicolaï. Elle ne voulait pas lui mentir, mais elle voulait encore moins savoir ce que sa sœur avait à dire. Elle sentait que ça ne lui plairait pas du tout. Or, pour le moment, la situation était assez compliquée comme cela. Elle avait besoin d'un peu de stabilité, elle en avait à peu près trouvé, en se rapprochant de Nicolaï, elle n'avait aucune envie de devoir en plus gérer des hallucinations. Étant donné qu'elle savait que c'était faux, elle pouvait bien les ignorer. Que Cyrielle la laisse donc en paix !

Aureane s'adressa à nouveau au jeune homme, visiblement calmée :

" Je suis désolée... "

De quoi ? Elle ne savait pas trop, mais c'était pourtant sincère. Elle se sentait fatiguée par ce voyage et toutes ces émotions et espérait qu'ils n'en avaient plus pour très longtemps. En fait, elle n'en savait rien et n'osait pas demander. La chevauchée l'épuisait, même si elle trouvait du réconfort à être près de Nicolaï et que pouvoir s'appuyer contre lui la soulageait.

" Ce n'est pas grave... c'est juste la fatigue. " finit-elle par conclure.

Après tout, elle avait peu dormi dernièrement, elle était perturbée, pas étonnant qu'elle invente n'importe quoi. Si elle fermait les yeux... elle ne verrait plus sa sœur. Ce fut donc ce qu'elle fit, se laissant bercer par le rythme du cheval.

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