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 La Reine prend le Fou

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Kahina d'Ys
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MessageSujet: La Reine prend le Fou   La Reine prend le Fou I_icon_minitimeDim 10 Mai 2015 - 21:06

Plus personne n’était venu au chevet de Maciste depuis plusieurs ennéades, désormais. Les premiers temps, ils s’y pressaient tous ; sans doute avaient-ils espérer être là à son réveil, leurs requêtes au bord des lèvres. À le voir dépérir toujours un peu plus, cependant, ils avaient fini par se lasser. À moins que ce ne fut à cause de l’odeur, toujours plus rance.


Avec une douceur non feinte, Kahina trempa un linge encore blanc et le posa sur le front en sueur du malade ; elle l’effleurait à peine que le sybrond gémissait, sans que la princesse ne sut véritablement pourquoi. Tout lui était insupportable, désormais. L’eau était trop froide et les draps trop lourds et l’air trop humide et le soleil trop lumineux et la nuit trop sombre. Chaque fois qu’il parvenait à parler, c’était pour la supplier ; lasse, la belle avait fini par ne plus l’écouter. Tout juste venait-elle chaque jour, peu après le coucher du soleil.


Elle avait manqué le tuer, un jour, excédée par la chose qu’il était devenu. Elle avait posé ses doigts fins sur sa gorge et avait serré, jusqu’à le voir tourner bleu. Au dernier moment, il avait murmuré un « Merci… » étouffé et elle était brusquement revenue à la réalité. « Tu ne mérites aucune clémence, Maciste. Aucune. Tu vas continuer à décrépir sur ce matelas, tant que nous aurons besoin de toi et lorsqu’Athanase montera sur le trône que tu lui avais promis et que je lui aurai conquis, alors peut-être sera-t-il temps pour toi de mourir. Mais pas avant, m’entends-tu ? »


Et elle lui avait fait boire une fiole de sang, avait murmuré ses formules de magie noire et s’en était allée. Pour revenir le soir suivant et celui d’après.


« Camille viendra, bientôt, » murmura-t-elle presque tendrement. « Moi, je ne le pourrai pas. Je serai loin. » Posant le linge, elle glissa sa main derrière sa nuque et le redressa légèrement avant de poser la fiole sur ses lèvres. Il voulut la repousser, mais elle ne se laissa pas émouvoir. Quand il eut fini, elle l’attira contre elle et le berça, murmurant à son oreille quelques formules dans une langue depuis longtemps disparue. « Là, là. C’est fini, maintenant. Tu peux te rendormir. »



Dernière édition par Kahina d'Ys le Jeu 14 Mai 2015 - 11:01, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: La Reine prend le Fou   La Reine prend le Fou I_icon_minitimeMar 12 Mai 2015 - 0:10

Le soupir las de la jeune scylléenne se mua avant même sa complétude en un gémissement pressant ; guidée par le seul désir, ses doigts s’emmêlèrent dans la chevelure blonde qui décorait ses cuisses et, peut-être plus brusquement qu’elle ne l’avait originellement voulu — mais elle n’en avait cure, maintenant qu’elle était aux portes de l’extase —, elle pressa le joli minois de son amante contre son intimité brûlante. Au même moment, elle sentait des lèvres goûter la peau de son cou, mais ses yeux clos l’empêchèrent d’en deviner la propriétaire. S’en souciait-elle seulement ? Kahina inspira lentement, tandis qu’elle sentait son propre bassin se réchauffer à mesure que les ébats de ses fidèles s’éternisaient. Elle se souvenait encore des premiers jours, quand elle avait dû les initier. Qu’elles s’étaient montrées empotées, toutes ! Mais désireuses d’apprendre et de mettre en pratique ce qu’elles apprenaient.


La princesse ne pouvait ignorer ce que son corps implorait et parfois, ses doigts cédaient ce que sa raison lui interdisait ; elle n’avait pu retenir un gémissement, une fois : les amantes avaient interprété ce moment de faiblesse comme un encouragement avait redoublé d’efforts pour combler la scylléenne.


La jeune femme devait avoir dix-sept ans à peine – tout juste l’âge de sa suzeraine — et elle était la fille d’un dignitaire scylléen de premier plan. Cette soirée était pour elle et elle était la seule à recevoir, tandis que toutes les autres donnaient sans compter. Ainsi en allait-il, quand une dame rejoignait le cercle très privilégié qui entourait Kahina. Elles se livraient aux supplices délicats de ses nouvelles « sœurs », toutes élues avant elles. L’estréventine avait vu en ce rite initiatique un magnifique pied de nez aux traditions patriarcales ; d’autant plus qu’aux yeux des Cinq et surtout de la Damedieu de la Péninsule, elle doutait que pareille cérémonie fût appréciée. En goûtant au plaisir d’une autre culture, les initiées s’éloignaient des dogmes qui les avaient guidées toutes leurs vies durant.


Quand la scylléenne jouit pour la troisième fois, Kahina décida qu’il en était assez. Se redressant lentement, elle avançant dans la lumière des torches et ses dames de compagnie cessèrent leurs affaires, laissant la pucelle essoufflée et ravie. S’était-elle jamais doutée que l’amour pouvait être si éprouvant ?


« L’heure est venue. Es-tu prête ? » demanda-t-elle à son nouveau jouet, qui la regarda quelques secondes sans comprendre. Quelques murmures pressants l’enjoignirent à répondre et elle acquiesça finalement. « Je suis prête, Kahina. »


Comme si elles n’attendaient que ça, les dames s’éparpillèrent en un ballet maîtrisé. Toutes, elles savaient ce qui allait suivre, ayant vécu pareille expérience peu de temps avant. Elles firent s’agenouiller l’initiée, qui papillonna avec inquiétude. Kahina, quant à elle, sentait son estomac se tordre douloureusement tandis qu’elle comptait les secondes s’engrener lentement.


Car c’était le moment de vérité, qui déciderait si oui ou non la femme qui lui faisait face se montrerait véritablement digne de ses faveurs. Elle fit glisser le linge transparent qui lui couvrait jusqu’alors les épaules et se plaça face à elle, dans la même position. Dans son dos, elle sentait le dragon griffer ses muscles. Elle avait fini par se persuader que l’encre qui pigmentait sa peau était vivante, désormais.


« Hier, tu as su convaincre ton père de te rallier à moi. De plus, tu n’as pas hésité à le trahir en ma faveur, en me révélant ses plus sombres secrets et en me promettant de les utiliser un jour contre lui, si cela pouvait me servir. Hier, tu as prouvé ta loyauté une première fois et tu as désormais été récompensé. »


La demoiselle se sentit rougir, tandis que les souvenirs encore frais des langues sur sa peau se rappelaient à son bon souvenir. Son teint changea pourtant du tout au tout, quand une sybronde apporta sa dague sacrificielle à Kahina. D’un geste fluide, l’estréventine attrapa les poignets de la pauvrette, qui n’osa pas se débattre. Une Soltarie plaça une coupe en or sous leurs mains jointes.


Imperturbable, la princesse continua : « Sous le regard de l’Unique, qui créa toute chose et s’incarna en les puissants dragons qui commandèrent la terre et les Hommes, nous allons mourir et renaître. Nous serons alors liées, jusqu’à ce qu’Il en décide autrement. » C’était le moment de vérité : « Y consens-tu ? »


Elle lui avait parlé de l’Unique, bien sûr. Comme une légende, d’abord, mais chaque confession l’avait rendu plus réel, chaque anecdote plus puissant. Elle avait fini par croire, Kahina l’avait vu dans ses yeux. Mais la peur était un sentiment puissant, plus fort souvent que la foi naissante d’une païenne.


« J’y… » commença-t-elle, le regard fixé sur le fil tranchant de la dague. Il était question de mourir et elle était si jeune encore ; elle n’était pas certaine de le vouloir. Kahina tira doucement sur ses bras et elle redressa le regard, le planta dans les yeux sombres de la princesse. « J’y consens. » Tout se passa très vite : dans un uniquement mouvement de dague, l’estréventine leur entailla les veines à toutes les deux ; le sang coula à flots dans la coupe, sous le regard soudainement horrifié de la scylléenne.


Quand Kahina sentit ses bras commencer à trembler, elle tendit ses bras droits devant elle, paume vers le sol. Dans un mimétisme mystique, l’initiée fit de même. Autour d’elle, le silence. Les courtisanes n’osaient plus même respirer, tandis que leurs souvenances prenaient le pas sur la réalité et qu’elles revivaient, impuissantes, leurs propres initiations. Kahina était cependant la seule à les vivre toutes dans sa chair, chaque fois.


Les paroles rituelles vinrent plus difficilement à ses lèvres qu’à l’ordinaire, mais elle compléta la formule avant qu’il ne fût trop tard. Sentant que la jeune femme en face d’elle dépérissait plus rapidement qu’elle, elle porta la coupe à ses lèvres et la força à boire. Puis, elle laissa le liquide épais couler dans sa propre gorge, avec un gémissement de soulagement. Déjà, les forces lui revenaient au centuple et elle n’avait pas besoin de voir les plaies pour savoir qu’elles se résorbaient.


Mue par une énergie nouvelle, elle attira sa nouvelle fidèle contre elle et l’embrassa, volant le liquide carmin sur ses lèvres avec une avidité non feinte. Elle s’en était déjà fait la réflexion, mais force était de le constater : la soif était chaque fois plus puissante.


« Tu es à moi, maintenant, murmura-t-elle à son oreille. Tu m’appartiens tout entière, tu mourras pour moi et je donnerai à ta vie le sens que tu lui as toujours cherché. »


Les paroles de l’estréventine s’imprimèrent dans l’inconscient de la scylléenne, qui subissait le contrecoup du rituel : un sentiment de toute-puissance et une félicité intense. C’était le plus beau jour de sa vie. Tout était plus clair, plus vrai, plus fort.


Avide de goûter aux plaisirs qu’elle s’était jusqu’alors refusés, Kahina poussa la jeune femme contre la pierre et l’embrassa avec une fougue presque animale. Très vite, les autres courtisanes la rejoignirent et la couvrirent des attentions qu’elles avaient jusqu’alors réservées à leur toute nouvelle sœur de sang. Juste avant de se laisser emporter par une vague de plaisir, Kahina se remémora les leçons de Li’Ssin. La sorcière lui avait enseigné l’art des rituels, non pour leur puissance magique, mais pour leur pouvoir sur l’esprit. Car de fait, il n’était cérémonie plus idiote que celle à laquelle elle venait de se livrer. Tout ce qu’elle avait fait, c’était soigner des plaies qu’elle avait elle-même provoquées. Mais le cérémonial avait empoisonné l’esprit déjà bien corrompu de sa victime et plus rien ne saurait la libérer de son emprise, désormais.





Dernière édition par Kahina d'Ys le Jeu 14 Mai 2015 - 10:54, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La Reine prend le Fou   La Reine prend le Fou I_icon_minitimeJeu 14 Mai 2015 - 10:53

« Kahina, est-ce toi ? Je crois… Oui, je crois bien que c’est toi. Je me souviens, eh… me souviens d’aujourd’hui, comme si c’était hier. Et de demain, aussi, je me souviens. Beaucoup moins bien, mais tout de même. Ça, par contre, je le sais : demain, le pelage roux revenait.


— Je ne suis pas venue pour tes prophéties, » mentit la Princesse des Deux Soleils, non sans — il en allait toujours ainsi — sentir la frustration la gagner. Pour le faire taire, elle tendit la torche dans sa direction ; le glapissement qu’il lâcha, lorsque le feu lécha ses pupilles et l’aveugla douloureusement, sonna comme une juste vengeance.


« Faux ! Tu viens toujours ici m’entendre parler, Kahina ; or, je ne dis que ça, des prophéties. » Si seulement, pensa-t-elle avec humeur, mais la vérité était moins belle. La moitié du temps, il délirait simplement et ses propos ne faisaient aucun sens. Elle avait une fois essayé de lui prouver, mais il s’était moqué d’elle, arguant qu’elle était trop sotte pour comprendre l’entièreté de ses « souvenirs ». « Je me souviens, maintenant. Tu étais venue troublée, ce jour d’hui. Pourquoi, je ne sais plus.


— Parce que je pars demain et que je ne sais que faire de toi, éluda-t-elle.


— Non non, pas demain. Demain tu restes, demain il vient. »


Tant de sagesse, tant de savoir, mais tant de folie aussi. Peut-être était-ce là la malédiction des créations de l’Unique : la connaissance du monde était trop lourde à porter, elle attaquait l’esprit de ceux qui s’en approchaient. Or, s’il était une chose qu’elle savait, c’était qu’il n’était pas un être qui en était plus proche que celui-ci.


Il était un elfe. Le premier, disait-il, façonné par l’Unique lui-même avant tous les autres. Mais ça, Kahina ne l’avait jamais cru. Son visage était parsemé de cicatrices, plus ou moins profondes, certaines blanches et d’autres creuses, certaines rouges et d’autres lisses. Son œil gauche était comme recouvert d’un voile laiteux et toujours agité de spasmes impressionnants. L’autre vous regardait sans broncher et ils étaient verts, du vert sombre d’une forêt. Son oreille droite n’était plus qu’un souvenir, Kahina aurait juré qu’elle avait été grignotée par un rat. L’autre pendouillait en lambeaux ; chaque fois qu’il bougeait la tête, la chair se balançait dans un bien étrange ballet. Ses cheveux s’échappaient en touffes hirsutes de son crâne, dont certains pans entiers demeuraient dégarnis. Pour le reste de son corps, Kahina n’aurait su rien dire, elle ne l’avait jamais vu autrement qu’enchevêtré dans sa bure, qu’il ne quittait jamais. L’odeur en témoignait.


« Demain je pars et je veux que tu viennes avec moi. »


Il ferma les yeux, poussa un soupir et gratta sa joue de son ongle ravagé. « Pas demain, l’ennéade prochaine… » murmura-t-il, avant de lâcher : « Je suis notre secret et tu as peur, peur de ce qui se passerait si quelqu’un venait à me trouver.


— L’Unique t’a choisi pour me guider. » Cela, elle le croyait et dur comme fer, qui plus était. « Nous avons chacun notre rôle à jouer.


— Ça, oui, je me souviens. » D’un geste avide, il se saisit du sac en toile qui jamais ne le quittait. « J’ai tout vu, parce que je suis le Premier, tu le sais. Mais mes souvenirs… Trop, trop de souvenirs. Mais ils se souviennent pour moi. » Triomphant, il récupéra le crâne qu’il cherchait et le brandit devant Kahina, comme un trophée. « Ton ancêtre que voilà. Un bon ami à moi, de son vivant. Lui me traitait bien. Maintenant il se souvient pour moi. Ah… Grand parmi les grands. Tu veux savoir, par vrai, ce qu’il a fait. »


Avant de répondre, Kahina prit le temps de le jauger. Si, comme elle le croyait, la connaissance du monde rendait fou, finirait-elle comme lui un jour, enchaînée dans une tour, maintenue dans l’obscurité et satisfaite de son sort ? Elle en doutait, mais si c’était le prix à payer pour que ses ambitions se concrétisassent et qu’Athanse devînt l’Empereur Dragon qu’elle voyait en lui, alors…


« Oui. »


Deux heures plus tard, Kahina sortait de la cellule avec moins de réponses et plus de nouvelles questions. Elle sentait une migraine poindre ; démêler les délires de la sagesse ne se révélait jamais être une sinécure, tant il les habillait semblablement. « Ryl’antar viendra te chercher aux premières heures, demain.


— Non, petite Kahina, pas demain. » Il gloussa, comme si l’entêtement de l’estréventine à ignorer ce qu’il disait l’amusait. « Je le sais, demain, tu accueillais quelqu’un. »


Le soir même, elle apprenait le retour d’Arichis pour le lendemain. Maudit le vieux renard, le revoilà qui pointe sa truffe au plus mauvais moment. Les paroles de l’elfe lui revinrent alors en mémoire et un sourire mauvais plissa ses lippes frustrées. Le pelage roux revient.



La suite de la suite de la suite viendra, promis, mais après le RP avec Arichis.
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