Le retour du Cerf

Après être resté une journée de plus que prévu à Missède, afin de rendre justice sur ces terres, Théobald reprit sa route vers Langehack, toujours avec ses cinquante cavaliers. Mais arrivé en vu de la ville la petite trouve s’arrête quelques deux heures. Le temps de se décrasser et d’enlever leurs tenues de voyage tout poussiéreuses. C’est propre et richement vêtu qu’ils se dirigèrent vers la majestueuse ville .Le jeune baron fût satisfait de voir qu’une escorte à cheval l’attendait aux portes de la ville. L’officier dirigeant cette escorte s’inclina légèrement à l’arrivé de Théobald et présenta ses respects. La politesse entre noble langecin trancha avec celle qui était de mise lors du couronnement avorté de Nimmio.

Bienvenu à Langehack votre honneur, en espérant que vous avez fait bonne route, je suis chargé de vous escorter jusqu’à palais, le couple ducal vous recevra dans la salle du trône. Si vous avez une quelconque demande à formuler avant je serai ravi de la faire transmettre.

C’est toujours un plaisir de venir dans la plus belle ville de la péninsule, et ne vous inquiétez pas. Nous n’avons besoin de rien et somme prêt à être en présence de votre duchesse et de votre duc.

Les cavaliers remontèrent alors la ville en direction du palais. Il était vrai que la ville était fabuleuse, surtout maintenant que Diantra était en partie en ruine. La ville était animé et salubre ce qui faisait plaisir à voir. Langehack était la vitrine prospère du Langecin, et Missede son arrière cours plus tranquille. Si la coopération entre les deux dirigeants allait dans le bon sens les territoires pourraient même devenir complémentaires. La population était ravie de voir le baron, la trahison de baron de Merval avait profondément déçu les langecins. C’est pourquoi la fidélité du baron de Missède était importante aux yeux du duché.

Aux yeux d e Théobald la troupe arriva trop rapidement au palais, la ville lui était agréable et il aurait apprécié d’en profiter plus. Cependant il n’était pas à langehack pour le plaisir mais pour le service de son duc, ainsi le devoir prit rapidement le dessus sur le plaisir dans l’esprit de Théobald. La tenue du baron était du meilleur tissu du langecin et au couleur de sa famille, d’azur et d’argent, un collier d’argent massif avec un symbole cerfs gravé terminaient cette superbe tenue. Il arriva à la salle du trône accompagné de quelques nobles missèdois qui l’avait accompagné dans le domaine royale. Lorsque le héraut l’annonça le silence se fît dans la salle, qui juste avant était quelque peu bruyante. Le cœur de Théobald s’accéléra lorsqu’il constate que la jolie Lidwina était présente dans la salle. Mais le baron ne s’arrêta pas et continua sa route vers le duc et la duchesse qui étaient eux aussi vetu de leurs plus beaux vetements. La tête haute le baron traversa la salle et vint s’incliner devant le couple ducal.

Vos excellences, c’est un honneur pour moi que d’être en votre présence.

Visiblement, les dieux avaient été cléments en ce jour pour leur accorder un tel temps. Oschide priait déjà pour que leur voyage jusqu'à l'archipel de Nelen se déroule sans encombre, car même si l'Olienne n'était pas réputée pour ses grandes tempêtes, il n'était hélas jamais à l'abri de l'arrivée subite et extraordinaire d'un cyclone où d'une créature mythique quelconque. Néanmoins, l'aventure et le voyage attendraient encore quelque temps. Suffisamment pour que le duc ait eu le temps de reparler à son vassal, le baron du Missédois. Il n'avait pas revu celui-ci depuis le faux conseil de Diantra et son départ précipité suite à sa petite infection. Il savait pourtant que le missédois était resté là-bas pour continuer à représenter le Langecins, mais aussi pour voir et apprendre tout ce qu'il s'y était passé. Le jour des comptes était enfin arrivé et le couple ducal s'apprêtait à écouter une nouvelle fois tout le drama qui persécutait l'ancienne capitale royale, ainsi que ses terres.

Lorsqu'on annonça l'arrivée du baron, les hommes et femmes se mirent en place dans la grande salle en effectuant une manœuvre extrêmement bien maîtrisée. Avec le temps, les nobles, officiers et conseillers Langecins savaient parfaitement où se tenir lors des réceptions officielles. Oschide n'y tenait pourtant pas plus que ça, mais Méliane avait mis un point d'honneur à ce que Langehack montre au monde entier sa rigueur et son respect des codes. Ainsi, un homme derrière lui était debout et tenait la bannière sur laquelle flottait le dragon des Anoszia, tandis qu'un autre à ses côtés représentait l'étalon noir des Lancrais. Quelques aigles de sang étaient rivés comme des piques juste derrière encore, même si Oschide ne leur accordait plus la même confiance qu'auparavant, il ne pouvait les congédier aussi facilement. Les officiers Langecins, ainsi que leurs conseillers se tenaient quant à eux d'un côté de la salle, alors que les quelques nobles dont faisait partie Lidwina de Olile, la promise du baron, se trouvaient de l'autre.

Le jeune baron du Missédois entra dès lors dans la salle, accompagné de quelques-uns de ses gardes. Un héraut l'annonça en donnant ses titres de noblesse, puis la petite troupe marcha d'une allure fière jusqu'à eux, sous les yeux admiratifs et curieux de la salle toute entière. Théobald les salua alors respectueusement en s'inclinant, ce qui provoqua un petit moment de silence appréciable dans la grande salle qui se tut pour l'occasion. Méliane fut la première à briser ce silence en invitant le baron à se relever.

-C'est un honneur pour nous de vous recevoir, et pour moi de vous accueillir en meilleur forme que par le passé, messire. Mais je ne me fais aucun doute sur l'hospitalité de mon époux à votre égard, sinon je présume que vous auriez déjà filé comme le mervalois. Quelques rires vinrent égayer la salle un petit moment jusqu'à ce sire d'Olside n'use de ses cordes vocales pour ramener le calme. En tout cas, je suis heureuse de pouvoir bientôt vous considérer comme cousin lorsque vous vous serez unis à la belle Lidwina que je vois là-bas. Les regards se tournèrent sans attendre vers la jeune femme qui ne dût surement plus savoir ou se mettre. Mais avant toute chose baron, nous aimerions connaître les dernières nouvelles de Diantra et des terres royales. Pouvez-vous nous éclairer ?

Ne pas en parler dans un endroit privé avait plusieurs buts et le baron n'en serait probablement pas dupe. Il était temps pour tous de connaître les agissements en dehors du Langecins et comme les nouvelles n'étaient surement pas bonnes, il serait surement moins difficile de gagner les esprits.

A la grande surprise du baron, ce fût Meliane qui s’exprima la première, non pas qu’il ne la reconnaisse comme la duchesse légitime, mais parce qu’il n’avait toujours parlé qu’a l’Anoszia. Théobald comprit vite l’intérêt de cette cérémonie. Le duc avait mené une politique pour l’instant victorieuse et avait aussi montré son attachement au duché, plus qu’a sa propre famille. Mais  quelques mauvaises langues pouvaient encore prétendre qu’il n’avait fait que profiter de la faiblesse de la duchesse pour régner. La prise de parole de cette dernière prouvait à tous que la duchesse gardait un œil attentif sur les affaires du royaume et qu’elle offrait tout son soutient à la politique de son époux.  Les pensées de Théobald se brouillèrent quelque peu lorsque l’on l’évoqua le nom de la jolie Lidwina. Le baron avait la capacité de gérer les affaires importantes de la baronnie, voir du duché,   mais pas celle de gérer ses émotions comme un homme plus âgé. C’est donc les joues légèrement rouges que Théobald répondit à la duchesse :

Le duc a été des plus aimables, dignes des plus grands du royaume. Je crains que le mervalois ne se préoccupe pas de politesse mais juste de son intérêt personnel, sinon pourquoi n’est il jamais venu ployer genoux devant vous ?  Son soutien à la régence et sa fuite dans les bras de la duchesse de Soltariel nous le montrent clairement, cet homme n’a aucune dignité et cours se réfugier dans les bras des plus puissants afin de ne pas répondre de ses actes de félon.

En ces temps de trouble il est bon de voir des merveilles,  c’est comme cela que je vois votre cousine et je vous remercie d’avoir autorisé ce mariage.  Même si j’espère faire un cousin idéal  et de voir se mariage comme un rapprochement entre nous, l’idée d’être marié à Lidwina me semble plus importante. J’espère que vous aurez la bonté de me pardonner.

Le jeune baron n’était pas peu fier de ses compliments, et c’est les joues encore chaudes qu’il évoqua les sujets plus sérieux. Plus Théobald parlait plus ces traits se durcirent et le visage était quelque peu différent du jeune homme amoureux qu’il était dix minutes avant.  Ses sentiments personnels prenant à la fin le pas sur la politique.

Je crains de ne pas avoir que de bonnes nouvelles à annoncer.  Je vais donc commencer par les meilleurs, car fort heureusement elles concernent le langecin. Le duc d’Erac nous a confié la garde d’Edelys et de Diantra ainsi que des terres alentour.  Après la prise de Nelen voici une grande nouvelle pour le duché ! Mes troupes ainsi que celle du duché sont stationnées non loin des villes, lors de mon retour dans les anciennes terres royales je prendrai officiellement la relève des troupes du médian.

Mais hélas pour le royaume les nouvelles ne sont pas bonnes !  Il semble que Nimmio de Velteroc abandonne toute prétention à la couronne !  Il aurait même besoin de notre aide pour les négociations en Apreplaine, je crains qu’il ne manque de volonté afin de prendre ce qu’il lui revenait.   Il risque de se replier sur ses bases et de ne plus être un allié des plus fiables.

Le congrès d’Apreplaine ne fera que valider cet état de fait,  je ne sais si les intérêts du Langecin seront sauvegardés. De plus la baron d’Altenberg  à manifestement refusé notre offre d’amitié, ce congrès ne semble être qu’une vaste farce afin de porter Harold au pouvoir. Fort heursement Nimmio nous a bien aidé en écrasant les armées, ainsi il ne s’agira que d’un roi bien faible incapable de s’imposer. Ce baron d’Apreplaine semble avoir repris ses habitudes d’intendant au service d’un maitre, je ne sais si il mérite un titre de noblesse aussi peu important soit il. Cet homme ne fait que se larmoyer, être des plus obséquieux avec les grands de ce monde et supplier d’avoir un nouveau maitre à servir.  Sa fidélité n’est pas conduite par l’honneur mais par le lent dressage que sa ligné à subit dans le domaine royal ! Il est certes instruit et est un gestionnaire competent, mais n’a pas le caractère d’un dirigeant.

Lorsque Théobald fit son élocution devant la salle bondée, Oschide ne put que réaliser l'évolution du jeune cerf depuis leur première entrevue. De toute évidence, les événements de Diantra l'avait autant marqué que lui, même si le baron semblait avoir un point de vue beaucoup plus pessimiste sur la situation. Les alliés étaient rares dans ce bas-monde, les alliés fidèles l'étaient encore moins, et Oschide le comprit instantanément lorsque leur vassale aborda sans retenue les actions postérieures au conseil raté de l'ogre du Médian. Ainsi donc, Edelys leur avait finalement été accordée bien que la seigneurie ne représentait qu'un poids tout à fait relatif par rapport aux autres provinces des terres royales. Et encore, ce lot de consolation n'avait fait partie que d'une conclusion bien plate du congrès d'Apreplaine auquel Langehack n'avait jamais reçu d'invitation ou de proposition. N'avaient-ils étaient que des marionnettes du Médian pendant tout ce foutoir, ou bien même leur putain ? Oschide grinça des dents tandis que Méliane paraissait impassible devant les propos du missédois. Mais même les putains étaient payées et Edelys n'était clairement pas suffisante pour récompenser les prises de risques de Langehack pour soutenir l'effort du Velterien et l'appel à l'aide de sa cousine. Voilà quelle était la conclusion bien âpre de toute cette histoire et Théobald de la Courcelle enfonça un peu plus le couteau lorsqu'il évoqua la position fébrile de Nimmio vis-à-vis de la montée en puissance d'Harold, ainsi que la grotesque et pathétique farce qu'avait pu être le congrès d'Apreplaine. A cette triste conclusion en vint le constat qu'Edelys ne leur avait surement été octroyé que pour les acheter et gagner leur voix. Comme si Méliane avait inconsciemment comprise qu'il bouillait et était prêt à éclater, elle lui posa sa main sur la sienne et prit de nouveau l'initiative de parler pour deux.

-Je vous remercie pour ce compte-rendu, messire. Je pense pouvoir dire que nous sommes tous attristés ici par ces nouvelles. Nous sommes néanmoins honorés que vous ayez représenté les intérêts du Langecins jusqu'à votre retour. J'imagine que nous vous devons l'octroi de la garde d'Edelys et de Diantra qui paraît être une bien faible récompense vis-à-vis de tout ce que nous avons fait, sans compter que Diantra nous sera surement plus un fardeau qu'autre chose vu l'état actuel de la cité et de sa population.

-On aurait plus à y gagner en rasant la cité et en revendant les pierres, chuchota Uthar de Brevise, provoquant ainsi quelques rires autour de lui.

-Messire de la Courcelle, pourrez vous assurer la relève des troupes du Médian à Edelys et Diantra ? demanda Oschide, sortant ainsi de son mutisme gardé jusque-là. Il va de soi que nous ne pouvons vous laisser assurer seule une telle tâche et Langehack répondra à vos besoins, si besoin est. Mais il nous faut aujourd'hui penser à nos intérêts avant tout. Si Edelys est une petite seigneurie qui ne nécessitera pas un grand effort, cela ne pose aucun problème, mais pour Diantra, il nous faut d'ores-et-déjà nous demander si cela n'entachera pas la périclité de nos contrées. Sa population est affamée et sur le point de se révolter, tous les organes administratifs ont été détruits par l'incendie, hormis quelques hôtels et palais restés intacts par je ne sais quel miracle. Ne pensez-vous pas que cela constituera pour nous plus un gouffre qu'une véritable opportunité ou récompense octroyée si généreusement par ce congrès ?

En réalité, il refusait de se faire le gardien d'un tas de merde, qui finirait par profiter à Harold d'Erac lorsque celui-ci viendrait installer son royal fessier sur les reconstructions financées par le Langecins. En tout cas, son discours avait eu l'air de plaire aux grands nobles Langecins qui étaient présents dans la salle. Langehack avait beaucoup trop payé pour si peu en retour et Oschide ne recommettrait pas deux fois la même erreur, mais voulut tout de même laisser à Théobald la possibilité de le convaincre du contraire.

-Si néanmoins, vous pensez que mes arguments ne sont pas fondés, je vous laisse le soin de me corriger et de m'apporter votre analyse quant aux biens faits que nous aurions à garder l'ancienne capitale. Ensuite, nous passerons à table où un somptueux festin nous attend déjà, un ragoût de sanglier aux choux paraît-il. ajouta le duc pour finir sur une note positive.

Théobald avait prévu les réticences du duc, lors de son passage à Missède il avait préparé un petit discours afin de convaincre son seigneur. Beaucoup aurait suivit l’avis de leurs seigneurs, mais Théobald croyait vraiment aux règles de la noblesse et de la féodalité. Ainsi il prenait son devoir de conseil envers son suzerain avec beaucoup de sérieux. Il ne mâchait donc jamais ses mots, mais en revanche il respectait l’avis de son seigneur. Le jeune baron souhaitait garder la contrôle de la ville pour des raisons de sécurités avant tout, mais cela ne pouvait suffire à convaincre. Ainsi trois points importants allaient être mis en avant : le prestige, chose importante pour tout noble même si certains grands seigneurs avaient tendance à l’oublier et ainsi perdre toute majesté et le respect qui va avec. La situation de la ville qui permettait à qui la possédait de jouir de revenu important et d’un avantage militaire. Mais il fallait surtout faire comprendre que la reconstruction serait ruineuse seulement si on voulait rendre à la ville sa gloire d’antan. Il fallait prendre acte de la situation de la ville et ne pas tout reconstruire au frais du duché.

Je vous remercie excellence, quelques hommes en plus ne seraient pas de trop pur maintenir l’ordre et surtout garder à l’écart Harold et ses sbires. Fort heureusement il n’y a plus guère de troupes de pillards ou de déserteurs, nous pouvons nous consacrer à la bonne gestion de ces territoires.

Au sujet de Diantra, permettez-moi d’essayer de vous convaincre du contraire. Le prestige que l’on peut avoir à détenir la capitale du royaume des hommes est important. Mais je peux comprendre que le prestige ne nourrit pas les hommes et peut vider les caisses.

Mon seigneur, la ville a certes souffert mais garde de nombreux atouts ! Sa position géographique est intéressante, au cœur de la péninsule, traversé par les routes de l’or et de l’argent ainsi que par un fleuve navigable qui prend sa source dans les montages d’Ancenis et dont l’embouche se trouve dans le duché de Soltariel. La ville a la capacité de reprendre une place importante dans l’économie péninsulaire. De plus elle peut aussi servir de base arrière pour frapper de nombreux territoires, le Soltaar, les félons de Merval ou encore l’Apreplaine. Je parle bien de base car les fortifications de la ville sont encore intactes !! Des trouves peuvent s’y regrouper à l’abri derrière de puissants remparts. Cette ville peut aussi bloquer toute agression provenant du Soltaar, grâce justement à ces remparts ! Si un adversaire prenait le risque de l’ignorer, il exposera ses lignes de ravitaillement à nos hommes.

Enfin je terminerai en disant que la reconstruction ne nous couterait pas aussi cher que nous le pensons. De nombreux quartiers sont intacts, notamment ceux faisant parti des plus beaux de la ville, celui ou se trouve l’hôtel des Anoszia par exemple… De plus qu’avons-nous besoin de reconstruire ? Quelques bâtiments officiels ? Mais le reste de la ville se reconstruira toute seule ! Déjà de nombreux marchands langecin y ont prit place pour profiter du départ de leurs concurrents locaux ! Ceux qui souhaitent s’y installer pourront le faire et construire leurs demeures. De plus si Harold nous la réclame, le temps aura été trop court pour que nous ayons put y investir trop d’argent. Et la ville nous servira alors de monnaies d’échange avec cet opportuniste.

Diantra était une question épineuse en plus d'être un sujet fâcheux pour le jeune duc et bien que son vassal ait eu l'air d'avoir préparé un argumentaire solide, son scepticisme garda le dessus malgré les propositions plutôt convaincantes du jeune baron. Quelle était l'utilité de sauvegarder un gouffre financier ? Pour le prestige ? Pour la symbolique ? Théobald répondit lui-même à cette question en assurant qu'il était lui même conscient que ce « prestige » ne nourrirait certainement pas la population et encore moins les caisses du Langecins. Néanmoins, les autres propositions du Missédois furent déjà plus appréciables. A savoir que Diantra bénéficiait toujours d'une situation géographique de premier ordre en constituant un véritable « carrefour » péninsulaire. De plus, la cité pourrait fournir une arrière base suffisante pour les futures opérations militaires grâce à ses enceintes encore en bon état. Sur ce point, Théobald avait raison. Lorsqu'il évoqua la reconstruction de la ville par contre, Oschide grinça de nouveau des dents en se rappelant les si précieux conseils du baron d'Apreplaine qui n'étaient certainement pas tombés dans l'oreille d'un sourd. Pour ce qui était de la monnaie d'échange avec Harold. L'idée avait du sens et Oschide repensa même à la tentative de négociation qu'il s'apprêtait à ouvrir avec le Soltaar. Si les choses aboutissaient avec eux, cela ne faisait aucun doute que Diantra représenterait dès lors une monnaie d'échange intéressante, à défaut de ne pas être un investissement rentable.

-Votre analyse a le mérite d'être honnête et réaliste, messire de la Courcelle. Je vois que vous avez sagement médité vos arguments avant de venir et cela ne peut jouer qu'en votre faveur, il faut l'avouer. De toute évidence, je suis sceptique à l'idée de réinvestir Diantra, mais vos mots ont fait mouche. Si vous bénéficierez de l'aide dont vous souhaitez de notre part, j'aimerai néanmoins régler certains détails. Langehack ne participera pas à la reconstruction de la ville. Les notables qui n'ont pas fui avec l'ancien Chancelier n'auront qu'à mettre la main à leur propre poche pour récupérer un semblant d'ordre architectural, nous resterons intransigeants sur ce point. Deuxièmement, nulle question de se servir de la capitale comme base arrière pour frapper les territoires voisins. Les terres royales ont suffisamment payé pour le moment et aucune action armée n'aura lieu, à moins bien évidemment que nous soyons pris pour cible en premier. Pour finir, comme vous l'avez déjà très bien proposé, les clés de la ville seront négociées à qui la voudra et je vous charge personnellement de veiller à la bonne mise en œuvre de cette opération lorsque le moment sera venu. Sommes-nous en accord, messire de la Courcelle ?

Avant que le baron n'ait pu répondre, Méliane prit la parole sans attendre.

-Une question n'a pas été abordée et il serait dommageable de ne pas en parler dès maintenant. Tenir une garnison pour garder la ville est une chose, mais quand est-il de sa population ? L'on m'a apprit que la nourriture irait à manquer dans les prochaines ennéades et mois à venir. Nous ne pouvons pas nous permettre d'y laisser des hommes sans prendre en compte cette question. Messire baron, vous qui êtes resté le plus longtemps dans les terres royales, apportez-nous votre point de vue sur ce sujet, je vous prie.

Son estomac commençait à gronder et ce n'était pas en parlant de nourriture que les choses allaient s'arranger. La simple vision d'un sanglier en ragoût lui remit l'eau à la bouche. De plus, comme pour enfoncer le clou, une odeur bien alléchante en provenance des cuisines le fit presque regretter que sa femme ait posé une nouvelle question. Il était évident que les ravages laissés par la guerre et les troupes dans les terres royales, toucheraient indéniablement les récoltes et la stabilité de la capitale. Deviendraient-ils alors des pourvoyeurs de nourriture ? Certainement pas, ils n'auraient cas manger du chou !

Les propos du duc firent grand plaisir au jeune baron.  La position de l’Anoszia  au sujet de Diantra était proche de celle de Théobald, même si le duc avait une position bien moins offensive. De plus le duc venait de lui laisser les mains libres quand à la politique du langecin  sur ses frontières nord.  Théobald était comblé de cet honneur, cela était une reconnaissance de son travail pendant l’absence du duc.   Le baron espérait continuer sur sa lancé et défendre les intérêts du langecin , et les siens par la même occasion. Mais  Théobald se jura de ne pas abuser de ce pouvoir, il avait prêté serment et aux yeux du baron cela était de la plus haute importance. Mais profiter d’une visite diplomatique pour faire signer quelques accords au profit de Missède, en tant que baron de Missède et non comme envoyé du langecin, était tout à fait plausible.  

Théobald allait remercier le duc quand  la duchesse prit la parole.  Cette dernière venait de lui poser une question plus qu’épineuse. En effet, les réserves de Diantra ayant brulé la population risquait la famine, mais la encore des solutions pragmatiques et non charitable était possible. Mais avant de répondre Théobald se garda quelques secondes le temps de préparer quelques réponses à la duchesse. Il fallait pouvoir dresser un tableau de la situation, répondre à la problématique des garnisons  et enfin essayer de résoudre le problème du ravitaillement. Ces trois points allaient être évoqué par Théobald qui fort heureusement travaillait régulièrement ses dossiers et pouvait donc rapidement répondre aux divers questions.

Votre excellence la question est d’importance, il s’agit en effet du plus grand problème à laquelle nous sommes confronté, et hélas bien peu de grands de ce monde s’inquiètent des gens qui sont sous leurs responsabilités. La situation dans les campagnes n’est pas aussi terrible que nous pourrions le penser,  les réserves sont toujours intactes et fort heureusement les troupes n’ont pas trop prélevé  dans les stocks.  De plus seul les riches et les nobles se sont enfuis, il reste encore des bras pour les futures récoltes. Il nous faudra éventuellement encadrer les paysans  pour garantir d’importantes récoltes. Edelys n’a pas trop souffert et la faible population de la ville  et sa situation géographique lui permet de facilement nourrir sa population et d’acheter de la nourriture aux terres voisines.  La situation est hélas plus compliqué à Diantra, les réserves ont brulés, et la population ne peut pas compter sur des sources de nourritures proches, ainsi une famine est possible.

Quand au sujet des garnisons  leurs ravitaillements est tout à fait possible via nos terres. En effet nos troupes  ne sont pas assez nombreuses pour piller les réserves des campagnes, mais si cela devait arriver nous pouvons faire venir des vivres de Missède et de Langehack. Nos bases ne sont pas très éloignées et nos terres ont bien entendu déjà la capacité de les nourrir. Nos hommes ne manqueront donc de rien  et n’aurons pas besoin de prélever leurs nourriture sur les populations locales.

Pour résoudre les problèmes de nourritures plusieurs possibilités s’offrent à nous, nous pouvons essayer de collaborer avec les autorités locales afin d’avoir un état des lieux précis des stocks de nourriture et de préparer un éventuel rationnement, demander de l’aide à quelques terres du domaine royal moins touchées par la guerre. Mais  nous pouvons aussi fournir de la nourriture au domaine royal, mais non pas à titre gracieux.  Nous n’avons qu’a favoriser les échanges, les famines se déclenchent le plus souvent a cause du prix prohibitif de la nourriture plus qu’a cause du manque de nourritures. Ainsi avec des marchands ou même directement avec des représentants officiels, nous pouvons leurs vendre de la nourriture et ainsi maintenir les prix bas.  Et nous pouvons aussi faire du bénéfice et stimuler notre économie par la même occasion.

La question de la nourriture à Diantra était problématique. Niklaus d'Altenberg lui en avait parlé, et si à l'époque il avait été enclin à trouver une solution et à participer au ravitaillement, il en était tout autrement aujourd'hui. Surtout lorsqu'il avait été insulté devant un auditoire bondé, où ce Harold d'Erac avait justement été l'un des principaux contestataires. Ses mains se crispèrent sur les boiseries de son siège lorsque Théobald évoqua la possibilité de faire venir des vivres de Missède et de Langehack pour assurer la bonne santé de la ville. En regardant à sa droite, il vit que Méliane semblait être également du même point de vue que lui, à la nuance qu'elle devait être beaucoup plus apaisée que lui intérieurement. Pour couper court aux propositions de Théobald, Oschide leva la main une fois que la baron eut terminé de parler et il vint mettre une conclusion à toutes ces interrogations.

-Si mon épouse est du même avis que moi, nous assurerons le ravitaillement tant que nos garnisons y seront. A leur départ, plus rien ne passera si ce n'est les marchands Langecins qui iront à la ville de leur propre chef.

Méliane acquiesça et reprit.

-Je suis d'accord avec mon époux. Théobald de la Courcelle, comme convenu, vous assurerez la gouvernance de la capitale jusqu'à nouvel ordre si cela vous sied toujours. La compagnie du Trait qui se trouvait en stationnement à Vallancourt, vous rejoindra dès que possible. Elle doit déjà être en route depuis quelques jours d'ailleurs. Si cela vous convient et que nous n'avons plus d'autres questions à ce sujet, je vous prie de bien vouloir nous suivre pour passer à table.

Dans une cacophonie pas possible, toute la salle leur emboîta le pas jusqu'à la grande salle de réception, attenante à celle où ils se trouvaient déjà. Les pages et échansons avaient déjà commencé à apporter les plats et une odeur bien alléchante planait dans toute la salle. Oschide invita son épouse à s'asseoir avant tout le monde et une fois fait, tous les convives l'imitèrent. Le duc proposa également au Missédois de venir s'asseoir juste à ses côtés pour pouvoir converser en toute tranquillité. Ils s'échangèrent ainsi quelques mondanités jusqu'à ce que la fin du repas oblige les invités à sortir de table. Dans la foulée, Oschide proposa au baron de l'accompagner durant sa ballade dans les jardins de la citadelle. Par un beau temps ensoleillé, les deux Langecins se mirent à marcher à une allure lente pour faciliter la digestion.

-Messire de la Courcelle, je profite de vous avoir pour m'entretenir avec vous d'un projet que nous avons lancé. Du fait de votre rang et de notre amitié qui nous unit, vous êtes le premier à qui je vais annoncer cela. Il leva la tête pour prendre un bain de soleil et poursuivit. Vous n'êtes pas sans savoir que le Langecins a été profondément et irrémédiablement attristé d'apprendre que Nimmio de Velteroc laissait la couronne à Harold. Sans compter le fait que ma personne ait été insultée et mon nom sali, je ne vous apprendrai rien en vous disant que je ne porte pas ce futur roi fantoche dans mon cœur. Il sourit. Nimmio était faible et j'ai été aveuglé par sa victoire improbable sur les armées coalisées de l'ancienne régente.

Ils arrivèrent devant un grand parterre de roses bien rouges.

-Néanmoins, je veux connaître votre point de vue sur ces projets. Si la chose ne vous paraît pas bonne, je suis tout ouïe, messire.

Les forces du Langecin à Diantra étaient ainsi renforcées par la compagnie du trait, voila qui promettait de faire réfléchir le comte d’Erac. Le langecin était encore puissant et ignorer ses intérêts aurait été dangereux pour le futur royaume du « médian ». A contrario Théobald était déçut d’entendre que les renforts ne provenait pas de Langehack même mais de Vallancourt. Le langecin regroupait certes ses forces mais au dépend de tout moyen de pression chez les divers nobles du domaine royal. Théobald calcula rapidement les effectifs déployés à Diantra et aux alentours, environ 2500 hommes étaient présente, et il ne s’agissait que de soldat de métier. Les milices n’avaient pas été encore levé, mais à Missède leurs entrainements c’étaient accélérés et le ban était donc prêt à combattre si leur baron le demandait. Les langecins étaient encore prêt à se battre, et cette idée fît aussi réfléchir Théobald. Si la guerre approchait valait mieux regrouper toutes les forces du Langecins et non les disperser dans de multiples garnisons. La décision du couple ducale était donc justifiée, surtout que le duché menait aussi campagne dans l’Olienne.

Je vous remercie pour ce renfort, toutes aides est la bienvenu. Nous ne connaissons par les intentions du comte d’Erac, autant se préparer à défendre nos intérêts!

Le jeune baron suivit ensuite le duc et la duchesse dans la salle de réception. Cette dernière était l’une des plus importantes de la péninsule et toute la cours put y festoyer. Théobald eu droit à une place au coté de son suzerain. Les deux pouvaient ainsi converser tranquillement, mais cela avait aussi l’avantage de montrer à tous la confiance qui régnait entre les deux hommes. Mais la conversation pendant le repas resta légère, l’ambiance ne se prêtant guère à la politique et des oreilles indiscrètes pouvant écouter. Mais le duc lui proposa ensuite une ballade digestive dans les jardins. C’est ainsi à l’abri de tout espion, ou de courtisans indiscrets, que l’Anoszia lui fît part de ses projets.

Je ne peux qu’être d’accord. Nimmio détenait le pouvoir, avait des alliés, des soldats et pourtant…. Sa victoire nous a tous trompé, nous le pensions homme fort, il n’était en réalités que faible. Il a laissé les insultes impunies et un usurpateur sans pouvoir prendre sa place. Je me demande même si le duc d’Erac n’a pas été surpris par sa victoire. Il y a peut etre vu un fardeau trop lourd à porter… Mais Harold est faible, le langecin pourrait devenir un acteur incontournable dans ce nouveau royaume.

Les pions ne tarderaient pas à être déplacés et cette simple l'idée lui provoqua un petit sourire au coin des lèvres. Langehack avait sa carte à jouer dans tout ce remue ménage que subissait actuellement la Péninsule et il ne faisait à présent aucun doute que le duché jouerait son jeu jusqu'au bout. Son alliance avec le Médian l'avait néanmoins rendu beaucoup plus prudent, surtout après l'échec retentissant du conseil de Diantra. De toute évidence, le baron de Missède partageait sa vision des choses. Ainsi, les deux hommes agiraient prudemment, sans brûler les étapes. Plusieurs zones litigieuses étaient encore à prendre en compte. Nelen tout d'abord, qui subirait tôt ou tard la contre-attaque de Scylla ou de Soltariel si les négociations n'aboutissaient pas. Diantra dans un deuxième temps qui ne représentait pour lui qu'une cité sur le point d'imploser. C'est sur ces points qu'Oschide voulut s'entretenir à présent. Le duc s'apprêtait à tenir un conseil de guerre non officiel dans les jardins du palais censés représenter une certaine quiétude et harmonie. La chose aurait pu paraître bien ironique de l'extérieur.

-Bien baron, néanmoins, il nous faut rester prudent et parer à toutes éventualités. Gardez votre flotte en éveil et continuez d'arpenter l'Olienne en quête d'ennemis. Jusqu'à ce qu'une issue favorable nous arrive, il nous faudra assurer la protection de nos acquis et répondre coup pour coup si nous sommes visés. Sommes-nous d'accord ? En ce qui concerne Diantra maintenant, votre rôle sera avant tout d'assurer la sécurité des habitants et de surveiller les entrées pour qu'aucuns dissidents ne viennent semer le trouble dans la population.

 

Comme les alliances politiques comptaient autant que l'issue des guerres, il se souvint du mariage qui unirait Théobald à la jeune cousine de son épouse. C'était Méliane qui avait rappelé la chose lors de l'arrivée du baron, et c'était à son tour de savoir ou en était l'union.

-Il nous faut également parler de votre mariage avec la cousine de mon épouse. Même s'il est vrai que ces temps de troubles ne sont pas les plus propices pour des noces, j'aimerai savoir si vous avez une date en tête ?

Le jeune baron écouta attentivement les paroles de son suzerain. Le Langecin reprenait donc une position plus défensive. Sans le soutient du reste du médian il était difficile de continuer à être agressif. Théobald comprenait donc bien que le nouvel objectif du duché était de conserver les acquis obtenus lors de la guerre civile. Mais cela n’était pas un aveu de faiblesse de la part du duché, les forces de ce dernier étaient restées intacts et le moral des forces étaient au plus haut après tous les succès obtenus. Les prises de Langehack et de Nelen, des succès aussi bien sur mer que sur terre avaient réussit à obtenir le soutiens des derniers opposants à la guerre. Le baron n’avait pas eu les mêmes problèmes, étant le souverain légitime et ses nobles étant heureux de voir Missède reprendre de l’importance. Par ailleurs Théobald était aussi heureux d’avoir une mission bien définit dans le domaine royal. Sa position étant ainsi reconnu il pourrait faire valoir ses droits à Edelys.

Seigneur, vous pouvez compter sa ma flotte. Elle patrouillera le long de nos cotes afin de prévenir toute attaque. Nous prêterons assistance à votre flotte, et si besoin nous irons jusqu’à piller les cotes de Merval et de Scylla.

Quand à Diantra vous pouvez comptez sur ma fidélité et sur mes hommes. Une poigné d’homme sans armées ne peut s’opposer à nous. Nous contrôlerons les accès de la ville et empêcherons tout trouble dans l’ancienne capitale. Fort heureusement la plupart des partisans d’Harold sont en Apreplaine. Quand aux habitants si nous assurons le ravitaillement il ne devrait pas y avoir de problèmes, sinon nous devons nous préparer à rétablir l’ordre de manière violente.



Théobald fût quelque peu surpris de voir la conversation dévier sur son mariage avec la belle Lidwina. Mais après il s’agissait la aussi de politique, ce mariage sellerai une alliance entre Missède et Langehack plus surement qu’un serment, mais il y avait aussi la question de la dot. Pour Théobald la question n’était pas que politique, il existait entre les deux fiancés une correspondance importante qui leurs permettaient d’entretenir la flamme de leur amour naissant.

Je préfère attendre les heures de paix pour le mariage, cela sera une occasion de célébrer notre union avec calme et surtout cela posera les bases d’une nouvelle époque pour le langecin. Il nous faudra donc attendre encore quelques ennéades mais j’ai bon espoir surtout en sachant que la diplomatie prend le pas sur les armes dans cette guerre.