La route du sud

La route vers le sud était longue. Même en avalant les kilomètres à cheval, la petite troupe n'atteindrait pas Diantra avant une bonne semaine de voyage, et ils n'avaient pas encore dépassé Sainte Berthilde.

" A s'demander si on arriv'ra à temps pour les funérailles", maugréa Fenrir.

Le reître renifla bruyamment. Bien que ses compagnons de route le lui avaient répété plusieurs fois, il ne parvenait pas à comprendre pleinement le sens de ce voyage et quelles raisons amenaient le seigneur de Karlsburg à se rendre si loin dans le sud pour revendiquer une terre dans le nord. Plus encore, il lui était difficile de saisir pourquoi il fallait absolument que son seigneur et maître se rende à un enterrement royal. Fort heureusement, nul ne demandait à Fenrir de réfléchir. Il n'était du voyage que parce qu'il était robuste et savait manier une arme, tout comme Arthem. Les deux hommes chargés de veiller à la sécurité de leur seigneur étaient armés de rapières et chevauchaient de robustes montures choisies parmi les écuries de Karlsburg. Avec eux venaient un valet bedonnant du nom de Cornelius, et un homme aux cheveux grisonnants de haute stature dans sa tunique bleue qui répondait au nom de Reynald Lencolia.
Messire Lencolia avait été le précepteur du seigneur de Karlsburg, et lui tenait désormais office de conseiller, aussi avait-il été convié à se joindre à la longue chevauchée vers le sud. La route vers Diantra, il ne l'avait plus faite depuis des années, et il s'attendait à retrouver une ville bien différente de celle qu'il avait connue. Trois rois s'étaient succédés sur le trône et dans la tombe depuis sa dernière visite à la capitale.

Le cinquième cavalier de cette petite équipée avançait silencieusement. Si ses comparses conversaient entre eux à mesure qu'ils traversaient les villages nordiques, Wenceslas de Karlsburg ne disait mot. Avare de paroles, le jeune seigneur était songeur depuis qu'ils avaient quitté Karlsburg et traversé le comté d'Arétria, parcourant des terres plus vastes qu'il n'avait jamais espéré en posséder, et qui pourraient finalement lui écheoir si leur visite à Diantra portait ses fruits.
Je me rends dans le sud en tant que seigneur de Karlsburg, songeait-il, et je pourrais bien en revenir en tant que comte d'Arétria. Si les choses se passent comme elles doivent se passer.

Un seul nom résonnait dans la tête du jeune seigneur, se répétant sans cesse. Arsinoé d'Olyssea. Et cette question : parviendrait-il à temps à Diantra pour lui faire valoir ses revendications ?