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 Du bétail pour Soltariel [Du Nerf]

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Noémie Amaranth
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MessageSujet: Du bétail pour Soltariel [Du Nerf]   Du bétail pour Soltariel [Du Nerf] I_icon_minitimeMer 9 Mar 2011 - 23:55

« Nan par pitié, laissez-moi partir, laissez-moi partir !!!! »

Le fouet fendit l’air et ses barbelés vinrent lacérer la chair du suppliant, menotté et malmené. Un long râle d’agonie se répandit, au rythme lent et mesuré des coups cinglants. Il fut jeté dans la cage, comme les autres, entassés à moitié nus, dépouillés de tous leurs biens et de toute leur dignité. La plupart n’avaient pas plus de 30 ans. Peu de femmes, aucun enfant, ils étaient exécutés sur place. Leurs corps encore chauds étaient livrés aux corbeaux. On ne s’embarrassait pas de bouches inutiles et on évitait soigneusement les témoins. Les plus vieux avaient tous été jetés en pâture à la meute : ils ne serviraient à rien. Le client souhaitait de la main-d’œuvre fraiche et disponible, capable de supporter l’effort. Le client voulait…de la qualité.

Marek fit à nouveau claquer son fouet, faisant gémir au passage les infortunés survivants du massacre. Quelle douce mélodie que celle des pleurs et des plaintes sanglotées. En 30 ans de métier, l’esclavagiste ne s’en était jamais lassé. Chef du Collet Noir après avoir organisé la retraite anticipée de son prédécesseur, Marek dirigeait la troupe d’une main de fer avec un sens de la diplomatie des plus appréciables. Disons que les rares mécontents avaient une fâcheuse tendance à perdre des morceaux de leur anatomie.

Ses sbires continuaient d’acheminer la marchandise dans les cages. Une belle prise ! Sa main attrapa la mâchoire d’un des survivants. Son regard emplit de fureur le fit tressaillir de plaisir. Il aimait ça ! Il adorait cette haine, cette passion dévorante qui faisait revenir l’homme à ses traits les plus primaux. Marek était un chasseur d’une nouvelle espèce. Marek chassait les siens. Le peuple nommait les gens de son espèce « esclavagistes ». Le suzerain du Collet Noir se voyait plus comme un « chasseur ». Tout son art trouvait sa quintessence dans la traque du gibier, à la manière dont il l’acculait et par-dessus tout, il éprouvait un plaisir infini à voir le piège se refermer sur sa proie terrorisée.

« Silence chienne !!! Ramène tes miches dans la cage ou je t’écorche vive ! »

Ses hommes étaient tous des vétérans, baroudeurs, déserteurs sur les champs de bataille…la lie de l’humanité qui essayait tant bien que mal de donner un sens à son existence en rendant responsable les autres de leurs maux. La couleur de l’or valait plus que l’honneur d’un Chevalier ou ces autres conneries de Poudrés. Vêtus de pièces d’armure récupérées sur les cadavres encore fumants de ceux tombés pour le Royaume, les baroudeurs du Collet Noir étaient tels de vautours, se nourrissants de tout ce que la bonne fortune pouvait leur offrir.
Leur seule loyauté allait à l’or et à leur étendard. Les chefs comme Marek changeaient tous les quatre matins, mais par la valeur de l’or, et encore moins le linceul noir qui leur servait de point de ralliement.

Marek donna les dernières consignes à son lieutenant, une montagne de muscles antipathique nommée l’Assommoir. Les charriots furent rapidement chargés et le convoi se mit en branle. Première règle du Collet Noir : attaque au bon moment, replie toi prestement. Pas de héros parmi les assassins. Toutes les attaques étaient soigneusement planifiées. Marek ne pouvait se permettre de perdre plus d’hommes que nécessaire. Sur la cinquantaine d’hommes qu’il dirigeait, il n’y avait qu’un mage renégat, dont les seuls talents se limitaient à soigner quelques estafilades et à reconnaitre le terrain. Ses hommes l’appelaient le Gros Pierre. Son seul talent véritable était d’engloutir les vivres comme un troupeau de porcs se rue sur la nourriture. S’il n’avait pas eu un réseau d’informateurs zélés, Marek lui aurait fait trancher la gorge et remplit de sa propre merde.

Fort heureusement, ses talents d’informateurs se révélaient utiles. Le Gros Pierre, malgré la couche de gras qui lui enrobait le crâne, trouvait les clients et les cibles. Génie boulimique, il avait réussi à dégoter ce juteux contrat. Une cinquantaine d’esclaves de bonne carrure, prêts à l’emploi, à livrer le plus rapidement possible à la côte.
Trouver la matière première ne fut pas des plus complexes. Les routes n’étaient pas sûres par les temps qui courent mais cela n’empêchaient pas les caravanes de traverser le Royaume. En l’espace de trois attaques, et malgré la perte de 5 hommes, tous de braves combattants, le Collet Noir avait fait main-basse sur assez de bétail humain pour justifier ses honoraires.

Le fouet claqua à nouveau. Hubert et Daguère jetèrent sur les cages les bâches de camouflage, trésor inestimable de la compagnie. Ils étaient prêts à toucher la paye.




*____________*_____________*_____________*_______________*




« Ce type me fout les j’tons cap’ …

-La ferme abruti, on est assez bien payé pour ça.

-Oui mais cap’, c’type, y m’faisait froid dans l’dos. »

Marek se retourna et flanqua une beigne à son acolyte obèse. L’Assommoir ricana. Gros Pierre était vraiment un souffre-douleur idéal. Sa graisse absorbait bien les coups. La marchandise avait été livrée, à bord d’un navire sans pavillon, accosté dans une crique sans nom au beau milieu de nulle part. Le Collet Noir, d’ordinaire si confiant, n’était pas à l’aise dans ce genre d’endroit. Dans l’obscurité, sous une lune gibbeuse, mêmes les plus couillus des vétérans pouvaient pisser dans leurs chausses si l’atmosphère devenait oppressante.

Leur client leur avait donné rendez-vous dans cet endroit. Constamment observés par des silhouettes encapuchonnées, les membres du Collet Noir avançaient, serrant de toutes leurs forces la garde de leurs glaives. Jusqu’à présent, tout s’était passé au mieux. Pas de coup en traître, pas d’embuscade. Les silhouettes drapées d’ombres vaquaient à leurs occupations, chargeant dans le navire à la coque noire des caisses sans estampilles.
Leur client les avait reçu avec la plus exagérée des révérences.

« Messire Chance, votre hôte ! »

Sous ses airs de dandi, Marek sentait en cet homme quelque chose de malsain. L’odeur de pisse provenant de l’entrejambe de Gros Pierre confirmait son impression. Le mage se dandinait pour garder un semblant de dignité devant cet homme au sourire enjôleur. Quelque chose clochait. Son ombre ! L’ombre lunaire de cet homme semblait plus grande que la moyenne et animée d’une vie propre. A plusieurs reprises, sous la clarté de la lune, l’ombre de Messire Chance semblait exprimer tout autre chose que les gestes de l’homme.

Les écus mirent bien vite fin à ces doutes. Un coffre remplit de pièces sonnantes et trébuchantes. Une belle somme pour le travail accomplit. La montagne chargea le coffre dans la charrette. Le bétail fut quant à lui chargé dans la cale du navire sans pavillon.

Une simple transaction. Ce n’était rien de plus qu’une simple transaction.

D’un pas malaisé, le capitaine du Collet Noir s’en fut vers son étendard, ses hommes guettant toujours le moindre mouvement hostile. Le Gros Pierre puait l’urine. Un bon coup de botte dans le cul lui fit presser le pas. Enflure de sorcier, plus jamais une angoisse pareille. L’Assommoir vint se placer aux côtés de Marek et donna un soufflet au Gros Pierre. Tout le monde ricana, pour se détendre, sans aucun doute, mais surtout pour se rassurer.
Le Collet Noir quitta au plus vite la crique.
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MessageSujet: Re: Du bétail pour Soltariel [Du Nerf]   Du bétail pour Soltariel [Du Nerf] I_icon_minitimeVen 11 Mar 2011 - 8:48

– Chopine ! Chopine !
– Chopine !...


Toute la légendaire sagacité des gardes du Sybrondil était là.

Par-devers le panneau de bois qui le dissimulait aux yeux des Hommes de la Boue, Dun Eyr ne cherchait plus même à réprimer ses grands soupirs mêlés de mépris. Il entendait, et humait au travers de la poterne, ces grands soiffards de la Navale-Milice, ces soudards de la gloire des Baronnies, qui, hilares, pochetronnaient à renforts de bocks et breuvages. C’était presque trop aisé.
Dun Eyr en sentit, un instant, un soupçon de honte pour les braves Gardes commis aux plus lointaines frontières, les obscurs garde-chasses se démenant pour traquer trois voleurs de poule sous le couvert des arbres – tandis qu’ici, au cœur même du Port de la cité achalandée, un Nain pouvait gambader sans être inquiété dans le cœur des pavillons de la garde.
Au loin passaient les navires – ces choses que les gardes étaient sensés veiller – et c’eût été un beau soir pour la contrebande, au vu de la couleur qui empourprait gorges et gosiers de nos joyeux drilles.
Quelques exclamations, quelques goulées encore, et les Bœufs Sybrondilois s’effondrèrent au sol, avec l’ombrageuse délicatesse des buffles assommés. Il fallait toutefois, pour la défense des ivrognes, reconnaître à ce breuvage-ci des vertus fort décapantes. Quelques sifflements, pour s’assurer que leur délirium les avait bien saisis – ce qui se révéla on ne pouvait plus certain – et Dun Eyr, ouvrant de l’épaule la porte, s’infiltra dans le mess des Officiers Navaux.

Bien sûr, il aurait pu dépêcher un quelconque de ses Nains à l’exécution de tout ceci ; et nombre d’entre eux, fort justement, s’étaient proposés. Mais le Haut-Prêtre leur avait opposé un bien beau refus, car il était probable que ceux-là ne voulaient guère que marauder pour aller assommer des Humains à grands renforts d’alcool – ce qui n’aurait su convenir à la dignité d’un Nain, et au surplus, Dun Eyr voulait s’offrir la primeur du spectacle.
L’on aurait pu croire à une ballade de divertissement pour un Nain enfermé longtemps par derrière le bastingage d’une caravelle, au-dessus de cette grande étendue abjecte et un peu trop aqueuse à vu de barbe. Néanmoins, il y avait un fond sérieux à cette périlleuse expédition.
Quelques coursives encore, quelques enfilades et dédales dans les dessous du port, et enfin Dun Eyr y parvint : la remise aux cordages. C’était là, pêle-mêle contre les murs, et partout ailleurs, emmêlés, emberlificotés, et relativement enténébrés à cette heure avancée de la nuit, les arrimages et filins de toute sorte, de tout type ; mais surtout, au-derrière de cela, se profilait le butin tant convoité.
Au long de la pierre, de vastes voiles étendaient leurs tissus, frappées du double-emblème du Corbeau Chantant, blason sybrondilois. Quelques-unes étaient trouées, et remisées ici pour refilage ; mais du reste, il y avait quatre grand’voiles qui jetaient leurs auras dans l’ombre.
Deux sauraient suffire – et le Nain s’empressa de leur donner forme plus pratique au larcin, sous le sourire bienveillant de Lirgan.

Croire que les semaines en mer avaient tourné la tête de notre Nain aurait été possible ; mais c’était sans compter ce que Dun Eyr, de son cervelet replet, entendait faire de ces grands bouts de tissu bleu.


~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~


Quatre silhouettes sur la butte, juchées sur cinq poneys.

En contrebas s’étendaient les longs bras de la crique assoupie, qui nonchalamment souriait à la gibbeuse agrippée à son ciel. Partout alentour, ce n’était que rochers et récifs, et tranchants comme l’acier, encore. Il eût été bien ardu à une quelconque flotte d’arraisonner ici la terre ; mais pour une petite cargue, menée par quelques habiles marins, cela ne relevait guère du grand’exploit.
Scrutant plus attentivement encore les ombres, les Nains eurent tôt fait d’apercevoir que, parmi les rochers rudes, certains se trouvaient vivants. Ils bougeaient, se mouvaient – rarement échangeaient quelques mots – et tous portaient, sur le dos, de longues capes.
Dun Eyr aurait bien pris quelques instants pour repérer, parmi cette meute d’encapés, celui qui figurait un chef – il était toujours bon de savoir à qui l’on remettait un fleuve de pièces d’or. Cependant, c’eût été suicide que de s’attarder sur la butte – car ceux d’en-bas, quoiqu’ayant le costume des brigands débutants, semblaient aguerris aux sombres marchandages du creux de la nuit ; et il était fort à parier, que les Nains n’étaient guère plus ignorés, et depuis longtemps découverts.

– Allons-y.

Talonnant – modérément – leurs poneys, les quatre chevaucheurs des Montagnes entreprirent de descendre la pente assez abrupte menant jusqu’au sable, et plus loin la galère, sans que nul flambeau ne pût les y aider. On ne songerait jamais assez, dans ces obscures tractations, à la bravoure des montures qui posent leurs pattes dans la nuit traîtresse.
Parvenus à courte distance – mais préservant quelque sûreté d’avec les encapuchonnés – Dun Eyr fit arrêter les cinq poneys, songeant avec alarme à un quelconque signal pour se présenter aux maraudeurs vespéraux ; étincelle, corne ou buccin, quoi encore ?...

Mais ce ne devait être bien indispensable, et à coup sûr leur contact ne lambinerait pas à se manifester aux Nanesques visiteurs.


Il fallait préciser alors, qu’il y avait en jeu une fort coquette somme.


Dernière édition par Dun Eyr le Dim 13 Mar 2011 - 0:45, édité 2 fois (Raison : Fôte d'orthographe)
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MessageSujet: Re: Du bétail pour Soltariel [Du Nerf]   Du bétail pour Soltariel [Du Nerf] I_icon_minitimeSam 12 Mar 2011 - 18:20

« Messire Nains, bien le bonsoir ! »

Chance les attendait, avec son habituel sourire de serpent. Il accueillit la petite troupe avec déférence. Bien que ses manières fussent les plus hypocrites qui soient, il ne manquait jamais à l’étiquette. Le peuple nanique ne pouvait échapper aux multiples révérences du marchand de mort. N’importe qui en présence de Chance se sentait mal à l’aise. Cet homme inspirait confiance, ses mots se glissaient dans votre âme comme une étoffe soyeuse sur la peau d’une catin, mais il y avait toujours ce je ne sais quoi qui glaçait votre âme d’effroi quand on lui parlait. Etait-ce ses manières un peu trop exagérées, son ton mielleux ou bien cette impression d’être toujours observé par quelques yeux inconvenants.

Une nouvelle référence et Chance fit descendre ses invités. Il ne fallait pas manquer aux usages. Ses hommes restaient en retrait, dans l’ombre. Ils ne prenaient pas la peine de se cacher. C’était inutile. En position de force, les hommes de l’Obscur pouvaient aisément se débarrasser de leurs invités miniatures si l’échange tournait mal. Ils armèrent leurs arbalètes, carreaux prêts à fendre les airs et les chairs.

Chance mena ses invités au bateau. La marchandise était rangée dans la secrète, derrière un chargement d’encens de Sybrondil. L’encens de la baronnie valait relativement cher et s’exportait si bien que les autorités sybrondiloises n’arraisonnaient jamais les navires marchands d’encens sortant des eaux de la baronnie. Il suffisait généralement auxdits marchands de faire glisser par inadvertance un tonnelet de ces précieux bâtonnets odorants dans les mains du capitaine des gardes pour rester au-dessus de tous soupçons si par mégarde le navire venait à être inspecté.

Descendant dans la cale et après avoir déplacé le panneau de bois et les tonneaux bloquant la cale secrète, Chance put montrer aux nains le précieux chargement. Camelot par excellence, l’homme de l’Obscur vanta allègrement les mérites de ces marchandises. Deux hommes de l’ombre l’accompagnaient dans ses mouvements, attendant un geste suspect des nains pour frapper.

« Comme vous le souhaitiez messire nain, femmes dociles et hommes robustes, tous en parfaite santé. Par précaution, nous leur avons jeté un sort de silence et les avons drogués pour qu’ils puissent voyager dans les meilleures conditions possibles. Je ne saurai trop vous féliciter pour cet achat, une des plus belles prises que nous ayons faite jusqu’à présent, foi de marchand ! »

Chance s’agenouilla et prit entre sa main ganté le visage d’un garçon, qui ne devait pas avoir plus de 18 ans. Complètement drogué, celui-ci bavait indécemment sur les lattes de la cale. Tous les esclaves avaient l’air en parfaite santé. Ceux qui par mégarde avaient mérité le fouet ou étaient blessés ne portaient que des marques superficielles.
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MessageSujet: Re: Du bétail pour Soltariel [Du Nerf]   Du bétail pour Soltariel [Du Nerf] I_icon_minitimeDim 13 Mar 2011 - 0:51

Déjà fort peu engageantes lorsqu’elles vous lorgnaient par-devers un capuchon de sicaire, les trognes de ces subtils gorilles de l’ombre avaient tout le charme de grandes pierres de taille, de ces rudes galets dont usaient encore les Nains pour régler leurs différends, à l’amiable, au fond d’une mine dévastée – là où les patrouilles royales ne faisaient guère traîner leurs bottines, et ne risquaient ainsi guère de trébucher sur les cadavres des bretteurs malchanceux.
Mais pour autant, parmi cette légion d’arbalétriers glaciaux, les quatre Nains auraient hâtivement refourgué, et sans une once d’hésitation, un Messire Chance contre douze douzaines de ces cracheurs-de-carreaux. Les Nains pouvaient bien s’être envoyé une rasade derrière le gosier avant que de paraître sur les falaises, le breuvage ne leur avait guère arraché au souvenir qu’ils étaient là à marchander sur le sable de glace, les vies humaines et les cœurs battants contre un tas de piécettes fort vénalement acquises – les greffiers des comptes de Sybrondil s’en mordraient les doigts. Et, pour sûr, lorsque l’on s’achalandait quelques livrées d’esclaves, il y avait une manière de cruauté, une façon de brutalité que tous tentaient – avec plus ou moins de réussite – d’incarner sous la Lune, carrant les épaules et allongeant le dur profil de leur menton ; et ce n’était guère chose aisée, pour des Nains, que de se montrer menaçants au milieu des hordes de la forbanderie. Néanmoins, nul parmi les Petites Personnes, et pas un dans les rangs de ces enténébrés, ne déployait l’art d’un Messire Chance lorsqu’il s’agissait de vous rendre nauséeux de frayeur inondée ; et qui tremblait le plus aux abords de la cale, des esclaves ou des Nains, c’était là rude dilemme à la sagacité des observateurs.
Mais par chance – et méticulosité – d’observateurs, il n’y en avait point. Et Dun Eyr put à loisir jeter des œillades aux silhouettes hagardes et blafardes sous le bastingage, et s’en forger une opinion. Non, il n’avait point été dupé sur la qualité ; c’était là une rude chair à la besogne.
A contempler ces charpentes quelque peu écorchées – oh, juste aux entournures de la carcasse – et les orbites caves, et terrorisées, de ces corps flageolant dans la pénombre, l’on aurait pu prendre pitié de ces pauvres petits Bonshommes de la Boue, qui allaient plus-que-probablement souffrir sous les fouets et les tempêtes de jurons. Mais signalons qu’avec des Nains d’une part, et de l’autre cet étrange Chance, les infortunés seraient mal lotis, du point de vue de la compassion.

Se détournant, avec sa troupe, de la fosse aux pauvres hères, Dun Eyr et ses Nains s’en retournèrent sur la sable de la plage, et jusqu’aux poneys qui, paisiblement, cherchaient herbage à brouter sur cette grande pâture par trop blonde pour leurs goûts ; et, baragouinant à ses Nains quelques mots dans les dialectes cavernicoles de l’Almia – enfin, de l’ancienne Almia – le Haut-Prêtre saisit à la bride le plus lourd, le plus balourd des poneys, celui qui n’avait guère été chevauché lors du voyage. Les trois autres Nains, quant à eux, enfourchèrent lestement – ou presque – le dos de leur noble-monture, l’un saisit à la longe le licou du quatrième quadrupède, et toute cette petit compagnie s’en fut à pas feutrés sur le sable. Ne restait plus que Dun Eyr, assisté de la lourdeur de son poney ; et tous deux dressèrent une oreille angoissée, lorsque s’ébranla la cavalcade des compagnons sur la roche des falaises. Car voilà que le Nain, et son compagnon aux larges naseaux, demeuraient fort seuls face aux pupilles cisaillantes de l’obscur Chance.
Chatouillant doucement la croupe de son poney, et prêtant un regard tout attentif à son lourd ventre – l’on eût cru qu’il allait mettre bas – la Main de Lirgan mena son comparse à bord du navire, et laissa le destrier courtaud s’égarer sur le pont ; il n’alla de toute façon guère loin. Dun Eyr se contenta de retirer de ses vastes fontes un grand rouleau empaqueté par une illusion du Moqueur, et s’éloigna de quelques pas du poney aux prunelles fatiguées.

Alors, entaillant joyeusement ce paquet d’un revers de stylet, Dun Eyr laissa danser sur le ponton les arabesques du Ciseleur, sous l’ombrage de la grand’voile – et le larcin des Gardes Sybrondilois trouva là tout son sens, lorsque la voile muette de la cargue se para soudain du Corbeau Chantant.

Bien sûr, il y avait l’encens – mais mieux valait se montrer prudent, avec quarante bestioles dans les soutes.
Une coque-de-noix fardée en Nef Baronniale attirerait les pirates, dites-vous ?... Eh bien, Messire Chance justifierait ainsi ses prestations exorbitantes.

Et, se tournant à nouveau vers l’Inquiétant Monsieur, Dun Eyr lui sourit ; et il était assez malassuré, mais sa voix fut ferme à lancer :

– Cap sur Soltariel, et le Port du Tyrion, Monseigneur. Votre butin vous attend là-bas.
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MessageSujet: Re: Du bétail pour Soltariel [Du Nerf]   Du bétail pour Soltariel [Du Nerf] I_icon_minitimeDim 13 Mar 2011 - 20:59

Le sourire de Messire Chance s’élargit jusqu’à toucher ses oreilles. Prestement, il fit refermer la cale et appela ses hommes sur le pont. Les nains étaient de brillants esprits. Oser s’emparer du blason sybrondilois pour faire passer la marchandise était tout à leur honneur. Chance donna l’ordre de hisser ces nouvelles voiles en lieu et place des anciennes voiles grises.

Ses hommes finirent de charger les derniers pots d’encens et larguèrent les amarres. La coque de noix tanga quelque peu tandis que le vent dans la crique gonflait doucement les voiles.

« Messieurs, cap sur le Port du Tyrion ! »

L’homme à la barre cria la destination en guise de confirmation. Si les vents étaient favorables, le navire gagnerait les côtes de Soltariel sous peu. Le navire de l’Obscur, renommé « Joliflots » pour l’occasion –et ce nom collait tellement bien au caractère efféminé de Sybrondil- était connu pour sa vitesse. Quoique chargé par une cinquantaine d’esclaves et une cargaison standard, il n’en demeurait pas moins rapide.

En quelques minutes, le bâtiment sortit de la crique. Le vent était doux en cette soirée, et Chance invita ses invités mal assurés à partager son repas dans la cabine du capitaine. Au diner, que de bonnes victuailles : faisan rôti parfumé aux milles épices sybrondilienne, pâtés en croûte de lièvre d’Oesgard, quelques fruits elfiques, légumes de Missède délicatement revenus dans l’huile et mousse de champignons sur ses grignettes de pain d’Ydrill. Chance savait recevoir. Il était hors de question de passer pour un vulgaire marchand d’esclaves aux yeux de ses clients. L’Obscur tenait à ses clients, en particulier pour ceux qui payaient aussi bien ses services.

« Installez-vous messires nains. Vous prendriez bien un peu de vin d’Olyssea ? Une belle cuvée de Montignon en Fusaie importée directement de cette chère baronnie. Détendez-vous, nous passerons les prochains jours à bord et tout mon équipage sera aux petits soins pour vous. »
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MessageSujet: Re: Du bétail pour Soltariel [Du Nerf]   Du bétail pour Soltariel [Du Nerf] I_icon_minitimeMar 15 Mar 2011 - 18:26

Le bateau s’en alla courir sur les mers d’encre, rapidement échappé de l’écharpe de sa côte, et Dun Eyr eut un bref sourire à l’idée qu’il avait encouru de très dispendieuses négociations avec ces contrebandiers très peu recommandables, pour finalement s’embarquer sans compagnon mais avec le magot, et se livrer tout à fait innocemment entre les serres crochues d’une bande de crève-besaces avides d’esclaves.
L’on disait ces jours-ci, au coin des bouges de province, que quelques Nobles du Langehack avaient lancé leurs légions de mouchards pour dégotter des esclaves Nains, tant la valeur du Petit Peuple avait explosé depuis leur raréfaction récente.
Et, pour tout recours, Dun Eyr disposait d’un coutelas, de quelques Runes et d’un poney. Pâle réconfort, maigre caparaçon.

Comme la nuit s’était lovée dans le ciel pour de longues heures, Dun Eyr accepta l’invitation de Messire Chance à venir partager son repas et, après s’être assuré que son poney serait fort tranquille, le Nain s’en alla dans les salons partager un morceau.
Mais lorsque les divines spécialités de toute la Péninsule, les riches vins des plus rouges coteaux, et toutes les viandes et toutes les sauces que pouvait charrier cette longue goélette gonflée d’esclaves au flanc, Dun Eyr se jura un instant de plus souvent se plonger dans d’horribles trafics ; ne fût-ce que pour se goinfrer d’autant de merveilles à son palais.
La suite fut un mariage de vin et de repos.

Une vraie vie de Nain.


Quand à l’aube, les petites flammèches du Soleil reparurent, Dun Eyr se força à s’éveiller bien vite, et bondit joyeusement sur le pont comme un bouquetin des montagnes. Enfin, joyeusement était manière de causer ; il gardait la peur diffuse qu’une lame vienne lui chatouiller la gorge dans le creux de la nuit, ou que l’on jette indûment son poney aux flots et aux requins.
Et puis, plus que tout autre chose – de grands projets l’occuperaient en ce jour.

Où pouvaient-ils bien être ? Les rochers avaient forci, et c’était probablement Ysari qui esquissait déjà ses contrepointes sous les flots. Là, à main-droite, ce devait être le Caillou-qui-Croule ; et, farfouillant parmi la bruine de son regard aguerri, Dun Eyr ne tarda guère à trouver le Creux aux Cormorans, cette forme d’épouvantail de pierraille qui rebutait à trois mètres hors des mers, et que quelques mouettes hantaient de leurs ailes.
Là, sur le bastingage de bois, les hommes de Chance allaient et venaient, tâtaient de temps à autre d’un cordage, ou bien encore baillaient de leur nuit ; les vigies remplaçaient les vigies, et tout le navire roulait au rythme des relais de la faction.
Un dernier coup d’œil du Nain à sa voile Sybrondiloise, si flamboyante dans l’aurore, et il laissa courir un fier rictus sur ses lèvres. Ne restait plus qu’à espérer que les quelques flibustiers de la gargote aient reçu la missive du Nain – car les esclavagistes avaient été longs à fixer leur rendez-vous, et cela ne simplifiait guère les petites trahisons nécessaires au piment d’une odyssée.
L’on allait voir de quelle trempe étaient ces coupe-jarrets de Chance.


Un flambeau sur bâbord – bien visible, bien éhonté comme Dun Eyr le voulait – et la fière caravelle, l’hardie fendeuse-de-houle des pirates du Sybrondil, s’en vint percer l’horizon à forte allure. Ils avaient pour eux la force du vent, mais semblaient peiner à conserver un cap bien droit – et pour autant, ils ne ramenèrent guère de leur voilure, et laissèrent leur vaste crâne d’os entacher le ciel à des milles à la ronde. D’authentiques, d’indécrottables pirates de l’ancienne génération, qui flibustaient avec voile noire et tricornes ballottants ; et l’agilité des cloportes, pour le moins.
Mais, quelque maladroits qu’ils fussent, la brise du matin les porta bien vite à l’encontre du navire de Chance, et – violant toute les lois de la piraterie, et quelques éléments de simple bon sens – la petite armada des pirates vint plaquer sa cargue en travers des flots, l’exposant par là-même à une collision tout à fait suicidaire, et les arrimeurs se pendirent à leurs filins pour jaillir sur le ponton du Joliflots.

Malhabiles, désorganisés et fort hargneux – et si bête qu’ils avaient accepté de ne toucher leur paye qu’après le travail – les piratillons figuraient tout ce que Dun Eyr avait espéré de ces quelques sang-tiède cherchés jusqu’aux plus poisseuses des tavernes.
Tirant pour l’apparence son coutelas, le Nain se porta au gaillard arrière, auprès du poney indifférent, et d’un œil embrassa la petite ordalie concoctée avec attention pour Messire Chance et ses comparses.
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