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 [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën

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Anorn
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MessageSujet: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeSam 3 Oct 2015 - 21:22


Anorn et Arwain avaient dansé jusqu'à ce que la musique s'arrête, et avaient fini par s'endormir, l'un contre l'autre, après une discussion plus longue que d'ordinaire. Le réveil avait été assez dur, Arwain qui était d'ordinaire la première à se lever n'avait pas eu, ce matin, envie de quitter les draps, et c'était lui qui avait du la tirer du lit. Il avait rendez-vous avec Neraën dans peu de temps, et il était hors de question qu'il arrive en retard. Passant rapidement une tenue plus sobre que celle de la veille, il sorti bientôt de la chambre qui leur avait été attribuée, non sans avoir vérifié que sa femme s'était bel et bien levée. Hélant un elfe qui était sans doute au service du Seigneur Protecteur, il demanda s'il était possible que l'on fasse couler un bain pour son épouse, avant de lui demander de lui indiquer le chemin jusqu'à Neraën. Il savait combien Arwain aimait se détendre dans un bain, lorsqu'elle avait autant de mal à sortir du lit. Il savait qu'elle bénissait chaque fois l'eau chaude pour lui assurer une transition en douceur entre la délicatesse des draps et la rudesse de l'air matinal. Il l'aurait volontiers accompagnée, mais il n'avait pas le temps. On le mena rapidement devant une grande porte de pierre, sur laquelle étaient soigneusement gravés des feuilles, des fleurs, et tout autres sortes de végétaux. Il put admirer rapidement la précision de la réalisation, et il eut l'impression que s'il s'aventurait à toucher un des pétales d'une fleur, ce dernier chuterai au sol tant il avait l'air fragile et réel. Mais cet émerveillement fut bientôt brisé par le poing de l'elfe qui rencontra la pierre, frappant sans vergogne les feuilles et les bourgeons, les écrasant dans un accès de violence qui semblait démesuré. Lorsque la porte s'entrouvre, il peut entendre la voix de Neraën s'élever légèrement pour l'inviter passer le pas de la porte :

 - Entre Anorn, je t'attendais.

Evidemment, il l'attendait. Il aurait pu y voir là un reproche, une remarque comme quoi Neraën n'avait rien fait d'autre que de l'attendre depuis un petit moment. Seulement, lorsqu'il s'avança, il put remarquer qu'il était assis à un bureau, rempli de papiers, dont des lettres, et il terminait de rédiger une ligne. Il ne savait pas bien où il se trouvait, il n'aurait su dire si cela tenait plus d'une pièce ouverte, ou d'un jardin clos. Des plantes s'épanouissaient ci et là, colorant délicieusement le sol et les murs, tantôt de teintes éclatantes, tantôt de teintes plus pâles. Et c'était au milieu de cette végétation que trônait les seuls et uniques meubles de l'endroit.

 - Cet endroit est charmant, je te remercie de m'y avoir invité.

Il était vrai qu'il appréciait l'environnement, les végétaux donnaient une sensation de liberté, tandis que les murs les isolaient du reste du monde. Chose plutôt agréable lorsqu'ils avaient dans l'idée de mener une conversation assez privée, et intime. S'asseyant sur l'invitation de son hôte, il reprit, après un instant de silence :

 - Cela fait bien longtemps que nous n'avons pas eu une véritable discussion. Tout d'abord, je voulais te féliciter une fois encore pour le post de Seigneur Protecteur que tu as pris hier, et que tu occupes officiellement depuis. Je suis assez heureux de te voir à la tête d'Eteniril, et j'ose espérer que tu resteras plus longtemps que Ringwë Laicolassë. Je pense que tu es tout à fait apte à guider une partie de notre peuple, peut-être même plus que la plupart d'entre nous. Mais je ne m'étendrai pas plus sur le sujet, je ne suis pas ici pour parler d'eux. Comment vas-tu, depuis la dernière fois que nous nous sommes vu ? Depuis la dernière fois que nous avons pu prendre le temps de discuter ?

Soit depuis la bataille du Lac d'Uraal. Il ne voulait mentionner cela à voix haute, parce qu'aujourd'hui encore, il sentait l'amertume dans sa voix, lorsqu'il prononçait son nom, il sentait la haine s'immiscer dans son cœur, et ce n'était pas ce dont il avait envie. Il savait qu'il ne pouvait pas toujours couper cours, qu'il ne pouvait pas toujours éviter le vif du sujet. Mais il le faisait chaque fois que possible.

 - Je sais que tu es parti avec Celebrand, et je sais aussi que tu es entré à l'Académie. On m'a rapidement informé de la chose, mais j'avoue ne pas avoir eu le temps de me pencher plus sur le sujet. Je ne sais donc que ce que l'on a bien voulu me dire, et rien de plus. J'ai cru un temps que ce qui s'était passé là bas, au pied de l'arbre, n'avait plus lieu d'être, d'ailleurs. Mais hier, lorsque tu es entré dans la pièce, lorsque nous avons été proches à nouveau... L'as-tu senti ?

Il ne savait réellement comment exprimer son ressenti, parce qu'il ne pouvait réellement transcrire la magie par des mots. Il la voyait, il la ressentait, il la comprenait. Mais il ne pouvait pas l'expliquer. Pas assez bien, du moins. Alors il préférait se taire, il préférait ne rien dire plutôt que de rendre fade quelque chose de si complexe, et de si merveilleux. Et il espéra sincèrement que son hôte puisse comprendre ce dont il parlait, qu'il puisse lui apporter les réponses dont il avait besoin. Hier, il aidait Neraën à trouver les réponses à ses questions. Aujourd'hui, il venait le chercher pour qu'il puisse répondre aux siennes.
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Telenwë Neraën
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeMer 7 Oct 2015 - 16:55

Lendemain de l'intronisation,
Palais d'Eteniril.


La soirée s'était terminée après de nombreuses heures de repas, de discussion et de danse. Le seigneur-protecteur avait fini par accepter le contact avec les autres, accepter la danse et briser quelque peu la glace qui s'était créée entre lui et ceux qui l'entouraient. La musique, l'art de la danse, deux choses qui l'avaient aidé à affronter la peur viscérale qui le griffait de l'intérieur depuis trois cents ans. Il avait dansé nettement moins que d'autres, mais au moins cela lui avait permis de garder le rôle qu'il se devait de garder lors de cette soirée. Puis, alors que la lune s'était présentée et que les étoiles régissaient le ciel, ils s'en étaient tous allés et Neraën avait rejoint les appartements liés à sa fonction.

La fatigue l'avait pris, mais il n'avait pas dormi. Non encore une fois, son esprit n'avait daigné laisser ses yeux se fermer et son corps pleinement se reposer. Aussi, comme il faisait bon en ce début d'été, avait parcouru pieds nus les quelques pièces pour se rendre dans un jardin intérieur au palais. Vaste salle à moitié ouverte, puisque seules quelques colonnes trônaient en direction du nord-est, l'espace entre elles étant dépourvu de murs comme de fenêtres. L'air pouvait donc s'y engouffrer comme bon lui semblait, faisant quelque peu bouger fleurs et autres plantes, caressant les fins reliefs de plantes et d'astres parcourant murs et plafond ou encore murmurant au creux des oreilles elfiques le chant de la Symphonie. En somme, cette pièce était un grand balcon de verdure où se perdaient une table de faible envergure ainsi que quelques chaises. Neraën avait pu voir à plusieurs reprises cet endroit en tant que membre du Conseil d'Eteniril, et ce quels que soient les seigneurs-protecteurs en place. Endroit qu'il avait toujours apprécié et dont il avait toujours regretté de ne pas pouvoir rester longtemps seul. Désormais, avec son insomnie, il pourrait amplement profiter et, peut-être, comprendre.

Ne craignant pas la petite froideur de la nuit qui avait déjà eu le temps de s'installer, l'elfe s'était laissé à fouler l'herbe verte, s'ouvrir à la nature qui était présente, sans avoir peur de commettre le moindre impair social, et réfléchir. Nombreuses étaient les remarques qui naissaient suite à cette soirée, entre ce qu'il avait vu et ce qu'il avait entendu. Et déjà, avant même qu'une quelconque réunion d'importance n'ait eu lieu, il savait qu'il lui faudrait faire des choix ; choix qui l'impliqueraient lui mais également le conseil et son peuple. Il se doutait que s'il prenait un certain chemin que la crainte s'installerait et que les siens désireraient le réfréner. Mais il n'en était pas encore là. Qu'il règle le problème entre noss et cités, ensuite il sera temps de prendre de telles décisions.

Il y resta jusqu'au matin, attendant le lever du jour se décider à aller se laver puis pour prendre des feuilles de papier, une plume, de l'encre, une bougie et de la cire afin de commencer à écrire. Il y avait une lettre à laquelle il devait répondre et d'autres à écrire encore. Il s'y attela donc, plongé dans ses pensées comme son devoir, jusqu'à ce qu'il ressente son approche. Il hésita à commencer une nouvelle phrase de sa lettre, attendit plume levée, écouta... et posa le bec de la plume sur le papier pour le faire glisser sur la feuille, entamant ainsi un nouveau mot. Arrivé au cinquième, alors que la sensation s'intensifiait doucement, il entendit frapper à la porte menant au couloir. A peine la porte s'entrouvrit-elle que le vieil elfe prit la parole avec calme, sans même se retourner pour voir où en était la porte exactement - puisqu'il était dos à elle.

"Entre Anorn, je t'attendais.

Il termina sa phrase, laissant le temps à celui avec lequel il avait un lien de découvrir le jardin et de s'approcher. Anornedellon put remarquer que Neraën portait des couleurs beaucoup plus ternes que celles de la veille, même si elles restaient dans les différents tons de vert. S'il n'avait pas été assis à l'instant-même à la petite table, certainement aurait-il pu être confondu dans la nature environnante. Sans même le regarder, ni même répondre à la remarque de son invité, l'ancien lieutenant lui fit un signe de sa main gauche pour lui signifier qu'il pouvait s'asseoir, tandis que la main droite mettait un point à sa phrase et plaçait la plume sur le porte-plume. Alors seulement ses yeux si clairs se posèrent sur son comparse et alors que ce dernier reprenait la parole, un fin sourire sincère vint orner les lèvres de Neraën.

- Je te remercie, Anorn, même si je me demande ce qui t'amène à tenir de tels propos. Ma mission ne fait que commencer et il y a beaucoup à faire, plus que beaucoup ne doivent s'imaginer. Sinon je vais bien, et toi ?

Le ressenti était toujours là, plus fort maintenant qu'Anorn se trouvait juste à côté de lui, étrange. Enfin, étrange... qu'est-ce qui ne pouvait pas être étrange dans cette vie commencée il y a seulement trois cents ans ? Comment pouvait-il seulement être venu à concevoir comme normal le fait de ne plus voir le corps d'une personne ? Parce que c'est ce qu'il se passait pour chaque personne ayant établi un lien magique avec le mage de l'esprit : ses yeux voyaient le corps de la personne avec qui il était lié, certes, mais son esprit voyait l'âme de cette même personne. Et l'esprit empiétait sur les yeux, si bien que Neraën savait à qui il s'adressait sans pour autant avoir idée de sa race, de son peuple, ou tout simplement de ce à quoi il pouvait ressembler physiquement. Et là c'était le cas. Mais ce qui l'intriguait était le fait de constater que le lien qu'il entretenait malgré lui avec le guérisseur avait quelque chose de particulier, comme s'il s'établissait également dans une dimension non atteinte par les autres liens. Constat qu'il n'était pas seul à établir.

- Je sais que tu es parti avec Celebrand, et je sais aussi que tu es entré à l'Académie. On m'a rapidement informé de la chose, mais j'avoue ne pas avoir eu le temps de me pencher plus sur le sujet. Je ne sais donc que ce que l'on a bien voulu me dire, et rien de plus. J'ai cru un temps que ce qui s'était passé là bas, au pied de l'arbre, n'avait plus lieu d'être, d'ailleurs. Mais hier, lorsque tu es entré dans la pièce, lorsque nous avons été proches à nouveau... L'as-tu senti ?

Anorn sentit alors les yeux de glace être plus perçants que d'ordinaire, comme si Neraën cherchait à voir au plus profond de lui. Mais ce n'était pas le cas... il n'en avait pas besoin et ne désirait pas s'aventurer au-delà de ce qui était convenable. Lui-même ne supporterait pas un tel geste.

- Je ne saurais te dire ce qu'il s'est passé ce jour-là, Anorn. Tout n'est qu'entrelacs de sensations et de noir et de blanc. Mais je l'ai également ressenti. Je pensais t'en parler d'ailleurs, parce que cela est nouveau pour moi... le lien qui s'est établi entre nous après la bataille a dû être plus fort que les autres.

Il y eut un moment de silence, l'elfe plongeant alors dans ses réflexions, laissant par-là même ses yeux se poser sur autre chose que son interlocuteur. Ce n'est qu'au bout d'un moment qu'il se rendit compte qu'il ne devait pas parler elfique pour son pauvre comparse, puisqu'il n'avait jamais parlé de ces liens aux gens ne lui étant pas particulièrement proches - ou du moins ne l'ayant pas aidé à vivre avec sa magie. Il allait donc falloir qu'il lui explique quelque chose qui ne pouvait être vraiment expliqué, qui n'existait dans aucun autre être répertorié par l'Académie d'Alëandir. L'elfe d'Eteniril se leva alors et fit quelques pas dans l'herbe, appréciant le contact de ses pieds avec ces minuscules végétaux. Il se tourna vers l'immensité que donnait le côté ouvert de la salle sur Eteniril et la forêt, joignit ses mains dans son dos et se décida enfin à expliquer.

- Je comprends que tu puisses être surpris par ce que je viens de te dire... il est vrai que je ne t'en ai pas parlé jusqu'alors, malgré les rares fois où nous nous sommes croisés et écrits. Après la bataille du lac Uraal je suis bien parti pour Alëandir avec Celebrand, où lui et d'autres se sont chargés de mon cas. L'une des découvertes qui a été faite me concernant a été que lorsque je perdais le contrôle de ma magie - ou lorsque je m'ouvrais trop au flux, dans leur jargon - je devenais capable de créer un lien particulier avec la personne que je touchait. Comme si mon esprit ne voyait plus que l'esprit, l'âme de l'autre, et que mes yeux n'étaient plus assez influents pour que mon esprit prenne en compte l'apparence de la personne. Un cas particulier, n'est-ce pas ?

S'arrêtant un court instant pour reprendre son souffle, il se tourna alors vers Anorn.

- Tu fais partie des rares personnes avec qui un tel lien s'est tissé. Je suppose que ce doit être à cause de la magie qui était entrée dans mon corps lors de la bataille, du fait que tu ais dû me toucher pour pouvoir me guérir. Je ne saurais t'expliquer exactement ce que je peux voir et ressentir chez les personnes avec lesquelles j'ai ce lien, mais peut-être pourrais-tu comparer cela à un chercheur qui, ayant trouvé son livre, n'aurait plus qu'à tourner les pages, en ayant juste assez de volonté pour.

Cette nouvelle, si elle pouvait intéresser le mage de la vie, avait également de quoi le mettre sur ses gardes. Neraën venait tout de même de lui apprendre qu'il était capable de lire en lui plus facilement que pour n'importe qui d'autre.

- Je peux te rassurer, je n'ai aucune envie de lire en toi ni en qui que ce soit à moins que nécessité vienne. Cependant, parmi tout ce que je peux ressentir par rapport à ce lien, le nôtre possède quelque chose en plus, sans que je puisse te dire quoi. C'est de cette manière que j'ai su que tu arrivais et pour cette raison que je t'ai appelé alors même qu'une autre personne frappait à la porte. Nul besoin de magie. Et c'est bien cela qui m'intrigue.

En un sens, Neraën s'ouvrait à Anorn. Autant de par la longueur de cette explication sur quelque chose de personnel que de par le visage détendu qu'il lui présentait. Mais à cela pouvait s'ajouter l'impression que la distance habituellement érigée entre l'elfe et les autres n'était aucunement présente. Parce qu'il ne pouvait pas établir de distance suffisante avec une personne prise dans le lien.

- Puis-je te demander une faveur, Anorn ? Ce serait de m'expliquer ce qu'il s'est passé le jour où j'ai été amené à toi. Avoir ton vécu. Parce que si notre lien s'est établi, c'est à ce moment-là. Et Celebrand n'est pas omniscient."
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeJeu 8 Oct 2015 - 17:39


Anorn ne répondit pas lorsque Neraën exprima son incompréhension face à ses propos, il ne releva pas. Il n'était pas ici pour parler de cela, il n'était pas ici pour débattre de la légitimité de certains. Il était ici pour des réponses, et ces réponses, l'elfe s'évertua à les lui apporter. Il s'évertua à lui expliquer ce qu'il savait aujourd'hui, ce qu'on lui avait dit à propos de sa soudaine sensibilité à la magie. Le mage de la vie buvait en quelques sortes ses paroles, parce qu'il n'avait jamais entendu pareil chose, et parce qu'il pouvait encore voir ce qu'il avait vu hier, lorsqu'il avait du le soigner. Lorsqu'il avait du panser ses blessures, et lorsqu'il avait du s'ouvrir à lui. Lire en lui. Il pouvait lire en lui. C'était donc ce que permettait ce lien, cette attache magique qu'il avait ressenti entre eux. Lire en lui. Que pouvait-il bien en tirer ? Quel pouvait être l'avantage, si ce n'était qu'il pourrait vérifier sans peine sa sincérité ? Il avait cette impression désagréable d'être lésé dans cet échange, et en même temps, il se sentait important, il se sentait comme une des pièces maîtresses d'une œuvre monumentale. Il avait bien du mal à intégrer ce que Neraën lui disait, il avait du mal à comprendre ce que tout ceci impliquait réellement, et comment tout ceci était arrivé. Quelle utilité cela pouvait avoir, et si ce n'était pas plus un danger qu'autre chose. Mais ses doutes passèrent au second plan lorsqu'il lui demanda ce qui était arrivé juste après la bataille d'Uraal, lorsqu'il l'avait soigné. Reprenant la fin de sa phrase, comme pour souligner une évidence, il répondit :

 - Celebrand n'est pas omniscient, non, évidemment. Et c'est avec plaisir que je te raconterai ce qui est arrivé ce jour là. Je ne pourrai te donner que mon point de vue, ne te décrire que ce j'ai vu, que ce que j'ai ressenti. Apparemment, c'est seulement ce qui t'intéresse, mais je préfère te prévenir, parce que ce jour là, je ne suis pas certain de ce que j'ai pu voir, je ne sais pas pour sûr que mes souvenirs sont effectivement la réalité. J'ose espérer que mon esprit n'a pas été floué, que mes souvenirs n'ont pas été bafoués. Mais je pense que tu sais tout autant que moi combien il est facile de le manipuler, combien il est aisé de lui faire voir monts et merveilles sans que cela n'existe réellement. Et si ce que tu me dis aujourd'hui, ce que tu m'apprends à cet instant, appuie fortement en faveur de la réalité, si cela me pousse à penser que tout est bel et bien arrivé, j'espère que tu comprendras que je ne peux en être absolument certain.

Il avait en tête cet étrange dialogue avec une entité sur laquelle il n'avait pu mettre de mots. Elle lui avait dit être l'arbre, être une partie d'Anaëh, mais la première option lui paraissait si réductrice, si peu en phase avec sa vision des choses, qu'il préférait l'oublier, l'effacer de sa mémoire, et ne plus jamais l'exprimer. En tout cas, cela avait été le cas pendant des années. Mais aujourd'hui, il allait bien devoir la reprendre, la retranscrire, avec modération, certes, mais tout de même. S'il voulait être clair et précis, il allait devoir le dire ainsi.

 - Cette journée, ces heures, ont été, je crois, les pires de ma vie, reprit-il après un court silence. Avant que tu n'arrives, avant qu'on ne me réquisitionne pour soigner le Lieutenant des Aigles, la fatigue avait fini par l'emporter, et j'ai sombré, bien malgré moi, dans une sorte de sommeil assez éprouvant. Je ne pense pas avoir dormi, je pense plus m'être souvenu, et m'être perdu dans les méandres de ma mémoire, si loin que la réalité s'est dérobée à moi. Mais on m'y a rapidement ramené, rapidement et violemment. Mon corps avait du réussir à se reposer légèrement, puisque la fatigue ne m'écrasait plus autant. Il est possible qu'à cet instant, j'ai pu vouloir refuser de te voir, refuser de m'occuper de nouveaux blessés. Que j'ai pu avoir envie de dire non, pour aller reprendre des forces, et être plus efficace par la suite. Réellement plus efficace, parce que lorsque je t'ai soigné, j'étais affaibli, mes capacités étaient sans aucun doute réduites de moitié, et vois-tu, je n'aimais pas beaucoup cela. Mais j'ai du me rendre à l'évidence, et remarquer qu'il me faudrait bien plus que quelques heures pour récupérer entièrement. Alors je suis venu. Je suis venu et tu étais là, debout devant moi, aveugle, d'après ce qu'on me disait. Et pourtant, tes pupilles fixaient les miennes, tes iris voyaient mon âme. Cela n'avait pas beaucoup de sens pour moi, jusqu'à maintenant. Jusqu'à ce que tu m'expliques.

Pendant tout ce temps, chaque fois qu'il repensait à ce jour, à cet instant, ce regard l'intriguait, et il ne pouvait se l'expliquer. Sans doute parce qu'il n'avait alors pas toutes les cartes en main, parce qu'il ressentait plus qu'il ne réfléchissait. Comme chaque fois qu'une fatigue intense l'envahissait, comme chaque fois qu'il se sentait faible et vulnérable. Parce que son instinct prenait alors le dessus sur le reste.

 - Après cela, tu as passé le pas de la porte, et tu es devenu comme fou. Tu ne supportais pas le contact, tu ne supportais pas la présence des autres, autour de toi. Tu donnais l'impression d'emmagasiner leur souffrance, et de l'intégrer comme si elle était tienne, comme si tu étais celui entrain d'agoniser d'une hémorragie fémorale, ou celui entrain d'halluciner après un important trauma crânien. Je ne comprenais pas, alors, ce qui était entrain de t'arriver. Mais j'ai compris que je devais t'isoler, alors de force, nous avons du t'emmener ailleurs, loin des autres, dans un compartiment à part. Un endroit réservé aux grands blessés, à ceux que nous devions sauver plus que les autres, ceux qui comptaient parce qu'ils savaient, parce qu'ils connaissaient, parce qu'il avaient vécu, et qu'ils étaient l'élite de notre peuple.

Il avait du mal à évoquer ce genre de chose. Face à Neraën, il savait pouvoir parler librement, alors on pouvait entendre sans peine le dégoût et l'incompréhension du mage face à cette politique. Peut-être même de la rage, parce qu'il avait été impuissant, parce qu'il n'avait pas pu changer cela, et parce qu'il savait que cela avait coûté plus de vies qu'il n'aurait pu le penser au départ.

 - Tu n'étais pas un blessé grave, non. Mais tu étais dangereux. Pour les autres comme pour toi même. Et nous ne pouvions pas risquer leur vie parce que tu étais perdu, ou parce que la folie de la guerre t'avait atteint. Je me souviens avoir eu du mal à te garder calme, et c'est alors que Celebrand a fait son entrée. Il t'a temporairement déconnecté, si on peut le dire ainsi, et j'ai pu rendre à ton corps son état d'origine. Et je pense que c'est lorsque je me suis ouvert au flux, lorsque je me suis ouvert à toi, que j'ai vu une des choses les plus incroyables de ma vie. Ou plutôt, que j'ai ressenti. Je ne connais pas ta relation avec la magie, mais disons que personnellement, je la ressens, à un tel point que mon esprit peut s'en faire une construction réaliste. Et ce qu'il a construit, quand je suis devenu cette sorte de catalyseur, est quelque chose d'assez difficilement descriptible. J'avais cette impression de vide immense, un vide qui ne pourrait jamais être comblé, et en même temps, il y avait un trop plein d'énergie, quelque chose qui ne pouvait être contenu, et dont l'existence, dont le débordement, était continu, et interminable. Evidemment, j'avais à faire là à la manifestation d'un accident magique, mais je ne le savais pas alors, et aujourd'hui encore, j'ai grand mal à me l'expliquer réellement. Je ne sais pas si cela nécessite une explication, d'ailleurs. Même si cela a une explication, finalement.

Son regard s'était perdu dans le vide, et si au début il regardait le Seigneur Protecteur droit dans les yeux, il voyait désormais le Lieutenant qu'il avait été, l'elfe qu'il avait soigné, et qui lui avait fait vivre l'expérience la plus incroyable de sa vie. Il avait encore beaucoup à raconter, mais il s'arrêta un moment, comme s'il cherchait ses mots, comme s'il se demandait comment il allait bien pouvoir tourner la suite.

 - C'est sur cela que s'est achevé ce moment. Nous en avons eu un autre, des heures après. Veux-tu entendre ma version de la suite ? Ou ce que je t'ai raconté te suffi amplement ? Parce que, j'avoue ne pas être très à l'aise avec la suite, et j'ai peur que mes mots ne soient pas à la hauteur des événements. Mais peut-être ne connais-tu pas ces événements. Je ne sais pas vraiment ce dont tu te rappelles. En tout cas, si tu ne connais pas la suite, je ferai en sorte de te la décrire avec le plus de précision possible. Enfin, peut-être as-tu des questions, déjà, sur ce que je t'ai dit ? Peut-être ai-je omis quelques éléments ?

L'hésitation quant aux termes qu'il allait employer par la suite, l'hésitation quant à ce qui était réellement arrivé ou non transparaissait déjà dans sa voix et dans son phrasé. Il se sentait légèrement gêné, là, face à Neraën, parce qu'il n'avait pas vraiment prévu de devoir lui décrire en détails ce qu'il avait vécu ce jour là. Il s'attendait naïvement à ce qu'on réponde à ses questions sans qu'il ait à se mouiller énormément, qu'on lui apporte beaucoup sans qu'il ne puisse apporter autant en retour. Il avait l'impression que l'elfe qu'il était, lors de la bataille d'Uraal, n'avait pas complètement disparu, et qu'il se manifestait à nouveau aujourd'hui.
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeMar 20 Oct 2015 - 12:55

Alors qu'Anorn avait commencé son récit quant à ce qu'il s'était produit il y a trois cents ans, lors de leur première rencontre, Neraën sentit son esprit partir petit à petit et son regard ne plus rien regarder de précis. Son corps se souvenait, son esprit aussi. Bien plus que sa mémoire. Plus les phrases s'enchainaient, plus les différentes actions étaient décrites, plus le seigneur-protecteur revoyait et ressentait ce qui était à sa portée à l'époque. Seule la voix du guérisseur restait, conteur de moments que seul le personnage principal de cette histoire pouvait revivre. Parce que seul lui avait été confronté à une situation semblable.

Son corps ressentit l'incapacité de respirer, l'étouffement, l'impression d'exploser d'un moment à l'autre, la faiblesse, la douleur, l'apaisement. Ses yeux virent la danse des formes blanches autour de lui. Ses oreilles se souvinrent avoir entendu sa propre voix crier alors que d'autres venaient de bien loin alors que ses doigts ressentaient encore le toucher de la poignée de sa dague de l'époque, dont le cuir commençait à être usé. Et sa tête elle, sa tête... Tout n'était que capharnaüm et incompréhension. Se remémorer tout cela le fatigua, dans le présent. Aussi s'était-il avancé puis s'était-il assis, sans même que ses yeux ne voient ce qu'il faisait, sur un maigre rebord de pierre au niveau du mur le plus proche. Et, lorsqu'il se rendit compte de cela, il porta instinctivement sa main à ses lèvres pour découvrir qu'il n'y avait pas de sang. Même son sens du goût avait un instant été influencé par le passé.

"C'est sur cela que s'est achevé ce moment. Nous en avons eu un autre, des heures après. Veux-tu entendre ma version de la suite ? Ou ce que je t'ai raconté te suffi amplement ? Parce que, j'avoue ne pas être très à l'aise avec la suite, et j'ai peur que mes mots ne soient pas à la hauteur des événements. Mais peut-être ne connais-tu pas ces événements. Je ne sais pas vraiment ce dont tu te rappelles. En tout cas, si tu ne connais pas la suite, je ferai en sorte de te la décrire avec le plus de précision possible. Enfin, peut-être as-tu des questions, déjà, sur ce que je t'ai dit ? Peut-être ai-je omis quelques éléments ?

Neraën effectua un dur mais réel retour vers le présent. Ses coudes étaient appuyés sur ses cuisses, sa respiration était lente et profonde, ses longs cheveux blancs descendaient devant ses yeux comme de longues chutes d'eau douce. De ses yeux perlaient quelques larmes qu'il n'avait même pas ressenties. Il comprenait maintenant. Il arrivait à associer ses quelques souvenirs à ce qu'il s'était réellement passé. Et il se demandait comment il avait pu lever la main sur les siens. Sa bouche s'ouvrit, se ferma, attendit... puis s'ouvrit à nouveau pour laisser échapper sa douce voix masculine, faible.

- Pourquoi ne pas m'avoir tué ?

Cette question n'était pas vraiment adressée à Anorn ; ce dernier pouvait le ressentir, sans forcément comprendre comment. Il fallait dire que l'ancien soldat s'était complètement ouvert, si bien que désormais c'était lui le livre dans lequel son comparse pouvait lire. Ce souvenir l'avait mis à nu émotionnellement parlant.

- Continue, je t'en prie, Anorn. Une page ne peut être tournée que si elle a fini d'être écrite."
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeDim 25 Oct 2015 - 19:24


S'il avait demandé s'il devait continuer, ce n'était pas tant pour connaître la réponse exacte à cette question, mais pour lui laisser le temps d'intégrer ce qu'il venait d'entendre. S'il pouvait vraiment l'intégrer. Il pouvait voir dans ses yeux qu'il se rappelait, qu'il revivait les scènes comme s'il y était revenu, en chair et en os. Les réminiscences étaient si réelles, si prenantes, qu'il était transporté à nouveau à cette époque. C'était beaucoup moins le cas d'Anorn, il n'était pas tant impliqué dans ce qui s'était alors passé, mais raconter encore une fois ce qui était arrivé ne le laissait pas indifférent. Surtout lorsqu'il avait Neraën en face de lui. Surtout quand il semblait ressentir presque tout ce qu'il ressentait. Quand il parla enfin, quand sa voix s'éleva doucement après que celle d'Anorn se soit tue, un frisson parcouru l'échine de l'elfe. Le désespoir et peut être un semblant de honte transpiraient dans sa voix, et s'il n'avait pas parlé fort, ce fut assez pour qu'il puisse entendre. Et même s'il n'avait pu l'entendre, il l'aurait compris. Son cœur se serra un instant. Parce qu'il n'aurait jamais pu le tuer, et parce que cela lui faisait mal d'entendre de tels propos. Cela lui faisait mal parce qu'il ne pouvait souhaiter mourir, il ne pouvait se demander pourquoi il était toujours en vie. Avant qu'il ne continue son histoire, comme il le lui avait demandé, il répondit, aussi doucement, et fermement qu'il le put :

 - Je suis un guérisseur Neraën. Je ne suis pas un tueur. Et tu n'as rien fait qui aurait pu alors justifier qu'on essaye de t'ôter la vie.

Si à cette époque, il ne savait pas encore ce dont il était victime, il savait pourtant une chose. Il savait que l'elfe n'y était pour rien. Il en avait vu d'autres, des soldats, succomber à la folie, se faire emporter par la rage aveugle, et la haine inconditionnelle qu'ils vouaient aux sombres. Des elfes qui s'étaient débattus, des elfes qui avaient tenté de mettre fin à leur vie, ou celle de leurs frères et de leurs sœurs. Et pourtant, jamais il n'avait estimé qu'ils méritaient de mourir. En aucune occasion. Il avait toujours essayé, toujours voulu les sauver, les soigner. Toujours.

– L'autre moment que nous avons eu était assez étrange. Celebrand t'avait emmené hors du mouroir, j'espère que tu me passeras l'expression très officieuse, et, je ne sais ce qu'il s'est alors passé, mais lorsque je suis venu te voir, tu étais attaché à un arbre. Je ne sais s'il t'avais déjà réanimé avant, je suppose que oui. Mais je sais qu'il t'avais en quelques sortes isolé de la magie. Avait essayé, du moins. Et il m'avait bien précisé de ne pas te toucher, pas sans ton accord. Je pense que tu te souviens du début, je t'ai détaillé ton état, je t'ai expliqué ce qu'il en était, et ce que j'avais fait, alors que tu n'avais plus conscience de rien. Puis tu as voulu que je te touche. Tu as pris mon bras, et tu as plaqué ma paume sur ton torse, approximativement où se trouve ton cœur. Au début, je ne savais pas vraiment ce que tu faisais. J'ai rapidement pensé que tu voulais que je vérifie ton rythme cardiaque, que je regarde si tout allait bien de ce côté. Et ensuite...  

Anorn marqua une pause. Il ne savait réellement comment raconter ce qui s'était passé ensuite. Il avait sommairement réussi à mettre des mots dessus, deux fois, mais ce n'était jamais assez bien à son goût. Jamais assez vrai, cela ne retranscrivait pas exactement ce qui s'était passé, ce qui était arrivé. Cette fois, il voulait faire mieux, il voulait raconter parfaitement, avec le plus d'exactitude possible. Il le lui devait.

 - Ensuite, reprit-il péniblement, j'ai vu, j'ai ressenti, quelque chose d'immensément grand, et d'intensément vivant. Une énergie indescriptible, que je n'avais jamais éprouvé auparavant. Cela s'est présenté à moi comme étant l'esprit de l'arbre, mais ce que j'ai ressenti était bien plus grand. A travers lui, à travers toi, je pouvais voir une partie de l'Oeuvre, et imaginer les reste. Je pouvais entendre clairement la Symphonie, et en comprendre chaque note, chaque vibration. Et si j'avais pu un jour perdre foi en Kÿria, si j'avais pu un seul jour douter de la puissance, et de la nécessité de protéger son Oeuvre, depuis cet instant, il ne m'est plus possible de le faire. Je ne peux pas, je ne peux peut-être plus, penser ne serait-ce qu'un moment, qu'il est faisable, et qu'il n'est pas méprisable, ou punissable, d'abandonner la défense de nos terres, nos frères ou nos sœurs. J'ai eu l'impression que mon cœur n'allait pouvoir en supporter autant, j'ai été submergé d'émotions, et de sensations. J'ai été noyé dans la maelström des milliards de sentiments qui s'emparaient toujours un peu plus de mon cœur, et de mon esprit. Lorsque vint la fin de cette étrange entrevue, j'étais comme perdu. Incapable de me situer dans l'espace, et dans le temps. Puis j'ai agi, instinctivement. J'ai défait les liens qui te retenaient à cet arbre, parce qu'on m'avait dit que te laisser contre lui risquait de te faire disparaître, risquait d'écraser complètement ton esprit au profit de celui de l'Oeuvre. J'ai ensuite voulu expliquer à Celebrand ce qui venait d'arriver, mais je n'ai réussi qu'à bafouiller maladroitement quelques phrases, sans réellement de sens. Je ne sais pas si aujourd'hui, mon discours a plus de sens. Je m'excuse, si ce n'est pas le cas. Je m'en excuse sincèrement. Mais je pense avoir fait de mon mieux, et il m'est plus que difficile d'évoquer cet instant de ma vie. Parce que c'est instant que j'ai ressenti, que j'ai vécu avec le cœur, dans lequel je n'ai pas essayé d'introduire mon esprit, ma logique, mon raisonnement. Je n'aurais pas pu, même si je l'avais voulu.

Le silence régnait de nouveau, et Anorn était légèrement perdu dans ses pensées. Perdu dans ces souvenirs qu'il chérissait presque autant que ceux de son enfance. Il avait vécu là une chose extraordinaire, une chose qu'il n'aurait jamais pensé pouvoir vivre. Et il avait ressenti tellement de bien être, tellement de bonheur, et d'amour, qu'il en était redevenu l'enfant qu'il était. Celui qui n'avait jamais rien reçu d'autre que de l'affection pure et sincère, qui était encore naïf, et plein d'espoir. Il avait un court instant ressenti une fois encore cette sensation de plénitude et d'achèvement qu'il essayer aujourd'hui de la ressentir à nouveau. Péniblement. Et s'il évoquait rarement ce souvenir, c'était peut-être aussi quelque part de peur qu'il ne s'abîme, ne s'érode, et finisse par ne plus être aussi vrai qu'il l'était maintenant, et qu'il l'était hier.
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeMar 27 Oct 2015 - 10:11

Le silence suivit la longue explication d'Anornedellon, les deux êtres de chair et de sang étant plongés dans un passé que nombre des leurs n'avaient pu connaître de par leur jeunesse. L'un désirait garder ce souvenir cher à son cœur, l'autre se rendait compte que l'événement qui avait le plus touché son comparse n'existait aucunement dans sa mémoire. Autant il se rappelait les êtres de lumière, les voix, les blessures et émotions de lorsqu'il était dans le dispensaire, autant l'entité, l'arbre... c'était comme s'il avait dormi après avoir aperçu une entité faite de lumière avancer vers lui. Ayant repris quelques forces, Neraën se leva et commença à fouler l'herbe de ses pieds nus, faisant d'abord un cercle avant de se diriger vers son confrère. Sa respiration était imperceptible aux oreilles de l'autre elfe tant elle était douce, remise des souvenirs d'il y a seulement quelques minutes. Puis, arrivé jusqu'à la table où il se tenait en début de matinée, il s'assit dessus en faisant bien attention à ne pas faire tomber la montagne de papiers et posa un pied sur la chaise libre. Ce n'est qu'alors qu'il se rendit compte qu'il était pieds nus, ce qui le fit hausser les sourcils.

"Je ne me souviens aucunement de ce que tu viens de me décrire, Anorn. Mais, étrangement, je pense que c'est ce moment précis qui fait que nous ayons un tel lien. Même s'il me semble que la base de ce lien s'est créée dans le dispensaire. Tout ce dont je me souviens est d'un être de lumière s'approchant de moi... c'est tout.

Il prit une plume n'ayant pas été trempée dans l'encre et la fit tourner entre ses doigts souples, regardant l'objet avant de reprendre, ses doigts n'arrêtant pas leur petit manège.

- Si j'ai bien compris, tu aurais rencontré une entité à travers moi ? Qui se disait être l'esprit de l'arbre contre lequel j'étais attaché ?

Le manège s'arrêta et Neraën fixa la plume de ses yeux de glace. Il ne se souvenait pas de cet épisode de sa vie donc il était fort probable qu'il ne soit pas tout à fait conscient à ce moment-là. Et lui qui, se souvenait-il, avait refusé tout contact avec l'extérieur, pourquoi aurait-il de lui-même pris le bras du guérisseur afin que sa main vienne se poser sur son cœur ? Ce n'était pas logique. Cet acte n'avait pas pu venir de lui. Et puisqu'il ne pouvait remettre en cause le récit de son confrère, la seule explication plausible ait qu'il eut été à cet instant précis contrôlé par cette fameuse entité, ou bien que son corps n'ait fait que servir de médiateur entre Anorn et l'entité. Cela restait tout de même incroyable à ses yeux, même si la magie lui montrait régulièrement que l'incroyable était en réalité faisable.

- Puis-je te demander si cette entité t'a donné un nom, t'a expliqué quelque chose ? Je sais que cela remonte à loin, mais s'il t'a parlé... peut-être cela a-t-il de l'importance.

Cela en avait. Il en était sûr. Et cela lui faisait peur. Son regard se dirigea vers celui de l'elfe guérisseur, en attente d'une réponse, d'un indice. La Symphonie était passée à travers lui pour s'exprimer à l'époque et depuis c'était à lui qu'elle s'exprimait lorsque le sommeil venait enfin fermer ses yeux. A moins qu'il ne soit toujours un médiateur ? Avec ce que lui avait raconté Anorn, il avait de quoi remettre en question la conception qu'il avait de ses rêves, de la traduction qu'il pouvait en faire. Il écouta le seigneur-protecteur puis reprit la parole.

- Pour tout te dire, cela m'étonnerait que notre lien ait ce... quelque chose... en plus parce que tu m'as guéri le jour de la bataille du lac Uraal. Ton esprit à pu passer à travers mon corps, tout comme la Symphonie semble l'avoir fait. Peut-être est-ce une partie de ce fait qui est restée ? Je ne sais que dire. Quoi qu'il en soit ce qui est est, nous pourrions en rester là comme aller plus loin..."

Neraën regarda sa main libre et les traits qui formaient des plis au niveau de sa peau. "Aller plus loin..." quelle idée ! Etait-il sûr de le vouloir ? N'avait-il pas peur de ce que cela pouvait signifier ? Si. Réellement. Mais il avait également appris qu'en tant que mage il devait parfois se faire force, vaincre ses appréhensions pour pouvoir explorer l'inconnue qu'était son état hors du commun. Etat qui, semblait-il, était loin d'avoir livré tous ses secrets.
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeSam 7 Nov 2015 - 13:13


Anorn ne bougea pas lorsque Neraën alla s'asseoir sur son bureau. Cela ne le surprit pas lorsqu'il lui dit ne se souvenir de rien, parce que lui même avait toujours du mal à l'accepté comme étant quelque chose qui était réellement arrivé. Le flou qui entourait cet instant était renforcé par l'absence notoire de témoin. Il aurait pu tout aussi bien affabuler, personne n'aurait pu savoir s'il disait vrai ou non. Peut-être seulement l'elfe en face de lui, et encore. Parce qu'il pouvait revoir les images, parce qu'il pouvait attester de sa bonne foi, et de la véracité qu'il accordait à ses propos. Mais pas parce qu'il l'avait vécu lui aussi, pas parce qu'il avait vu la scène. Parce qu'Anorn pensait avoir raison. Son esprit aurait tout autant pu être malade, la folie aurait pu le gagner momentanément, ses pensées n'auraient pas été autres, et la certitude de dire la vérité aurait été toute aussi présente qu'actuellement. Alors qu'il ne se rappelle de rien ne l'étonnait pas réellement. Peut-être avait-il espéré, il y a longtemps, que cela puisse un jour ressurgir dans sa mémoire, pour lui assurer que ça avait bien eu lieu, que ce n'était pas le fruit de son imagination. Mais ces espoirs avaient disparu depuis des décennies.

 - Ce que j'ai vu ne m'a donné aucun nom. Cela m'a seulement dit être l'arbre contre lequel tu étais appuyé alors, mais..., commença-t-il. Mais je n'avais pas réellement cette impression, j'avais la sensation qu'il était non pas une entité à part, mais une portion de quelque chose de grand, de beaucoup plus grand. A travers, j'ai cru pouvoir sentir vibrer toute Anaëh.

Cela, il ne l'avait jamais dit. A personne. Parce que cela paraissait trop fou, trop dément pour que ce soit réel. Et pourtant, il n'arrivait pas à se départir de ce sentiment. Il n'arrivait pas à faire une croix dessus, et à se convaincre qu'il avait tort, que c'était autre chose, que ce n'était pas plus que l'arbre. Et quand il lui demanda s'il lui avait dit quelque chose, s'il s'en souvenait malgré le temps, un léger sourire apparu sur ses lèvres, avant de disparaître aussitôt. Bien sûr qu'il s'en souvenait. Il s'en souvenait si bien qu'il allait pouvoir lui citer les mots exacts. Parce qu'ils étaient gravés dans son esprit, parce qu'il avait pu passer des nuits et des jours à se les répéter.

 - Il n'appartient qu'à notre peuple de faire en sorte qu'il reste ou non, murmura Anorn. Je tiens à la vie, alors il est préférable que je coupe ce lien, entre toi et lui. Parce que ton esprit tend à disparaître et que si tu restes contre lui alors tu ne seras plus. Son esprit est bien trop grand pour que le tien puisse lutter, il disparaît d'instant en instant, s'étiole et risque de ne plus jamais pouvoir être à nouveau.

Son esprit se remémorait alors aussi bien qu'il interprétait. Neraën n'en avait peut-être pas besoin, mais il ne pouvait s'en empêcher. Les mots coulaient de sa bouche sans qu'il ne puisse réellement les contrôler, sans qu'il ne puisse les arrêter. A vrai dire, il n'avait pas réellement envie de les arrêter.

 - Je ne sais comment tu conçois la magie, Neraën. Je ne sais si ma conception t'ira, et encore pire, je ne sais si elle est proche de la réalité. S'il existe une réalité. Des réalités. Si tu penses qu'une partie de moi a pu rester coincée, alors je dirais qu'une partie de mon énergie, de son empreinte, a pu s'immiscer en toi, oui. Que tu es capable de la reconnaître instantanément, peut-être même de l'imiter partiellement, je n'en sais rien. Alors, oui, si tu veux, nous pouvons essayer de découvrir ça ensemble. Nous pouvons essayer de répondre à certaines questions. Je serais ravi de pouvoir t'aider à ce propos.  

De l'aider, et de satisfaire sa curiosité. Parce qu'il est curieux de savoir ce qu'il en est réellement, ce qui se trame entre eux, et ce qui est possible. Les alternatives qui s'offraient à lui lui faisait retrouver ce sentiment d'excitation qui l'animait lorsqu'il était entré à l'Académie, et lorsque beaucoup restait encore à connaître. Lorsqu'il pensait pouvoir un jour tout savoir, avec certitude, et sans aucun doute. Son cœur battait légèrement plus vite, et des étincelles étaient apparues dans ses yeux. Il espérait que Neraën ne se défilerait pas, et qu'il accepterait son aide.
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeMer 11 Nov 2015 - 19:16

"Il n'appartient qu'à notre peuple de faire en sorte qu'il reste ou non, murmura Anorn. Je tiens à la vie, alors il est préférable que je coupe ce lien, entre toi et lui. Parce que ton esprit tend à disparaître et que si tu restes contre lui alors tu ne seras plus. Son esprit est bien trop grand pour que le tien puisse lutter, il disparaît d'instant en instant, s'étiole et risque de ne plus jamais pouvoir être à nouveau.

Neraën baissa la tête, regarda ailleurs. Il essayait d'imaginer, de comprendre quels étaient les dires de son confrère ; dires qui semblaient provenir d'un autre temps. Il essayait également d'imaginer, de voir la scène ainsi que la magie qui le "reliait" à cet arbre, à cette entité. Il n'arriva pas à voir ce qu'Anorn racontait, encore une fois la magie touchait à ce que son esprit concevait comme étant improbable. La triste réalité qui sortit de sa bouche suite à ces mots ainsi qu'à la seconde prise de parole du seigneur-protecteur était quelque peu noire.

- Ce qu'il s'est passé concernant mon esprit ce jour-là est irréversible. Ce qui est venu en moi, ou devrais-je dire ce qui est né en moi suite à ces événements, est bien plus un fardeau lourd à porter que la bénédiction prônée par nombre de mages. Et je ne sais pourquoi je te vois différemment des autres ni pourquoi je te ressens plus que n'importe qui. Pour répondre à ta question, je ne saurais dire qui laisse sa trace sur l'autre lorsque le lien se crée.

Il avait parlé doucement et à voix basse, d'une voix ferme et quelque peu tendue. Il n'avait pas l'habitude de parler ainsi de la magie si ouvertement. La seule personne qui avait pu recueillir ses appréhensions les plus profondes concernant cette particularité qu'était le fait de pouvoir manipuler la magie était sans conteste Celebrand. Et encore cette personne n'avait jamais pu réussir à changer l'avis de son élève quant à ce don. Neraën se releva et recommença à marcher, joignant ses mains devant son ventre pour ne pas montrer que plus l'idée d'essayer la magie montait à son esprit plus le trac montait. Trac que, peut-être, Anornedellon pouvait ressentir malgré l'entier contrôle de son visage ainsi que de sa gestuelle.

Après avoir fait quelques pas, le nouveau protecteur d'Eteniril s'approcha de son confrère et se mis à sa hauteur, son regard de glace braqué dans le sien. Il se passa quelques secondes où un silence pesant régna entre eux, Neraën ayant alors tout loisir de lire la volonté de découvrir de l'elfe millénaire. Puis il reprit.

- Je comprends qu'il n'est de mystère qu'une personne ne souhaite résoudre, encore moins lorsqu'il s'agit d'un mage face à un cas magique rare. Mais comprends ma peur. Je ne peux te promettre la sûreté ni les réponses à tes questions... nos questions, même. Tu me trouveras peut-être lâche ou peureux, mais aujourd'hui j'ai besoin de tes mots pour m'aider à franchir le pas."

Ce n'était pas une question facile à poser. Mais il ne se sentait pas d'entrer maintenant en contact réel avec l'esprit de l'elfe pour trouver que faire avec leur lien si particulier.
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeDim 22 Nov 2015 - 16:05


Un fardeau. Il portait un fardeau dont il ne pouvait se défaire, qui ne pouvait disparaître, ni avec le temps, ni avec quoi que ce soit d'autre. Mais peut-être pouvait-il être allégé. Peut-être qu'il pourrait un jour le voir autrement, le transformer en quelque chose de moins lourd, de moins pesant. Et si la curiosité d'Anorn le poussait en partie à vouloir essayer de comprendre certaines choses, il espérait aussi pouvoir le soulager ne serait-ce qu'un peu de cette chose qu'on lui avait imposée. De cette soudaine et inhabituelle ouverture au flux, qui semblait contraindre chacun de ses agissements, chacune de ses décisions. Et si avec le temps, il avait visiblement appris à vivre plus ou moins avec, l'elfe se rendait bien compte qu'il n'était pas pour autant en accord avec. Certes, lui ne voyait pas cela comme une bénédiction, un cadeau de Kÿria, mais il ne le voyait pas non plus comme une malédiction. Peut-être parce qu'il n'avait pas idée de ce que cela était réellement, ce que c'était de le vivre, de l'éprouver au quotidien. Mais s'il pouvait lui apporter ne serait-ce qu'un peu de réconfort, un peu de soutien, alors il le ferait sans hésiter. Alors quand il lui confia sa peur, sa crainte face aux possibles répercussions, il ne sut d'abord quoi répondre. Il s'était tant rabaissé, tant dégradé dans l'estime qu'Anorn pouvait avoir de lui qu'il lui fallut un temps pour énoncer quelque chose. Lâche et peureux. Il n'en revenait pas. Il ne savait pas ce qui pouvait bien le pousser à parler ainsi de lui, parce qu'il ne voyait aucun fait, aucune raison, de lui attribuer de tels adjectifs. Alors, quand il prit la parole, sa voix fut légèrement affectée par l'incompréhension, presque l'hésitation :

 - Je ne comprends pas. Je ne comprends pas ce qui te pousse à ta qualifier ainsi, Neraën. Tu es loin, si loin d'être lâche, peureux, ou je ne sais quoi d'autre. Tu es, à mes yeux, l'un des plus courageux d'entre nous. Je ne sais pas si la moitié des elfes se serait ne serait-ce que donné la peine d'essayer d'avancer, d'essayer de continuer, de comprendre, de vivre, après ce qu'il s'est passé à la bataille du lac d'Uraal. Il n'est que peu de personne que j'estime plus que toi aujourd'hui. Et pourtant, nous ne nous sommes pas revus depuis, je n'ai eu vent d'aucune de tes intentions, je ne sais ce que tu prévois en temps que Seigneur Protecteur, je ne connais que peu tes avis, ta politique. Mais, et c'est ce pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, je sais que tes intentions sont bonnes. Je pense que nous avons à peu près la même vision du futur, la même vision de l'avenir. Je le sais parce que nous sommes liés, d'une manière ou d'une autre, contre notre gré certes, mais cela n'y change pas grand chose. Il n'appartient qu'à nous de transformer cette chose en quelque chose de plus grand, en quelque chose d'utile, en un avantage que peu, si ce n'est aucun d'entre nous, n'a pu ne serait-ce qu'effleurer.

Ses mots s'enchaînaient sans faux raccords, sans que sa langue ne trébuche une seule fois. Son discours était fluide et, il l'espérait, limpide.

 - Promettre ma sûreté, promettre des réponses, ce n'est pas là ce que je demande. Parce qu'à vrai dire, cela m'importe peu. Je ne suis pas fou, loin de là, et je tiens évidemment à ma vie. Mais je sens, et je pense que tu le sens aussi, que nous touchons là quelque chose d'extraordinaire. Quelque chose que nous...

Nous. Aldartha et lui. Pourquoi faisait-il soudainement surface dans son esprit ? Certainement parce qu'il se rappelait sa jeunesse, parce qu'il repensait à ces instants où ils ne rêvaient que de faire une telle découverte, d'étudier un jour une telle chose. S'il avait légèrement tiqué sur ce pronom, il se reprit cependant bien vite :

 - Quelque chose que nous n'aurions jamais ne serait-ce qu'imaginé pouvoir appréhender. Et je crois, sincèrement, que cela vaut tout les risques du monde. Je ne suis pas un novice, je sais que je m'embarque dans quelque chose dont on ne pourra peut-être pas contrôler les issues. Qui ne sera peut-être qu'un immense échec, le résultat d'une folie démesurée. Mais peut-être que ce sera une réussite. Peut-être que nous découvrirons des choses dont nous ne pouvions même pas soupçonner l'existence jusqu'alors. Je ne sais pas toi, mais je pense que cela vaut le coup.

Certes, il entendait sa peur. Il l'intégrait complètement, et la faisait sienne. Sauf qu'elle ne pouvait battre cette envie, cette certitude qu'ils ne pouvaient faire autrement. Il avait dit avoir besoin de ses mots. Il lui avait donné ses mots. Il lui avait donné ses pensées. Il ne tenait plus qu'à lui, et à lui seul, de prendre sa décision. D'accorder de l'importance ou non à ce qu'il avait pu raconter. Quand sa voix se tue, il tendit simplement sa main devant lui, dans une sorte d'invitation à lui faire confiance.
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeMer 25 Nov 2015 - 11:33

Neraën fixa de ses yeux quasi transparents la main tendue vers lui, ne bougeant pas pendant un moment avant de fermer les yeux et de serrer la main de son confrère avec détermination. Anorn put ressentir malgré cette intention de montrer l'étrange confiance que pouvait avoir l'elfe en lui que la main du seigneur-protecteur tremblait. Elle tremblait d'une peur profonde que certainement aucun mot n'arriverait à enlever du cœur de l'elfe, même si ceux d'Anorn avaient réussi à lui permettre d'avancer avec cette crainte peu relativisée et de faire entendre au concerné un fait dont il ne se rendait pas pleinement compte tant il l'avait vécu : c'étaient sa force et son courage qui lui avaient permis de survivre à la magie, survie que n'auraient certainement connue que bien peu d'Elfes. Ainsi en était-il. Le premier pas d'une aventure qu'il aurait été égoïste de refuser, surtout de la part d'un mage envers un autre, était fait.

Se relevant, l'ancien combattant rouvrit les yeux, serrant toujours la main d'Anorn. Cette fois-ci ce fut le cœur de son confrère qu'il fixa. Ou, plutôt, c'était ce qui représentait ce cœur dans la luminescence de l'âme d'Anornedellon qu'il fixait, cette douce chaleur qui le réchauffait lui-même lorsqu'il y faisait attention. Parce qu'il ne pouvait réellement voir l'apparence physique d'une personne ayant créé un lien magique avec lui et donc que parfois il ne pouvait que se baser sur ce que son esprit voyait, à moins d'essayer de faire complètement abstraction de sa singulière aptitude pour vraiment essayer de voir ce que ses yeux percevaient.

"Je vais me concentrer pour que mon esprit s'ouvre pleinement au tien, ce sera déjà un bon début. Par la suite, si tu sais comment avancer ou que tu vois que j'hésite à faire le pas, essaie de prendre en main..."

Lorsqu'il ressentit l'assentiment de l'elfe, il ferma les yeux, régula sa respiration de sorte qu'elle soit si douce que son interlocuteur, pourtant juste en face de lui, ne puisse plus en entendre le moindre son, et laissa la douceur interne de cette respiration prendre son esprit tel une plume que l'on aurait posée sur un courant d'eau. Au bout d'un moment l'esprit se rouvrit timidement à ce que les mages appellent le Flux, bien plus qu'il ne l'était jusqu'à présent, jusqu'à ce qu'une réalité autre s'ouvre à lui. C'était comme s'il n'était qu'un petit être au milieu d'un vaste monde étoilé et qu'absolument tout ce qui l'entourait était une voûte céleste des formes brillaient au loin, constituant un paysage unique fait d'étoiles. La vie, voilà ce que c'était. Il avait déjà été aussi loin lors d'entraînements au sein de l'Académie d'Alëandir, si loin qu'il avait eu l'impression que tout le submergeait et qu'il était à un stade de la magie où il ne pourrait plus reculer si son esprit n'arrivait plus à suivre. Et aujourd'hui, il ressentait à nouveau ces forces venir de l'extérieur, être là et venir à lui comme s'ils se demandaient ce que son esprit faisait là. Il n'était pas loin de ce point qu'il avait toujours perçu comme étant de non retour. Encore une chance pour lui, la majorité des plantes situées dans le jardin n'avaient pas de puissante voix.

Alors son esprit se tourna vers celui d'Anorn, être de lumière dans la nuit, et s'en approcha. L'herbe qui frôlait ses pieds nus, les odeurs propres à un jardin, les quelques bruits provenant de la ville, le contact de sa main contre la sienne... tout cela n'existait plus. Seules une forme d'empathie ainsi que la vue "spirituelle" subsistaient. Alors il s'approcha vers le seigneur-protecteur, s'arrêta et dut à nouveau lutter contre son angoisse. Il savait qu'une fois qu'il le frôlerait à peine il pourrait tout savoir sans vraiment pouvoir contrôler ce qui se présenterait à lui. Alors il posa la question, se doutant que vu le peu de distance qu'il y avait entre leurs deux esprits qu'Anorn l'entendrait sûrement.

*Si je continue, je ne pourrais certainement pas faire en sorte de ne pas voir ce qu'il y a au plus profond de toi, ce qu'il y a dans ton cœur, ton esprit... peut-être même des moments de ta vie. Peut-être que cela sera réciproque. Souhaites-tu toujours avancer ?*

Il attendit d'avoir une réponse. Lorsqu'il la reçut, affirmative, il prit les mains de l'âme et oublia volontairement absolument tout ce qu'il pouvait voir, c'est-à-dire la voûte étoilée. Il se concentra uniquement sur le lien qui les unissait, le ressentit, le suivi... Une larme étincelante coula le long de sa joue lumineuse.
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeJeu 26 Nov 2015 - 21:19


Quand Neraën attrapa sa main, un sourire franc se dessina sur ses lèvres. Il avait eu peur un instant de le voir reculer, peur qu'il ne veuille pas risquer de tout perdre pour dépasser ce qui le terrifiait le plus. Anorn voulait aller au bout de tout cela, et il fut ravi de voir que c'était aussi le cas du nouveau seigneur protecteur d'Eteniril. Il pouvait cependant sans peine sentir sa main trembler, et il pouvait sentir l'angoisse qui l'avait alors saisi. Il aurait aimé pouvoir l'apaiser, il aurait aimé pouvoir lui dire qu'il n'y avait pas de raison d'être aussi craintif, mais cela aurait été mentir. Il savait qu'ils allaient battre des sentiers encore inconnus, et qu'une seule seconde d'inattention pouvait les perdre à jamais. Que leur esprit pouvait être balayé sans qu'ils ne puissent rien y faire, et avant même qu'ils ne s'en rendent compte. Alors il ne pouvait réellement rien faire, si ce n'était attendre. Attendre qu'on l'emmène, qu'on lui montre la voie, comme on le lui avait annoncé. Et il n'eut pas à attendre bien longtemps, puisqu'ils se retrouvèrent bientôt au sein même du Flux, au sein de ce qu'il avait toujours laissé passer à travers lui, de ce qu'il avait toujours matérialisé aux yeux de tous ce que tous ne pouvaient voir, ce que tous ne pouvaient sentir. Il pouvait presque voir les différences d'énergie autour de lui, les variations les plus infimes du flux, les plus petites modifications. Il était tentant de se laisser aspirer, de se laisser aller à cette douce et paisible énergie, ce courant qui ne demandait qu'à être suivi, qu'à être ce qui le porterait pour le restant de sa vie. Mais jamais il n'aurait pu laisser ainsi son esprit divaguer. Pas maintenant. Pas alors qu'il restait tant à accomplir, tant de personne à contenter.

Une voix retentit alors dans son esprit. Une voix qui n'en était pas une, des mots qui n'avaient jamais été prononcés, qui n'avaient aucune consistance, qui n'existaient pas. Et qui lui semblaient pourtant bel et bien réels. Avancer. Et dévoiler des moments de sa vie. Avancer. Et découvrir l'impensable. Il voulu fermer les yeux, acquiescer, sourire. Tendre sa main, faire un pas en avant. Il n'en eut pas le temps. Il n'en eut pas le temps puisqu'une peine immense le transperça à nouveau de parts en parts. Son cœur fut broyé, encore et encore. Ses yeux s'embuèrent soudainement, et son souffle fut coupé. La vie le quitta l'espace d'une seconde, et l'espace d'une seconde, il ne fut plus. Avant que des images se remettent à défiler devant ses iris grands ouverts. Glauriell. Aldartha. ''Sauve moi. Sauve nous. Ne me laisse pas. Ne me laisse pas, je t'en prie.'' Et sa voix impuissante, qui hurlait, encore et encore. Qui hurlait à s'en arracher la gorge, à s'en fendre le cœur. A n'en plus pouvoir parler. L'impuissance le frappait de plein fouet, l'impuissance et la culpabilité. Elle était à nouveau étendue, sans vie, dans les bras de leur père. Il la revoyait sans cesse, et chaque fois qu'il détournait les yeux pour les porter sur son frère, elle revenait. Et de ses yeux sans vie, de sa voix muette, elle lui demandait encore et encore : ''Où étais-tu ? Que faisais-tu ? Etait-ce plus important que moi ? Suis-je moins importante que lui ? Ne m'abandonne pas. Ne m'abandonne pas. Tu sais que c'est trop tard. Tu le sais.''

Soudain, elle disparut. Et revint. Plus jeune. En vie. Et repartit. Pour ne laisser qu'Aldartha. Ne reste qu'eux deux. Eux deux, et le monde. Eux deux, et la vie. L'avenir. Penché au dessus de son épaule, il lui explique point par point le plan qu'il a construit pour le sien. Le déroulement parfait des prochaines décennies, des prochains siècles. Il lui expose les plans de ce qu'il appelle leur refuge. Une construction en Quatrième Saison, presque à l'extérieur de la ville. Chose qui l'avait fait rire, et qui l'avait poussé à le taquiner au sujet des noss. Il savait l'admiration que son frère leurs vouait, et il aimait plaisanter à ce sujet. Comme Aldartha aimait se moquer gentiment de son envie de devenir un archimage. Selon lui, rien ne valait la puissance, et les connaissances, si on ne pouvait s'en servir à des fins foncièrement bonnes. ''Personne n'est foncièrement bon Anorn. Pas même toi. Je sais que tu ferais tout ce qui est en ton pouvoir pour me sauver, je sais que tu ferais n'importe quoi pour moi. Et vois-tu, je doute qu'à cet instant, être bon t'importe. Je sais qu'à cet instant, être bon n'aura plus aucune sorte d'importance à tes yeux. Parce qu'il en serait de même pour moi.'' Le ramener. Il devait le ramener. Le ramener maintenant, avant qu'il ne s'efface, avant qu'il ne soit trop tard. A cet instant, Anorn failli faiblir. A cet instant, le besoin, la nécessité d'être auprès d'Aldartha failli être bien plus grande que toute la volonté qu'il avait d'aller au bout de cette expérience. Loin, très loin, sa main tressaillit. Mais elle ne quitta pas celle de Neraën. Elle ne le quitta pas, et il pu sentir, incrédule, une larme couler sur la joue de ce dernier.

*  - Qu'est-ce... ? *

Il voulut dire quelque chose, il voulait exprimer son étonnement, son incertitude quand à la suite, mais il ne put pas. Il ne put transmettre par des mots ce qui l'animait alors. Il savait qu'il pouvait le ressentir, peut-être aussi bien qu'il le ressentait lui même. Mais il n'en était pas certain. Pas du tout. Alors il se concentra. Réellement. Faisant le vide, faisant abstraction de tout ce qui l'entourait. Sauf de Neraën. Il n'y avait plus que lui. Lui qui comptait. Et d'une manière qu'il n'expliquait pas, il ressentit un instant son âme comme si elle était sienne. Son empreinte comme si elle n'en était pas une, comme si elle n'était qu'une extension de la sienne. Pouvait-il le ressentir ?
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeMer 16 Déc 2015 - 15:45

Comme il s'en était douté, comme il en avait déjà fait l'expérience alors qu'il était incapable de maîtriser ce pouvoir qui passait par lui, à peine prit-il les "mains" de l'esprit de son comparse qu'il fut submergé par une vague effroyable. C'était comme si Neraën avait les yeux grand ouverts et ne pouvait les fermer, comme si un voile de sensations se posait avec douceur sur son corps, comme si ses épaules portaient tout le poids des de la vie d'un autre être, comme si son cœur était noyé par des larmes et enfin comme si les pensées d'Anorn étaient siennes. Neraën le savait, le seigneur-protecteur de la Quatrième Saison était comme un livre ouvert dont les pages se tournaient elles-mêmes pour qu'il puisse les lire. Et c'était une chose qu'il s'était toujours refusé, une règle qu'il avait établie et qu'il ne désirait pas enfreindre. Son premier mouvement fut de vouloir reculer, de se détacher du lien... en vain. Il resta cloué sur place, ne pouvant qu'admirer avec appréhension les images qui se formaient autour de lui. Comme lors de ses rêves. Si ce n'est que cette fois la scène qui se déroulait devant ses yeux semblait avoir réellement existé, provenant très certainement du passé du guérisseur.

Alors que les images et les sons défilaient, Anorn semblait ne pas apercevoir la présence de l'ancien guerrier. Et pourtant... il était là, tout proche, avait même parfois la désagréable impression d'être l'elfe millénaire. Être l'autre... Combien de fois avait-il pu entendre ou ressentir que quelqu'un désirait être celui une personne qu'il considérait comme étant un modèle ? Vouloir avoir les mêmes qualités qu'elle ? De nombreuses fois. Ces gens ne savaient vraiment pas ce qu'ils désiraient réellement, quel était le prix à payer pour ne serait-ce que s'approcher de l'âme de l'autre. Douleur, risque de se perdre éternellement. C'était ce qu'il vivait en cet instant. Pris d'une peine intense et de la douleur que lui coûtait sa volonté de rester soi, il tomba à genoux. Sa main droite se crispa au niveau de son cœur alors que la gauche tomba à plat sur le sol herbeux, cherchant à empêcher de tomber son corps habillé des couleurs de l'armée royale.

Après un temps que Neraën ne sut pas compter, le nouveau protecteur releva la tête et fut bien en peine de reconnaître l'endroit : le lac Uraal, tel qu'il était à la fin de la bataille sans les corps de milliers de cadavres. Certainement que son confrère avait reconnu cet endroit, lui aussi. Un événement que tous deux avaient partagé. Neraën laissa ses yeux regarder vaguement quelque chose devant lui, n'osant pas croiser le regard d'Anorn. Cet endroit avait de quoi lui rappeler tellement de souvenirs... souvenirs qui déferlèrent sous la forme d'une seconde vague, faite d'innombrables parchemins portés par le vent. Les pages de sa vie. Le vent souffla fort, dérangeant l'elfe aux yeux de glace, jusqu'à ce que les feuilles tombent entre lui et Anornedellon. L'épéiste les suivit du regard pour finalement s'arrêter sur l'être de lumière.

*C'est une invitation à tourner les pages, Anorn. C'est ainsi que mon histoire se présente à moi.*


Laissant l'elfe oser prendre quelques pages pour apprendre à connaître celui avec qui il était lié, Neraën retourna celle qui s'était posée sur son genou, découvrant ainsi un dessin qu'il n'aurait pu voir lors de son dernier rêve : lui, habillé dans des vêtements de cérémonie, sa main droite posée sur une orbe dont émanait de la magie. L'Aube. Sur la gauche de l'image étaient représentés des Elfes qu'il pouvait reconnaître aussi bien de par leur faciès que de par les habits qu'ils portaient ce jour-là. Au milieu se tenaient le haut-conseiller ainsi que le prêtre de Kyria et, sur la droite, étaient accrochées au mur des stèles de pierre. Sur l'une d'elles, il pouvait remarquer son prénom inscrit sous celui de Ringwë Laicolassë, le nom étant en train de se graver. Un soupçon de sourire se dessina sur son visage alors qu'il remarquait à quel point le dessin représentait bien la crainte qu'il avait ressentie la veille lors de son intronisation. Enfin se laissa-t-il regarder Anorn, prenant pleinement conscience du chemin parcouru et du rôle que pouvait avoir leur relation - notamment concernant la magie. Sans rien dire il se releva, l'esprit plus léger, et s'avança vers le mage. Il lui tendit le papier qu'il tenait toujours dans la main, afin qu'il le regarde. Puis il se retourna, s'apercevant à cet instant que tous les morceaux de papier avaient disparu, sauf celui que tenait Anorn. Le vent, après avoir apporté les feuilles, avait tout simplement cessé d'être.

*Maintenant je suppose que tu en sais assez sur moi... ?*

Voilà un premier point d'éclairci. Anorn devait savoir nombre de choses sur lui à présent, peut-être bien plus que s'ils étaient passés par les mots. Quoi qu'il en soit, il se demandait maintenant ce qu'il fallait faire et comment. Il commençait à avoir l'impression d'être tombé dans une mise en abîme où une fois ils étaient de corps, l'autre de lumière, et ainsi de suite. Chercher à nouer encore plus fortement leur lien en étant dans le "flux" risquerait selon lui de plonger encore plus vers l'abîme et de risquer de ne pas réussir à trouver la sortie. Peut-être ne faudrait-il pas continuer en tant qu'elfes dans la réalité de tous ?

A seulement un mètre de Neraën, Anorn put sans forcément comprendre pourquoi entendre les interrogations de l'elfe. Même ces questions qui ne lui étaient pourtant pas adressées.
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeMer 23 Déc 2015 - 22:20


Les feuilles volaient autour de lui, et il n'osait en toucher une seule. Les parchemins s'empilèrent bientôt aux pieds de Neraën, et ce dernier l'invita à en prendre un. Il ne voulait pas tellement lire ce qu'il y avait d'écrit dessus, voir ce qu'il y avait de dessiné. Il ne voulait pas s'introduire ainsi dans son esprit, dans son être, dans son passé. Parce que ce qui était couché là, ce qui s’amoncelait ainsi, n'était rien d'autre que sa vie. Tour à tour ils semblaient revivre leur vie. Non pas leur vie, mais la vie de l'autre. Ils étaient happé à tour de rôle dans le passé de l'un et de l'autre pour revivre ce qui les avait créé. Pour se souvenir de ce qui les avait faits. L'impression était étrange, plonger dans la vie de quelqu'un comme s'il devenait lui donnait des frissons à Anorn, presque même la nausée. Il avait la désagréable sensation de violer sans retenue l'esprit qu'il avait en face de lui, et lorsque enfin tout redevint à peu près normal, il ne put s'empêcher de souffler de soulagement. La question rhétorique de Neraën le fit doucement sourire. Il avait l'impression d'avoir vécu les huit derniers siècles dans sa peau, et il lui demandait s'il en savait assez.

*  - Je... Il me semble que tu en sais autant sur moi que j'en sais sur moi, effectivement. Je suis désolé, je ne voulais pas, je ne pensais pas...*

Il ne pensait pas quoi ? Que cela allait prendre une telle tournure. Qu'il allait s'immiscer aussi facilement dans les pensées de l'autre, qu'il allait presque risquer de se perdre dans les souvenirs de Neraën, et dans les siens. Il n'avait pas eu idée de l'ampleur de la gêne qu'il avait pu ressentir, il n'avait pas pensé que cela puisse être autre chose qu'une expérience un peu plus osée, un peu plus poussée que d'ordinaire. Que cela puisse l'atteindre plus profondément que n'importe quoi d'autre. Retourner à la réalité, quitter cet état de transe. L'idée ne venait pas de lui, l'idée venait d'ailleurs. L'idée venait de celui qui était en face de lui. Il était de toutes façons certain qu'il ne voulait plus être là. Qu'il ne voulait pas risquer d'être à nouveau bouleversé, d'être à nouveau déstabilisé, parce qu'il n'était alors pas certain de pouvoir s'accrocher, et de pouvoir revenir. Qu'arriverait-il s'il restait ici, au milieu de ses souvenirs, au milieu du torrents d'énergie qui n'aurait cesse de l'emmener encore plus loin ? Il savait ce qui arriverait. Il le savait. Il perdrait son esprit, il perdrait sa contenance. Il se perdrait tout bonnement, parce qu'il éclaterait en autant de morceaux qu'il était possible. Il se désolidariserait, et deviendrait énergie. Son corps ne serait alors plus qu'une enveloppe vide, attendant que la mort le cueille. Alors il revint. Il lutta contre l'appel tentant du flux, lutta rompre le lien qu'il avait établi avec Neraën, lutta pour retrouver son corps. Et quand enfin il le sentit peser sur lui, quand les bruits ne furent plus étouffés, les odeurs plus masquées, il n'osa ouvrir les yeux. Parce qu'il craignait que celui qui se tenait en face, que celui auquel il tenait la main, ait changé. Changé de manière si spectaculaire qu'il ne pourrait le reconnaître. Ce n'était pas réellement fondé, et c'était totalement absurde. Mais cette crainte resta quelque peu, il ne put ouvrir les yeux tant qu'elle fut là. Lorsqu'il osa enfin soulever ses paupières la lumière l'aveugla, mais seulement le temps que ses iris s'habituent à la lumière, comme s'il s'éveillait. En face de lui se tenait le nouveau Seigneur Protecteur d'Eteniril. Exactement comme il l'avait laissé. Il n'avait pas changé. Il n'était pas parti. Il n'était pas vide. Il était là. Et quelque part, cela le soulagea légèrement. Sa main toujours au creux de la sienne, il prit doucement la parole :

 - Je crois qu'il vaut mieux que nous continuions ainsi, effectivement. Si continuer est ton souhait, bien sûr. Si continuer est même possible. Je pense que tu peux ressentir sans peine la fatigue qui me gagne, rien d'insurmontable rassure-toi. Mais s'il nous reste encore à faire, nous ferions mieux de ne pas traîner. Sans quoi je crains que mon corps ne décide de prendre du repos sans mon accord !

Si cette dernière phrase avait été lancée sur un ton joyeux, comme une plaisanterie qu'on ferait entre ami, il savait pertinemment que cela n'était pas souhaitable. Qu'un évanouissement n'était pas envisageable. Ce qu'ils venaient de faire lui avait coûté beaucoup d'énergie, l'avait éprouvé, tant physiquement que mentalement. Si bien qu'il ressentait cette peine à se refermer complètement au flux, caractéristique d'un état de fatigue léger. C'était un peu comme la sonnette d'alarme, cette sensation qui le prévenait de ne pas tenter encore une telle chose. Sous peine d'une répercussion bien plus grande, et bien plus désagréable. Encore connecté à Neraën, il pouvait, s'il se concentrait un peu, sentir chez lui quelque chose d'étrange. Quelque chose qu'il ne lui connaissait pas avant, et pour cause, cette chose était à lui. Elle était sienne, il la reconnaissait entre mille. Son empreinte. Sa signature. Son énergie. Peu importait ce que c'était en réalité, peu importait la dénomination. Seul comptait le fait. Il lui avait laissé, donné, ou peut-être lui avait-on pris, une partie de soi. Un partie avec laquelle il était certes toujours connecté, d'une manière si étrange qu'il ne pouvait l'expliquer, mais qui n'était plus en lui. Qui était en quelqu'un d'autre. Sa stupéfaction put se lire sans aucun problème sur son visage, puisqu'il n'essaya même pas de la masquer.

 - Est-ce que tu ressens, est-ce que tu vois ? Cette chose, ce morceau de.. de moi ? Sais-tu comment... ?

Mais il ne termina pas sa question. Il ne la termina pas parce qu'il connaissais déjà la réponse. Non. Non il ne savait pas. Evidemment qu'il ne savait pas. Ce n'était pas quelque chose qu'il avait déjà expérimenté, pas quelque chose qu'il avait étudié, encore moins quelque chose qu'il maîtrisait. Comment pouvait-il ne serait-ce s'attendre à ce qu'il sache quoi que ce soit à propos de tout ceci ? C'était absurde, et il regretta presque sa question. Du moins le début de sa question.
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeVen 25 Déc 2015 - 0:40


Il commençait à se retourner vers Anorn lorsqu'une chose le surprit : il disparaissait. Avant que les seigneur-protecteur de la Quatrième Saison ne soit retourné à la réalité de tout Elfe, celui-ci put voir une expression de peur et de doute se dessiner sur le visage de Neraën. Mais aucun temps ne fut accordé à de la discussion, la magie ne s'arrêtant jamais en cours de chemin. l'ancien soldat resta planté là, désormais seul, se demandant ce qu'il se passait. Il recula d'un pas, sentit la magie se faire plus oppressante... Il se retint de paniquer, ce n'était pas le moment, ce n'était peut-être rien, peut-être juste son confrère qui avait décidé de revenir dans son corps, qu'il n'avait pas disparu, qu'il ne l'avait pas mené à une errance éternelle, que tout allait bien... Il fallait qu'il se calme. Qu'il respire. Qu'il arrête de penser au pire.

*Anorn ? Anorn !*

Seul le silence lui répondit. Un silence oppressant tel qu'il avait pu en connaître lorsqu'il était "jeune étudiant" à l'Académie d'Alëandir. Le genre de silence que l'on aimerait briser et qui était bien trop souvent synonyme de douleur. Un froid parcourut l'échine du mage alors que tout autour de lui commençait à prendre une couleur hivernale. Il n'aimait guère cela. Il n'aimait aucunement sa magie, pour tout dire, ne l'avait jamais aimée et ne l'aimerait certainement jamais. Tout comme les endroits les moins sûrs d'Anaëh, elle lui semblait instable, hostile et emplie de mystères. En somme, il ne pouvait avoir confiance en ce qui faisait depuis trois cents ans partie de lui. Le froid commença à le prendre un peu plus... il était grand temps de partir. Priant la Mère pour sortir de cette mise en abîme, Neraën ferma les yeux et souhaita sincèrement retourner dans le jardin où se trouvait son corps, retourner en arrière.

Il sentit ce qui l'entourait changer. Il rouvrit les yeux. Tout autour de lui n'était que nuit, sombre horizon et voûte étoilée. L'être de lumière n'était plus là. Il ne sut pourquoi, mais cela créa un vide en lui-même, comme si Anorn était toujours derrière et qu'il le laissait derrière. La peur, toujours. Les étoiles commencèrent à disparaître, le protecteur s'obligea à repenser au jardin, à son confrère qui devait l'attendre, à la Symphonie qui arrivait à chanter jusqu'au balcon. Il ferma les yeux à nouveau...

Il sentit son coeur battre, le vent murmurer entre les feuilles des plantes, sentit l'odeur agréable de l'herbe fraîche, ressentit sa main dans celle, chaude, d'Anorn. Il n'osa pas ouvrir les yeux pendant un temps, avant de finalement se dire que si l'esprit d'Anornedellon avait disparu, alors son corps serait tombé et deviendrait peu à peu froid. Mais n'était-il pas à terre, lui ? Non... non non... il était bel et bien debout. Alors il ouvrit les yeux et revit bien en face de lui l'être de lumière, celui dont il ne pouvait plus voir l'apparence physique et dont il savait désormais bien des choses. Anorn parla ; Neraën sentit alors la pression et la fatigue retomber. Il ne pouvait voir à quel point son visage était devenu pâle, mais il avait tout à fait conscience que les traits de son visage étaient particulièrement tirés par l'épuisement. L'elfe ne comprit pas tout à fait son comparse mais à peine celui-ci eut-il fini sa plaisanterie que Neraën le prit dans ses bras, de la même manière qu'il venait de retrouver un frère d'arme pour lequel il avait eu peur.

"Ne recommence plus jamais cela ! J'ai cru qu'elle t'avait emporté, que...

Il ne termina pas sa phrase ; un sanglot de joie incontrôlé empêcha tout mot de sortir de sa bouche. Il se passa un moment où les deux protecteurs restèrent ainsi, Neraën n'arrivant plus vraiment à contrôler les émotions qui passaient par lui, notamment ce lle de la joie. Ce fut Anorn qui rompit cela, remettant l'autre elfe face à lui, la stupéfaction lisible sur son visage.

- Est-ce que tu ressens, est-ce que tu vois ? Cette chose, ce morceau de.. de moi ? Sais-tu comment... ?
- De quoi ?


Ce fut plus fort que lui, Neraën se mit à rire, un rire simple et léger mais continu. Alors que ce qui l'habitait ne lui appartenait plus vraiment à cause de la fatigue, il s'assit tout en mettant sa main devant sa bouche et en riant. Sérieusement, qu'est-ce qui n'allait pas ? Ce morceau de "lui" ? Il montra de sa main libre la deuxième chaise tout en sondant l'elfe millénaire à la recherche de ce qui avait pu changer. Après quelques inspirations forcées pour essayer d'étouffer cette envie de rire, il trouva enfin une petite pointe, une sensation encore chaude en Anorn comme en lui. Mais ce n'était à son avis rien de vraiment changé depuis la veille.

- Je ne pense pas haha... je pense savoir ce que tu sens ! Je hum... je crois que c'était déjà en nous, sinon nous n'aurions jamais pu... enfin je n'aurais jamais pu ressentir ta présence comme ce matin, où je n'ai même pas eu de besoin de me tourner pour savoir que c'était toi ! Je pense que ce que nous venons de vivre l'a intensifié et que c'est cela que tu ressens. Après il est possible que je me trompe.

Anorn avait de quoi le regarder de travers. Non pas parce qu'il réussissait à apaiser sa crise de rires, mais parce que de la façon dont il parlait, mouvait ses mains et surtout de la façon dont ses yeux habituellement glaciaux ainsi que son faciès normalement fermé rayonnaient à ce moment précis. Anorn pouvait revoir en ces quelques secondes le lieutenant qui prenait un malin plaisir à accueillir les nouveaux Aigles avec humour, l'elfe qui n'hésitait pas à sortir des blagues plus ou moins réussies, le jeune homme qui accordait facilement des sourires sincères et flatteurs aux femmes de son âge, et enfin l'enfant qui, tout heureux d'avoir trouvé un moyen pour que son père prenne le temps de s'occuper de lui, courait dans la rue tout en hurlant de joie d'avoir réussi à dérober les papiers importants de son père. Étrangement, en ce seul instant, tout un passé que seul Anorn pouvait deviner et comprendre s'ouvrait au présent. Manifestement, si Neraën était aujourd'hui quelqu'un de distant et froid, il avait été autrefois un elfe avec qui il devait être agréable de vivre et de converser. Comme quoi qu'il y avait toujours un prix à payer quant à l'utilisation de la magie.

- Anorn, excuse-moi mais... pourrais-tu te décrire, physiquement ? Dire quels vêtements tu portais hier ?

La question pouvait paraître impromptue... Neraën attendit d'avoir la réponse pour lui expliquer la raison d'une telle demande.

- Je t'ai dit tout alors que je ne voyais ceux qui étaient liés magiquement à mon esprit que comme des êtres de lumière, si je me souviens bien, et donc que je ne pouvais voir leur apparence physique. Sur le dessin que je t'ai passé lorsque nous étions... ailleurs, tu n'apparaissais pas sous cette forme. Voyant ta femme, je me suis demandé si c'était bien toi. Il semblerait que j'ai bien deviné.

Un fin sourire égaya son visage qui, malgré la fatigue, avait repris sa fermeté. Il se releva en faisant signe de la main à son convive de rester là et, se dirigeant vers ses appartements qui étaient juste de l'autre côté d'une porte en verre, décréta :

- Reste comme tu es !

Entré dans l'appartement, il s'appuya un instant sur le dossier d'une chaise avant de soupirer un coup et de prendre deux petits verres ainsi qu'une bouteille contenant un liquide verdâtre d'apparence peu ragoutant. Commençant à traîner des pieds, il revint et déposa son trésor sur la table où s'empilaient encore de nombreuses lettres. Il servit avec un peu de mal le liquide dans les deux verres et en tendit un à Anorn. S'asseyant, il trinqua silencieusement.

- Cul sec, tu verras tu te sentiras mieux après.

Ayant tout juste prononcé ces mots, l'elfe but la mixture d'une traite puis reposa le petit récipient tout en faisant la grimace. Il sourit en voyant Anorn faire de même.

- De la Tehlwelas, un mélange d'alcool, de plantes et d'épices. Généralement les prêtres gardent ça pour les hivers particulièrement froids ou pour redonner de la force à un patient, mais il arrive que j'en ai besoin en d'autres occasions... comme ce matin. Pas mauvais, n'est-ce pas ?

En réalité, pour qui n'en avait jamais bu, c'était absolument immonde.

- Tu vas retrouver des forces le temps de quelques heures, mais je te conseille de te coucher une fois que tu auras mangé, sinon ton corps ne supportera pas le retour de bâton. Sinon, je repense à ça, que me disais-tu lorsque je suis revenu à la... réalité ?"
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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeDim 3 Jan 2016 - 1:20


Il avait oublié de le prévenir. Oublié de lui dire qu'il retournait là-bas, dans le palais, parce qu'il pensait que c'était ce qu'il voulait. Il pensait que Neraën lui avait dit aussi clairement que tout le reste, mais ce n'était pas le cas. Apparemment, il ne lui avait pas demandé de le faire, et de le voir disparaître ainsi lui avait fait plus de mal que de bien. Cela l'avait bouleversé si profondément qu'il l'avait serré dans ses bras, qu'il l'avait tenu contre lui, pour épancher la soudaine tristesse qu'il avait créé en lui. Il se sentit un instant coupable, parce qu'il savait qu'il aurait du lui dire, qu'il aurait du lui spécifier qu'il ne s'effaçait pas tout simplement, qu'il ne se laissait pas aller au flux, mais qu'il revenait seulement vers lui. Qu'il revenait vers son corps, vers ce qui était réel, et visible pour tous. Vers cette matérialité tangible qui le rassurait tant. Et quand il l'eut rassuré, quand le fait de l'avoir touché d'une manière aussi entière, et aussi complète, le soulagea, un rire auquel il ne s'attendait pas s'envola dans le ciel, illuminant son visage. Il revoyait là sans peine celui qu'il était avant, le jeune lieutenant qui n'avait pas encore tant vécu, qui n'avait pas tant souffert. Qui n'avait pas éprouvé le flux comme personne. Ni éprouvé de perte. Plein d'espoir, d'illusions et d'envie. Il enviait en quelques sortes ce sourire qui s'était peint sur son visage, parce qu'il savait qu'il ne pourrait en avoir un si pur et si innocent à nouveau un jour. Il savait que tout ceci s'était perdu à jamais, et qu'il ne le retrouverait jamais, si ce n'était le jour de sa mort.

L'agitation dont il faisait preuve étourdissait légèrement Anorn. Comment était-il possible qu'il se sente aussi bien, aussi vivant, aussi heureux, alors que lui peinait à formuler une phrase ? Voire même, à reprendre ses esprits. Il était comme dans un état second, où rien n'importait plus, si ce n'était rester décent. Et réactif. Mais sincèrement, il avait du mal à tenir une conversation, et il savait que s'il s'essayait à de grands discours, c'était perdu d'avance. Donc lorsque Neraën lui expliqua quelques choses, il fut bien en aise de n'avoir qu'à répondre à une question des plus simples. Et quand on lui demanda de rester là, il ne se fit pas prier. Il était un peu perdu, à vrai dire, et qu'on ne lui demande pas une lune l'arrangeait grandement. Les deux petits verres et la bouteille qu'il ramena cliquetèrent entre eux avant qu'il ne pose tout ceci sur le bureau. Lorsqu'il s'assit, Anorn l'imita, et lorsqu'il but, il fit de même. Avant de se mettre violemment à tousser. Il ne put s'en empêcher, il avait l'impression étrange de revivre une des première fois où un alcool fort était passé au travers de sa gorge, et si ce n'était pas agréable, cela l'amusa tout de même légèrement. De savoir que Neraën n'avait pas pris la peine de le prévenir avant, de savoir qu'il avait avalé son verre sans se soucier de son contenu, et enfin de se dire qu'effectivement, cela redonnait l'envie de vivre. Mais absolument pas le goût. Ce dernier était immonde, à croire que tout ce qui pouvait améliorer la conditions physique était nécessairement infect. Une larme perla au coin de son yeux gauche, mais il la fit disparaître rapidement d'un battement de cils.

 - Excuse moi, hum... Mais c'est immonde, tu aurais du me prévenir ! rouspéta gentiment Anorn. Il est évident que je n'avais pas l'intention de courir un marathon, et je vais aller manger, oui. J'ai une entrevue ce midi avec Ëninríl, mais s'il faut, je serai légèrement en retard. Je connais trop bien les retombées physiques que peut avoir une utilisation intense du flux, et je ne risquerai pas ma santé là dessus, ne t'en fais pas. Quant à tout à l'heure, je disais seulement que si tu voulais continuer plus avant, si cela est possible, il valait sans doute mieux le faire ici, effectivement. Je crois seulement que ce ne sera pas pour cette fois, je fatigue beaucoup trop vite pour tenter quoi que ce soit d'autre. Quoi que ce soit qui nécessite mon ouverture au Flux du moins. Même si à mon humble avis, nous avons déjà fait beaucoup.  

A vrai dire, il ne se sentait pas capable de continuer. Il savait que l'état dans lequel il se trouvait actuellement était temporaire, et il craignait que la fatigue vienne le frapper soudainement, sans qu'il ne puisse rien y faire. Il n'avait qu'une envie, c'était d'aller manger un morceau, et s'allonger pour récupérer. Cela lui rappela un instant les mouroirs, mais les souvenirs s'en allèrent bien vite, pour laisser la place à la réalité. Ils venaient de faire quelque chose d'énorme, quelque chose qui dépassait toute expérience magique qu'il connaissait, toute sorte d'essai, et d'appréhension de l'autre. Ils avaient sans doute ouvert une voie qui jusque là était inconnue de tous, et rien que pour cela, il s'autorisa un léger, très léger sourire. Certes fallait-il qu'ils aient réussi, et qu'ils sachent l'utiliser à bon escient. Mais cela serait une autre victoire, parce que c'était un tout autre combat.

HRP:

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MessageSujet: Re: [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën   [Intronisation]Le passé rencontre le présent et les liens se renforcent | Neraën I_icon_minitimeSam 9 Jan 2016 - 16:09


Tout en écoutant son confrère parler avec un peu de mal à cause de l'alcool qu'il venait d'ingurgiter, Neraën ressentit les bienfaits de la Tehlwelas commencer à passer dans son corps. La fatigue disparut presque et il était plus facile pour lui de se maîtriser que quelques secondes auparavant. Déjà, il ne riait plus sans savoir pourquoi et n'avait pas l'envie que cela recommence. Un bon point. Par contre, il craignait les retombées que cette boisson aurait sur lui.

"En aurais-tu bu si je t'avais spécifié que cette boisson était dégoûtante ?

Il laissa un sourire taquin se dessiner sur ses lèvres puis fit doucement tourner son doigt sur le bord du verre, créant ainsi un son cristallin agréable à l'oreille. Il réfléchit quelques instants tout en regardant la cité d'Eteniril se profilant au-delà du jardin avant de reprendre.

-Je suis incapable de te dire si nous avons fait beaucoup ou pas aujourd'hui, Anorn. Ce que je craignais le plus était qu'à continuer de la sorte nous nous enfoncions toujours plus dans une mise en abîme jusqu'à ne plus nous y retrouver. En tout cas ce qu'il s'est passé est impressionnant... je ne savais pas que tu avais un frère.

Il s'arrêta là. Si Anorn avait décidé de ne pas parler de son frère à qui que ce soit, c'était certainement parce qu'il y avait une raison. Une raison que Neraën ne pouvait en aucun droit juger. D'ailleurs, il se demandait sincèrement ce que pensait Anorn de sa propre vie. Il devait désormais savoir qui était Tinrael et quelle chance il avait eue de pouvoir être quelque peu accepté dans une noss. Il savait nombre d'Elfes détester leurs frères restés loin des cités. Rares étaient ceux à réellement les accepter - ou du moins d'essayer.

-Je pense que tu as raison, il vaut mieux que nous arrêtions là pour aujourd'hui. Il ne faudrait pas que je te retarde pour aller voir Ëninril. Nous aurons certainement l'occasion de réfléchir plus en détail de ce que nous pouvons faire une prochaine fois, surtout avec ce qui se profile, non ?

Étant donné qu'Anorn souhaitait partir afin de se reposer avant de rencontrer le druide, ce que Neraën comprenait parfaitement, il se leva et invita le guérisseur à faire de même. Il l'accompagna jusqu'à la porte du jardin, se tourna vers lui et le salua comme il le faisait jamais avec les autres : il prit sa main droite dans la sienne alors que sa main gauche serrait fraternellement son épaule droite.

-Si nous n'avons pas l'occasion de nous revoir avant ton départ, alors je te souhaite bon voyage. Nous nous retrouveront au Haut-Conseil dans quelques ennéades. Si jamais tu souhaites parler magie ou autre entre temps, n'hésite pas à m'envoyer une missive. J'aurai forcément le temps de te répondre !

En effet, maintenant Anorn savait de source sûre que Neraën était insomniaque et que les rares fois qu'il s'endormait, c'était pour être submergé par la magie, la Symphonie, le rêve... il n'en savait trop rien, même si les différents indices qu'il arrivait à percevoir lui montraient que la Symphonie n'était pas étrangère à ses sommeils agités. Aussi du temps, il en avait pour faire autre chose que gérer le protectorat ou faire attention à la magie qui le tenaillait.

-Puisse la mère veiller sur toi, Anorn, et les étoiles te guider. A bientôt."

Puis il laissa son confrère partir, laissant un vide qui devenait de plus en plus profond au fur et à mesure qu'il s'éloignait de Neraën. Enfin, ce dernier se retourna et regarda attentivement autour de lui. Ses yeux s'arrêtèrent sur la porte de ses appartements et une angoisse vint lui barrer l'estomac : ce qu'il s'était passé allait certainement l'épuiser au point qu'il s'endorme, même s'il ne le ressentait pas à cet instant grâce au petit verre d'alcool. Et l'idée même qu'il s'endorme pour être assailli d'un songe qu'il ne pourrait contrôler ni arrêter était pire que tout autre chose.

Ainsi allait sa vie.


{Fin}
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