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 Erbay, ou la colère d'un homme de petite taille

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Wenceslas de Karlsburg
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MessageSujet: Erbay, ou la colère d'un homme de petite taille   Erbay, ou la colère d'un homme de petite taille I_icon_minitimeMar 3 Juin 2014 - 13:34


8ème année du 11ème Cycle,
4ème jour de la 6ème ennéade de Favriüs


Il régnait en ces terres une torpeur lourde, pesante. Au cours de leur marche, les arétans ne virent pas âme qui vive; la campagne était morne, les chemins déserts, personne dans les champs, lesquels avaient déjà dû être incendiés plusieurs jours auparavant pour ne rien laisser à l'ennemi. Les rares marcheurs s'empressaient de disparaître lorsqu'ils apercevaient au loin la colonne d'hommes en armes. Nobles chevaliers et leurs hommes-liges, des reîtres aguerris, mais aussi des soldat de métier, c'était un ost hétéroclite qui s'en venait vers le sud-ouest, sous la conduite de Wenceslas de Karlsburg, comte d'Arétria.

A l'horizon dérivaient des nuages bas dans un ciel gris. Wenceslas accueillit les premières gouttes de pluie avec une moue de dépit. Cela suintait les mauvais jours. Au milieu de la morte campagne, dans cette inquiétante apathie, le mauvais temps semblait déjà annoncer la calamité à venir.

Et la calamité frappa. D'abord, dans les villages environnants de la ville d'Erbay. La populace se terrait, discrète, dans l'attente que l'ost passe son chemin. Au lieu de quoi les cavaliers arétans, choisis parmi ceux qui avaient un certain talent pour la violence - Brieuc le Sangleron en tête - pillèrent systématiquement les villages et hameaux dans les environs d'Erbay. S'ils s'en donnèrent à cœur joie en vols et incendies, ils durent néanmoins respecter un ordre du comte, lequel avait fermement demandé qu'on laissât un nombre raisonnable de civils prendre la fuite.
Mais que le lecteur n'y voie pas une preuve de grandeur d'âme de la part du comte; laisser fuir les survivants, hommes souvent blessés, avec femmes et enfants, était un choix purement stratégique. Car tout ce petit monde s'en alla gagner au plus vite la proche ville d'Erbay, dont les murailles semblaient offrir la seule sécurité à laquelle ils pouvaient encore aspirer. Si bien que, lorsque l'ost arétan parvint finalement en vue d'Erbay, la ville comptait trois fois plus de bouches à nourrir, et le moral de la population était altéré par les récits sordides des réfugiés.

Ce n'est donc qu'au quatrième jour de la sixième ennéade que l'armée regroupée du comte d'Arétria fut sur place. Dès lors que l'on vit se dessiner au loin les murailles de la ville, il devint clair que la fièvre sanglante qui menaçait de frapper avait été prévue de longue date. Sur les remparts se tenaient en grand nombre et armés les hommes valides, dont une rangée d'archers qui attendaient, debout et menaçants, fixant l'ennemi sans afficher la moindre crainte. Mise en scène grotesque, songea Wenceslas, dubitatif. Il était à peu près certain que la garnison avait posté en évidence une grande partie de ses hommes pour faire étalage de sa prétendue force, et qu'en-dehors de ceux-ci, la ville n'en comptait qu'un nombre très limité. Néanmoins, il devait se garder des conclusions hâtives. Il serait malvenu que de simples suppositions l'amènent à prendre de mauvaises décisions.

On établit le campement à distance raisonnable, hors de portée des tirs d'archers, mais bien en évidence. Wenceslas ordonna que toute issue soit surveillée. Nul ne devait pouvoir franchir les lignes arétanes; nul n'entrerait ou ne quitterait Erbay tant que durerait le siège. Il affamerait toute la population s'il le fallait.
Vint la nuit, qui rabattit son grand manteau noir sur la ville assiégée et ses oppresseurs. On veillait sur les remparts, en attestait la présence d'hommes munis de torche, du crépuscule jusqu'à l'aube. Le campement arétan, lui, demeurait en effervescence. Cette nuit-là, Wenceslas ne dormit pas.

Au petit matin, le comte d'Arétria inspecta ses troupes. Imposer la discipline au sein d'une armée constituée en grande partie de reîtres n'était pas une sinécure, et le manque de sommeil le mettait d'avance de fort mauvaise humeur. Mais le seigneur était réputé intraitable, et à ce titre il était respecté et craint; le campement avait été mis en place en bon ordre, et il n'eut guère à déplorer d'incident notable. La présence de filles de joie faisant commerce auprès de ses troupes lui déplaisait, mais il ne pouvait l'empêcher; c'était chose courante dans un campement militaire, et l'on ne pouvait priver les hommes de passer le temps dans l'attente de la bataille. Mieux valait qu'ils soient gagnés par la débauche plutôt que l'ennui ne les pousse à s'entre-étriper.
Il eut néanmoins à châtier sévèrement l'une des ribaudes, lorsqu'on la lui présenta au matin en l'accusant d'avoir transmis une maladie à plusieurs soldats, au cours de ses commerces nocturnes. La faute de la bougresse lui valut le bâton, et les hommes malades furent mis soigneusement à l'écart. Hors de question qu'ils ne propagent leur mal par d'autres vecteurs, un siège pouvait échouer pour moins que ça.

Ce n'est qu'après cette inspection minutieuse que le comte réunit ses principaux vassaux dans la tente de commandement, afin d'y tenir conseil. Les débats ne s'étendirent pas plus que nécessaire; le comte écouta un à un chacun des hommes présents à ses côtés, recevant leurs recommandations, parfois contradictoires. La décision fut prise de donner à Erbay une chance, et rien qu'une. C'est ainsi qu'à midi, un messager fut dépêché aux portes de la ville, annonçant que Wenceslas de Karlsburg, comte d'Arétria, consentait à laisser la vie sauve à la population si la ville lui était remise sans conditions. Le message, soigneusement rédigé par le comte, précisait bien que cette offre ne serait faite qu'une fois.
Mais les sgardiens ont le sang chaud et la rancune tenace. On lui rit au nez, et un officier s'amusa, du haut des remparts, à lui adresser des gestes obscènes, tout en moquant la petite taille du comte d'Arétria, lui suggérant d'aller mener sa guerre en territoire nain.

Les négociations n'iraient pas plus loin. Erbay avait négligé sa chance; lorsqu'elle tomberait, Wenceslas en ferait un exemple.

Et les jours passèrent. Wenceslas était décidé à maintenir le siège, le temps qu'il serait nécessaire pour faire plier l'ennemi. Mais le temps lui manquait. Dans les jours qui suivirent, des estafettes apportèrent leur lot de nouvelles, bonnes pour certaines, alarmantes pour d'autres. Nulhadon s'était rendue, Adelagny était tombée. Mais l'ennemi s'était mis en marche à Amblère, et le temps des petites escarmouches ne durerait pas. Plus étrange encore fut l'annonce de la tentative de meurtre dont Oschide d'Anoszia avait fait l'objet. On conseilla à Wenceslas de rester constamment sous escorte, ce qu'il fit.

Il fallait qu'Erbay tombe sans tarder. Par bonheur, la stratégie de Wenceslas consistant à rabattre la populace rurale vers la ville pour mieux l'affamer porta ses fruits. Prenant conscience que leurs ressources ne leur permettraient pas de nourrir une foule pendant un long siège, et craignant probablement un soulèvement, la garnison d'Erbay commença à chasser les civils. Ils n'allèrent pas bien loin, Wenceslas leur interdit le passage. Pis, il ordonna à ses hommes de tirer à vue.

Pratiquement une ennéade s'était écoulée depuis le début du siège et les cadavres de malheureux s'amoncelaient au devant de la place forte, sous les yeux des défenseurs affamés et sans espoir. La puanteur des cadavres ne tarda pas à devenir insupportable, tant pour eux que pour les assiégeants; un mangonneau construit sur place au moyen d'un savoir-faire rudimentaire fut mis à contribution pour régler le problème. La machine, fort peu précise pour mener l'assaut, fit merveille lorsqu'il s'agit de catapulter les morts par-dessus la muraille. Si la famine ne suffisait à les faire plier, le chagrin et la maladie pèseraient davantage dans la balance.

Alors Wenceslas donna l'assaut.
On attaqua au matin. L'ost arétan fondit comme un seul homme vers la muraille, à la surprise des défenseurs qui n'attendaient plus. Ils se défendirent comme des diables, les rustauds; et percèrent de traits les courageux malelandois. Mais les arétans n'attendaient que cela, d'en découdre; on mit en place les échelles, que les défenseurs repoussaient brutalement, faisant tomber l'assaillant dans le vide. Et bientôt, on déversa de l'huile bouillante du haut des remparts. La lutte était acharnée, et l'ennemi sgardien plus tenace que Wenceslas ne l'avait imaginé. Amaigris, malades et sans espoir, les sgardiens continuaient de défendre leur cité. Erbay représentait bien peu; mais ces hommes étaient des patriotes, prêts à mourir plutôt que de la laisser aux mains d'étrangers. S'ils eussent été arétans, Wenceslas aurait éprouvé de l'admiration.
Au milieu de cette effervescence, le bélier, porté par les hommes les plus robustes, les plus forts, fut conduit vers la porte. Et on s'acharna sur celle-ci, et l'ennemi sut qu'une fois qu'elle céderait, car elle céderait forcément, tout serait perdu. L'énergie du désespoir les incita pourtant à ne pas baisser les bras; chacun de ces enfants de putain était prêt à mourir en emmenant avec lui le plus grand nombre d'arétans.

Du haut d'une butte de terre, entouré d'une escorte d'archers et d'hommes d'épée, Wenceslas contemplait son oeuvre. La guerre est chose bien laide, songea-t-il, mais nécessaire. Si nous n'avions pas agi aujourd'hui, c'est peut-être moi, dans quelques années, qui me trouverait ainsi assiégé et sans espoir. Il repensa aux moqueries qu'on lui avait adressées lorsqu'il avait brièvement tenté de négocier. On ne négocie qu'avec ceux qui ont quelque chose à offrir. Ceux-là n'ont que leur sang et leur mauvais humour. Au diable leurs plaisanteries douteuses. J'ai choisi le sang. Mais il mesurait, en même temps, le prix de celui-ci. Il avait envoyé des arétans à la mort, ce soir. Des pertes qu'il aurait pu éviter. On disait que Nulhadon s'était rendue rapidement... mais ceux qui défendaient Erbay étaient d'une autre trempe.

Sitôt que la porte céda, l'ouverture vomit son flot de reîtres arétans impatients d'en découdre. Alors les braves défenseurs furent proprement massacrés les armes à la main, et le sol d'Erbay fut souillé d'une mare de sang.
Lorsque l'on informa Wenceslas que la ville était sienne, le comte demeura stoïque. La prise de la ville avait demandé du temps et coûté son lot d'hommes, mais c'était à présent chose faite.

- Je vous laisse la ville pour vingt-quatre heures, à vous et vos hommes, dit-il à Brieuc. Faites-en ce que vous voulez. Après quoi, vous brûlerez tout, et nous repartirons.

Brieuc et sa horde de reîtres sourirent d'un air entendu. Dans la ville, les troupes arétanes s'en donnaient déjà à cœur joie. Le pillage avait débuté, avec son lot d'exactions sur les survivants qui se cachaient encore dans les maisons.
La puanteur de la mort rendait l'air irrespirable. Mais au matin, le feu purifierait tout.
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