C'est a ça que ça ressemble un château ? [Pv:Seren]

Dans les rues des rues Vareg, l'agitation se faisait voir et entendre. Les charrettes des marchands roulaient en faisant un fracas incroyable, les appels des vendeurs qui souhaitaient amener le plus de clientèle possible dans ses filets impossible a ne pas entendre. Toute une agitation peut-être habituelle pour les humains ou les gens qui vivaient dans ces villes, mais pas pour une jeune semie vagabonde. Cette dernière, arrivée depuis peu dans la ville, grâce a un marchand qui ne surveillait pas très attentivement sa charrette et ne se doutait pas qu'une adolescente puisse s'y cacher.

Saéline marchait, observant attentivement les gens a l'allure plus riche que les autres, regardant leurs mains, leur visage, et surtout leurs vêtements. Elle bousculait quelquefois l'une de ses personnes, profitant que celle-ci se retourne ou alors hurle après un innocent pour passer ses mains dans les recoins du tissus et en retirer plusieurs pièces, qu'elle mettait elle-même dans un coin de sa tunique.
Son physique étrange et légèrement envoûtant lui valait des regards désapprobateurs, auxquels elle répondait par une révérence moqueuse ou un sourire du même type.

Tandis que la jeune fille aux pupilles orangées se promenait, marchant sans s'arrêter une seule fois, des hommes armés passaient dans les rues qu'elle empruntait et notre petite voleuse se fait aussi petite que possible pour qu'ils ne viennent pas vers elle. Elle a horreur de ces gens la.
Arrivée sur une place ou les stands de marchands sont beaucoup plus présents, un objet attire le regard de Saéline et elle se dirige doucement vers celui-ci. Le marchand la regarde en fronçant les sourcils, elle prend une mine d'enfant extasié. Il sourit devant ce visage devenue jolie en un seul sourire.

-Alors ma petite demoiselle, elle est belle cette cape hein ??? Oui c'est vrai elle....oh mais t'es....dégage de la sale semie !!!

Alors qu'elle part en courant, toute souriante et serrant la cape volée contre elle, Saéline se retourne une dernière fois pour regarder le vendeur qui crit au voleur et lui fait des gestes obscènes, elle lui tira la langue. Maintenant elle devait partir. En effet, une adolescente comme elle ce n'était pas très discret et qu'elle risquait de se faire rattraper. Courant a toute allure, elle se retrouve hors de Vareg et bientôt dans la forêt.

Une forêt qui n'était pas aussi accueillante pour elle qu'elle ne l'aurait souhaité, la vagabonde ne se sentait pas très a l'aise. Ralentissant le pas, elle fit attention a tout les bruits qui l'entourait.
Plusieurs minutes passèrent, toujours rien, puis un bruit dans les buissons, un grognement et les oreilles de Saéline frémissent. Quelque chose court dans sa direction et elle n'a le temps de voir qu'une grosse masse de poils lui sauter dessus. Elle tombe a la renverse, hurle et sent un liquide chaud lui tomber sur le bras. Devant elle, un loup, énorme.

Elle a entendu parler de ces bêtes la, il fallait absolument qu'elle réussisse a s'enfuir ou sinon c'était fini d'elle. D'autres loups, de taille normale cette fois-ci sont autour de la jeune fille et du loup qui semble être leur chef. Il est toujours sur elle, grognant. Tentant de se dégager, elle roule sur le ventre et roule.
Tandis qu'elle parvient tant bien que mal a se relever, donnant de violents coups de pieds dans tout ce qui la frôle, une douleur a la jambe lui arrache un cri. Serait-ce du sang qui coule sur sa jambe ? Cette tâche rouge qui excite les loups viendrait-elle d'elle ?
Dans tout les cas, une larme vient rouler sur sa joue, laissant une traînée blanche sur sa peau sale, elle a mal.
Elle se remet a courir, n'osant pas regarder derrière elle pour regarder si les bêtes la rattrape ou non, elle les entends toujours.

Soudain plus un bruit, Saéline s'arrête, se retourne lentement. Les loups ne sont plus la, a la place une troupe de Patrouilleurs, leurs épées sorties de leurs fourreaux. Ils la regardent tous, la jeune fille se sent rougir et sert contre elle sa tunique dechirée en certains endroit dans le dos et sur son ventre maigre, ce qui arrache un sourire a quelques Patrouilleurs. Puis, laissant la jeune fille tout en veillant a ce qu'elle ne se sauve pas, ils se mettent a parler assez bas:

-Elle ressemble a la voleuse de Vareg.

-Je pensais plus a une semie-elfe hideuse, mais celle-ci est plutôt agréable a regarder.

-Qu'est-ce qu'on fait?

-On la ramène au château bien sûr.

Alors qu'ils se retournent, ils voient Saéline en train de courir dans la direction opposée a eux. Un des Patrouilleurs jure et lui coure après.
Handicapée par sa blessure, la jeune fille se fait rapidement rattraper et se retrouve sur l'épaule de l'homme. Sans dire un mot, elle lui bourre le dos de coups de poings, faisant éclater de rire les compagnons de l'individu. Ils se mettent en route en direction du château et bientôt, Saéline se retrouve dans ce dernier, toujours jetée en sac sur l'épaule de l'inconnue, fusillant tout le monde du regard.

Cela faisait seulement quelques jours qu'Alric était parti, laissant le domaine aux bons soins de Varson, son homme de confiance. Seren quant à elle n'avait à gérer que des tâches domestiques, ce qui l'occupait beaucoup mine de rien. Il fallait dire que si le château n'était pas des plus grands, il y avait fort à faire pour l'aménager. Il était trop tôt pour toucher aux jardins alors la belle s'était mis en tête de préparer les appartements des chevaliers afin qu'à leur retour ils puissent jouir d'un minimum de confort. Elle n'en oubliait pas pour autant les chambres des hôtes, la salle à manger et aussi la grande nef. La décoration était un brin épuré pour l'instant mais il ne faudrait pas grand chose pour rendre cela plus coquet.
L'état de santé de Seren allait décroissant. D'un léger mal-être le matin du jour du départ de son époux, la jeune femme avait quelques fois une petite nausée dans la journée et sa tête lui paraissait un peu lourde. Les quelques décoctions qu'on lui avait fait boire étaient plus ou moins efficaces et, bien évidemment, on voulait toujours la contraindre au repos. Finalement, la belle commençait à comprendre ce que Kathleen avait pu ressentir avec sa bardée de médecins.

Ce jour-là, Seren s'attelait à la décoration de la pièce principale. Ancienne église, cette grande nef avait été réaménagée en salle du trône. Ici, la belle avait opté pour peu de mobilier : les deux trônes, des chandeliers un peu partout et un grand tapis allant de la porte jusqu'aux trônes. Voilà qui devait suffire. Ce qui ferait la beauté première de cette salle, ce serait les vitraux. Certains avaient été bouchés à la va-vite, d'autres avaient été remplacés par de simples vitraux blancs. Elle avait donc passé commande auprès d'un vitrier afin d'en faire confectionner de nouveaux, plus colorés. Bien sûr, tous ne seraient pas refaits tout de suite mais au moins pouvait-elle remettre un peu d'harmonie dans les apports de lumière.
Pour l'instant, de tout le mobilier qu'elle était supposer contenir, cette grande pièce ne possédait que deux trônes faiblement ornés et quelques chandeliers. Le reste était en court de confection. En revanche, un vitrail était arrivé et elle souhaitait en apprécier la qualité et l'effet sur la luminosité de la pièce. Pour l'heure, l'artisan et quelques serviteurs étaient en plein ouvrage. Il avait fallu retirer l'ancien vitrail et ils posaient à présent le nouveau. Après une près d'une heure passée assise (contrainte et forcée) à regarder les ouvriers se débattre avec leurs outils, Seren se leva et prit la direction de la grande porte. Mais c'était sans compter l'intervention de Varson...

-Où allez-vous, Madame ?
-J'ai besoin de me dégourdir les jambes. Elles perdent tout leur sang à force de rester immobiles. Je reviens dans un moment.
-Laissez-moi le temps de faire appeler votre Dame de compagnie.

Se contenta de sourire à l'intendant avant qu'il ne s'éloigne. Comme si elle ne pouvait rester seule plus de quelques minutes ?... Toutefois, la Dame attendit bien sagement dans la Cour d'entrée que l'intendant aille quérir Ophélia. Après quelques minutes, elle aperçut le duo au bout du couloir qui venaient vers elle. Mais alors, un brin d'agitation attira son attention au niveau du pont levis. Fronçant les sourcils, Seren découvrit quelques hommes en armes emmenant de force une jeune fille visiblement grièvement blessée. Elle prêta l'oreille et leurs railleries à l'égard de la pauvresse ne lui dit rien qui vaille. Varson vit alors la Dame de Vareg disparaître soudainement de son champ de vision et il en fut si surpris que, sur le coup, il s'arrêta net au milieu du couloir. Une seconde plus tard, il reprit son avancée, accélérant le pas, cherchant à retrouver aussi vite que possible celle dont il avait la responsabilité.
Une fois dans la Cour, il s'arrêta de nouveau devant le vide qui constituait l'endroit. Elle ne pouvait avoir disparu ! Dans les jardins au Nord-Est peut-être ? L'intendant avança à grands pas vers la sortie du château puis tourna à droite une fois arrivé au bout de la Cour. Il eut tout juste le temps d'apercevoir Seren qui tournait au bout du bâtiment. Elle semblait contourner les appartements des chevaliers.
Varson força encore un peu l'allure, il tourna à droite comme sa maîtresse puis continua, longeant le mur. Une fois le quartier "militaire" passé, il déboucha sur un grand espace vide qui constituerait le potager dans quelques mois. La Dame était au bout, près de la façade Nord de la nef. Elle se dirigeait vers un groupe de soldats qui se tenaient devant une réserve de matériel avec une vagabonde. C'était cet endroit que l'on avait définit pour jouer le rôle de prison de fortune en attendant la construction des geôles.
Alors qu'il n'en était plus qu'à deux dizaines de mètres, il pouvait entendre Seren en train de houspiller les hommes en arme.

Allons bon... Que pouvait-il bien lui passer par la tête ?...

Gontran Lessiem n’imaginait pas laisser sa fille partir pour autre cause qu’un mariage, mais il n’avait pas précipité les choses. Aussi, quand la missive venant de la demeure d’Alric de Hortelant arriva il y a quelques jours, cela fut un coup dur pour toute la famille. Nombre de discussions s’en étaient suivies, au cours desquelles Ophélia essayait de défendre ses propres intérêts. En effet, elle ne souhaitait surtout pas rester dans la demeure des Lessiem à attendre que son « prince charmant » arrive, encore moins à attendre un mariage arrangé. Elle était contre ce genre de pratiques, aussi avait-elle bataillé fort longtemps pour que son père laisse ce projet de côté. Aussi, après deux jours de pourparlers, les demandes d’Ophélia furent accueillies, non pas avec grand enthousiasme. C’était le seul moyen pour elle de pouvoir vaquer à ses rêves « d’aventures », même si elle n’était sollicitée qu’en tant que dame de compagnie. C’était déjà un immense honneur pour elle de pouvoir assister Dame Seren.

Et voici Ophélia arrivée maintenant depuis quelques jours dans cette demeure, qui lui semblait encore plus magnifique que chez elle. Les pièces étaient en cours de réaménagement, ce qui n’empêchait pas notre jeune noble d’admirer les décors installés depuis par Seren. Cette dernière tenait à s’occuper personnellement. Ophélia, qui n’avait pas encore eu le temps de déballer le peu d’affaires qu’elle possédait. Elle n’avait pas encore pu s’entretenir en tête à tête avec sa maîtresse, notamment concernant ses entraînements au corps à corps, qu’elle opérait jusqu’alors seule au cours de la nuit. Elle n’avait pas abandonné l’idée de poursuivre, mais elle ne souhaitait pas aller à l’encontre de la maisonnée.

Ce matin là, Ophélia, qui était en train de finir de déballer ses affaires, et de se préparer, fut interrompue par un coup frappé à la porte de sa chambrée. Tous les domestiques étaient sur le qui-vive depuis le départ d’Alric, notamment parce que la Dame ne se sentait pas très bien. Peut-être le contrecoup des évènements des semaines précédentes. Ophélia ne pouvait compatir au sens propre, mais elle essayait tout du moins d’apporter tout son soutien à la jeune femme.

Ophélia ouvrit la porte sur un Varson assez contrarié des humeurs de la maîtresse de maison.

« Dame Seren souhaiterait aller se dégourdir les jambes, à trop rester assise, elles perdent tout leur sang, d’après ses dires. Vu son état, il serait souhaitable que vous l’accompagniez.
- Je vous suis. »

Ophélia n’avait guère besoin d’en dire plus. La santé de Dame Seren inquiétait bon nombre de domestiques, même la jeune dame de compagnie, fraîchement débarquée au sein de cette maisonnée inconnue. Alors qu’ils arrivaient au bout du couloir dans lequel Seren les attendait, cette dernière partit au pas de course. Cela surpris Varson, qui s’arrêta net. Ophélia, qui ne savait comment réagir, continuait à avancer légèrement. Elle fut rapidement rattrapée puis dépassée par Varson, qui courrait presque maintenant, afin de rejoindre la jeune Dame. Ophélia suivit donc l’intendant, afin de ne pas se perdre dans les couloirs. Elle n’était pas encore familière des lieux, aussi ne reconnut-elle pas les pièces et les quartiers qu’ils passaient.

Une fois la Dame retrouvée, Ophélia pouvait l’entendre réprimander les gardes qui avaient amenés une jeune fille, qui n’avait pas l’air en grande forme. Ophélia rejoignit alors la Dame, afin de lui montrer qu’elle était à ses côtés. On n’était pas à l’abri d’une baisse de tension. Cependant, Ophélia s’inquiétait sincèrement pour son état de santé, mais elle ne pouvait que rester silencieuse et ne pas intervenir, surtout après des réprimandes. Elle n’en pensait cependant pas moins, et ne manquerait pas de dire à la jeune Seren ce qu’elle pensait, gentillement.

En s'aventurant dans Vareg, Saéline ne se doutait pas une seule seconde se retrouver devant cet immense château par la suite. Il était bien plus grand que tout ce qu'elle avait vu jusqu'à maintenant, effectivement elle n'avait vu que peu de choses construit par les hommes mais c'était impressionnant. Elle ne pu s'empêcher de penser que faire une partie de cache-cache ici serait fort amusant.

Oubliant d'être énervée et de se débattre pour que l'on la pose quelques instants, elle regarda autour d'elle la bouche grande ouverte. La main du soldat la tenant s'abattant sur ses cuisses en claquant la fit revenir à elle et elle recommença a se débattre, ce qui faisait rire les autres soldats tandis qu'ils évitaient ses coups de pieds. Une voix dans son dos se fit entendre et les soldats se figèrent. Elle fit de même.

Se tortillant tant bien que mal, elle regarda une femme très bien habillée en train de "rouspéter" sur les soldats. Saéline laissa éclater un petit ricanement devant les bégaiements des Patrouilleurs devant cette Dame a l'air important. Le soldat qui la portait la lâcha soudainement et, surprises, elle chancela quelques instants sur ses jambes avant de reprendre son équilibre. Il ne restait plus qu'a s'en aller....apparemment ce n'était pas ce que voulait les soldats car l'un d'entre eux lui mit la main sur l'épaule comme pour l'empêcher de faire un geste.

-Si vous me le permettez, je souhaiterai dire quelques mots en notre faveur. Cette fille est une voleuse, la cape qu'elle porte a été subtilisé durant la matinée. Nous l'avons retrouvé dans la forêt en train de courir blessée devant une meute de loups.

Devant la révélation sur son statut de voleuse, Saéline donna un coup de coude derrière elle et elle entendit l'homme grogner de douleur. Un petit sourire étira ses lèvres, ça promettait d'être amusant.

-Alors que ce soit bien clair, c'est qu'une égratignure!

Oui, Seren était en train de gronder les gardes, et à dire vrai Varson n’aurait pu imaginer que la Dame en soit capable. De prime abord, elle avait l’air très douce et d’un tempérament posé. La voir sortir ainsi de ses gonds était des plus surprenants. Dans un premier temps, il observa en silence la rouquine s’indigner des manières de ces hommes –si tant est que de simples gardes puissent en avoir- et de leur manque de savoir-vivre. Traiter une pauvre enfant de la sorte, la jeter en prison alors qu’elle saignait par chaque pore ! C’était une honte ! La fillette affirma que ce n'était rien... cela n'apaisait guère l'instinct maternel de la jeune femme, ou tu du moins c'est ainsi que l'intendant de déchiffra, oubliant que la Dame avait elle-même été jetée à la rue quelques mois auparavant. A moins qu'il ignore cette information, ce qui serait des plus surprenant.
Finalement, Varson, qui n'était pas présent lorsque les soldats avaient commencé à justifier leur acte devant la furie, demanda un rapide rapport aux trois gens d’armes. Ils lui expliquèrent que la gamine avait commis plusieurs larcins en ville et qu’ils l’avaient attrapée dans la forêt. Elle était déjà dans cet état.

-Ce n’est pas une raison ! Cria Seren. Varson, dites-leur de la relâcher !

-C’est un vagabonde, Madame. Répondit-il d’un ton neutre.

La jeune femme se retourna vers l’intendant. Son manque de cœur la choquait profondément.

-Vous cautionnez cela ?! Certes, elle est une vagabonde et elle le restera jusqu’à ce qu’on lui offre un toit mais sa nature pousse chacun à la rejeter. Ce n’est qu’une enfant !

-Elle a probablement le double de votre âge, Madame.

-Elle a l’apparence d’une enfant. C’est donc qu’aux yeux des siens elle en est une !

-Soit. Soupira-t-il. Mais quand bien même, cela ne change rien à la loi. Elle a commis un vol, il doit y avoir sanction.

-Et quelle sanction ! Condamnée à se vider de son sang dans une cage ! Croyez-vous que les victimes des vols en soient satisfaites par de tels procédés ? Elles sont certes assurées qu’elles ne risqueront plus rien d’elle mais cela ne répare pas sa faute.

-Dois-je comprendre que vous avez mieux à proposer ?

-Eh bien oui ! Elle pourrait travailler pour rembourser les commerçants qu’elle a volés. Ils seront doublement satisfaits car il y aura bien eu sanction mais également recouvrement des pertes engagées.

-A la rigueur... A ceci près que personne ne voudra embaucher une voleuse.

-Nous ne manquons pas de travail au château.

-Quoi ?! Non !

Seren qui s’apaisait tout juste, satisfaite d’avoir pu faire évoluer le point de vue de Varson, remonta aussitôt sur ses grands chevaux.

-Vous ne pouvez pas accepter un argument et revenir sur votre parole la seconde d’après !

L’intendant plaça les mains devant lui en signe d’apaisement. Il ne comprenait vraiment pas pourquoi elle s’énervait à se point pour une va-nu-pieds mais il était urgent qu’elle se calme.

-Soit. J’accepte d’accéder à votre requête mais seulement pour que vous vous apaisiez, Madame. Dois-je vous rappeler que vous êtes assignée au repos ?
Elle pourra travailler ici mais elle n’aura pas la même rémunération qu’un serviteur lambda. De plus, comme nous devons veiller à ce qu’elle ne s’échappe pas, elle devra demeurer ici, sous bonne garde. Le gîte, le couvert et le remboursement des sommes volées seront retirés directement de sa rétribution. Elle pourra partir lorsqu’elle aura achevé de payer sa dette à Vareg. Cela vous convient-il ?

-C’est très bien.

Puis, se tournant vers sa Dame de compagnie :

-Ophélia, pouvez-vous veiller à ce qu’on lui attribue une chambre dans l’aile des serviteurs et à ce qu’elle reçoive des soins ?

Varson se retint de lever les yeux au ciel. Des soins, il ne manquait plus que ça… Enfin, il fallait bien avouer qu’elle coûterait plus qu’elle ne rapporterait si on ne la soignait pas un minimum. Ça aussi il avait bien l’intention de le retirer de son cachet. Elle contracterait sans doute une dette jusqu’à ce qu’elle ne commence véritablement à travailler ! Mais il garderait ces détails pour lui. De toute manière, c’est lui qui ferait les comptes.

Ophélia observait la scène qui se tenait devant elle, légèrement en retrait. Elle ne comprenait pas totalement le point de vue de la maîtresse de maison, mais étant une femme, elle avait saisi le principe. Voyant cependant l’état de la fillette, quiconque aurait incendié ces soldats pour leur manque de délicatesse (même si ce sont des soldats), mais surtout de la façon dont ils la traitaient. A croire qu’elle était du gibier… La petite ne semblait pas s’en formaliser, elle riposta même un coup de coude, que Dame Seren n’avait sans doute pas aperçu, vu son état de fureur. La révélation de son acte ne semblait pas embêter plus que cela la jeune mariée, qui ne s'inquiéta que de l'état de santé de la petite, qui semblait souffrante, et s’emporta un tantinet contre ce pauvre Varson, qui devait supporter les sautes d’humeurs de la Dame. L’embaucher au Château… Ophélia n’y aurait même pas songer. Réglant les détails de la prise en compte d’une nouvelle employée, Seren semblait s’apaiser. Etant (encore) dans ses pensées, la dame de compagnie sursauta à l’annonce de son nom.

« Ophélia, pouvez-vous veiller à ce qu’on lui attribue une chambre dans l’aile des serviteurs et à ce qu’elle reçoive des soins ?

- Bien sûr Madame ! »

Ophélia pris donc la petite sous son aile. Elle la conduisit donc auprès du guérisseur. Ophélia questionna la jeune fille en chemin. Etant bien plus vieille – sûrement qu’en apparence, elle n’hésita pas à la tutoyer. La jeune personne semblait être plus calme qu’à son arrivée. Sûrement n’avait-elle pas encore réalisé ce qui lui arrivait. Elle regardait partout autour d'elle, semblait presque étonnée de se retrouver ici.

« Comment te nommes-tu ? Que t'es-t-il arrivé ?
Si tu as des questions, n’hésites pas à les poser. »

Nombre d’autres questions se pressaient dans ses pensées, mais Ophélia laissa le temps à la petite de lui répondre, et de voir si elle-même avait des questions. Pour l’instant, elle devait s’empresser de trouver le guérisseur. La pauvre petite se remettait à saigner de la jambe et pas qu'un peu. Ophélia s'inquiétait de l'état de la petite. Cependant Ophélia n'avait pas fini de se perdre dans ce labyrinthe immense.

« Dame Seren souhaiterait que vous soigniez les blessures de cette jeune personne. »

Il la regarda avec méfiance, cependant ne dit rien et commença déjà par nettoyer les plaies de la petite, puis entama les soins. Ophélia ne connaissant rien aux soins et tout ce qui concernait les plantes médicinales, n'aurait su décrire ce qu'il faisait exactement. Tout ce qu'elle voyait, c'est que la petite souffrait encore de la douleur. Elle se pris de sympathie pour cette petite, qui à ce moment là avait vraiment l'air d'une enfant, pleurant presque.

Sans que Saéline ne comprenne un mot de ce qu'il se passait, elle sentait que l'on parlait d'elle et que le moment était mal choisi pour se faire la malle, surtout avec sa jambe qui continuait de saigner. La dame qui l'avait défendu donna un ordre a une autre dame qui était arrivée en même temps que le vieux monsieur a l'air hostile. Cette "Ophélia" comme l'avait appelé la dame rousse, la prit a part et l'emmena en direction du château. Une dernière fois, la jeune fille se retourna vers les soldats et le vieux monsieur et leur tira la langue.

"Comment te nommes-tu? Que t'es-t-il arrivé ?"
Si tu as des questions, n'hésites pas à les poser"

Furent les premières paroles que l'on lui adressa directement, mais elle ne répondit seulement à une seule des question posées.

"Me suis fait attaquer par des loups"

En disant ça, elle regarda ailleurs et redressa les épaules, ne voulant surtout pas se montrer faible devant une inconnue car, faible, elle ne l'était pas du tout. Puis elle observa la jeune fille a côté et ajouta:

"Toi, je sais déjà que c'est Ophélia, mais j'ai pas envie de te dire mon prénom. Pas encore en tout cas."

Si elle tutoyait cette personne, ce n'est pas qu'elle se trouvait supérieure a elle, mais seulement que la politesse n'était pas son fort et qu'elle ne savait pas le moins du monde comment se conduire avec les gens plus "distinguée" qu'elle.

Arrivée chez un homme qui commença a soigner sa jambe, elle serra les dents aussi fort qu'elle le pouvait pour ne pas grogner de douleur ou encore pire, pleurer. En aucun cas elle ne devait pleurer, elle ne devait pas se laisser rattraper par la douleur. Alors, doucement, elle ferma les yeux et s'imagina dans la forêt, sautant dans un arbre, volant des gens....Peut-être était-elle un peu cleptomane au fond pour avoir toujours ce besoin de voler.

Alors que l'intendant observait Ophélia s'éloigner seule avec la demie-elfe, il se tourna vers les gardes et en désigna deux pour les accompagner.

Je préfère que notre Dame de compagnie ne se retrouve pas seule avec la demie-elfe.

Les deux gardes acquiescèrent et prirent la direction suivie par les deux femmes. Ils devaient se hâter afin de les rattraper.
Varson se retourna finalement vers la rouquine, visiblement contrarié. Nous pouvons y aller ? S’enquit-il, impatient de ramener Seren à l’intérieur et de la faire s’asseoir. Il était surprenant qu’elle ait tenu debout si longtemps sans être mal. Il fallait croire que ce coup de sang, c’était ce qu’il lui manquait pour se remettre d’aplomb.
Mais l’intendant avait pensé un peu trop vite… A peine l’idée lui avait-elle traversé l’esprit qu’il vit la Dame prendre appui contre le mur tout proche, une main allant à sa tête comme si elle lui tournait subitement.

Madame ?

Varson franchit les quelques pas qui le séparait de la jeune femme afin d’observer son état. Finalement, toute cette agitation l’avait rattrapée et voilà qu’elle semblait plus mal qu’elle ne l’avait été jusqu’à présent.
Seren était prise d’un violent coup de fatigue qui lui tournait la tête. Cela ne semblait pas plaire à son estomac qui menaçait de rendre son contenu. Quant à ses jambes, elles n’avaient pas l’air de vouloir la tenir debout indéfiniment.
L’intendant passa un bras dans le dos de la Dame et posa une main sur chacun de ses bras, l’invitant par ce geste à reprendre le chemin du château tandis qu’il la soutenait. Ils firent ainsi quelques pas mais elle semblait peiner de trop. Alors Varson prit la liberté de finalement la soulever de terre et de la porter jusqu’à sa chambre.
Cas de force majeure oblige.

Sur le chemin, l'intendant héla une ou deux servantes pour qu’elles viennent prendre soin de la jeune femme. Une fois arrivé dans la chambre, il la déposa sur son lit et sortit afin de laisser le personnel faire son office. Enfin, il se posta dans le couloir, adossé à un mur et le bras croisés, attendant qu'une des deux femmes ne sortent.

Dans la pièce, où opérait encore le guérisseur à refermer les vilaines plaies de cette inconnue, étaient déposés nombres d’instruments inconnus de la dame de compagnie, ainsi que des livres sur les herbes médicinales et autres ouvrages médicaux. La jeune femme blessée était allongée sur une sorte de chaise longue, afin qu’elle soit le plus détendue, si tant est qu’on puisse être détendue dans ces moments-là. Ophélia, au fil de ses pensées, repensa ainsi aux paroles prononcées par la jeune fille, lorsqu’elle l’avait conduite ici.

"Me suis fait attaquer par des loups"

Ainsi, cela expliquait ses plaies. Elle ne pouvait imaginer ce qu’elle avait du subir lors de cette journée.

"Toi, je sais déjà que c'est Ophélia, mais j'ai pas envie de te dire mon prénom. Pas encore en tout cas."

Heureusement qu’elle n’avait pas essayé de la toucher, pour un peu, elle aurait été capable de la mordre. Ophélia resta donc silencieuse, ne sachant que dire à cette enfant, qui semblait tout de même bien mature, et donc la nature restait un mystère. Elle paraissait tout de même posséder une force de caractère hors du commun. En la détaillant de plus près, elle semblait en effet être relativement jeune physiquement, avec des cheveux d’une couleur oscillant entre le châtain et le blond, en fonction de l’orientation de la lumière. Ses yeux attiraient plus particulièrement l’attention. Ils étaient à la fois fascinants et effrayants. Elle semblait ne pas avoir de pupilles, et la couleur s’approchaient plus de l’orange que de teintes qu’elle qualifierait de « normal ».

Ophélia, malgré son âge, n’avait pas connu d’enfants, et encore moins d’adolescents, au point de ne pas savoir quoi dire ou faire afin de la rassurer. Elle qui était également dans un endroit qu’elle ne connaissait guère pouvait en partie compatir à ce qu’elle pouvait ressentir, même si elle n’avait pas été intégrée ici de la même manière que la jeune voleuse. Elle aurait aimé en savoir un peu plus, mais elle ne semblait absolument pas disposée à parler, encore moins à se dévoiler. La curiosité de la dame de compagnie serait donc insatisfaite, pour le moment. Si Dame Seren souhaitait qu’elle s’installe au château, elle aurait tout le loisir d’en apprendre davantage ultérieurement.

Pour l’heure, Ophélia resta assise aux côtés de la jeune femme. Elle repéra rapidement du coin de l’œil deux soldats, qui venaient discrètement d’entrer dans la pièce. Mais que faisaient-ils ici ? En espérant que l’esprit agité de la jeune fille ne se réveille pas...

Elle ne devait pas gémir de douleur, elle ne devait pas lâcher prise. Elle ne pouvait que serrer les dents et ne pas laisser les larmes monter jusqu'à ses yeux. Elle ne pouvait malheureusement pas s'empêcher d'avoir les jointures des mains d'un blanc presque immaculé, tellement ses poings se contractaient.

Saéline osa un sourire en regardant la dame prénommée Ophélia. Cette femme avait l'air de vouloir savoir plus de choses sur Saéline, malheureusement ce n'était pas possible, elle n'avait aucune envie de dire son prénom à qui que ce soit dans ce château.
Elle jeta un coup d'oeil aux gardes, qui avaient le teint verdâtre en regardant sa jambe blessée *Trouillards* pensa-t-elle *c'est pas vous qui êtes blessés*

Le silence était cependant trop pesant, simplement interrompu par les bruits de l'homme qui la soignait.
Saéline tourna la tête vers la fille aux cheveux blonds.

-Au fait, j'ai pas volé que cette cape aujourd'hui.

Elle passa une main sous sa tunique et la ressortit pleine de pièces, elle recommença avec l'autre main. Autant tout rendre, et puis ses pièces ne lui servaient a rien, elle aurait sûrement eu l'argent pour acheter la cape mais ce n'était pas amusant dans ce cas, mieux valait subtiliser ce qui lui plaisait.

-Mais bon, les gens a qui j'ai volé ça n'en sont pas au courant.

La jeune fille aux yeux orangés avait dit tout cela d'un ton très fier, car elle l'était, fière de ne pas s'être fait prendre. Si seulement il n'y avait pas eu ces loups, elle aurait échappés aux gardes et pas en train de moisir dans cette pièce.

Apparemment la jeune fille ne réagit pas à l’intervention des gardes, en tout cas, elle n’avait plus l’air aussi « agressive ». Ces derniers étaient plus là par sécurité qu’autre chose. Elle soupçonnait être la personne à surveiller et à sécuriser, mais elle ne dit mot. Ils détournaient la tête, comme s’ils ne supportaient pas la vue de la blessure de la jeune fille. Ophélia ne regardait pas vraiment non plus la blessure, qui était bien importante.

La voix de la jeune fille intervient alors dans ce grand calme, qui fit presque sursauter la dame de compagnie. La personne, qui n’avait toujours pas donné son nom, avoua alors d’autres vols, notamment d’argent, qu’elle lui tendait.

« Je ne peux pas prendre cet argent, je n’ai aucun pouvoir décisionnaire ici. Il faudra voir cela avec l’intendant dénommé Varson, soit avec Dame Seren, qui est intervenue lors de ton arrivée ».

La blessure à la jambe, bien que très prononcée, et très profonde, commençait à être plus arrangée, plus propre. Le guérisseur commença maintenant les soins du bras, moins importants, mais il prenait son travail très au sérieux. Ophélia regarda les prouesses de ce dernier sur la jambe, alors qu’il marmonnait qu’il ne pouvait faire mieux.

« C’est pourtant bien plus présentable qu’à son arrivée, ne vous en faites pas pour cela » lui répondit Ophélia, qui l’avait entendu. Le guérisseur lui lança un regard, et elle ne put définir si c’était de la gratitude ou bien autre chose. Elle se tourna alors vers la jeune fille.

« Je sais que tu ne veux pas répondre aux questions, alors je ne vais pas t’en poser. Tout simplement, dis moi ce que tu veux bien me dire, et si possible un prénom ou un surnom, que l’on puisse tout de même, si besoin, t’appeler, cela pourrait nous aider. Je pense que Dame Seren souhaite que tu restes au château pour le moment, je ne sais ni pourquoi exactement, ni combien de temps, autant simplifier un peu tout cela ? »

Ophélia avait vu l’esprit de contradiction de la jeune personne tout à l’heure, et s’attendait alors à un refus cuisant de parler, voire à nouveau à se faire envoyer balader. Soit. Au moins aurait-elle essayé…

La jeune femme ne semblait pas dérangée le moins du monde de devoir attendre. Elle avait l'air sereine malgré sa curiosité toujours présente en l'étrangère que représentait Saéline.
Cette dernière haussa les sourcils et ses lèvres s'étirèrent en une esquisse de sourire.

-Alors c'est comme ça qu'il s'appelle? Le vieux je veux dire. Enfin...Varson...Et Seren c'est la dame rousse?

Oui, la jeune fille avait une façon de parler bien à elle. Mais il y avait peu de gens ayant déjà entendu le son de sa voix. Elle-même ne se rendait absolument pas compte que c'était malpoli et se contentait de sourire.
Repassant les mains sous sa tunique, elle y re-déposa les pièces, ajoutant a cela un haussement d'épaules.

-Bon...tu m'as donné un nom je veux bien te donner le mien. Et un petit supplément parce que je suis gentille. Je m'appelle Saéline, et...je suis une demi-elfe!

Fière de sa race, elle accompagna sa dernière phrase d'un signe de la main pour retirer les mèches de ses cheveux emmêlés sur une de ses oreilles, laissant ainsi apercevoir les pointes qui les caractérisent si bien.

Abandonnant son sourire, elle observa la plaie sur sa jambe. C'était bien réparé. Enfin bon, maintenant il allait falloir qu'elle vole une nouvelle tunique et un nouveau pantalon. Ou plutôt du tissu...
Mais peut-être que ce n'était pas le meilleur moment pour parler de vols.

Après un moment, une des deux servantes qui prenaient soin de Seren sortit de la chambre des maîtres. Alors qu'elle prenait la direction des cuisines, une voix dans son dos l'arrêta dans un sursaut. Varson était là qui n'avait pas bougé de son coin de couloir et avait attendu durant de longues minutes que quelqu'un sorte.

Monseigneur ?!!
Vous m'avez fait peur...

Qu'en est-il ?

Euh... Oui. Hm... Elle va mieux mais elle n'est pas visible. Nous l'avons mise en robe de nuit pour lui permettre de respirer et nous l'avons allongée. La tête a fini par arrêter de lui tourner mais elle n'est pas en état de se lever.
J'allais en cuisines demander qu'on lui prépare de quoi lui redonner un peu de forces, en espérant que ça la requinque.

Varson se contenta d'un "hmhm" et d'un hochement de tête pour toute réponse au bilan de la servante puis il la laissa là, sans plus de réponses. Il se dirigea vers le local du guérisseur où il espérait bien trouver ce qu'il cherchait. En chemin, il grommela tout son sous, pestant contre cette fichue bonne femme, se demandant ce qui avait bien pu prendre Alric de l'épouser. A ses yeux, elle avait toutes les tares possibles : femme, impure et idiote. Depuis le départ du Grand Maître, son état ne s'était pas amélioré et elle refusait que son mari en soit informé, "pour ne pas lui ajouter des tracas inutiles". L'intendant n'était évidemment pas de cet avis. D'une part parce qu'il y avait plus important dans la vie que la santé d'une faible femelle et ensuite parce que le Seigneur saurait certainement rappeler la Dame à l'ordre. Aussi, il allait achever de régler les questions en souffrance et se hâter d'écrire à son maître pour l'avertir de la situation.

A peine Saélyne avait-elle rangé l'argent sous sa tunique que Varson entra dans la pièce. Juste à temps...
Visiblement irrité, il regarda tour à tour les gardes et Saélyne avant de se tourner vers la Dame de compagnie.

Dame Ophélia, je vous demanderais de bien vouloir retourner auprès de Madame de Vareg. Elle a fait un malaise juste après votre départ, elle se trouve dans ses appartements.

Il jeta un oeil en coin vers la demie-elfe avant de poursuivre.

Dites à une servante de trouver de quoi l'habiller, je la mets au travail dès maintenant. Après tout, c'est de sa faute si elle est dans cet état, c'est le moins qu'elle puisse faire.
Et puis Madame l'a voulue...

... Et elle allait l'avoir. Varson choisissait de la mettre directement au service de la Dame en guise de punition. Une gamine des rues, il n'y avait aucun doute que cela lui changerait grandement du service que l'on pouvait avoir dans les grandes Cours de ce monde. Nul doute qu'elle regretterait bien vite son choix.

Sans plus rien ajouter, il prit la direction de la sortie, s'arrêtant un instant au niveau de gardes pour leur commander de ne pas quitter la demie-elfe d'une semelle.

Ophélia sourit intérieurement. La réaction de la jeune fille était typiquement celle d’une enfant. Elle ne voulait en aucun cas la frustrer maintenant qu’elle commençait à se dévoiler. Elle ne lui posa cependant pas d’autres questions, mesurant l’effort qu’elle avait fait pour lui avouer son prénom mais également ses origines.
Elle s’attarda davantage sur le physique de la jeune fille. La couleur de ses yeux ne pouvait pas échapper à l’examen premier que l'on faisait d'elle, et l’on savait de suite que ce n'était sûrement pas une humaine, mais les oreilles, qui étaient bien cachées, le confirmaient par la suite. Ainsi c’était une demie-elfe. Ophélia n’en fût pas surprise le moins du monde, malgré que ce soit la première fois qu’elle en voyait une. La curiosité au contraire revenait au galop, elle dût prendre sur elle pour ne pas assaillir Saéline de ses questions. Elle se contenta de l'observer, sans laisser transparaître une quelconque émotion. Elle paraissait tellement fragile, mais en même temps, Ophélia avait entendu dire qu'il ne fallait pas se fier aux apparences, notamment concernant les elfes et les demie-elfes. Ces derniers pouvaient paraître bien plus jeune que ce qu'ils étaient, aussi elle se posa notamment la question de l'âge de la jeune fille, sans pour autant lui poser. Peut être était-elle bien plus vieille qu'elle, peut être pas. Le silence ne fut que de courte durée.

Varson arrivait dans la pièce, qui était spécialement affrétée en salle de soins. Ce dernier ne semblait d’ailleurs de très mauvaise humeur, Ophélia ne savait pas si c'était la présence de Saéline, et la réaction de Dame Seren à son égard, ou bien si c'était de rester ici avec la maîtresse de maison qui n'en faisait qu'à sa tête.

A la demande de Varson de retrouver Dame Seren alitée, Ophélia acquiesça, et se leva. Elle jeta un regard d’encouragement vers la demie-elfe, et quitta la salle de soins. Sur le chemin, elle transmis la demande de Varson à l’une des servantes de trouver des vêtements pour la demie-elfe, mais également de lui indiquer où serait située la chambre dans laquelle elle séjournerait au château, et continua sa route vers les appartements de la Dame de Vareg.

Les ordres de Varson étaient pour elle indiscutables, mais est-ce que Dame Seren était au courant qu'il souhaitait que Saéline commence à travailler, à peine soignée ? Cela l'étonnait beaucoup. Dame Seren avait en effet tellement insisté pour que la jeune fille soit soignée, qu'elle pensait que l'idée n'était sûrement pas la sienne.

Cela faisait combien de temps maintenant qu’elle avait accompagné la jeune fille ? De très longues minutes certainement. Ophélia s’inquiétait de l’état de santé de la jeune mariée. Celle-ci était de plus en plus faible mais refusait qu’on s’occupe d’elle, et refusait de se reposer. Quelle tête de mule ! A force de faire des efforts, voilà qu’elle s’évanouissait… Surtout après la colère qui l’avait traversée lors de l’arrivée (forcée) de Saéline.

Elle arriva devant les appartements de la jeune noble. Elle s’arrêta un instant afin de souffler, se calmer un peu, faire le vide… Puis frappa à la porte. Elle n’attendit pas la réponse de la jeune femme et entra dans la chambre. Deux servantes s’afféraient autour d’elle, elle ne s’en soucia pas. Le teint de Dame Seren était très pâle, bien plus que de raison, aussi elle s’approcha d’elle, et attendit qu’elle réagisse à sa présence.

La dame de compagnie ne comprenait décidément pas pourquoi Seren ne souhaitait pas avertir son époux de son état de santé des plus fragiles. Quelque chose n’allait pas, elle se savait souffrante, et ne s’accordait néanmoins pas le moindre instant de répit. La dame de compagnie n'en était que de plus en plus inquiète. Elle ne savait que faire, la maîtresse de maison ne souhaitant pas être assistée à tout bout de champ, et ne lui demandant que très rarement de l'aider dans ses tâches. Dès qu’elle irait un peu mieux, Ophélia ne se cacherait pas pour lui dire tout ce qu’elle pense des excès de celle-ci.

Seren était allongée dans son lit. Les servantes avaient troqué sa robe bleue contre une robe de nuit, pensant que cela lui permettrait de mieux respirer. L'une d'elle passait régulièrement un linge humide sur son front tandis que la seconde s’affairait à créer un cadre plus propice à sa guérison. Les volets avaient été fermés à demi pour réduire l'arrivée de lumière qui alourdissait la tête de la Dame et le feu avait été ranimé et attisé afin de chauffer la chambre rapidement et plus que de coutume.
Progressivement, Seren avait réussi à rouvrir les yeux mais il lui fallut attendre que les nausées s'amenuisent pour enfin ouvrir la bouche et répondre aux servantes qui s'inquiétaient. Je vais bien... Avait-elle répondu.

Depuis combien de temps Ophélia était-elle arrivée ? La jeune épouse n'aurait su le dire. Tout était assez confus, la notion du temps se distordant dans son esprit. La voyant, Seren tendit une main vers elle pour qu'elle approche. D'une voix aussi assurée qu'elle le pouvait, elle s'enquit de quelques renseignements.

Avez-vous pu faire le nécessaire pour l'enfant ? A-t-elle été soignée ? On lui bien donné une chambre ?

La rouquine était certes pâle mais elle se sentait un peu mieux. Rester allongée dans l'ombre lui faisait du bien. Elle sentait que cela allait passer. Prenant appui sur ses mains, elle tenta de se redresser. Pas trop pour ne pas risquer de relancer ses nausées mais au moins pour être un peu mieux installer pour discuter. Tandis qu'elle se relevait légèrement, la servante qui restait à son chevet arrangea les oreillers pour rendre son adossement plus aisé et confortable.
Détaillant le regard d'Ophélia, la jeune Dame sentit que quelque chose n'allait pas. Elle avait l'air inquiète, certes, mais elle sentait qu'il y avait autre chose.

Pourquoi me regardez-vous ainsi ?

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