Entre Lumière et Sombre. [Nakor]

Sujet: Entre Lumière et Sombre. [Nakor] Sam 16 Nov 2013 - 14:55

Le voyage avait été long, il avait été fait à pied. Parce qu'Elle lui avait demandé de la discrétion. Elle avait toujours su comment le convaincre. Sa lettre était encore cachée dans une des ses bourses de ceinture contenant de maigres provisions tout juste bonnes à le faire tenir debout. Se débarrasser de ses fidèles avait été un jeu d'enfant.

"Je dois accomplir la volonté de ma Mère. Et elle exige que je m'entretienne dans l'intimité avec Elle. Et il n'est pas plus grande intimité, m'a-t-elle dit en songe, que celle du désert à la chaleur écrasante, lorsque l'on erre seul, sans but avec le stricte minimum. Viens au delà de tes limites et là je te rencontrerai, m'a-t-elle assuré. Aussi, je vous demande d'être digne et de tenir les affaires selon les plans prévus. Les futurs sacrifices sont dédiés à la gloire de notre Déesse, ne les gaspillez pas!"

Et ce mensonge était passé inaperçu. C'était la première fois depuis près d'un siècle qu'il faisait quelque chose qui n'était pas motivé par Kiel et sa dévotion envers sa Mère. Ce regain de libre arbitre et d'initiative était une impression nouvelle. En soi, il savait qu'il l'avait déjà éprouvée, mais elle remontait à si loin dans ses souvenirs que c'était comme si il ne l'avait jamais ressentie. Il y avait une sorte de fraîcheur dans cette liberté. Et en même temps, une forme de douleur et d'angoisse... Ne transgressait-il pas les dogmes? Etait-il entrain de s'engager sur la voie de la trahison?

Paradoxalement, le voyage fut beaucoup plus rapide que si il avait eu ses porteurs. Il fallait bien admettre que ce mode de transport n'est pas connu pour son efficacité et servait plus de propagande et de mise en scène. Sans compter que sa douleur dans ces voyages était une prière à sa Mère. Il en conclut donc qu'il pouvait bien se permettre un écart de temps en temps, après tout, il n'existait pas de dévot plus grand que lui envers celle qui gouvernait, dans l'ombre des grands, le monde des mortels. Et puis, la troupe de nomades qu'il avait rencontrés n'était elle pas un sacrifice suffisant pour expier en partie sa désobéissance?

Il finit par arriver en vue des ruines qu'on lui avait renseignée. Nisetis la grande, la belle, offerte en sacrifice à la gloire d'Uriz et profanée pour le plaisir de Teweïon. Mais au final, celui qui avait régné sur la bataille, sur la défaite, sur la victoire, sur la guerre, c'était bien le regard cruel de Kiel Elghinn. Quoi qu'on en dise, sa Maîtresse était de tous les événements et se drapait de mille atours. Pour le première fois, il se mit à repenser à celui qu'il devait rencontrer.

Le lieu était curieux, et il avait ouï dire qu'une menace y aurait résidé pendant un temps. Sans compter ces rumeurs sur ces gros lézard de Dragons et leurs gamins d'écurie. Pas de quoi affoler le Favori, mais il se demanda si tout cela n'était pas le fait d'un piège. Il n'aimait pas la perfidie, et en même temps, il adorait ce genre de surprise. Sans doute parce qu'on le sous-estimait trop souvent et que l'erreur ne se reproduisait plus jamais après qu'il eut dispensé son divin enseignement dans les caves, les geôles ou parfois en plein air.

Il fit glisser sa lourde chaîne sacrée dans sa main, prêt à harponner de son crochet quiconque viendrait à le menacer. Lentement et sur ses gardes, il avança royal vers la place qu'on lui avait indiquée. Un lieu qui aurait été grandiose avec ses magnifiques statues draconiques, si il n'avait été passé par le feu, le sang et broyé par la rage de vaincre des siens. Il pouvait encore entendre les échos de la souffrance qui avait empli ses lieux autrefois, lors de ce qui devait être la bataille final qui scella la chute de l'empire Nisétien. Cet endroit lui plaisait décidément beaucoup...

Sujet: Re: Entre Lumière et Sombre. [Nakor] Jeu 28 Nov 2013 - 21:20

Le jour était venu, Nakor devait enfin rencontrer ce fameux Haut-Prêtre de l'ordre de Kiel Elghinn, abjecte déesse de la souffrance et de toutes ces choses que le vieux fou détestait. Sa collègue avait tenu à être présente, ce sans quoi elle pensait que les deux hommes finiraient par jouer à qui a la plus grosse et s'entretueraient. Nakor avait lourdement hoché de la tête par la négative, mais c'était là sa condition. Il avait donc accepté et s'était rendus en direction du lieu qu'il avait lui même choisi par contre. Une place très grande, aucune cachette évidente et facile de prés, une vue dégagée. Tout ce qu'il fallait pour qu'aucun piège ne soit trop refermé sur eux avant qu'ils ne puissent s'en sortir indemnes. Son bâton ancestral, issus des cavernes de Nisetis à la main, frappant de manière régulière le sol sableux, son chapeau presque millénaire sur la tête et toute son attention en exergue, Nakor avançait, Y'Shahinn à ses côtés, d'un pas sûr et tranquille.

"Pale-Sang-Bleu!"

Le Magistère avait aperçu de loin celui qui attendait, planté au milieu du terrain de rencontre, des chaines et des piques tout autour de lui. Un être qui par avance semblait véritablement cruel et doué dans son art abjecte. Les deux mages finirent de traverser la longue étendue qui les séparait de Bol d’Jiv’elgg. Une fois arrivé au point de rendez-vous et suffisamment proche pour voir tous les détails de l’individu, ses vêtements et ses chaines. Masquant avec beaucoup de brio son dégout, autant pour ses armes que pour la magie fétide qui émanait de lui, Nakor se drapa dans sa sagesse et son grade dans la guilde qu'il avait fondé. Il prit la parole en premier, étant à l'origine de cette entrevue. Il avait demandé quelques petits points linguistiques à Y'Shahinn avant de venir et prononça donc dans un drow extrêmement bien entonné

"Je vous salue Haut-Prêtre. Merci d'avoir répondu à ma demande et d'être venu d'aussi loin."

Voilà déjà un bel effort de fait, il indiquait là qu'il savait à quel point il pouvait se sentir heureux et flatté de pouvoir discuter avec un tel personnage, surtout étant lui même un humain, créature somme toute inférieure aux drows dans leur esprit d'immortel. Mais c'était mal le connaitre que de penser qu'il s'arrêterait là. Avant qu'Y'Shahinn ne puisse prendre la parole, il termina, en humain cette fois

"J'espère ne pas vous avoir fait trop attendre."

Et voilà, la position de faiblesse d'abords, puis maintenant la position de force : c'est lui qui les avait attendus, pas l'inverse. C'était dit, sans ironie, sans mesquinerie, mais c'était dit quand même. Il laissait maintenant la parole à sa collègue, qui avait tenu à être présente. Ensuite, il exposerait enfin ses raisons, sa demande et ses arguments, il verrait ensuite comment le Haut-Prêtre allait réagir. En tout cas, une fois de plus le magicien se dit qu'il vivait là une expérience nouvelle, follement incroyable et définitivement stimulante.

Sujet: Re: Entre Lumière et Sombre. [Nakor] Ven 29 Nov 2013 - 22:38

L'ancienne cité de Nisétis était quasiment devenue une destination incontournable pour la sorcière. Ce voyage était loin d'être le premier, sûrement loin d'être le dernier probablement, elle avait menée des expéditions dans ces antiques ruines alors qu'elle était encore Prime Sorcière. Aujourd'hui elle venait en tant que co-dirigeante de la guilde du Firmament, une situation dont elle ne rougissait uniquement. Seulement la journée risquait d'être spéciale car elle accompagnait un vieux fou au beau milieu d'un désert afin de le laisser tenter de raisonner un Haut-Prêtre d'Elda. D'aucun ne dirait que la démarche était saine d'esprit, le vieil archimage risquait de sortir des limites exigées malgré ses promesses. Mais la Sombre venait également pour revoir une vieille connaissance et la rencontre entre le Haut-Prêtre de Kiel et un humain à chapeau pointu était une entrevue digne d'être vécue. C'était également pour elle de revoir une personnalité officielle du Puy alors qu'elle était en exil.
Intérieurement elle se demandait comment les autres membres de son peuple risquaient de réagir en la voyant. Elle savait que Malag'eyl tolérait son éloignement tant qu'elle ne perturbait pas sa politique mais qu'en était-il des autres huiles de la société ? Quoiqu'il en soit, elle restait pour beaucoup la Prime Sorcière tant que personne n'avait reprit son titre.

La silhouette de celui qu'ils étaient venu rencontrer se dessina enfin au milieu des ruines. Le Haut-Prêtre de Kiel avait répondu à l'invitation et cela la soulagea de voir que sa missive avait été écoutée. La réaction de Nakor face à l'apparence de Bol d’Jiv’elgg ne perturba aucunement l'aspect noble de la sorcière qui elle était habituée à ce spectacle. Il s'agissait d'une image menaçante, indiquant à tout ennemi la fureur et le maléfice représenté par la déesse, il était normal qu'un humain soit repoussé par les piques et les chaînes apparentes du Haut-Prêtre. La Sorcière gratifia néanmoins la silhouette en armure d'un doux sourire, comme si elle arrivait à regarder le visage du Drow au delà du masque rouillé, ces deux-là ne s'étaient plus retrouvés en petit comité ou même en intimité depuis des décennies, avant que les aspects de la politique ne formalisent comment l'un se comportait envers l'autre.
Y'Shahinn laissa Nakor prendre la parole avant de saluer le Haut-Prêtre en retour dans le style officiel du Puy qui incombait à leurs rangs.

Je vous salue, créature de Kiel, Haut-Prêtre de la déesse. Je vous remercie également de répondre favorablement à mon invitation. Je vous introduis à Nakor, Archimage Humain et Magistère du Firmament. C'est cette personne qui m'a demandé de pouvoir vous rencontrer aujourd'hui.

Ainsi finissait les présentations formelles, elle ne savait pas de quelle manière Bol d’Jiv’elgg comptait lui retourner la politesse. A dire vrai, la Prime Sorcière jouant à l'entremetteuse entre un Haut-Prêtre et un humain, elle sentait que cela pouvait dégrader son image. Mais elle avait quitté le Puy sans remords. Même si on pouvait ressentir qu'elle était satisfaite de revoir le Sombre, elle n'en restait pas moins fière dans sa démarche. Reine de glace impérieuse, qui s'était assise sur le trône de magie des Drows et enfin Princeps du Firmament, voilà ce qu'elle était.

Sujet: Re: Entre Lumière et Sombre. [Nakor] Sam 30 Nov 2013 - 15:06

Il se tourna calmement vers les deux ombres qui s'avançaient sur la place. Il ne craignait rien, au moindre signe d'hostilité, il était apte à se défendre avec une efficacité sans pareil. Il était dans la souffrance et la souffrance était son domaine. Lorsqu'il aperçut les formes voluptueuse d'Y'Shaninn, il eut l'impression que son coeur manquait un battement. Elle était encore plus belle, plus attirante que dans son souvenir. Il eut l'impression de voir en lui exploser une douleur à retardement, celle du manque. Il avait l'impression que son corps avait toujours souffert de ne plus avoir connu la couche de l'ancienne Prime Sorcière.

De l'amour? Non, on ne pouvait pas dire que Bol d'Jiv'elgg avait la capacité de ressentir un tel sentiment, mais un désir langoureux et pressant, certainement. Et il aurait tant souhaité prendre son dû, s'adonner à son second vice après la vanité. Jouir de la luxure ici, à même le sable. Souffrir les étreintes, les caresses et les élans passionnés, brider douloureusement l'envie de cris et de souffrance. Mais il y avait un petit détail qui l'empêchait de laisser libre cours à ses pulsions...

"J'espère ne pas vous avoir fait trop attendre."

Un humains... avec un sens de l'humour particulièrement délicieux. Si il avait été moins ignorant, il saurait que le Favori n'attend jamais. Il prie et Kiel réponds tôt ou tard à ses prières. La piété, non la patience. La faveur divine et non la prétention d'un vieil homme. Un très vieil homme d'ailleurs. Au moins, il méritait son intérêt pour cela. Il aimait bien les humains de base. Ils étaient plus faibles, plus prompts à la souffrance et à la douleur et pouvaient collecter dans leur existence un nombre éminemment conséquent de maux en tout genre. Et celui-là devait en avoir connu plus qu'aucun autre...

Il écouta ensuite la Prime Sorcière. Sa voix était si agréable à ses oreilles. Elle réveillait en lui des pulsions qu'il devait taire dans une expérience d'une nouvelle sorte de souffrance, celle du déni et du refus. Elle s'adressait à lui comme le voulait la coutume. En soi, c'était une grande marque de politesse et de respect. Elle était plus froide que le vieil arrogant à son coté qui avait osé mêler dans sa bouche le parler drow avec l'abject dialecte des hommes. Il en connaissait beaucoup qui aurait d'emblée arracher la langue du mage avant même qu'il ne termine sa deuxième phrase. Certains auraient même commencé par là avant qu'il ne débute la première. La Créature de Kiel, elle, s'en foutait divinement.

"Et mon salut te revient en retour, Y'Shaninn Nehleän, Prime Sorcière à la poigne de glace. Je constate que votre ami à le sens de l'humour et de la bravade. Mais qu'il ne prenne pas trop d'assurance ou bien nous savons tous deux ce que Kiel réclamera si il fait preuve d'hérésie..."

Il laissa passer sa langue sur les barreaux de son masque à cette idée qui le faisait saliver. L'hérésie se traitait par le sang mais également par la vie. Oh certes pas celle de l'hérétique! Plutôt celles de ses enfants à venir. Et lui prenait un plaisir particulier à appliquer ce genre de sentence. La Prime Sorcière ne pouvait que le savoir. Il avait volontairement utilisé son ancien titre, pour lui, elle n'avait jamais cessé de l'être et avait montré par son départ à leur peuple que la grandeur était en dehors du Puy et non dans les caves obscures. Désormais, on pouvait dire qu'ils avaient acquis son héritage avec la campagne de Yutar et sa propre contribution en fanatiques. Le Puy s'ouvrait au monde et le monde n'allait pas aimer.

Il fit ensuite une chose qu'il n'avait plus faite depuis sa nomination. Calmement, il retira son masque. Il dévoila ainsi son arme la plus terrible, celle qu'il réservait aux ennemis les plus difficiles à briser. Le métal rouillé laissa place à une peau cendrée lisse et sans aucune imperfection. Une cascade de cheveux blanc s'échappa du métal pour descendre dans son dos lorsqu'il enleva son casque. Puis, il défit les sangle et lentement, son masque glissa dévoilant son visage. Un visage étonnant, qui avait toujours surpris d'ailleurs. Un visage pure sans tache, d'une légère asymétrie qui le rendait presque parfait. Un regard qui semblait exempt et de souffrance et de cruauté. Et lorsqu'il les ouvrit, il darda sur eux deux yeux d'ambre au regard si doux.

"Une vieille coutume veut que l'on présente ses armes et qu'on les retire avant le début de négociation houleuse. Puisque nous ne pouvons nous défaire de nos armes, je vous présente en guise de bonne fois la plus terrible des miennes. Par la même, j'espère bien enlever un peu de formalité à cette rencontre. Tu es toujours aussi belle, Y'Shaninn, rien que pour cela je ne regrette pas d'être venu jusqu'ici. Mais quel est donc ce problème qui nécessite que toi, la plus puissante sorcière drow, soit réduite à demander l'aide d'un Haut-Prêtre?"

Naturellement, il ne s'adressait qu'à Y'Shaninn. Pour l'instant, l'autre ne méritait aucune attention de sa part. C'était un humain, vieux et courbé. Archimage peut-être, mais un rien trop prétentieux à son goût. De plus, l'attente et le fait d'être ignoré contrarieraient le vieux et cela lui donnerait une certaine satisfaction. Parce que la frustration était aussi une souffrance et un des domaines cachés sur lequel régnait Kiel Elghinn.

Nakor avait donné son introduction, il s'était ensuite effacé pour laisser parler Y'Shahinn, après tout, ils se connaissaient bien tous les deux et elle voulait absolument s'assurer du bon déroulement de la petite réunion. Elle donna du titre et des ronds de jambes, protocole drow oblige. Et voilà qu'il vint au tour de ce Bol d’Jiv’elgg de se présenter. Derrière les barreaux abjecte de son horrible masque, on pouvait sentir la froide folie de ce Haut-Prêtre d'un ordre fort détestable. Mais Nakor en avait vu d'autres, il avait combattu les sorcières des marais voilà plus de deux cents ans, il avait combattu les chaotiques récemment avec Y'Shahinn d'ailleurs et bien d'autres folies dans les profondeurs du monde. Ce n'était pas un sadique hautain qui allait le déstabiliser. Et il était là pour tenter un petit quelque chose en direction de Glinaina, le reste ne comptait pas. Il fallait donc rester fort calme et prendre toutes les potentielles remarques de l'homme d'une manière biaisée afin de rompre avec son habitude de voir devant lui des gens s'écraser. Le Magistère et la religion étaient deux choses bien éloignés. Nakor portait respect aux dieux, mais il désirait avoir dans ses mains, les propres clés de sa vie, pas la donner en pâture aux dieux en passant son temps en prières soumises. Si les dieux avaient donné la vie, ce n'était pas pour avoir des jouets qui allaient les vénérer en oubliant de se servir du don de vie qu'ils avaient sans doute eux bien du mal à mettre en place. Laissant là ses remarques internes, le vieillard restait concentré. Y'Shahinn avait eut la grâce de parler en langue commune, Bol d’Jiv’elgg suivit donc le mouvement. Il se tourna vers la Prime Sorcière et répondit après avoir dévoilé un visage presque aux antipodes de ce à quoi on pouvait s'attendre. Le vieux fou ne cilla même pas quand il ordonna presque le calme par l'intermédiaire de la Princeps du Firmament. Comme si l'ordre lui passait au dessus. Et comble du non savoir vivre, le Haut-Prêtre continua en faisant comme si c'était Y'Shahinn qui voulait le voir et non Nakor. Croisant les bras devant son torse, le bâton bien planté dans le sol sableux à ses côtés, le Magistère ne se laissa pas faire. Il regarda droit dans les yeux le tortureur et prit la parole

"Haut-Prêtre de Kiel, je doute que celle que vous appelez vous même avec respect la plus puissante sorcière drow, et j'ajouterai "encore en vie" ayant personnellement connu Aetherya, ne puisse être réduite à une simple messagère entre vous et moi. Ce n'est pas ma collègue au Firmament qui a besoin de votre aide et la donc quémandé, c'est moi même qui ai demandé cette entrevue avec vous. Alors de grâce, afin d'éviter à Y'Shahinn de passer son temps à répéter ce que je veux vous dire et ce que vous voulez me répondre, alors que nous bénéficions tous deux d'oreilles fonctionnelles, adressez-vous directement à moi, Nakor de Nisetis, ancien sorcier du roi et Magistère du Firmament, archimage de mon état! Si cela ne vous suffit pas et que vous continuez à penser que vous vous adressez à un insecte insignifiant et bien sachez que je vais continuer à vous parler. Et je pense qu'un insecte gênant peut le devenir bien plus qu'un adversaire drow ou un subalterne ennuyant de votre église que vous considéreriez avec plus de profondeur."

Nakor n'avait pas encore dit les raisons de cet entretien à Bol d’Jiv’elgg. Il voulait d'abord réussir à attirer l'attention du Haut-Prêtre, et une fois qu'il aurait un peu de sa considération, alors ils pourraient enfin échanger et tenter de négocier. Jusque là, il était futile et inconvenant de transformer la belle et froide Y'Shahinn en corbeau répéteur. D'ailleurs comme pour signifier qu'il apportait actuellement plus de respect à la sorcière que ne le faisait cet homme, il se tourna vers sa collègue en terminant ainsi.

"Avec tout mon respect envers vous ma chère et sans vilain tour, vous le savez!"

Le pire, c'est que le bougre était sincère, ce n'était pas là une manigance. La drow savait que Nakor lui apportait respect et confiance depuis quelques temps déjà.

Bol d’Jiv’elgg répondait de manière attendue, il continuait à voir l'ancienne Prime Sorcière comme celle qui régnait sur la magie Drow. C'était agréable pour la sorcière de voir que d'anciennes relations ne changeaient guère depuis le temps où elles s'étaient terminées. Le Haut-Prêtre sortait des rangs en osant une action que personne n'avait vue depuis son accès à sa fonction : celui de retirer le masque de terreur qu'il portait depuis toujours. Ce geste pouvait représenter un geste de simple bonne volonté pour Nakor mais Y'Shahinn ne connaissait que parfaitement les implications de retirer ce masque en public, c'était là un grand privilège qui était accordé aux visiteurs de Bol d’Jiv’elgg. Un sourire vint saluer l'apparition d'un visage qu'elle n'avait plus vue depuis des décennies, intérieurement la sorcière était satisfaite de revoir ce visage qu'elle avait tant connu et aussi si nostalgique. Beaucoup avaient dis que le rituel du Haut-Prêtre l'avait défiguré à jamais, elle était ravie de voir qu'il n'en était rien.

Tes paroles m'honorent et réveillent des souvenirs des plus nostalgiques Bol d’Jiv’elgg. Je suis également heureuse de te revoir et ces retrouvailles ne sont effectivement à ne pas regretter. Si je viens te revoir c'est qu'il existe des domaines où mes compétences n'ont pas d'applications malgré mon rang. Mon ami ici présent est celui qui a demandé à te rencontrer, il sait que c'est dans son intérêt de ne pas trop fourcher sa langue à l'égard de toi et de la Déesse de la Souffrance.

Bien entendu Nakor la fit aussitôt mentir en faisant mention d'Aetherya et que Y'Shahinn était la sorcière la plus puissante "encore en vie". Un dérapage verbal était facile quand un humain était présent, surtout quand l'humain ne connaissait aucune crainte et avait un caractère soupe-au-lait. En tout cas les paroles de l'archimage étaient un pain béni pour que le Haut-Prêtre ne soit outré et tente de laver l'affront qui venait d'être fait à la sorcière. De plus se comparer lui-même à un insecte ennuyant était le meilleur moyen d'appeler à une forme d'écrasement pour faire taire l'agacement provoqué.
En apparence, la sorcière ne sembla pas s'offusquer des paroles prononcées mais elle fait quand même un aparté en direction de Nakor pour rectifier le tir avant que les sortilèges ne fusent.

Voyons très cher Magistère .. Rappelez vous ce que je vous ais dis au sujet d'Aetherya, personne ne viendra vous reprocher votre victoire mais faire ce genre de .. classement avec ma personne n'est pas du genre à être un compliment. Je sais très bien qu'il n'y avait pas de mal dans vos paroles mais si vous ne fleurissez pas mieux vos paroles certaines personnes de haute stature pourraient se méprendre sur vos intentions.

La meilleure option pour que Nakor obtienne ce qu'il voulait était encore de mettre un peu de diplomatie dans ses paroles et de ne pas provoquer Bol d’Jiv’elgg sans le vouloir. Y'Shahinn savait bien que l'humain était une bombe ambulante quand il s'agissait de parler à un noble Sombre et elle était soulagée de ne pas laisser ces deux-là entre eux.
Elle décida de poursuivre la discussion et se retourna vers le Haut-Prêtre. Nakor n'avait pas encore dit la raison de cette entrevue mais il serait plus souhaitable que ce soit la Prime Sorcière qui donna les premiers détails, surtout que leur invité n'avait d'yeux que pour elle.

Ust'kor .. La Première Colère de Kiel a été retrouvée dans le corps d'une personne. Cette personne est venue demander de l'aide au Firmament, la nouvelle guilde que je dirige avec Nakor ici-présent. J'ai pu identifier avec certitude la malédiction de la déesse qui habitait ce corps mais mes pouvoirs n'ont pas d'effets sur le domaine divin. Mon compagnon de guilde ici-présent est très familier de cette personne donc il m'a demandé de pouvoir te rencontrer afin qu'il puisse bénéficier de ta relation privilégiée avec la Déesse des tourments.

Elle en eu terminé par la suite. Nakor était libre d'entamer les questions qui lui traverseraient l'esprit, la sorcière resterait vigilante sur le déroulement de la conversation, prête à répondre de même si Bol d’Jiv’elgg décidait de se concentrer sur elle. Après tout elle appréciait de revoir ce Sombre qui avait partagé avec elle un moment de son passé.

En entendant le vieux fou, le Favori sourit. Un sourire des plus sincères, ou en tout cas qui aurait été considéré comme tel si il ne s'était étiré sur ses lèvre à lui. Beaucoup voyait le Masque de la Souffrance comme étant uniquement l'artefact, mais son sens réelle et son pouvoir était tout autre. Son visage était le Masque de la Souffrance autant que le métal qu'il tenait dans sa main. Le sourire sincère et vrai, les yeux pétillants, le regard d'une pureté innocente et le rire cristallin. Autant d'élément qui faisait un contraste tellement brutale avec l'horreur, les cris et le sang que c'était bien souvent lui qui venait à bout des victimes de Bol d'Jiv'elgg. Il leur faisait associer par ce simple fait toute forme de beauté et de bonheur au son de leurs hurlements et à l'odeur de leur propre sang et de leur chair brûlée.

Et à la fin de son discours la notion d'insecte fit songer au Haut-Prêtre que faire regretter à l'humain son impudence ne serait pas du plus mauvais goût. Sa main caressa lentement sa chaîne et était prête s'en saisir fermement. D'un instant à l'autre, il aurait suspendu le magistère dans les airs comme un jambon prêt à être fumé. Mais Y'Shaninn était plus maline que son comparse, à n'en pas douter. Si il y avait bien une personne qui pouvait juguler sa ferveur à honorer Kiel Elghinn, c'était elle et personne d'autre. Lorsqu'elle reprit la parole, se dressant virtuellement entre eux, les pupilles de Jaluk Beldro’A Rintheith d’Ilkar d’Jiv’elgg se dilatèrent et il huma une légère effluve qui s'était détaché du corps de la Prime Sorcière et avait survécu au vent et à la chaleur de ce désert. Les sensations que cela lui procura l'éloignèrent quelque peu du moment présent et de la réprimande qu'elle menait au Magister en aparté.

Lorsque sa distraction fut passée, il eut plus encore envie d'écorcher le vieillard pour profiter d'un moment d'intimité avec la Prime Sorcière... Et puis, le mot résonna sur la place, à ses yeux il lui sembla que ce mot vibra dans toute la cité. Ust'kor... Mais c'est impossible, la chose était sensé être morte et enterrée. Le projet avait fini par la tuer. Il en était presque sûr, la dernière fois qu'il l'avait cherchée, il n'avait pu la trouver. Elle n'aurait pourtant pas pu échapper à sa clairvoyance... à moins que...

"Toi... c'était toi. Celui qui m'a empêché de retrouver sa trace. Tout compte fait, tu n'es peut-être pas tant un insecte que cela, humain. Mais il est évident que tout pouvoir que toi, ou n'importe qui d'autre dans tes connaissances ayez, vous soyez revenu bredouille de vos tentatives. Laisse moi deviner... Tu as tenté de la raisonner, tu as essayé de dissiper la malédiction, tu as peut-être essayer de créer une contre bénédiction. Mais vu qu'elle s'opposait à la magie et qu'elle réagissait viscéralement à toutes approches. Vous l'avez peut-être même amenée aux Elfes. Et l'échec n'en a été que plus retentissant n'est-ce pas?"

Il avait complètement arrêté de négliger le vieux Nakor désormais. Il mesurait finalement une certaine force dans ce vieillard et était plus qu'intéressé par ce qu'il pouvait lui apprendre. Ainsi donc cette visite qui était censée se dérouler en dehors de sa perpétuelle vénération de sa Mère n'était qu'un autre dessein dans le plan complexe de la déesse. Sans le savoir, Y'Shaninn venait de servir de son intervention la grande déesse de la souffrance. Il ne lui resterait plus qu'à juger de ses yeux pour ce qui était des effets de ses recherches. Il jubilait réellement, et il était conscient que cela se voyait mais ça joie était telle qu'il n'en avait que faire. Même son désir pour la Prime Sorcière en était jugulé.

"Une expérience de plus d'un siècle qui aboutit enfin... Et vous voudriez que je soigne cette Elfe, c'est ça?"

Dans son esprit, au milieu de la félicité, il cherchait déjà quel contrepartie il pourrait demander en échange d'un tel service. Si il pouvait marquer l'un de ses deux interlocuteurs présents... En plus de marquer l'enfant, bien évidemment. Il n'allait tout de même pas la laisser respirer alors qu'elle était si proche de devenir à elle-seule un artefact vivant de Kiel. Quand les deux mages sauraient comment il avait créé sa malédiction, ils comprendraient certainement pourquoi leurs efforts avaient été vains et que le pouvoir de défaire ce qui avait été fait n'était pas en leur possession.

Y'Shahinn commença par prendre à part le vieil homme et lui indiquer avec une grande courtoisie, certains points de géopolitique drow. Fronçant les sourcils, non pas pour montrer sa désapprobation mais pour indiquer qu'il réfléchissait, il se mit alors à sourire très légèrement et, de manière bien étonnante, hocha de la tête, comme pour dire merci. Quelle bien étrange manière. C'est comme s'il venait en fait, juste de comprendre quelque chose qu'il avait sous les yeux et qu'il avait mit six cents ans à comprendre. En effet il avait très peu côtoyé les drows, il avait discuté avec certains d'entre eux, découvert qu'ils n'étaient pas des fous sanguinaires qui tuaient dés qu'ils voyaient quelqu'un. Il avait mit tant de temps pour finalement comprendre que la puissance, la force, la domination, le chaos, la supériorité, oui comme tout le monde le racontait mais aussi et finalement surtout, la flatterie, les bonnes manières, les caresses dans le bon sens. Qu'il avait été aveugle de ne pas voir ça plus tôt. Sa collègue venait sans doute de lui donner une bien intéressante leçon sur les drows. Le magicien s'approcha alors du Haut-Prêtre de Kiel et écouta avant de prendre la parole. Il afficha même un visage un peu surpris quand ce dernier se prit d'intérêt pour le vieux fou. Il fit une petite énumération des diverses possibilités qu'avait dû emprunter le vieillard. Cela le fit légèrement sourire, pas un sourire de moquerie, plutôt un sourire qui était sur le point de révéler un petit secret. Et comme Bol d’Jiv’elgg le tutoyait, Nakor en fit de même, avec une pointe de respect malgré tout

"Non tu te trompes Haut-Prêtre de Kiel, j'ai agi un peu différemment. Avant toute chose Bol d’Jiv’elgg je tiens à présenter mes excuses envers Y'Shahinn, je n'ai en effet pas fait preuve d'une grande intelligence dans ma tournure de phrase. Mais laissons ça de côté. Revenons-en à mes méthodes, quand elle s'est présentée à moi, cette jeune elfe m'a demandé ce que c'était, j'ai simplement légèrement prospecté et j'ai senti immédiatement quels pouvaient-être les effets de ce sortilège. J'ai aussi bien senti que, n'étant pas de mon domaine que de maitriser la magie drow, je ne pouvais rien faire sans aggraver la situation d'un point de vu magique. J'ai alors fait la meilleure des choses qu'il est à faire quand on veut lutter contre un sorcier : agir comme un non sorcier! Je n'ai donc pas fais de magie, je l'ai conseillé. J'ai senti que cela éveillait en elle des sentiments que le peuple sylvain ne connait pas et n'expérimente presque jamais : la colère, la haine, la soif de sang et de chaos. Je sais que cela ne résume pas votre race Bol d’Jiv’elgg, mais cela fait parti de certaines de ses caractéristique je pense. Alors j'ai fais ce qu'il me semblait bon de faire : lui apprendre à accepter ses sentiments nouveaux afin de mieux les maitriser. Je lui ai appris la concentration, le retour rapide au calme. Avec le temps et l'entrainement, ses crises parvenaient à être jugulées."

Puis cessant de parler quelques instants, Nakor se passa la main sur la barbe et continua

"Oui, je l'ai amené dans la forêt elfique, mais pas pour les raisons que vous imaginez. J'ai un ami là bas, qui a connu la sévère torture drow et qui y a survécu. Il a même réussi à combattre sa haine et sa colère malgré les stigmates sur son corps, qui rappellent sans cesse cette infernale période de sa vie. Je voulais juste qu'elle discute avec lui. Notre rencontre avec la Gardienne de Kÿria fut plus que fortuite et absolument inutile au possible. Mais ce ne fut pas de mon fait. Je n'ai jamais utilisé la magie pour tenter de la soigner si je puis dire, je lui ai simplement appris à s'accepter un peu plus et à se mithridatiser à la magie."

Puis plantant un regard définitif sur le Haut-Prêtre, il termina ainsi

"Alors oui, je vous demande de prier votre déesse. Parce que je ne lui suis pas assez dévot pour que ma prière soit entendue. Je ne demande pas de détruire une expérience, je demande simplement qu'une jeune elfe, qui n'a fait de mal à personne, qui est pleine de bonté et de joie de vivre soit réellement soumise au regard de Kiel. C'est un sorcier drow, pas un prêtre de votre ordre qui a lancé maladroitement ce sort. S'il avait été bien lancé, par vous même ou un de vos prêtres, je suis persuadé qu'aucune de mes manigances n'auraient mené nul part. Alors plutôt qu'un effet néfaste menant à la mort d'une elfe sylvaine, je voudrai demander à Kiel quelle est la plus grande source de souffrance et de cruauté : soumettre ainsi une elfe déjà vaincue ou annuler la magie d'un sorcier qui s'est pris pour un avatar d'un dieu?"

Nakor était sérieux, il ne cherchait à manquer de respect ou à rabaisser personne. Il savait que ce n'était pas un prêtre qui avait lancé le sortilège, mais un drow extérieur au culte de Kiel. Que celui ci ai volé les connaissances ou ai été envoyé, le sortilège n'avait pas d'un seul coup transformé Glinaina en drow. Ces effets avaient même été tenus en échec jusque là. Ainsi, le Magistère se demandait véritablement comment Bol allait réagir à tout cela.

L'entretien reparti sur de bonnes bases maintenant que les détails sur la politique des nobles Drows étaient éclaircis. La sorcière faisait confiance à son compagnon de guilde pour démêler les ficelles compliquées qui régissaient les esprits des Sombres, un non-initié irait droit dans le mur sans même s'en apercevoir et nombreux étaient ceux qui avait payé de leur existence quelques mots mal prononcés, c'était parfois ce qui faisait la différence entre la mort ou une vie d'esclavage misérable.
Elle s'autorisa un moment de relâchement en rabattant sa capuche de sa tête, libérant au vent la longue chevelure noire qui était si rare parmi les membres du peuple du Puy. Durant cet instant elle ressemblait plus à celle qu'elle fut avant de rejoindre le Firmament, son regard emplit de noblesse et sa silhouette étant assombris par ses cheveux à la couleur si particulière. Seul l'absence de diadème sur son front tranchait avec son ancienne vie, du temps où elle arpentait la cour des Rois Sombres.
Restant attentive, la Sombre observa les réactions du Haut-Prêtre qui semblait surpris d'entendre que la Première Colère existait .. du moins qu'elle existait encore car il semblait en connaître quelques rayons sur le sujet.

Glinaina était donc le résultat d'une expérience menée dans ce but, elle n'était guère une sorte d'accident. Cette option n'avait pas été envisagée par la sorcière dans la mesure où la déesse des tourments était du genre capricieuse, rechercher délibérément à recréer la Première Colère trahissait des objectifs plus retors qu'une simple expérience faite sur des prisonniers de passage.
Cela indiquait néanmoins que les efforts à apporter pour convaincre le Haut-Prêtre risquaient d'être plus compliqués que prévu. Même si le domaine divin était refusé aux pratiquants de l'Art, les sorciers étaient également des êtres ne souhaitant guère détruire le résultat d'un projet sur lequel ils avaient passé du temps.
Les paroles de Bol d’Jiv’elgg sonnaient comme une mauvaise nouvelle aux oreilles de la Sorcière car maintenant son intérêt risquait d'être porté sur comment récupérer la jeune Elfe afin d'acquérir le résultat de ses travaux .. à moins qu'il ne demande une compensation démesurée en retour.

Nakor ne semblait pas encore avoir compris qu'il parlait au véritable tortionnaire de Glinaina alors qu'il décrivait les efforts qu'il avait prodigué à l'elfe depuis qu'elle lui avait demandé de l'aide. "Un sorcier qui s'est pris pour un avatar d'un dieu" ? Jamais un Haut-Prêtre n'irait oser s'affirmer jusque-là, fut-il Drow, mais un Haut-Prêtre tentant de se rapprocher des premiers agissements divins était comme un acte de dévotion et la Sorcière ne connaissait que trop bien la motivation religieuse de cet ancien compagnon qu'elle revoyait depuis plus d'un siècle.
La suite de l'entretien risquait de se tendre un peu plus.

Les tourments de Kiel ne sont en rien une maladie, parler ainsi ne pourrait que signifier que notre peuple n'est que le jouet d'un destin moqueur. Néanmoins quel est le but de cette expérience ? revenir aux premières heures de notre race, lorsque nous fumes forgés par la Première Colère et le Premier Feu de la guerre, est faire machine arrière alors que nous avons évolués bien au delà de nos premières souffrances. Faire expérimenter cette douleur à une Elfe sert-il un quelconque but ?
Cette jeune Elfe se démarque à elle-seule de tout un peuple en portant en elle cette malédiction mais peut susciter la jalousie de nos pairs car elle s'approche psychiquement de ce qui a forgé les grandes familles des Prima Sanguis.
Le rôle de cette Elfe est-il d'être une insulte aux Sombres en leur montrant que d'autres êtres, qu'ils haïssent, peuvent leur ressembler ? Je ne pense guère que la Déesse des tourments ne soit aussi insultante envers ses enfants.

Si faire entendre raison à la Déesse est une condition pour mettre un terme à la Première Colère, quelle serait ta position par rapport à notre demande, Jaluk Beldro’A Rintheith d’Ilkar d’Jiv’elgg ?

Ah! Si les mortels pouvaient avoir conscience des grandes trames divines! Mais il n'en était pas ainsi, et leur expliquer ce que Kiel Elghinn lui avait commandé était inutile. Aucun des deux intervenants n'aurait la conscience suffisante de la déesse de la Souffrance que pour pleinement appréhender son message. Un retour en arrière? Non, une renaissance! une expansion! Trouver le moyen de reproduire Ust'Kor, c'était celui de d'étendre la perfection drow, mais plus encore, c'était ouvrir à la possibilité d'un miracle! Que la Première Colère puisse se voir transcender par la volonté de Kiel et donner lieu à une nouvelle race, une perfection plus avancée. Ça! C'était le plus pure et pieux des desseins. La tâche la plus sacré qu'il pouvait réaliser.

Mais même Y'Shaninn avec ses cheveux noirs si sensuels ne pourrait comprendre à quel point il était vital qu'il arrive à développer cela. Les grands projets du Favori pour montrer au monde la puissance de Kiel ne seraient pas complet si il n'inscrivait pas dans cette grande oeuvre la possibilité de mêler des forces qui dépassait l'entendement des mortels. Séparément, les deux étaient complexe à mettre en oeuvre, couteux, long et lent, mais quel effet merveilleux cela pourrait il donner lorsqu'ils se combineraient? Seule sa Mère pouvait le dire. Et lui n'en parlerait pas. Il ne laisserait pas ses projets saints être souillés par l'oreille des moins pieux. Et il ne prendrait pas le risque de voir la trahison naître et de voir son projet contre-carré.

"Ma chère Y'Shaninn, je ne vois où tu veux en venir. J'ai longuement réfléchi à la manière de marquer le corps et l'esprit, la recherche fut éprouvante. Cette Elfe était juste la première esclave à croiser mon chemin lorsque ma décision et mes conclusions furent arrêtée. Après tout, la vie d'un drow est bien trop précieuse. Tu comprends, il fallait que ce soit une enfant, sinon ça aurait été autrement plus compliqué et les Elfes ont une sensibilité tellement délicieuse à la magie... Ce n'était qu'un choix de circonstance. Et puis, j'admets que voir comment se développerait ma création avec le temps dans un environnement libre plutôt que dans un cachot m'a séduit, une preuve de faiblesse peut-être...

Mais lorsque je l'ai retrouvée, j'ai bien compris que ma Mère me montrait que j'avais fait le choix juste. J'ai pu juger du chemin parcouru et j'ai pu corriger mon erreur. J'ai cru pendant un temps qu'elle n'avait pu survivre au processus. Que ce soit par son corps ou bien son esprit, ou par la main d'autres. Mais désormais que vous m'apprenez qu'elle a survécu, je serai enchanté de voir ce qu'ont donné mes ajustements..."

Evidemment, un tel discours ne pouvait pas plaire au vieil hurluberlu qui lui faisait office de vis à vis et dont l'intérêt était limité à sa seule capacité à avoir caché Glinaina au regard du Favori. Mais il fallait qu'il se montre diplomate, pour une raison assez étrange, Y'Shaninn semblait le tenir en grande estime... Ou en tout cas, suffisamment s'intéressé à lui que pour mimer le retrait. Aussi décida-t-il de faire preuve d'un peu de diplomatie. Après tout, Kiel lui pardonnerait d'avoir du courber son langage pour sauvegarder une pièce maîtresse...

"Bien sûr, j'ai peut-être l'air fort enthousiaste, mais vous devez comprendre que c'est un projet de plus d'un siècle qui aboutit. Si j'ai bien compris, il est question de lui retirer ce que... Nik... Nuk... Nakor? qualifie de sortilège, même si je pense qu'il se retient de parler de malédiction... Je suis prêt à considérer cette demande. Je soumettrai Glinaina au regard de Kiel, comme tu l'as si bien demandé et formulé, vieil homme. Je me ferai l'intermédiaire de la Déesse des Souffrances, comme c'est là mon rôle et je transmettrai son jugement. Reste à savoir quel en sera le prix..."

Bien sûr, si le vieux fou avait su ce qu'était le regard de Kiel, il ne lui aurait jamais suggéré cette idée. En fait, il était fort peu probable qu'aucun des deux interlocuteur ne soit réellement au courant de cette pratique. Après tout, il s'agissait d'un secret du temple, d'une méthode particulière qui visait à pénétrer l'âme, à la mettre à nu... Une autre manière de briser et d'asservir un être impie et hérétique. Bol d'Jiv'elg allait beaucoup s'amuser, il ne regretterait pas le voyage...

Nakor avait donné ses explications, éclairci aussi sa demande et les raisons qui le poussaient à agir ainsi. Y'Shahinn choisit elle, un axe plus personnel, avec atteinte à l'honneur des drows par formation magique d'un équivalent des Primas Sanguis. Pendant qu'elle prenait la parole, le vieux fou observait distraitement ce Bol, Haut Prêtre de la souffrance et se passait tranquillement la main droite sur la barbe. Il souleva le sourcil gauche avec intensité quand sa collègue du Firmament prononça le nom complet de ce qui était sans doute un de ses anciens compagnon de couche. Nakor pensa intérieurement

"Pale-Sang-Bleu! Comment peut-on porter un prénom comme celui là?"

Et voilà que ce fut évidemment au tour du religieux de prendre la parole. Dans la logique drowesque de son monde noir et chaotique, il commença par répondre à Y'Shahinn, première dans l'ordre des considérations. Très légèrement offusqué, le vieux fou en garda tout de même la bouche clause, sur une moue retenue. Et quoi? Il n'arrivait pas à retenir un prénom aussi court que celui du Magistère alors qu'il portait un prénom à combien? Prés de douze syllabes? Mais peu importait, car chaque nouveau mot prononcé par Bol d’Jiv’elgg devenait de plus en plus dangereux. L'archimage n'attendit même pas une demie seconde pour répondre, en usant de sa fantastique mémoire de magicien à l'écoute finalement extrêmement attentive en situation tendue

"Le prix de quoi? Monsieur le Haut Prêtre Jaluk Beldro’A Rintheith d’Ilkar d’Jiv’elgg! Je vous demande de prier votre déesse, elle prendra ses propres décisions divines et ordonnera. Je ne vois pas où il faudrait payer."

Et on senti bien que le vieillard se retint d'aller plus loin. Il croisa les bras sur la poitrines et souffla par le nez, fortement, avant de se lancer, après mure réflexion, et en prenant quelques précautions de langage

"Désolé par avance si je me montre légèrement discourtois Haut Prêtre mais ... quand je croise un homme, représentant de la déesse de la cruauté et de la souffrance, tout de chaînes et de crocs vêtus, qui s'est amusé à jeter ce qu'il nomme lui même une malédiction, qu'il a mit un siècle à mettre au point, sur ce qu'il appelle de manière détestable, soit dit en passant, une esclave ... Est-ce à dire un jouet rien de plus ... et qu'il vient me dire, en réponse à ma demande, que Glinaina va devoir être soumise au regard de la déesse, sous votre autorité ... et bien vous comprendrez que je me méfie voilà tout!"

Voilà, c'était dit, Nakor se retenait déjà de ne pas sauter au coup de ce sale rat qui avait lui même empoisonné sa petite protégée chérie, il ne fallait pas non plus le prendre pour un imbécile. Avant même qu'Y'Shahinn ou Bol n'intervienne, il termina en levant un doigt autoritaire, pour montrer qu'il n'avait pas fini

"Et que l'on ne tente même pas de m'entourlouper en me prenant pour un vieux fou! Si quelque chose se passe, la moindre chose, je veux savoir À L AVANCE, ce qu'on va faire sur Glinaina! Je ne peux m'immiscer dans vos prières Bol d'Jiv’elgg c'est évident, mais je veux savoir pas à pas ce qui va se passer avant que cela se passe et que cela soit entendu et compris comme étant absolument et résolument non négociable : jamais vous ne resterez seul avec Glinaina! Je serai constamment présent ... et je vous le dis droit dans les yeux : prêt à intervenir!"

Non mais! On ne se jouait pas si rapidement d'un vieux monsieur, quand bien même était il humain, barbu, vêtu d'une robe, coiffé d'un chapeau et au regard un brin désoeuvré quand on n'y regardait pas de trop prés.

Les raisonnements de la sorcière n'apportaient en retour que des réponses en demi-teintes de la part du Haut-Prêtre. Les implications de telles expériences étaient évidentes pour celui qui le menait mais le regard extérieur d'une personne découvrant le potentiel de la manoeuvre apportait d'autres éléments à considérer. Etant elle-même une chercheuse, elle avait usé de stratagèmes et de cobayes afin de développer le potentiel de la magie du Puy, menant à la mort sous sa supervision bon nombre d'êtres innocents. Mais encore jamais elle n'avait tenté de créer quelque chose qui n'entrait pas dans le carcan de la race Drow. Le domaine religieux lui était interdit et bon nombre des idées de Bol lui étaient inconnues, même pour elle. Mais elle garda néanmoins l'esprit critique qui caractérisait le regard d'un chercheur envers les ambitions d'un autre.

Je ne questionne nullement tes moyens de recherche ni même tes choix de victimes. Je constate uniquement les implications de tes travaux. Je ne sais que trop bien que certains projets tiennent au coeur de son commanditaire mais bon nombre d'observateurs extérieurs risquent de voir d'un mauvais oeil certains résultats de tes oeuvres, parmi notre peuple en premier lieu mais tout comme parmi les autres.

De nombreux cultes ou clans des Drows étaient prompts à dégainer le mot "hérésie", la Prime Sorcière en avait fait l'expérience récemment. Sur le fait savoir que Glinaina avait subie une expérience en liberté signifiait que l'Elfe avait eu beaucoup de chance. Rester dans l'ombre lui avait garanti une certaine forme de sécurité.
Mais restait désormais la question de savoir comment ces travaux allaient se terminer. Comme prévu le Haut-Prêtre n'allait pas obtempérer sans obtenir une contrepartie, une contrepartie tout autre que celle de revoir Glinaina, détail qui lui était certainement acquis par l'assemblée. Y'Shahinn ne connaissait pas les rites informels du culte de la déesse de la souffrance, ses expériences passées avec Bol d’Jiv’elgg n'étaient pas allées sur ces domaines propres au culte. Mais elle n'était guère dupe envers les mots employés, le "regard de Kiel" impliquait un traitement plutôt malsain pour sa victime, le simple fait de voir les effets du rituel d'intronisation du Haut-Prêtre de Kiel était déjà un indice concluant.
Bien entendu seul Nakor pouvait décider de ce que sa protégée allait traverser et il conservait encore un esprit capable de sentir les entourloupes. C'est pourquoi le vieil humain haussa le ton et dicta ses conditions, événement ho-combien inévitable. Il demandait à savoir à l'avance les détails de la cérémonie alors que Bol d’Jiv’elgg demandait un prix en retour, les deux hommes risquaient d'être piètres négociateurs.

Nous sommes chacun conscient que la situation tient à coeur de chacun de vous deux. Bol d’Jiv’elgg ne peut actuellement mettre la main sur le fruit de ses recherches car c'est vous Nakor qui êtes en relation avec Glinaina. De l'autre coté votre protégée ne peut être soumise à la volonté de Kiel sans que Bol d’Jiv’elgg n'y consente au préalable. Je suis certaine qu'un arrangement peut être trouvé car vos demandes sont toutes deux légitimes.
Tu a pu entendre les conditions de mon associé de guilde, Bol d’Jiv’elgg, y consentirais-tu ? de même quel prix a tu en tête pour accéder à notre demande ?

Il était temps de mettre certaines cartes sur table maintenant que toutes les présentations avaient été faites. Y'Shahinn n'avait aucune idée de ce que Bol d’Jiv’elgg pouvait demander en échange de prier la déesse, c'était là la dernière inconnue à lever. Les négociations sur les derniers détails pourront alors être abordés.

Bol d'Jiv'Elgg écouta patiemment, même si au fond de lui il sentait monter un désir puissant de dépecer le vieux mage et de se faire un manteau de son cuir avant de l'achever à coup de chaîne. Ce désir en vint presque à obscurcir celui charnel qu'il éprouvait pour Y'Shahinn. Mais le Favori tint douloureusement bon et ne céda pas. Il n'était pas dupe, une confrontation aurait été désastreuse, tant au niveua des conséquences directes que pour les effets à long terme. Pour le moment, il lui importait uniquement de retrouver Ust'Kor. Il écouta également la Prime Sorcière, il est vrai qu'elle n'était pas dupe et qu'il ne l'était pas plus. De tels travaux pouvaient aisément passé pour une hérésie. A un détail près cependant... Il demeurait un des rares Hauts-Prêtres à avoir témoigné d'une foi sans borne en réussissant la Suprême Ordalie. Ce n'était pas rien.

De plus, cette expérience n'aurait force d'hérésie que si il la reproduisait sur des Elfes plutôt que d'en tirer les avantages pour servir la noble race des Eldéens. Son réel dessein resterait cependant flou à ses interlocuteurs. Ce Nakor était un empêcheur de tourner en rond et le Favori n'appréciait pas beaucoup cela. Le fait que l'elfe soit sa protégée n'arrangeait pas ses affaires et jouer au plus fin avec un vieil hibou ne serait pas aisé. Il ferma les yeux et resta immobile pendant un moment. Il sentit la tension s'accroître dans l'air ambiant. Après tout, il pouvait tout aussi bien décider de les réduire en cendre à l'instant où il rouvrirait les yeux. Ainsi l'humain voulait être au courant? Il voulait qu'aucun mal ne soit fait à sa petite protégée?

Et alors, il conçut un plan. Et en son âme, il sentit que Kiel Elghinn, sa Mère, était en accord avec celui-ci. Il dirait tout au vieux mage, tout ce qu'il allait faire, et il expliquerait même pourquoi. Parce qu'il n'avait pas de temps à perdre avec ces enfantillages. Mais il réservait son prix à cette sincérité et il ne doutait pas que celui-là n'allait plaire à aucun des deux mages devant lui. Il rouvrit les yeux, plus serein.

"Qu'il en soit ainsi. Je vais vous expliquer pas à pas ce qui va être fait pour ramener votre protégée insignifiante à la normale. Et puis, la divine Kiel dans sa grande bonté estime que tu dois savoir ce qu'il en est. La malédiction comme tu l'appelles est en réalité librement consentie. Par une pratique assez ancienne, on peut réussir à briser un esprit en deux. C'est une pratique délicate mais faisable. Alors qu'une âme brisée est plongée dans un bouillon confus où seule la voix du tourmenteur peut remettre un semblant d'ordre, un esprit brisé en deux partie distincte conserve deux personnalités propres ainsi qu'une autonomie presque complète selon les conditions.

C'est ce que j'ai fait avec l'Elfe. Enfant, cela était plus simple. Il se trouve que j'ai commencé par briser son esprit en deux lors de notre première rencontre et que je lui ai inoculé une première malédiction. C'était le schéma de l'Ust'Kor que j'avais dessiné à la base. Lorsque je l'ai revu en Alonna bien plus tard. Je me suis rendu compte que cela ne donnait pas assez de résultat et que l'évolution était trop lente. J'ai donc fait ressurgir la deuxième partie d'elle-même et je l'ai conditionnée.

Elle a donc répondu à mon injonction. La malédiction n'est pas dissipable par aucun des moyens en votre possession parce que c'est Glinaina elle-même qui a participé à son modification et à son implantation. Elle a accepté en elle l'Ust'Kor et à participer à sa création activement. C'est pour cela qu'elle résiste à la magie et qu'elle y répugne. Seul le soin est possible, mais il faut plus que la magie guérisseuse banale pour vaincre l'Ust'Kor. Le fait qu'elle soit brisée en deux expliques également la raison pour laquelle l'Ust'Kor ne se manifeste pas en permanence.

Pour rompre l'enchantement, il faudra que je ramène moi-même sa seconde partie, celle où j'ai séquestré la souffrance, la colère et l'envie de combattre. De là, j'aurai le contrôle sur elle et je pourrai lui donner mes instruction pour permettre de briser l'Ust'Kor. Pour ce faire, je devrais la toucher et lui faire un certain mal. Il faut bien que je réactive le conditionnement, sans quoi, elle devra voir sa raison d'elfe rongée par la magie par l'autre partie de son âme. Pour ce qui est de recoller son esprit, ce n'est pas mon problème."

Tout compte fait, conditionné l'Elfe avec une série de gestes de mots anciens n'avait pas été une perte de temps. Que kiel était sage de sa magnificence. Cela faciliterait son travail. Si le vieil hurluberlu savait à quel point il serait douloureux pour elle de rompre le sort, il n'accepterait peut-être pas. Mais après tout, lui-même n'était pas vraiment au courant des faits de cet acte. Alors pourquoi aurait-il ennuyer ses hôtes d'une information hypothétique et si peu fiable, tant éloignée de la vérité?

"Cependant... Je ne le ferais qu'à deux conditions. La première sera que tu marques toi-même Glinaina au fer rouge d'une chaîne circulaire. Quant à la seconde...

Il se tourna alors vers la Prime Sorcière. Il ressentit des élans de désir assaillir son esprit. Elle était restée loin de lui bien trop longtemps. Mais c'était un autre sort que Kiel demandait pour elle que de servir à satisfaire son Favori. Et comme toujours, Bol d'Jiv'Elgg se plia à la volonté de la déesse à laquelle il était entièrement soumise. Il acheva donc sa phrase après cette pause dramatique.

"Je souhaite qu'Y'Shahinn porte ma marque, également."

Sujet: Re: Entre Lumière et Sombre. [Nakor] Mer 1 Jan 2014 - 23:31

Nakor avait édicté ses conditions et faisait ce qu'il fallait pour conserver son calme. La grande chance dans cette situation était que le vieux barbu était un passionné de magie, un petit curieux qui s'intéressait par dessus tout à ce domaine. Et donc, même quand il était question d'ésotérisme et du domaine religieux, si on commençait à parler magie, Nakor oubliait presque tout le reste et enregistrait les informations en tentant de bien les comprendre dans son propre schéma de pensées et de connaissances actuelles des arcanes. Il avait donc la main droite bien resserrée sur son bâton antique, le visage tourné légèrement vers la gauche, les yeux dans le vague. Vu de loin, on pourrait autant penser qu'il est en train de réfléchir intensément et de manière savante, que perdu dans les limbes de ses rêves lui embrumant l'esprit. Mais si la magie lui faisait presque tout oublier, il n'en devenait pas non plus extérieur au monde. Et certains mots prononcés par le Haut-Prêtre à la suite de sa collègue Y'Shahinn, lui firent l'effet de piques dans le dos : protégée insignifiante, esprit brisé, magie délicate, tourmenteur, toucher, un certain mal. Mais ce drow était-il complètement fou de parler ainsi au vieillard? A la toute fin Nakor ouvrit des yeux presque exorbités et reprit un long souffle. Comme s'il cherchait à encaisser un choc profond et presque incroyable de folie et d'absurdités qui devaient cesser sur le champ. Et puis comment ça ce n'était pas son problème? Nakor ne demandait pas simplement qu'on lève la malédiction pour ensuite laisser une sorte de momie zombifié en lieu et place de Glinaina. Il allait donc prendre la parole sur le champs, pour vociférer et presque insulter le drow en le défiant à grand renfort de magie pour lui faire entendre raison de la manière forte quand Bol termina réellement son intervention.

Et là ce fut un immense coup de massue. Le prix demandait était déjà exorbitant mais il devenait maintenant inaccessible. Très lentement, après avoir lâché le regard perçant du drow, Nakor tourna lentement la tête, la bouche ouverte car interdite et s'arrêta sur Y'Shahinn. Il y eut comme un léger flottement et avant que la sorcière ne prenne la parole, Nakor intervint. Il travaillait avec elle depuis quelques temps déjà, et à son contact, avait apprit bien des choses sur les drows, et accessoirement encore plus sur elle, sa manière de voir les choses, son gout de la puissance, son indépendance, son besoin de respect et d'être un peu au dessus des autres plutôt qu'en dessous. Il garda son regard planté dans celui de sa collègue qui devait attendre de voir si Nakor avait le culot de demander à Y'Shahinn de subir la marque de Kiel. Après tout, Bol pensait peut-être que le vieux fou imaginait juste que c'était une sorte de tatouage inoffensif, sauf qu'en face d'une telle personne que ce prêtre de la torture, l'archimage avait plutôt tendance à imaginer exactement l'inverse. Il prit donc la parole en direction de Bol, mais sans quitter des yeux Y'Shahinn

"Je sais que cela peut paraitre fou Bol d’Jiv’elgg mais ... même si je suis un humain, je respecte avec profondeur ma collègue au Firmament. Y'Shahinn est l'ancienne Prime Sorcière drow, en tant que telle, elle a eut son lot de crimes et de mort sur la conscience, au point que le monde entier la crains, voir la pourchasse ardemment. Tous voudraient la voir morte, et pourtant je passe mes journées à ses côtés, au sommet d'une même structure."

Et il tourna ensuite ses yeux d'une manière déterminé en direction de Bol cette fois, sans siller, sans trembler

"Alors quand bien même je cherche le moyen de sauver une pauvre enfant qui n'a rien demandé, d'une mort certaine, je ne peux pas le faire si c'est, d'une, pour la condamner à une vie de servitude sous votre coupe, et encore plus, je ne peux pas demander ça à Y'Shahinn d'y sacrifier sa liberté. Cela serait honteux de ma part et signifierait que je donne des niveaux de priorités aux vies des gens qui me sont proche."

Et enfin, avant de peut-être laisser Y'Shahinn exploser de tout son ire, il termina avec un sourire sur les lèvres

"Je ne vais donc plus que vous dire ceci : si vous voulez un jour pouvoir retrouver Glinaina et voir ce qu'elle est devenu, comment à évoluer votre sort pour espérer l'améliorer un jour et le rendre totalement efficace, et bien il va falloir voir vos conditions à la baisse."

Puis Nakor se tut.

Le schéma du rituel que le Haut-Prêtre avait utilisé pour corrompre Glinaina fut écouté en détail par la Prime Sorcière sans qu'elle ne sourcille une seule fois. Elle possédait quelques bases dans les méthodes rituelles du culte de Kiel, connaissances acquises auprès de Bol lui-même voici plus d'un siècle mais dont elle ne pouvait pas en appliquer les bases, le domaine divin étant refusé à une Sorcière, tout aussi puissante fut-elle. Mais elle comprenait les souffrances et atrocités qui accompagnaient ce genre d'entreprises.
Elle restait sorcière mais sa vie avait été modelée par les domaines religieux depuis ses jeunes années. Sa vie religieuse avait été placée sous le signe des plaisirs de la chair, fiancée de force aux Haut-Prêtre d'Isten et éduquée sous la férule d'un prêtre de ce culte. Puis elle avait déployé ses connaissances en partageant son lit avec Bol, là elle avait apprit les voies de la souffrance et du sadisme sur le corps-même du Haut-Prêtre. Mais avant tout elle restait une fille de Valas, fière de sa condition malgré les épreuves que le domaine divin avait placées sur sa route. Elle avait sacrifié un mari à Kiel mais son parcours faisait d'elle la sorcière la plus à même à fusionner deux aspects séparés par la société du Puy : le divin et l'arcane de Valas. Elle avait échoué à conserver le temple du dieu de la magie, devenant Prime Sorcière et Haute-Prêtresse en même temps, mais elle conservait l'espoir d'atteindre ce but.

En tant que tel, elle connaissait donc les tourments qui accompagnaient les pratiques des cultes. Et le prix demandé par Bol était nécessairement inacceptable, Nakor ne voudrait jamais infliger la moindre souffrance à sa protégée. Mais la Sorcière se figea lorsque son ancien compagnon se tourna vers elle. Avant même que la phrase ne soit prononcée, elle su que cela la concernait directement. Peut être que le Drow souhaitait retrouver certains aspects de leur ancienne vie commune mais ce ne fut pas le cas et il lui demanda de subir la marque de Kiel.
La colère s'empara de la Sorcière mais elle ne put la déchainer à temps que déjà Nakor ripostait. Normalement elle pourrai passer outre l'intervention de son collègue pour faire payer à Bol son audace mais elle préféra se taire, son visage figé dans une expression de courroux.

Ce court répit lui permit de réfléchir. Comment Bol osait-il lui demander cela ? Subir la marque de Kiel signifier devenir l'esclave de la déesse, abandonner toute indépendance et devenir le vulgaire jouet et pantin d'une divinité. Bol ne la connaissait que trop bien et il savait que cette proposition était inacceptable. Y'Shahinn était Reine de Magie, fière, indépendante, dévouée à la pratique des arcanes. Jamais le Haut-Prêtre n'avait levé la main sur elle, chose très étonnante pour un adepte de Kiel. En retour la Sorcière fut la seule personne du Puy qui fut autorisée à disposer de lui pour parfaire ses pratiques de sévices. Leur couple avait fonctionné ainsi et rien n'avait jamais changé et elle sentait au fond d'elle que Bol ne souhaitait pas que cela change, même maintenant.
Seule une personne, autre que la Sorcière, avait pu obtenir une telle obéissance, une telle influence pour pouvoir écraser les secrets profonds du Haut-Prêtre et c'était la déesse. Mais pourtant même là on désignait à Bol un objectif totalement impossible à atteindre.

Au fond d'elle la Sorcière n'aimait guère Kiel. La Déesse lui avait ravi son mari au cours d'une période où elle avait pu contempler sans rien pourvoir y faire la chute de Dartan, qui avait succombé aux maléfices de Kiel.
Elle n'aurait pas été contre retrouver un peu l'intimité du passé en la compagnie de Bol, si celui-ci en avait fait la demande mais elle ne pouvait se résoudre à ployer le genou devant la déesse des tourments, que ce soit pour elle-même ou sa propre descendance, pas après y avoir perdu son compagnon.

La tirade de Nakor toucha à sa fin et les regards se tournèrent à nouveau vers elle, prêts à entendre sa réponse. Mais la colère s'en était allée entretemps et Y'Shahinn arborait un visage et une attitude défiant le Haut-Prêtre.

Subir la marque de Kiel .. Suis-je donc une proie si alléchante à la déesse des tourments pour qu'elle s'intéresse à moi même après avoir pris la vie de son ancien compagnon ?
Ces conditions sont inacceptables Bol d’Jiv’elgg et tu le sais parfaitement. Jamais je n'accepterais de vendre ma vie à celle qui te possède, je suis Fille de Valas, Prime Sorcière du Puy d'Elda. Droite, fière, loyale et indépendante, je ne me soumet aucunement même si la vie d'une Elfe est en jeu.
Penses-tu que je puisse embrasser l'influence de Kiel aussi facilement ? Penses tu que toi et la Déesse possédez de quoi pouvoir me soumettre sans en payer le prix ?

L'aura de la Sorcière avait radicalement changée alors qu'elle récitait ses paroles. La magie s'accumulait autour d'elle dans des volutes glacées et la température ambiante chutait significativement. Le message était clair pour le Haut-Prêtre, s'il voulait lui apposer sa marque, il devait être prêt à y sacrifier sa vie face à la puissance de la Haute-Prêtresse et parvenir à la vaincre dans un combat qui promettait d'être dévastateur.

Il éclata de rire, un rire situé entre deux mondes. Entre la pureté de son visage et la folie de son esprit, entre le sadisme et la sincérité. C'était toujours comme ça quand il riait, on ne savait jamais vraiment pourquoi ou par quelle cause sa réaction était motivée. D'habitude lui-même n'en était jamais vraiment sûr. Mais là, il y en avait tellement que c'était plutôt une incapacité à toute les citer qui l'empêchait de vraiment pouvoir dire qu'il savait pourquoi il riait. Entre la réaction tellement prévisible du vieux mage, l'idée de le voir marquer sa protégé, la colère d'Y'Shahinn ou bien le fait qu'elle énonçait elle-même suffisamment de raisons que pour justifier que Kiel souhaite se l'accaparer, ou bien peut-être leur ignorance quant à cette marque qui, en elle-même était si anodine...

Toujours est-il qu'il riait à en avoir les larmes au yeux. Et une de ces voix qui parfois chuchotaient à son esprit des conseils emplis de sagesse lui souffla de tirer parti de cette réaction complètement spontanée pour sortir d'une situation un peu trop inutilement belliqueuse. Le Favori n'était pas homme à perdre la face ou le jeu. Et puis, il lui fallait encore retrouver son bien. Après tout, le prix importait peu. Mais il ne démordait pas de pouvoir s'en sortir avec un petit bonus.

"Excusez moi, je ne pensais avoir si bien jugé de vos réactions avec ma... boutade. Il serait sordide de ma part de demander la souffrance de celle que vous me demandez de sauver et toucher Y'Shahinn, bien que ma maîtresse en serait fort aise, ne fait pas partie de mes plans, en tout cas pas de cette manière..."

Ou en tout cas, pas maintenant... Parce que Kiel désirait ardemment s'approprier la Sorcière. Outre le fait de priver Valas, un de ses concurrents, de son concours, sa Mère souhaitait certainement avoir en son contrôle les pouvoirs de la Prime Sorcière. Et face à tant de désir, Bol d'Jiv'Elgg ne pouvait réellement lutter. Tout au plus pouvait-il différer cette ordre. Et puis, il fallait dire qu'elle aimait faire choir les puissants et enchaîner les indépendants. Et si tel était le plaisir de la déesse, alors tel était celui de sa Créature. Quant à savoir si il avait les moyens de lui faire courber l'échine, lui n'en doutait nullement. Le Favori savait se montre très persuasif.

"Mais ne vous y trompez pas, il faudra bien me proposer quelque chose en échange. Que proposez vous d'offrir à Kiel Elghinn pour qu'elle consente à abandonner un de ses biens?"

Il vit passer distraitement une étoile dans son champ de vision. Sa vue se troublait de temps à autre. Il devait bien avouer qu'il était bien en peine de se souvenir de la dernière fois qu'il avait porté son outre d'eau à sa bouche. Il se demanda si la déshydratation l'emporterait avant l'insolation et si il aurait au moins le loisir d'apprendre ce qu'il devait savoir. Il devrait un peu accélérer les choses si il comptait les achever. Sa résistance était grande, mais il était entrain de la pousser un peu loin.

HRP:

Sujet: Re: Entre Lumière et Sombre. [Nakor] Lun 10 Mar 2014 - 21:19

Nakor s'était mit légèrement en retrait, il semblait bien évident que le Haut-Prêtre de l'ordre de Kiel était allé plus loin qu'il ne l'aurait dû avec sa collègue drow Y'Shahinn. Le magicien se mit à sourire et observa la pirouette narrative avec laquelle Bol se sorti de ce petit moment de disgrâce. Il revint cependant à la charge et ce fut au tour du Magistère de rire quelque peu.

"Je vous ai déjà donné mes conditions et mes explications. Je n'échangerai pas une vie contre une autre, même pour Glinaina que j'aime. Soit vous acceptez de prier votre déesse et je vous laisse trouver Glinaina, soit vous ne priez pas et vous ne la retrouverez pas si facilement. Pensez-y, je vous donne l'occasion de voir votre œuvre, de voir comment votre sortilège a fonctionné, de voir comment l'améliorer et en faire une arme puissante. C'est déjà beaucoup offrir à quelqu'un qui a travaillé tant de temps sur une telle chose. Y'Shahinn ne vous donnera rien, et je ne peux vous offrir plus."

Nakor se frotta la barbe longuement, glissa un coup d'œil en direction de sa collègue et adopta une posture claire : il allait écouter l'ultime réponse de Bol et si elle était encore négatif il s'en irait. Sinon ils se mettraient tous les trois d'accord pour la suite des événements. Mais il était fort à parier que ce diable de drow n'accepterait pas. Peste soit des prêtres et des ecclésiastiques.

Spoiler:

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