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 Aubades d'automne

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MessageSujet: Aubades d'automne    Aubades d'automne  I_icon_minitimeDim 29 Jan 2017 - 6:50


5ème jour de la 1ère ennéade de Bàrkios
Automne de l'an 9 du XIe Cycle

La nuit avait pris pleine possession de la capitale du comté. Les tavernes s’illuminaient comme en résistance à cette obscurité équivoque et la vie y prenait une tournure délétère. Bientôt, une pluie fine graissait le pavé des ruelles et rendait difficiles les perambulations des coureurs aux jambes avinées. Il ne fallut que dix minutes de marche au seigneur d’Ethin et à son capitaine pour effectuer le trajet de la maison d’Albéon d’Ithier à l’hôtel particulier du seigneur de Champant. Dix minutes au cours desquelles les deux hommes progressaient en silence ; seul le bruit confondu de leurs bottes sur la pierre humide battait la sorgue. La bâtisse des de Champant était sobre mais imposante. Ernest y avait été invité à plusieurs reprises lorsqu’il était encore en formation à Missède. Son grand-père, Charles, ne manquait pas de l’y trainer chaque fois qu’il était en ville et que Bohort de Champant organisait une soirée où son délectable vin coulait à flots. Mais, depuis trois ans, c’était son fils, Hubert de Champant, qui était à la tête de la famille. On raconte que le vieux Bohort avait été retrouvé mort la bouteille à la main et que de tous les orifices de son corps, en rigoles, dégouttait du vin.
« Le connaissez-vous bien, cet Hubert ? demanda Ernest alors que le portier descendait les marches du porche et accourait à la grille du domaine.
- Jamais rencontré, répondit Elmure.
- Ah, fit Ernest, sans savoir s’il devait cacher sa surprise ou sa déception. J’ai bien fait de vous demander de m’accompagner, ajouta-t-il en repensant toute sa stratégie.
- Dans la famille, si on ne fait pas dans le vin, on n’est rien. Vu que je ne bois pas…
- Vous ne buvez pas ? interjeta Ernest.
- Plus depuis mes neuf ans, répondit timidement l’homme qui atteignait les deux mètres dix au garrot.
Ernest acquiesça sans trop savoir quoi répondre.
- C’est jeune pour arrêter, finit-il par dire. Pour commencer, aussi.
- Abruti d’ivresse par le célèbre vin de ma famille, j’ai tué ma sœur. Elle avait onze ans, j’en avais neuf. On jouait. Et puis, une talmouse un peu trop leste, son cou a craqué. Depuis, je me tiens à distance du coulant.
- Oui… oui, ça dégrise, forcément, répondit Ernest, pétrifié par l’histoire de son capitaine.
Le portier venait de faire demi-tour, il avait oublié ses clefs. Ernest ne savait plus où aller avec cette conversation.
- J’étais déjà costaud à neuf ans, reprit Elmure.
- Je veux bien vous croire.
- Mon père ne m’en a pas tenu rigueur mais ma mère ne m’a jamais regardé de la même manière.
- Votre père était dans le vin ? demanda Ernest en jetant des coups d’œil torves du côté du portier qui ne pouvait arriver plus vite.  
- Oui, Bohort, mon oncle, et Basin, mon père, s’occupaient de la production du domaine ensemble. Ils étaient bessons et l’histoire veut que mon père fût né le premier mais que, quelques années plus tard, lorsqu’on se rendit compte qu’il était sourd, l’identité des deux frères fut échangée. Ils étaient si identiques que presque personne ne pouvait les différencier de toute façon. Bohort devint Basin et Basin devint Bohort. Vous comprenez ?
- Oui… non, enfin ça n’a pas d’importance, le portier est là, répondit Ernest qui attendait avec impatience de pouvoir s’extirper de cette sphère inconfortable d’intimité en passant les grilles du domaine.
Il y eut un bruit de serrure suivi d’un craquement métallique. Le portier venait de casser sa clef et annonçait qu’il allait chercher l’échelle. La pluie s’intensifiait et Ernest angoissait à l’idée de passer une minute de plus à écouter l’histoire tragique de la famille de Champant. Pendant un moment, alors que le silence s’épaississait entre le seigneur du Rocher et son capitaine, Ernest cru que le capitaine de sa garde s’était tu pour de bon.
- J’ai donc décidé de devenir Chevalier et… recommença Elmure.
- Pas besoin d’échelle, interrompit immédiatement Ernest. On va passer par-dessus la grille.
Joignant le geste à la parole, le jeune homme escalada la herse. Elmure fit de même, le fer geignit sous son poids, et tous deux se trouvèrent déjà devant la porte d’entrée lorsque le portier revenait avec son échelle.


 

Le petit salon où ils furent reçus n’avait rien de confortable. Ernest se demanda même si, par l’aspect et l’odeur, il ne se trouvait pas dans une cave à vin. La liqueur arriva d’ailleurs avant même qu’il n’eût le temps de s’asseoir. Il faisait froid et l’âtre était éteint ; de toute évidence, la demeure avait perdu de son hospitalité. Le ventripotent Hubert de Champant ne put réprimer quelques railleries à l’encontre de son abstème de cousin. Un persiflage qui laissa Elmure de marbre. Refusant même de s’asseoir, le capitaine se tint, droit comme un piquet, derrière le siège de son suzerain.
« Que me vaut la visite nuiteuse du Seigneur du Rocher ? demanda finalement de Champant, un sourire faussement aimable accroché à son visage bouffi.
- Des nouvelles de grande importance, à vrai dire, répondit Ernest, l’air inquiet. Des murmures sont remontés jusqu’à mes oreilles et, naturellement, je viens à vous pour en avoir la confirmation.
Le seigneur de Champant essaya tant bien que mal de cacher son étonnement. L’homme était connu pour être un intriguant aux dents longues ; il était de notoriété que ses urbanités élégantes celaient, en réalité, une vanité et une ruse des plus averties. Peu de chose lui échappait, si bien que les nouvelles d’Ernest le contrariaient et il préféra se murer dans un silence plutôt que de se laisser surprendre.
- Je dois dire que c’est difficile à croire, reprit Ernest. L’autorité du Conte ainsi bafouée, par une famille vassale, qui plus est. Qu’en pensez vous ?
Hubert de Champant remua dans son fauteuil et reprit une gorgée de vin avant de répondre.
- Il ne faut peut-être pas aller trop vite en besogne…
- Trop vite en besogne ? On me dit que la cour exceptionnelle a été saisie.
L’homme était de plus en plus mal à l’aise. Comment avait-il pu passer à côté de quelque chose d’aussi important ? Il dépensait une fortune à abreuver de son bon vin les grands des quatre coins du comté en échange de leurs confidences grisées et pourtant il ne voyait toujours pas où allait en venir son interlocuteur avec cette histoire.
- Cette famille… reprit-il dans l’espoir qu’il pourrait en apprendre plus sans perdre la face.
- Les de Laval ? demanda Ernest.
- Oui, répondit de Champant après un silence évocateur. Nous ne sommes pas certains que les de Laval soient réellement fautifs…
- Bien sûr que non. Ce sera à la cour d’en décider, je suppose. Mais comme vous le savez, les archives comtales des droits de quittage sont claires.
Le seigneur de Champant acquiesça d’un signe de tête et Ernest vit deux lumières s’aviver derrière les yeux de son interlocuteur.
- Je suis navré d’avoir eu vent de cette histoire à travers les rumeurs. J’aurais aimé que vous m’en eussiez fait part dès que vous en eût eu connaissance, dit Ernest en achevant de tendre son guet-apens.
- Je ne l’ai moi-même appris que ce matin, mentit Hubert de Champant.
- Je vois, répondit Ernest, satisfait. Eh bien, messire, je dois bien avouer qu’en venant ici, je gardai espoir que vous infirmiez cette intrigue plutôt que le contraire.

   

Les conversations prirent une tournure plus décontractée et, bientôt, Ernest et Elmure quittèrent la demeure austère, laissant une graine germer dans le jardin fertile d’Hubert de Champant.




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MessageSujet: Re: Aubades d'automne    Aubades d'automne  I_icon_minitimeDim 29 Jan 2017 - 6:50


6ème jour de la 1ère ennéade de Bàrkios
Automne de l'an 9 du XIe Cycle

À l’aube, Ernest et ses hommes filaient à travers les pâtures de la seigneurie de Roch. La ville principale et éponyme de ce fief était sise aux frontières des terres d’Ethin. Les domaines des maitres de carrière d’Hautecloque étaient même visibles du haut des tours de la résidence de Dame Léona de Faviar. Famille vassale de Missède, les de Faviar jouissaient d’une excellente réputation de producteurs de papier et avait consacré beaucoup de temps et d’argent à l’efflorescence soutenue de la célèbre bibliothèque de Missède. La Dame de Roch, elle-même, était une avide lectrice d’ouvrages relatant les nombreuses guerres qui secouèrent le royaume des hommes à travers les âges. Ses connaissances historiques en la matière servaient de base à sa position bien connue de pacifiste éclairée. Lors du conseil, la noble missèdoise avait exprimé un intérêt certain pour la Ligue et les atouts qu’elle pouvait offrir en matière de pacification de la péninsule. Ernest ne pouvait soutenir de telles idées mais il savait qu’il devrait faire preuve de finesse lors de son entrevue ; d’autant plus que Léona de Faviar et Arnaut de Laval entretenaient une relation des plus amicales.



Ce fut donc dans une de ces nombreuses tours que le seigneur du Rocher et la Dame de Roch se rencontrèrent pour la collation de dix heures. La pièce était étroite et circulaire, et une atmosphère fleurie de boudoir en garnissait chaque recoin.
« J’ai entendu dire que l’histoire qui lie Roch au Rocher est fascinante, dit Ernest en se tenant près d’une des fenêtres de la tour.
- En effet, répondit la dame des lieux. La bibliothèque regorge d’ancienne chroniques à ce sujet. Certaines se contredisent, d’autres sont incomplètes mais il semblerait que le château de Roch ait bien était construit par la Guilde, il y a de cela fort longtemps. Le nom de notre fief aurait même changé à cette époque pour signifier cette relation nouvelle.
- Quel était-il auparavant ? demanda Ernest en revenant s’asseoir à la petite table où thé et biscuits lui avaient été offerts.
- Mouillelot, répondit Léona avec un sourire hésitant. Alors qu’Ernest lui faisait risette, elle ajouta rapidement sur le ton de la plaisanterie : Le Garnaad n’est pas très loin. »



Entre les gorgées de thé et les bouchées de biscuit, Ernest et Léona continuèrent de discuter d’histoire. Le jeune homme offrit même de s’entremettre entre la dame des lieux et Alcest de Gwydir qui, tout comme elle, avait une passion pour les faits historiques et les vieux textes. « Il se pourrait même qu’il ait en sa possession quelques reliques de papier qui pourrait vous intéresser, dit Ernest.
- Je serai ravie de faire sa connaissance, répondit Léona. L’étude des secrets de notre Comté est essentielle à sa vigueur, ainsi qu’au maintien de la paix.  
- C’est d’ailleurs cette paix et cette vigueur qui constituent les raisons de ma visite, Dame Léona, ajouta Ernest avec un air grave.
Le visage bien en chair de la femme aux longs cheveux bruns se crispa légèrement.
- J’ai ouï dire de ce qui s’est passé à Rivelmon, messire. Mais les rumeurs racontent que justice a été rendue, de vos nobles mains, j’ajouterai.
Ernest prit le temps de mettre la Dame de Roch au courant des évènements qui l’amenèrent à mettre un terme à l’affaire des assassinats de son grand-père et de son frère.
- Mais ce n’est pas à cela que je faisais allusion. Pas plus tard qu’hier, Hubert de Champant à corroborer de graves rumeurs. Je sais que la paix et la vigueur de Missède vous importe plus que tout. Ainsi, je n’ai pas hésité à venir jusque chez vous pour solliciter votre opinion sur le sujet, dans l’espoir que vous percevriez le chemin le plus sûr à prendre en ces temps de troubles.  
- Je suis une dame de grande patience, messire, mais je vous conjure d’en venir au fait.
- Il semblerait que l’autorité de notre bien aimé Comte ait été bafouée par un de ses propres vassaux. Les registres des droits de quittage ne présentent aucune autorisation permettant le mariage de Cécilie de Laval à un noble étranger au Comté.
- En êtes-vous sûr ?
- Je ne pouvais me résoudre à y croire au début. Et il y a encore beaucoup de choses à éclaircir à ce sujet. Mais les affermissements de Messire de Champant me poussent aux spéculations. En outre, il semblerait que les procureurs de la cour exceptionnelle soient sur le point de saisir l’affaire.  
- J’ai des difficultés à concevoir la culpabilité d’Arnaut. Il doit y avoir une erreur.
- Sans aucun doute. Mais si l’erreur découle du fait que notre bien aimé Comte était dans l’incapacité de donner son accord, alors pourquoi avoir célébré cette union avant son rétablissement ? Les mariages de haute noblesse en période de troubles telle que celle que traverse notre Comté n’ont rien d’anodin.
- Pauvre Arnaut, lui qui venait de sortir de cette affaire d’assassinats…
Ernest laissa quelques secondes de réflexion à la Dame de Roch avant de reprendre.
- Dame Léona, fais-je preuve d’alarmisme en décelant dans cette affaire les épices de la guerre ?
- Tout est propice à la guerre, messire. Elle est une menace constante à laquelle nous devons sans relâche résister. Mais vous avez raison, j’ai bien peur que, cette fois, ce ne sera guère chose aisée.
- Que faire alors ?
- Tout dépendra du verdict de la cour. Si les peines encourues pour violation du droit de quittage sont appliquées, je doute du maintien de la paix. Si elles ne le sont pas, les conséquences d’un tel précédent pourrait avoir des répercutions bien plus graves.
- Ce serait la condamnation du Comte lui-même que la cour proclamerait alors, dit Ernest en devinant les pensées de son interlocutrice. En refusant de tenir la famille de Laval coupable, la cour ratifierait l’affaiblissement de l’autorité de Théobald ; en laissant passer cette affaire, c’est l’absence d’espoir de son retour au pouvoir qui sera interprétée.

   

Léona de Faviar abonda dans le sens d’Ernest alors qu’un voile d’appréhension glissait sur ses yeux verts. N’ayant plus le cœur à discuter de choses légères, tous deux gagèrent de remettre leurs discussions à plus tard et l’entrevue se termina peu après.

   


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MessageSujet: Re: Aubades d'automne    Aubades d'automne  I_icon_minitimeDim 29 Jan 2017 - 6:51


7ème jour de la 1ère ennéade de Bàrkios
Automne de l'an 9 du XIe Cycle

Si les pâturages de Roch étaient remarquables, ils ne sauraient rivaliser avec ceux d’Ybaen. La seigneurie dégorgeait de verdure à perte de vue. Des averses avaient rincé la région le matin même et de la communion de la pluie et de la terre subsistait toujours un agréable pétrichor. Ce fut sur les rives de l’Afael que le seigneur du Rocher et Jules de Lavier se retrouvèrent. Le Régent d’Ybaen n’avait pas laissé une très bonne impression sur Ernest lors du conseil de Missède. L’intelligence de ce grand dégingandé semblait se limiter aux considérations pécuniaires et sa position attentiste vis-à-vis des nombreux problèmes politiques auxquels le Comté faisait face avait suscité la consternation d’Ernest. Néanmoins, les relations entre Ybaen et Ethin devaient être préservées et, devant l’incapacité de Théobald, c’était avec le Régent qu’il fallait traiter. De nombreuses alliances marquaient l’histoire des deux seigneuries. La dernière en date fut celle qui amena le mariage de Charles d’Ethin et de sa femme Edna, née d’Hautbois. La grand-mère d’Ernest n’avait jamais oublié sa place au sein de la noblesse d’Ybaen et ses visites dans son pays natal étaient encore fréquentes, malgré son âge avancé. Ernest savait qu’elle ne portait pas les de Lavier dans son cœur, sous prétexte que la teinte de leur sang était d’un bleu bien trop pâle. Le jeune seigneur s’était donc bien gardé de la tenir au courant de cette visite et encore plus des projets qu’il s’apprêtait à mettre en œuvre.

 
 

Le Régent et Ernest marchaient sur en bordure du lac. Leur conversation était agrémentée du friselis de l’eau. Lorsqu’une brise se leva, Ernest réajusta sa cape de voyage tandis que ses cheveux, auburn par mèches et flavescents par touffes, entamèrent une danse folle. De Lavier, dont le crâne dégarni préservait des facéties du vent, discourut longuement de l’instabilité et de la vulnérabilité d’Ybaen et de sa volonté de préserver la terre d’origine du Comte Théobald. Ernest ne put s’empêcher de noter intérieurement que ces efforts n’allaient pas sans renforcer l’autorité des de Lavier sur la région. L’incapacité du Comte n’était pas la seule cause des problèmes de la seigneurie ; Jules de Lavier n’avait toujours pas réussi à asseoir son autorité sur ces terres et subissait une crise de légitimité grandissante auprès des autres nobles de la région qui pourraient voir dans la perte de Théobald, un moyen de prendre le contrôle d’Ybaen.  
« Je viens vous apporter des nouvelles qui pourraient bien dégrader votre situation d’autant plus, dit Ernest.
Le visage du Régent s’obombra à mesure que le seigneur d’Ethin lui exposa la situation, de longues minutes durant.
- D’où tenez-vous ces informations ? demanda de Lavier.
- J’ai rencontré messire de Champant, il y a deux jours, qui m’a confirmé les faits. Hier, c’est la Dame de Roch qui m’a fait part de ses craintes quant à la possibilité d’une guerre suite à cette affaire.
Ces mots firent presque sursauter le Régent dans sa marche. La perspective d’une guerre n’était bonne pour aucune seigneurie du Comté ; elle l’était encore moins pour Ybaen qui s’en trouverait sans aucun doute dépecée par les autres vassaux au cours de celle-ci.
- Je… C’est… marmonna-t-il pour seule réponse.
- Vous devez agir, Régent, interjeta Ernest d’un ton aigrefin.
- Que voulez-vous dire ?
- Sur vos épaules, repose la protection des terres natales de Théobald de la Courcelle. Vous êtes garant de son fief d’origine et, par là, de sa mémoire. Vous, plus que quiconque, ne pouvez laisser son autorité être bafouée car c’est cette même autorité qui vous a octroyé la régence d’Ybaen. Vous devez être celui qui portera cette affaire devant la cour exceptionnelle. En défendant notre bien aimé Comte, vous défendez votre légitimité à la tête de ces terres.
- Pourquoi ne pas saisir la cour comtale vous-même, messire ?
- Parce que la paix n’en sera que d’autant plus en danger.
- Saisissons-la ensemble, alors. Nos noms conjoints pourraient…
- Le nom de ma famille ne saurait être mentionné dans cette affaire. Beaucoup n’y verrait qu’une vulgaire querelle entre les deux dernières lignées légitimes à la succession de notre Comte. Je ne peux m’unir à vous de cette façon.
- De cette façon ?
Ernest ne répondit pas immédiatement.
- La noblesse d’Ethin et celle d’Ybaen se sont maintes fois unies devant la DameDieu. Un mariage entre votre famille et celle des seigneurs du Rocher écarterait tous vos problèmes de légitimité auprès de la noblesse d’Ybaen. Ainsi, si vous acceptez de me rejoindre dans mes efforts de paix et de vigueur du Comté, je concèderais à donner à votre fils ainé, Yvain de Lavier, la main de ma sœur, Louise.
Sa stupéfaction passée, le Régent retrouva un sourire âpre. Les détails de l’accord furent finalement arrangés. Il fut, en outre, convenu que l’alliance de leurs maisons ne devaient être discutées sous aucun prétexte avant la fin des troubles qui secouaient Missède. L’entente sur tous ces points fut finalement scellée par une poignée de main.

 


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MessageSujet: Re: Aubades d'automne    Aubades d'automne  I_icon_minitimeDim 5 Fév 2017 - 0:51


1er jour de la 2ème ennéade de Bàrkios
Automne de l'an 9 du XIe Cycle

Les silhouettes sépulcrales se firent de plus en plus nombreuses à mesure qu’Ernest et ses hommes traversaient le bois de Brambrun qui jouxtait le prieuré de Notre-DameDieu d'Hautecombe. Aux aurores, les religieux encapuchonnés de tulle se déversaient à travers les arbres pour leur promenade et contemplation matutinales. Tous, toujours en silence, reviendraient, finalement, au prieuré, un peu plus tard, où la besogne quotidienne les occuperait jusqu’au retour de la nuit. La prêtresse Archipiade était à la tête du groupe des dévots d’Hautecombe, la plus importante communauté ecclésiastique de la seigneurie. Cette femme, d’un âge inconnu mais visiblement suranné, quasiment grabataire, n’avait rien d’une vieille baderne. Au contraire, elle dirigeait de main de maître le prieuré et ses membres, et son entregent en la matière n’avait cessé de rayonner après plus de quarante ans en tant que prieure des lieux. Sa piété et ses qualités d’esprit lui conféraient une aura de sainte locale dont l’autorité rivalisait avec celle des hauts personnages de la région. Bien qu’Hautecombe soit situé au sein du fief de Grateloup, l’avouerie du prieuré était assurée par le seigneur du Rocher lui-même et, à ce titre, c’était un lien d’ordre vassalique qui unissait celui-ci à la prêtresse. Si chaque suzerain d’Ethin avait, à travers les âges, nommé un nouveau prieur à la tête d’Hautecombe, d’aucun n’avait même pensé à remplacer la prêtresse Archipiade depuis son élévation.



Archipiade reçut Ernest dans le cloître. Ce petit jardin entouré d’arcades n’était accessible qu’au prieur et au seigneur du Rocher. Il devait symboliser leur étroite union tout autant qu’il était un monument à leur passé houleux. On racontait qu’Hautecombe avait, jadis, abrité un ordre religieux puissants dont les fanatiques avaient causé beaucoup de soucis aux suzerains d’Ethin. Certains historiens allaient même jusqu’à considérer ces évènements comme la cause principale de la ferveur religieuse moindre qui caractérisait la seigneurie en comparaison à ces terres sœurs du Comté. Du fait de son accès restreint, la tâche d’entretenir le cloître incombait au prieur lui-même. « Je m’excuse, mon seigneur, dit Archipiade. Mon corps ne saurait plus même souffrir de quelques minutes de jardinage.
À pas alanguis, Ernest accompagna la prêtresse jusqu’à un banc de pierre, situé au milieu du cloître, près d’une énorme cloche partiellement ensevelie dans le sol. La nature reprenait peu à peu ses droits sur le cloître.
- Les domaines du prieuré sont néanmoins resplendissants, répondit Ernest afin d’apaiser la résipiscence de la religieuse. Et j’ai ouï dire que votre miel se vend à prix d’or.
Ces paroles redonnèrent le sourire à la religieuse.
- Que me vaut l’honneur de votre visite ? demanda finalement la vieille femme en s’asseyant.
Ernest baissa les yeux et se tut, un long moment durant.        
- A vrai dire, je ne suis pas certain, reprit-il.
- Vous êtes pourtant là, répondit Archipiade avec facétie.
- Je ne suis pas certain d’avoir besoin d’être là.
- Il n’en reste que vous êtes là, mon seigneur. Et les suzerains du Rocher n’arrive jamais à Hautecombe par erreur. Faites part de votre hésitation et je vous dirai si vous vous trouvez au bon endroit.
- Oui, eh bien, je… balbutia Ernest. Je suis animé par le plus grand bien mais mes actions pourraient causer du mal, et ce mal occulter le bien fondé de mes intentions. Donc, je... je suis là en quête de votre bienveillant conseil.
- On raconte que vous observez les principes de la vertu éthinienne avec un intégrisme inédit, même pour un seigneur du Rocher. Je doute que vous ayez besoin de moi pour percevoir les exigences de la couronne.
- Et si ces principes pouvaient être perçus comme un affront à la DameDieu ?
La vieille femme au corps gibbeux se redressa légèrement.
- La DameDieu perçoit vos intentions les plus secrètes, mon seigneur, trouvez du réconfort dans Sa bienveillance éclairée.
Ernest frissonna. En grandissant, loin de sa famille, le jeune homme avait développé un certain penchant pour la solitude. L’idée que ses pensées les plus secrètes puissent être perçues par quelqu’un d’autre, même une déesse, l’angoissait terriblement. Et pourtant, lorsqu’il se demandait ce qui le poussait véritablement à mener à bien ses projets, il ne voyait rien d’autre que le devoir et l’honneur que son titre lui commandait. Était-ce une illusion de la couronne ? Avait-il en réalité succombé à la soif de pouvoir comme tant d’autres avant lui ? Le plus grand doute l’assaillit. Que souhait-il vraiment ? Que voulait-il plus que tout ? Alden. Ce nom résonna, tonitruant, aux quatre coins de son esprit. Non, le pouvoir n’avait pas la mainmise sur son cœur.  
- Je m’apprête à déprécier un mariage qui a été consacré devant la DameDieu, par la haute-prêtresse elle-même, dit Ernest en revenant à lui.
- Et qu’est-ce qui vous pousserait à telle folie ?
- L’union enfreint les lois de Missède et bafoue l’autorité du Comte.
Archipiade resta silencieuse pendant plusieurs minutes. Ernest crut d’abord qu’elle s’était assoupie.
- La DameDieu est garante de la sincérité de cette union, reprit-elle avec véhémence. Nul homme ne peut défaire ce Choix. Néanmoins, le huitième principe du dogme néerite est clair : Les lois terrestres et spirituelles, tu respecteras. L’enseignement de Néera ne permet pas que les premières soient enfreintes sous couvert des deuxièmes. Libre à certains d’interpréter vos intentions comme autant d’offenses à la DameDieu. Mais libre à vous, mon seigneur, de voir en leurs erreurs et les conséquences de celles-ci, une impiété tout aussi grande. »
Après plus d'une heure de conversations au sein de l'impénétrable cloître ; conversations au cours desquelles furent aussi discutés les charges de l'avouerie, l'expansion du prieuré et le mariage de Louise ; le seigneur d'Ethin prit congé, le cœur un peu plus léger.



Alors qu’Ernest s’apprêtait à quitter Hautecombe, un messager en provenance du Rocher apporta une lettre. Elle venait d’Edelys et était écrite de la main de l’échevin, Hugues Franquet. Le magistrat informait le seigneur du Rocher que la santé de Robert de la Herse ne cessait de décliner, et ce, malgré les éminents guérisseurs qu’Ethin avait fait mander à son chevet. L’autre nouvelle de l’échevin attendrit tout autant qu’elle attrista Ernest : voyant les portes du royaume de Tyra se rapprocher, de la Herse, sans famille ou héritier, avait pris la décision d’adopter son écuyer. Le jeune Calogrenant était un bon garçon à qui Ernest avait promis de protéger dans l’éventualité où son mentor et maitre viendrait à mourir. Mais la réjouissance de cette filiation nouvelle était largement ternie par les conséquences de la possible disparition de Robert ; une nouvelle secousse qui finirait d’achever un pays déjà instable. « Envoyez un message à Franquet et dites-lui que je me rendrai à Edelys dès que possible. Informez aussi les guérisseurs de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garder de la Herse en vie jusqu’à mon retour. »







7ème jour de la 2ème ennéade de Bàrkios
Automne de l'an 9 du XIe Cycle

Après sa rencontre avec la Duchesse, Ernest pris immédiatement la route pour la cité portuaire de Tall. La fin de la deuxième ennéade de Bàrkios marquait la date de la passation de pouvoir officielle entre l’ancien gouverneur d’Isgaard et Alden de Béjarry, son successeur. Sans rien ébruiter de son arrivée dans le delta, sur les conseils zélés du capitaine de sa garde, Ernest avait pris la décision de gagner Isgaard afin de marquer la transition et de dire ses adieux à ceux et celles qu’il avait brusquement quittés alors qu’il avait été rappelé au Rocher. Ainsi, le seigneur d’Ethin et ses hommes s’apprêtaient à embarquer lorsqu’un messager ducal déboula derrière eux et les rattrapa sur le ponton d’embarquement. L’homme avait en main une lettre cachetée qui portait le sceau de la Duchesse de Langehack. Ce ne fut qu’une fois en mer, à l‘abris des regards indiscrets, qu’Ernest lut la lettre. Les premiers mots le rebutèrent d’abord ; il avait bien fait comprendre à sa suzeraine qu’il ne l’avait pas rencontrée en tant qu’émissaire officiel de Missède et le fait qu’elle le chargeait de servir d’intermédiaire le mettait dans une situation embarrassante. En effet, par écrit, Méliane de Lancrais lui demandait d’informer le conseil exceptionnel de Missède qu’elle avait entendu son appel quant à la situation d’Edelys et, n’ayant rien d’autre à cœur que le bien-être de toutes les terres du Duché, par la présente, officialisait une situation qui existait déjà de fait, déposait les responsabilités feudataires de la baronnie auprès du Comte de Missède, l’encourageait à redresser la situation des terres du Garnaad, et, enfin, l’enjoignait à nommer, dans les plus brefs délais, un baron dont il deviendra conséquemment le suzerain direct. La Duchesse s’était néanmoins gardée de faire aucune allusion à la question entretissée de Langehack, du Roy et des Asnozia. Ernest n’était pas surpris par le continuel retranchement sourd-muet de sa suzeraine mais cet embourbement récalcitrant annonçait à coup sûr de cuisantes discussions lors du prochain conseil exceptionnel de Missède. Dès son arrivée à Isgaard, Ernest n’aura pas manqué d’avertir le Juge Chantelune de ces deux nouvelles afin qu’elles soient mises à l’ordre du jour de la rencontre fixée pour le quatrième jour de la quatrième ennéade de ce mois d’automne.






1er jour de la 4ème ennéade de Bàrkios
Automne de l’an 9 du XIe Cycle


La lettre ci-dessous fut envoyée aux destinataires suivants :
Arnaut de Laval, seigneur de Beaurivages
Cécilie de Laval, baronne de Nelen, héritière de Beaurivages
Enrico di Montecale, baron de Nelen
Jules de Lavier, régent d’Ybaen
Ernest d’Ethin, seigneur d’Ethin
Léona de Faviar, dame de Roch
Hubert de Champant, seigneur de Champant
Richard de Chantelune, conseiller du Comte et juge


La Cour Exceptionnelle du Comté de Missède a été saisie, le premier jour de la deuxième ennéade de Bàrkios, mois d’automne de l’an neuf du onzième cycle, dans les conditions prévues par le droit coutumier, par une requête de Jules de Lavier, régent d’Ybaen, tendant au droit de quittage en vigueur sur les terres missèdoises et au mariage unissant Cécilie de Laval à Enrico di Montecale.

Au vu des textes suivants :
Article 22 du droit coutumier
Article 22 bis du droit coutumier
Article 22 ter du droit coutumier
Au vu des pièces suivantes :
Registres et Archives des droits de quittage
Contrat de mariage de Cécilie de Laval et Enrico de Montecale
Au vu des informations à leur disposition.

Les procureurs en charge de la saisine déclarent recevable la requête de Jules de Lavier et décident de la porter devant la Cour Exceptionnelle pour examen par les juges.

En vertu des articles 2 bis, 2 ter et 2 qua, les procureurs du Comte établissent la Cour ainsi :
Théobald de la Courcelle, Comte de Missède
Jules de Favier, régent d’Ybaen
Ernest d’Ethin, seigneur d’Ethin
Ganelon de Vipier, procureur du Comte
Armand Méliose, procureur du Comte
Eloi Montauban, procureur du Comte

En vertu de l’article 2 ter, Arnaut de Laval ne peut siéger à la Cour Exceptionnelle.
Au vu de l’incapacité du Comte Théobald de la Courcelle, celui-ci sera représenté par les membres du conseil restreint : Jules de Lavier, régent d’Ybaen ; Ernest d’Ethin, seigneur de Missède ; Léona de Faviar, dame de Roch ; Hubert de Champant, seigneur de Champant ; Richard de Chantelune, conseiller du Comte et juge.

La première séance aura lieu le deuxième jour de la quatrième ennéade de Bàrkios, en ce mois d’automne de l’an neuf du onzième cycle. Par la présente, y sont convoquées les membres de la Cour susnommés ainsi qu’Arnaut de Laval, seigneur de Beaurivages, et Cécilie de Laval, baronne de Nelen et héritière de Beaurivages. La séance sera tenue à huis clos.

Prononcé par la Cour Exceptionnelle dans sa séance de saisine du neuvième jour de la troisième ennéade de Bàrkios, en ce mois d’automne de l’an neuf du onzième cycle, où siégeaient : Ganelon de Vipier, procureur du Comte ; Armand Méliose, procureur du Comte ; Eloi Montauban, procureur du Comte.




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