Doeb Lodias - Les Drows des Provinces [Faction Ithri'Vaan]

Au IXème Cycle, au sixième siècle, soit plus de quatre cents ans de cela, un dernier conflit opposa la Péninsule au Puy pour le contrôle de l'Estrévent, une province impériale aux proies des grandes puissances de l'époque. La région, aux mains de l'Empire nisétien pendant près de quatre siècles, avait pâti de l'effondrement de ce dernier, bien incapable de défendre ses possessions. A mesure que Nisétis déclinait face au Puy, l'Estrévent est peu à peu tomber sous la coupe noirelfique, si bien que le roi d'Elda put se servir de cette tête de pont pour lancer ses armées sur la Péninsule. L'avancée drow fut enrayée lors de la bataille de Nelen, où les flottes péninsulaires défirent l'armée expéditionnaire. L'armée coalisée de la Péninsule, commandée par le duc Léandre de Soltariel, poussa l'audace en débarquant sur le littoral estréventin, mais fut défaite par les Obok Sengeren lors de la Bataille des Cendres.

La défaite péninsulaire clôt l'aventure d'Estrévent, laissant la main-mise au Puy sur ce vaste territoire. Cependant, le nouveau maître de l'ancienne province impériale n'exploita pas totalement son avantage, peut-être à cause de l'affaiblissement de ses armées, ou par l'instauration d'une politique conciliante permettant d'éviter une énième sécession estréventine. Plus qu'une terre drowique, l'Estrévent devenait un protectorat, voire une multitude de protectorats, la division territoriale et politique étant favorisée par le Puy.

Néanmoins, si la relative autonomie des cités et châtellenies d'Estrévent fut la règle, Sol'Dorn et le nord de la province furent l'exception. La zone, carrefour stratégique entre Ellyrion, le Puy et l'Estrévent, vit s'installer en garnison le IVème Ost, soit près de huit mille soldats, et avec eux tout ce que l'armée peut traîner d'artisan, de conseiller, de putains et autres parasites civils. Véritable colonie drow, Sol'Dorn jouissait (ou pâtissait) d'un flux continu d'expatriés noirelfiques, tant de fonctionnaires et gouverneurs que d'individus des plus basses castes venus faire fortune dans ce qu'on appelait le Doeb, le Dehors, l'Extérieur.

Le Doeb Lodias, ou encore les Doebii, les Doeben voire en péninsulaire les elfes doaibes, crûrent et près de trois générations drowiques sont passées depuis l'arrivée du IVème Ost et des premiers pionniers. Fut-ce les influences de la région ou bien le mode de vie (ces elfes noirs étaient passés d'une société troglodyte, urbaine et très contrôlée à une vie bien plus rurale et plus libérée), en tout cas, les Doeben changèrent, se caractérisaient par des particularités originales. Ces colons étaient devenus des propriétaires terriens, commerçaient avec la population locale, apprenaient souvent l'olian, la langue de la région. Et bien que les unions extra-communautaires restaient mal vues, ils percevaient le monde non plus via le point de vue du Puy d'Elda, mais par le prisme de leur propre position géographique, culturelle et économique.

Cette évolution des mœurs restait certes relative : l'immigration du Puy au Doeb restait forte. Néanmoins, ce phénomène put créer des tensions entre premiers colons et nouveaux arrivants, ce qui renforçait le lien avec la métropole et, paradoxalement, modifiait sa nature en la faisant passer d'une vision purement noirelfique à une relation Doeb-Elda. L'incompréhension existait parfois, les nouveaux arrivants ne saisissant par la cohésion étrange née à travers un commerce régional important pour les Doeben, des échanges d'idées et une certaine assimilation des pionniers à leur nouveau foyer.

Enfin, l'éclatement du IVème Ost, armée de garnison installée depuis plus de quatre siècles à Sol'Dorn, peut en partie s'expliquer par le phénomène Doeben. Assez autonome, bien implanté, l'Ost, bien que symbole des valeurs du Puy, se doebisa peu à peu. Les vétérans s'attachaient à une terre, s'inscrivant ainsi dans la vie économique et politique d'Estrévent, et leurs fils rejoignaient à leur tour l'Ost, modifiant peu à peu la nature de l'armée, passant d'une garnison d'occupation à une véritable institution doeben. Bien sûr, cette lame de fond ne reste qu'une hypothèse, et la dispersion du Quatrième Ost peut également se lire comme la conséquence de l'attitude opportuniste des chefs militaires, qui profitèrent de la faiblesse de leur Obok Senger et de la disparition du Karlik Glenn d'Elda pour gagner plus de libertés.

Cependant, il faut remarquer que ces chefs militaires devenus chefs de bandes ne tournèrent pas leur regard vers le Puy et le pouvoir suprême, mais sur l'Estrévent, plus réel à leurs yeux que la lointaine métropole. Cette doebisation de l'armée et des colons pourrait donc expliquer la conquête de régions purement estréventines par les despotes/senger de feu le Quatrième Ost.

Ainsi les Doeben, du fait de leur histoire, se détachent, du moins dans la pratique, du Puy. Ils s'insèrent dans la vie estréventine, en sont devenus les acteurs tant économiques que politiques. Mélange culturel entre le style de vie impérial de la région et des mœurs purement drowiques, ils forment un groupe original, partagé entre union et sécession envers la métropole d'une part, et entre ouverture sur le monde impérial et péninsulaire et rejet des valeurs humaines d'autre part.