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 Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico]

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Thibaud de Kelbourg
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MessageSujet: Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico]   Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico] I_icon_minitimeSam 19 Nov 2016 - 6:58


En cette heure si tardive et festive de surcroît, l'on entendait les échos du banquet et les grandes esclaffades des invités ronds comme des queues de pelles. C'est dire qu'il n'avait pas fallu attendre longtemps avant que le pinard suderon ait attaqué la moitié des convives. Mais c'est fidèle à ses origines et à ses premiers amours que Thibaud écoula de bon gré les tonneaux remplis de blonde. Pas aussi bonnes que celles d'Argonne, bien sûr, mais tout aussi efficaces. C'est ainsi que le seigneur de Kelbourg passa son temps à avoir la vessie pleine et bien entendu, à vouloir la vider tout en ne voulant rien rater des festivités. Il fallait dire que ses voisins de table étaient des nordiens charmants, même si un poil con.

C'est du haut des remparts que Thibaud vint se vider. L'air était frais et vivifiant et d'en haut, on pouvait même voir les ruelles et les chaumières de la basse ville. L'activité, quoique relative, avait le mérite d'exister et l'on devinait les ivrognes errer comme des âmes sans vie, chancelant et chantant à tue-tête. L'une des chansons, un brin grivoise, ne manqua pas de l'inspirer. C'est donc le cœur léger et l'esprit tourné vers la nostalgie qu'il s'allégea.

-Hey ! Vous là haut ! Mortecouille pardi, vl'à qu'on nous pisse sû l'chef maint'nant. Soyez maudit !

Les insulte proférées à son encontre l'amusa ostensiblement, au point qu'il ria nerveusement comme un attardé. Il remit ainsi ses chausses après s'être égoutté le poireau et entreprit de retourner là où l'ambiance bâtait son plein. Que vit-il non loin d'une tourelle avant les escaliers ? Un homme, une main posée sur un créneau, le regard hébété, presque perdu. En s'en approchant de plus près, il reconnut le suderon qui s'était trouvé non loin de lui dans la cathédrale. Oui, celui qui reluquait les jouvencelles en chaleur. Un peu plus tard, il avait apprit que cet homme n'était rien de moins que le baron de Nelen, le type qui s'évertuait coûte que coûte à bloquer le port de Sharas. Thibaud, l'air curieux et amusé s'approcha calmement du gus en question, impatient d'entamer une petite conversation sous couvert d'une nuit sans nuages et bien étoilée.

-Hum... Sire de Montecale, c'est bien cela ?

Il regarda par dessus les remparts.

-Houla, un sacré saut que voilà. Mais rassurez-moi, vous ne comptez tout de même pas enjamber ces maudits créneaux ? C'est que votre charmante épouse doit s'impatienter.    
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Enrico di Montecale
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MessageSujet: Re: Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico]   Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico] I_icon_minitimeVen 25 Nov 2016 - 14:15

Dans l’air de la nuit, Enrico était sorti pour y trouver un peu plus de calme et de fraîcheur. Laissant sa femme en compagnie de sa cousine, il avait évité la plupart des gens, afin de pouvoir s’aérer sur les remparts. Il aimait encore longer les créneaux de pierre, à la place où d’habitude se seraient tenus des châtelains. Lui, le parvenu. Lui, l’opportuniste. Lui, le baron. Ha, qu’ils l’enviaient tous. Il tenait sa vengeance sur les petits seigneurs, ceux qui l’avaient regardé d’un œil dédaigneux à l’écoute de son nom, à la vue de ses origines. Pourtant, ce soir, il n’en avait vraiment rien à foutre. Il était monté sur les remparts, et avait scruté l’horizon. Là, devant lui, quelque part, il le savait, se tenait un lieu maudit.

Sharas.

Il culpabilisait encore d’avoir laissé Albano se charger du commandement. On lui avait appris qu’il avait fait une simple erreur, qui lui avait coûté la vie. Mais une autre version, bien plus sombre, parlait d’un sabotage. Tiraillé qu’il était entre deux rapports différents, lequel pouvait-il choisir ? La thèse de l’erreur, ou celle de la trahison ? Les soupçons se portaient encore et toujours sur ce foutu seigneur d’Amderran. Un vieillard aigri qu’Enrico n’avait jamais apprécié. Il avait commandé à quelques hommes de confiance de mener l’enquête sur ce qu’il s’était vraiment passé. Et nul doute que si la vérité s’avérait ne pas lui plaire, Enrico serait intransigeant avec ce petit châtelain de pacotille…

Absorbé par ses pensées, et par la contemplation d’un lieu lointain qu’il ne pouvait pas voir, il n’entendit pas approcher cette silhouette, qui aurait très bien pu le jeter du haut des murs sans problème. Il se retourna vivement vers cet homme qui lui avait parlé. Il n’avait pas reconnu sa voix. Son visage, en revanche, il s’en souvenait parfaitement. Plus tôt dans la journée, dans le temple, leurs yeux s’étaient croisés. Un Berthildois dont il ne connaissait ni le nom ni le titre. Néanmoins, il restait le vassal d’un traître devant les dieux et les hommes. Son regard fut donc loin d’être doux, sans être agressif. De l’apathie, tout au mieux.

« Non, je ne saute pas ce soir. Je me doute que le spectacle d’un homme qui tombe de haut doit vous réjouir, par chez vous, mais heureusement, nous ne sommes pas chez vous. »

La pique était voulue. L’air dédaigneux, pas vraiment. Il se ressaisit, et dit d’un air plus diplomatique :

« Je n’ai pas le plaisir de vous connaître, sire… hum… »

Il leva une main en l’air.

« Enfin soit. Qu’est-ce qu’un seigneur berthildois vient donc tramer au sein d’un mariage ethernan ? N’avez-vous pas un ost à lever, et des plans à tramer ? »

Enrico s’était permis un fin sourire. Appuyé contre les créneaux, il regardait intensément son interlocuteur, prêt à entendre ce qu’il avait à dire.
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MessageSujet: Re: Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico]   Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico] I_icon_minitimeVen 25 Nov 2016 - 15:11

Le suderon lui fit l'effet d'un chien montrant ses crocs, mais point trop. Cet amiral langecin, dont les échos leurs étaient parvenus jusqu'en argonnois, ne semblait être en réalité bien moins dangereux que dans les chansons. Surtout lorsqu'il vit que l'homme était affublé d'une jambe en bois habilement camouflée. C'est qu'il en avait vu des types amputés de membres dans sa vie. Alors les subterfuges pour paraître normal... il les connaissait déjà tous. Il en fut étonnamment attristé pendant un bref instant, se disant qu'il ne croiserait probablement jamais le fer avec cet ennemi. Tuer des hommes, il savait le faire. Mais tuer des amoindris... était comme tuer des enfants. Un plaisir sur le coup, mais aucune véritable satisfaction derrière.

Prit d'un large sourire, Thibaud salua le suderon à son tour, non sans penser au plaisir qu'il éprouverait à lui soustraire sa deuxième jambe. Il se l'imagina d'ailleurs ainsi et se dit que la conversation n'en serait que très grotesque, à défaut d'être amusante.

-Sire Thibaud de Kelbourg, c'est un plaisir de faire votre rencontre, messire Montecale. On vous dit très à l'aise sur un navire, comme un poisson dans l'eau, dit-il en riant. Je me félicite de vous avoir contre le vassal de mon suzerain à Sharas. Je n'aurai osé avoir meilleur adversaire, même si contrairement à vous, je ne suis qu'un piètre marin.

Il s'appuya à son tour sur les créneaux, scrutant les horizons. La basse-ville se tenait juste en dessous d'eux et révélait un tout autre visage que le jour. Elle semblait pleine de mystère. L'obscurité avait cette qualité de rendre tout un peu plus lugubre et dangereux. Dans ce registre là, Etherna était tout de même bien loin de rivaliser avec Kelbourg. Cette dernière, de nuit, avait le mérite de flanquer des cauchemars à tous les étrangers, tandis que lui n'y faisait que des doux rêves.  

-Un ost à lever ? Des plans à tramer ? J'ai bien peur de vous décevoir, messire. Si l'effroyable prépare une guerre, sachez que je n'en suis point renseigné. Pour tout dire, je ne suis guère venu ici de mon plein gré. C'est que le Saint-Aimé sait faire plaisir à ses vassaux, n'est-ce pas ? Surtout avec ceux qu'ils ne portent point dans son cœur.

Pendant quelques secondes, il sembla profondément peiné. Simple façade, un vague sourire le submergea aussitôt.

-Alors dites-moi mon bon seigneur. Qu'elles sont les nouvelles du front ? J'avais envisagé de me rendre dans ce port pour contempler moi-même l'avancement de vos efforts, mais en me l'expliquant vous même, vous m' éviterez probablement un nouveau voyage fastidieux. Figurez-vous qu'en plus de devoir jouer l'émissaire diplomatique, je dois en plus servir d'analyste. Alors que, soyons honnêtes, l'effroyable se fout éperdument de ce mariage, tout comme il se fout de ce port Olysséen sans vouloir vous vexer.. hum hum.

Il se racla la gorge et poursuivit.

-J'ai appris que l'entourage du marquis tenaient des paris pour savoir combien de temps encore vous tiendriez. Si la plupart se gaussent de vous, d'autres comme moi vous tiennent en bonne estime et pensons que vous tiendrez probablement jusqu'aux premières gelées où jusqu'à ce que votre duchesse n'ait plus le moindre sous dans ses caisses... Sachez néanmoins que je comprends parfaitement votre hargne et votre rancune. A votre place, j'aurai sûrement fait la même chose, bien que la mort de l'effroyable me rende bien plus hilare que triste.
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MessageSujet: Re: Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico]   Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico] I_icon_minitimeVen 25 Nov 2016 - 15:46

Thibaud de Kelbourg. Enrico se rappelait avoir entendu parler de cette petite seigneurie, essentiellement lorsqu’il était question de l’Eraçon. Être connu au travers de quelque chose de plus grand que soi était quelque chose qu’il connaissait bien. Qu’importe, il avait décidé qu’il n’aimait pas ce Thibaud. Aucun des seigneurs de ce Nord corrompu ne lui inspirait de la sympathie, de toute façon. Eux qui se prenaient pour les parangons de la Péninsule, ils n’étaient rien d’autre que d’hypocrites menteurs. Aussi, il ne crut aucun des mots que lui lançait le sire de Kelbourg. Les tissus de mensonge que pouvaient bien vomir un homme ne l’intéressaient guère…

« Votre seigneur ne porte pas grand-monde dans son cœur, à ce que j’ai cru comprendre. Pas même les dieux. »


Puis, il se détourna des créneaux, pour faire face à Thibau avec le regard ferme et appuyé.

« Et vos nouvelles, vous irez les chercher vous-même. Il ne m’est pas aisé de parler avec les proches d’un homme qui a trahi les lois de la guerre et déshonoré jusqu’à son nom en brisant des pourparlers. »

Il plissa les yeux.

« Sharas est un amuse-bouche. Un coup de semonce. J’ai plus d’un tour dans mon sac, messire. Et j’obtiens souvent ce que je veux. »


Il souffla bruyamment par les narines, avant de se concentrer à nouveau sur l’horizon, cherchant le port olysséan du regard… Mais sachant pertinemment qu’il ne pouvait pas vraiment le voir. Il ricana.

« Vous dites me tenir en haute estime ? Je n’en crois pas un mot. Néanmoins, si tel était le cas, que penseriez-vous d’un seigneur félon, qui brise un serment devant les hommes et les dieux, et qui semble s’en sortir sans le moindre mal ? Est-il toujours à estimer comme tel ? Pensez-vous encore que Godfroy soit digne de confiance, après avoir disposé de mon suzerain comme d’un vulgaire chiffon, et de l’avoir lancé par la fenêtre de sa prison ? »

Il le regarda, plus coléreux qu’avant.

« Vous n’êtes peut-être pas le Marquis, mais vous êtes son vassal et son représentant, ici. Comment justifieriez-vous ses actions ? C’est tout ce que je souhaite entendre de votre bouche… Entendre comment vous pourriez bien faire le plaidoyer d’un pareil criminel. »

Le regard mauvais, Enrico attendait sa réponse.
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MessageSujet: Re: Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico]   Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico] I_icon_minitimeVen 25 Nov 2016 - 20:02


Le suderon avait la dent dure, et à juste titre. Il ne semblait guère porter le Saint-Aimé dans son cœur, comme bon nombre de ses pairs, et ce, même jusque dans le berthildois lui-même. Néanmoins, affubler tous les berthildois des erreurs commises par leur suzerain avait la fâcheuse tendance à l'irriter. Si irrité il était, il n'en montra pourtant rien, se contentant d'écouter les accusations du baron avec une oreille attentive. Après toutes les interrogations mises sur le tapis, laissant transparaître une véritable colère, le suderon cessa de parler, lui donnant tout le loisir de pouvoir donner quelques explications. Son visage changea ainsi d'aspect et devint bien plus sombre et figé, même si l'alcool continuait encore à lui monter au crâne.

-Me demandez-vous réellement de justifier les actions de mon suzerain, sire ? Demanda-t-il en poursuivant aussitôt. Je dirais dans un premier temps que mon serment fait au marquis m'impose une certaine retenue. Je devrais probablement le soutenir et valider ses actes. Néanmoins, je ne suis pas un de ces petits freluquets mangeant la merde de l'effroyable. Je pense avoir, autant que vous, l'envie de le voir mourir de la pire façon qui soit. Alors laissez moi vous dire comment nous, argonnois, avons apprit les dernières escapades du Sait-Aimé. Ce dernier a agit sans l'aval des seigneurs. Ce n'est qu'à la veille du mariage que nous avons été mis au courant de la capture de votre ancien duc. Le marquis s'est attiré les foudres de certains de ses sujets, dont je fis moi-même partie. Mais le mal étant fait, autant dire qu'avec l'effroyable, c'eut été comme pisser dans un luth.

Il inspira un grand coup avant de continuer.

-La colère gronde dans le berthildois. Si l'effroyable peut se targuer d'avoir des soutiens de taille vue ses titres et ses alliances, il n'en est pas moins la cible de multiples opposants qui n'attendent plus qu'un seul prétexte pour mettre à mal son hégémonie. Je ne peux pas dire que le sort de votre suzerain m'ait fait grande peine, ni celui de sa charmante sœur qui a préféré perdre la vie plutôt que de rejoindre cette maudite famille. Néanmoins, ne voyez point en moi un vulgaire courtisan de bas étage prêt à tout pour satisfaire son bon seigneur... Il eut une pensée pour son père, mort quelques mois plus tôt. Ma famille est en guerre depuis plusieurs décennies contre les Saint-Aimé. A la mort de mon père, l'effroyable s'est félicité de sa disparition et a brillé par son absence aux funérailles.

Etait-il vraiment en train de l'amadouer où n'était-ce qu'une duperie sensée déstabiliser son adversaire ? Venant de Thibaud, il y avait de quoi se poser la question. Pourtant, tout ce qu'il avait lâché était bel et bien vrai.

-Maintenant que vous connaissez les rapports que j'entretiens avec mon suzerain, vous comprendrez sûrement pourquoi l'on m'a envoyé loin de chez moi pour assister à un mariage qui n'a pour moi aucune valeur...    
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MessageSujet: Re: Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico]   Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico] I_icon_minitimeSam 26 Nov 2016 - 15:03

Plus le seigneur Thibaud parlait, et plus Enrico commençait à douter et à envisager d’autres perspectives pour le Berthildois. Ce que lui racontait l’Argonnois ne semblait pas dénué de fondement, et même s’il mentait, ce qu’il disait restait parfaitement plausible. Il le laissa parler, même si la façon dont il manquait de respect à Oschide et Azénor lui avait fait bouillir un peu le sang. Il en rapprit bien plus qu’il ne l’aurait imaginé, en écoutant ce fameux seigneur nordien. La façon dont il s’exprimait ne laissait pas de doute quant à la véracité de ces propos, au grand dam d’Enrico, qui aurait préféré avoir affaire à un menteur… à moins qu’il ne s’agisse d’un excellent menteur ? Le baron chassa cette idée de son esprit. Il devenait paranoïaque, à force.

Le seigneur de Kelbourg avait donc quelques griefs à l’encontre de Godfroy de Saint-Aimé ? C’était en accord avec la vision qu’Enrico avait du personnage. S’il ne pouvait même pas être dans les bonnes grâces de ses vassaux, alors il n’était ni digne de régner, ni digne de porter le moindre titre. L’estropié regarda Thibaud en silence, pendant un petit instant. Puis, son attitude changea. Il finit par lui dire :

« Si vous non plus vous ne portez pas le Marquis dans votre cœur, alors je regrette de ne pas avoir un verre avec moi pour trinquer à sa chute inévitable. »

Il finit par un léger sourire, et porta sa main à sa jambe de bois.

« Néanmoins… »


Il commença à la dévisser, d’une main experte. En moins de temps qu’il en faut pour le dire, Enrico était armé d’une prothèse en bois, à l’intérieur de laquelle, fermé par un bouchon, un compartiment secret abritait de généreuses lampées de rhum prêtes à être bues. Il enleva ledit bouchon avec les dents, et présenta sa jambe au seigneur Thibaud.

« … Je pense que nous avons à discuter de notre haine commune pour l’Effroyable. Et je ne le ferai pas sans vous offrir l’hospitalité sudiste. »

Il se cramponnait au rempart. C'était presque un geste de confiance. La situation aurait pu paraître surréaliste, voire saugrenue. Mais Enrico avait à présent quelque chose en tête. Une chose qu’il n’aurait plus espéré pouvoir accomplir. Un idéal de vengeance qu’il construisait lentement, mais sûrement.

« J’ai remarqué que vous parliez souvent de la mort du Marquis. A vous entendre, cette perspective vous enchanterait grandement. »

Il reprit sa jambe de bois, pour y boire une rasade de rhum ambré des contrées lointaines.

« Vous êtes proche de Godfroy. Je suis proche de Méliane. Vous êtes à la cour de ce félon, et je puis arrêter le blocus de Sharas d’un claquement de doigts. »

Il haussa les épaules.

« Suivez-vous le fond de ma pensée ? »

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MessageSujet: Re: Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico]   Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico] I_icon_minitimeSam 26 Nov 2016 - 18:45


Le suderon le crut et il ne put que s'en réjouir bien que l'effet contraire n'ait, selon lui, point constitué un lourd échec. Il s'en serait retourné en lieu et place des festivités et aurait razzié les restes d'alcool encore présents. Mais non, la mayonnaise avait prise et le suderon sembla démanteler toutes ses solides défenses une à une. Il alla même jusqu'à dévisser sa jambe – ce qui manqua de le dégoûter et de le fasciner – puis proposa du rhum. Comme un enfant se réveillant le matin de son anniversaire, Thibaud laissa transparaître un visage bien plus joyeux. Dès que le suderon eut terminé sa rasade et qu'il lui transmit l'engin, l'ours d'Argonne put enfin se concentrer sur les dires du baron.

-Si cela m'enchanterait grandement ? Il éclata de rire. Il était grand temps que vous rencontriez un argonnois, baron. M'agenouiller devant cette chiure de merde eut été comme embrasser le cul de tous ces foutus puysards que nous avons exterminé. Alors, comprenez bien, que si l'on me donne un moment de solitude avec cette truandaille, je ne le passerais pas à me mettre à quatre pattes pour qu'on me la mette bien profond jusqu'à ma mort.  

Qu'il pouvait être vulgaire lorsqu'il était saoul dis-donc ! Mais au moins, il déversa sa haine avec une certaine jubilation similaire à la pisse qu'il avait jeté du haut des remparts. Quel soulagement de pouvoir tout dire à un ennemi de son suzerain !

-Je pense savoir où vous voulez en venir, baron. La chose ne sera point aisée, mais guère impossible. Godfroy dispose de tellement de sbires lui collant au cul, et ce, même lorsqu'il va chier... Mais j'ai entendu des rumeurs avant mon départ d'Argonne. Depuis le mariage avorté, il semblerait que l'on n'ait plus vu Godfroy siéger sur le trône de Cantharel. Certaines langues vont jusqu'à dire qu'il serait reclus dans ses appartements, prit d'un mal inconnu. J'ignore ce qu'il y a de vrai là-dedans, mais cela peut-être une chance.

Il sembla songeur. Les ragots ne lui plaisaient généralement pas, convaincu qu'il s'agissait généralement de fadaises. Mais si ces derniers échos du berthildois étaient vrais, alors le moment était peut-être venu de tourner une énième page.

-Vous savez, je n'aurai même pas besoin de marchander avec vous pour supprimer cet homme. Non seulement le sort de Sharas ne m'importe guère, mais cela me réjouirait presque que cette mortecouille de Sigvald subisse les pots-cassés de son suzerain. Plus vous vous acharnerez contre lui, plus la colère de l'olysséan n'en sera que plus grande, voyez-vous ? Il n'en deviendrait qu'un meilleur allié dans la lutte contre l'effroyable.

Il y avait de quoi s'interroger sur son attitude. Le suderon lui avait proposé, ni plus ni moins, d'interrompre le blocus de Sharas contre la mort du marquis, mais Thibaud l'encourageait presque à continuer. Quel genre d'homme pouvait bien faire cela ? Un fou, peut-être.

-Si Godfroy meurt, son fils Louis reprendra la succession. Et nous, que ce soit en Argonne où ailleurs, nous ne voulons pas d'une petite pleureuse pour nous diriger, balança-t-il. Sans compter qu'il sera manipulé par ces enfoirés de petits chiens qui voudront rogner les plus grands morceaux. Ça non !    
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MessageSujet: Re: Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico]   Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico] I_icon_minitimeSam 24 Déc 2016 - 13:13

Ce Thibaud semblait entretenir plus de griefs envers son suzerain qu’Enrico ne l’avait cru de prime abord. Ses mots avaient beau manquer de classe, ne disait-on pas que le vin avait l’art de transformer un noble mesquin en un vilain honnête ? Cependant, c’était sans doute à la bière qu’il s’était saoulé, à en croire son haleine. Encore une grande différence qu’entretenaient les Nordiens et les Suderons. Que pouvaient-ils trouver d’agréable dans la bière ? Une boisson dégoûtante, qui faisait péter et roter jusqu’à plus soif. Ils ne se prétendaient peut-être pas barbares, mais leur façon de boire était tout sauf civilisée…

Heureusement, il était encore conscient de ce qu’il disait, et comprenait le fond de la pensée d’Enrico. Pis, il lui avait révélé un secret dont il se délectait avec enthousiasme. Godfroy, malade ? Les dieux n’étaient peut-être pas si sourds aux prières, tout compte fait. Ce n’était peut-être pas sûr, mais Enrico voulait y croire. Après tout, il n’y avait rien de plus normal que de se réjouir du malheur d’un ennemi. Il avait la possibilité de venger son défunt suzerain, et ami. Pourquoi s’en priver ?

Le seigneur d’Argonne, néanmoins, restait flou pour le baron de Nelen. Encourager le blocus de Sharas était quelque chose d’inattendu. D’imprévu. A quoi jouait-il ? Plus il discutait avec Thibaud, et plus il se rendait compte que cet homme était une énigme. La boisson pouvait être en cause… ou pas. Le mystère resterait entier. Tout ce qui l’intéressait, en définitive, c’était la mort de l’Effroyable. Ils avaient en cela un dénominateur commun.

Enrico finit par sourire.

« Fort bien, seigneur Thibaud. Nous pouvons sans aucun doute trouver un arrangement. Je vous laisse le bon soin de vous charger du Marquis. Je vous fais confiance sur ce point, et je prie la Damedieu pour que vous soyez un homme honnête. En revanche, j’ai une petite demande à vous faire part… »

Il se racla la gorge, et se rapprocha légèrement, comme s’il soupçonnait quelqu’un d’être caché pour écouter leur conversation.

« Me prendriez-vous pour un homme étrange, si je vous demandais de me livrer une preuve matérielle de sa mort ? Quelque chose que je puisse observer, et reconnaître comme la défaite de mon ennemi mortel. Peut-être même, quelque chose à exposer ? »

Enrico savait d’avance que demander sa tête était un peu osé. Peut-être lui donnerait-on sa main ? Ou son arme ? Il n’avait jamais vu l’Effroyable. On disait de lui qu’il était un géant, doté d’une grande barbe et d’un air bourru. Voir son chef décollé de ses épaules, et placé dans une jolie petite boîte, voilà une vision qui aurait à la fois rassuré et satisfait le baron. Errer sans tête dans le Royaume de Tyra devait être bien ennuyeux...

« Avec la mort de Godfroy, la guerre contre Olysséa serait une pure perte de temps. Vous comprendrez dès lors qu’une fois le Marquis à terre, je rappelle les bateaux de la coalition, avec l’accord de ses belligérants. »


Il revissa sa jambe de bois, afin de ne pas paraître trop ridicule trop longtemps.
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MessageSujet: Re: Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico]   Pisse un coup, ça t'fera du bien gamin [Enrico] I_icon_minitimeSam 28 Jan 2017 - 14:19

Le bougre dont les récits faisaient l'éloge n'avait finalement rien de grandiose, se dit-il. Cet Enrico était comme tous les hommes, en commençant par lui-même : cupide et vaniteux. Il y avait là de quoi impacter l'image de n'importe quelle célébrité. Pour vouloir la mort d'un être sans éprouver une once de pitié était déjà chose osée, mais vouloir en plus obtenir un trophée ! Thibaud sourit sournoisement. Il regarda alors le suderon revisser sa jambe de bois à son moignon et reprendre un tant soit peu d'allure. Toujours adossé à l'un des créneaux, Thibaud ne quitta pas une seule fois son « nouvel » ami des yeux. Ami qu'il aurait probablement tué dans un autre contexte. Il y avait de quoi rire à en pisser dans son froc. Pactiser et marchander avec son ennemi, quelle drôle d'idée. Néanmoins, il y aurait dans cet accord probablement les racines d'une future entente. Encore fallait-il qu'il parvienne jusqu'à ses fins.

-On me dit sournois, mais je ne suis apparemment point le seul, amiral. Vous saurez vous contenter de la nouvelle de la mort de l'effroyable en temps voulu. J'en suis sûr. Vous faire livrer une telle relique risquerait de me trahir. Surtout lorsque vous vanterez de posséder telle ou telle partie ayant appartenu au grand homme. Le Saint-Aimé était une piètre canaille, mais ses entrailles ne méritent pas de décorer n'importe quel cabinet de curiosité, dit-il avec un ton peu sincère. Tout comme le corps de votre défunt duc a été livré chez vous sans qu'il ne lui manque quoique ce soit si je ne m'abuse.

Il vit la mine déconfite du suderon.

-Néanmoins, je puis vous faire livrer l'une de ses armes où un objet lui ayant appartenu dans un avenir plus ou moins proche si cela peut vous faire plaisir. Avec le temps, certaines de ses possessions seront peut-être disponibles, ajouta-t-il. Mais il y a un autre sujet, amiral, pour lequel nous devrions parler. Vous m'assurez que vous œuvrerez afin de rappeler vos navires. C'est une chose tout à fait convenable, qu'il m'aurait finalement été aisé d'avoir sans marchander. J'aimerais ceci dit que vous compreniez la situation dans laquelle nous allons tous deux nous retrouver dans les prochains mois.

Son sourire, cette fois-ci cynique, laissait présager du pire. On eu l'impression d'avoir un gamin jouant à asticoter sa future victime.

-Vers qui pensez-vous que le berthildois se rangera une fois l'effroyable éliminé ? Il n'attendit pas avant de répondre : Au Roy bien sûr. Imposteur ou vrai fruit des entrailles de la vipère, le marquisat lui reviendra et nous nous en irons faire la guerre à vos amis du Médian qui ont récupéré Diantra. Sachez alors que lorsque les premières chaleurs arriveront et que le nord aura fini de panser ses plaies d'Oesgard, une vague monumentale s'abattra sur votre trogne et vous n'aurez plus qu'à prier les dieux pour qu'ils vous gardent en vie. Je gage fort que les odélians sauront faire payer aux médianais leurs prestigieux prisonniers et leurs morts des champs pourpres tout comme nous le ferons de notre côté. A savoir maintenant lequel aura le moins de rancœur, je vous laisserais m'en informer lorsque la guerre éclatera, amiral.

Il n'avait peut-être pas été le plus subtile ni le plus diplomatique possible, mais le message était au moins passé. Il était temps à présent que le Médian s'inquiète du nord. Il était temps aussi que les seigneurs les moins fidèles au règne de l'ogre se mettent à envisager de nouvelles alternatives. Enrico de Montecale, fidèle bras droit de l'ancien duc, avait aussi été un capitaine sous les ordres des duc soltaar. Il ne restait plus qu'à espérer que le bougre ait une position politique propre à lui même et surtout différente de celle de sa duchesse.

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