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 La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel)

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T'sisra Do'ath
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MessageSujet: La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel)   La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel) I_icon_minitimeSam 9 Sep 2017 - 3:59

Automne, Kÿrianos, deuxième ennéade de Barkios, an neuf, onzième cycle.


T’sisra comptait les jours, ne voyageant quasiment qu’entre la cale et le pont. Et l’air marin ne lui allait pas au teint. L’Océan d’Eris n’était pas clément, ni le temps. La fin de l’automne s’accompagnait de grandes bourrasques qui annonçaient le début d’un hiver très dur, et la houle répondait ardemment à l’appel.
La daedhel avait compté une ennéade de voyage déjà. Et malgré ces journées et ces nuits passées à bord, l’équipage n’avait pas semblé souhaiter établir un véritable contact avec elle. On saluait la nécromancienne quand on la croisait et qu’on ne pouvait faire mine d’être occupé à autre chose, on lui jetait quelques regards en coin, histoire de la surveiller un peu, et l’on se racontait quelques rumeurs sur les gens de son espèce et la nécrophilie. Rien de bien glorifiant en soit. Cependant, l’arcaniste était pour le moins habituée à la solitude, et ne se souciait guère plus des racontars à son sujet.

Bien que le voyage se fit jusqu’ici sur une mer houleuse, T’sisra n’aurait jamais pu imaginer pareil colère aquatique. En ce milieu d’après midi, des nuages noirs s’étaient emparés des cieux, et la nuit tomba bien vite, tandis que la pluie s’abattait avec force et que les vents se déchaînaient avec une puissance colossale. Les vagues lui semblaient immenses, et à chaque creux, elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer le navire brisé en deux, comme on rompt une brindille à jeter dans le feu. Elle s’accrochait à l’encadrement de la porte qui menait à la cale, observant le pont détrempé. Elle n’aurait su dire si cela était le fait des trombes d’eau qui tombaient du ciel, ou bien de celui vagues parvenait parfois à monter jusque là. Mais plus effrayant encore était ce ciel de noir, qui ne souhaitait de gronder et déchaîner sa colère. La noirelfe craignait le tonnerre plus que tout le reste, si la foudre venait à frapper le bateau… S’en serait finit d’elle et tous ceux qui s’activaient et redoublaient d’efforts pour garder le cap et ne pas sombrer.

Un grondement qui rivalisait avec le sifflement du vent s'imposa sur le pont depuis le gaillard arrière.

- VOUS ALLEZ LA REMONTER CETTE PUTAIN DE VOILURE ?!

- LE VENT LES TEND DE TROP !  Répondit un vieux type en passant subrepticement devant la porte de la cale pour rejoindre le bastingage bâbord.

Descendant précipitamment les marches, la Capitaine se jeta sur le mat, claquant la main sur les étranges runes qui y étaient gravées comme l'avaient fait chaque marin passant par la dans la débâcle organisée. Puis elle avait empoigné un grand gaillard par l'épaule en lui montrant un point sur  à l'arrière du navire.  

- JACASSE PATTE-FOLLE A LA CALE AVEC LE PETIT !

- OUI CAPITAINE ! Répondit le gaillard, obligé de gueuler comme un charretier pour se faire entendre avant de détaller à toute vitesse vers la poupe.

« TROUVEZ MOI CALEL ET AMAREZ LES PIEDS TERREUX ! » Hurla la grosse voix  autoritaire avant de s'emparer d'un cordage de secours avant de prendre le chemin inverse vers le gaillard arrière.

Quelques secondes plus tard, le grand type qui avait été envoyé en mission spéciale déboulait dans la cale en virant sans ménagement ce qui pouvait lui barrer le passage, à lui et à son chargement qui n'était autre que la bosco qui boitait et se trimbalait toujours avec sa canne.

Jormgard déboula les marches à la suite des autres marins pour se ruer dans la cale du navire. Son estomac fit un tour complet lorsque le navire s’ébranla de plus bel, malmené par les vagues. Une lampe décrocha du mur par la force de l’impact, rattrapé de justesse par Jormgard. Même en pleine tempête, il serait dommage de voir l’Amaranthe sombrer dans les flammes…

Dans tout ce chaos ambiant, Jormgard était complètement inutile. Non seulement il n’avait aucune idée de quoi faire, il sentait ses membre faiblir à l’idée de basculer par-dessus bord.  Ses débuts en tant que marin ne l’avaient pas préparé à une telle situation. Son regard sautait d'un point à l'autre; quoi faire? Assurément, le navire était sur le point de couler, à moins que la capitaine sorte un de ses fameux tours de magie. Alors il resté planté là, en plein milieu des autres marins qui accouraient, totalement impuissant et une frustration montante devant sa propre inutilité.

La daedhel s’accrochait toujours fermement à l’encadrement de la porte. Puis un éclair lézarda la nuit, suivit du grondement sourd et déchirant du tonnerre. Son faciès se décomposa littéralement, elle déglutit tant bien que mal, alors que sa pâleur, déjà anormale pour une drow, s’accentuait.
Pour les hommes et les femmes qui accouraient sur le pont, s’accrochant aux filets et s’harnachant aux cordages, ce bref éclat de lumière fut révélateur, un très bref instant, d’un bien mauvais présage. Un second coup de tonnerre retentit, et confirma à tous les marins leur précédente vision. A la lueur des éclairs s’était révélé un trois mats aussi imposant que l’Amaranthe, qui arrivait depuis tribord et à vive allure. Bien qu’il ne soit pas encore à portée d’une quelconque attaque, il avançait vite dans leur direction, fendant les flots titanesques et bravant la pluie torrentielle. Et contre tout bon sens, il donnait toutes voiles dehors. Sa coque semblait plus solide que le roc des falaises, et sa proue était l'effigie d'un serpent des mers.
Nul marin n'aurait souhaité être à leur place, car ce navire ne relevait plus de la réalité mais de la légende. Tout le monde avait raconté ces histoires, tout le monde les avait entendues dans les ports. Un navire qui n'attaquait que pendant les tempêtes, semblant surgir des entrailles de la mers dans un voile brumeux, déchirant la houle. On prétendait son équipage invincible, tout comme son capitaine. Le Croc du Wagyl, mené par un homme qu'on affirmait maudit par la déesse de la mort en personne.

Agrippée à la barre avec trois autres marins, Koda faisait parti de ceux qui n'avaient pas pris la peine de lever les yeux pour regarder les alentours lorsque l'éclair s'était échoué sur la mer en furie. Des couches de lainages bariolés et délavés qui lui croulaient sur les épaules en temps normal, il n'en restait plus qu'une serpillière orangeâtre. L'eau ruisselait sur son visage, lui gouttant dans les yeux. Elle voyait à peine le visage tendu de Julo, pourtant à un souffle d'elle, ses grosses mains blanches posées juste à côté des battoirs noirs sur le bois de la barre. Ils avaient tous une corde autour de la taille pour éviter de verser à la baille, mais la Capitaine avait parfaitement conscience qu'ils auraient une chance insolente s'ils s'en sortaient tous indemnes.  

Puis un second éclair et les cris de son équipage lui firent relever les yeux... Et tout son corps se figea alors que le reflet noir du vaisseau filant toutes voiles dehors en pleine tempête s'imprimait dans ses pupilles. Un instant. Rien qu'un instant. Se fut suffisant pour que la barre fasse un brusque écart. La grand voile avait été remontée mais les deux gabiers qui se battaient encore avec la misaine n'eurent pas le temps de s'accrocher. L'un d'eux gicla sans ménagement. De sa position, Koda ne pouvait pas voir qui, mais cela ne changeait rien. Ils faisaient tous parti de son équipage. Un hurlement de colère gonfla sa poitrine alors que le second, emporté par la voile relâchée par son collègue, glissait à toute vitesse vers le bois du gaillard. Une silhouette ficelée au bout d'une boutre sauta du hunier qu'elle venait de finir de fermer et l'intercepta deux bons mètres au dessus du pont. Ils dégringolèrent tout deux les escaliers et roulèrent contre le bastingage. Inconscients ? S'ils l'étaient la capitaine ne pouvait rien faire et elle devait se reprendre.  

La misaine pendait misérablement, sa traverse la laissant se promener comme le cœur lui disait, traînant quatre hommes qui essayaient tant bien que mal de la retenir et augmentant la vitesse du navire autant que cela rendait improbable sa trajectoire et risquait de le faire verser. Se secouant l'échine, elle ordonna aux trois matelots de tenir bon la barre alors qu'elle défaisait sa sécurité de corde pour sauter par dessus la rambarde et descendre sur le pont. L'Amaranthe avait vogué lors du Voile, elle ne se laisserait pas avoir pour si peu. Ce n'était certainement pas une petite tempête et un petit galion fantôme qui allait effrayer les marins les moins croyant qu'elle connaissait !  

Qui tirait les boutres. Qui terminait de s'arrimer. Elle manqua une prise, roula quelques mètres plus loin... Et dégringola les escaliers de la cale. A genoux dans l'endroit privé du vent violent, elle porta une main à sa tête le temps de se relever tout en reprenant ses esprits.  

« Balancez-moi une corde de six. Brul'Gueule ! » Ordonna-t-elle avec encore la main sur le front, ne se rendant pas forcément compte que le nain ne comprendrait pas qu'il s'agissait de lui.

Mais elle le repéra, à deux pas de là. Mal à l'aise comme au premier jour.

« C'est le moment de montrer que les nains ont des couilles. » Elle lui jeta l'épais cordage qu'on venait juste de lui apporter. «  Tu montes sur le pont et tu tiens la barre aussi droit que tu peux, aussi longtemps que possible. » Elle fit un pas vers le jeune mousse de treize ans qui les suivait depuis un an maintenant et posa une main forte sur son épaule. Le gamin était terrifié. « Will. Je veux que tu montes avec lui et que tu l'aide à amarrer. Après tu reviens ici, tu trouve le gamin et tu reste avec lui jusqu'à ce que ça se calme. Clair ? »

- Mais y disent qu'c'est le Croc du Wagyl ! C'ui là qu'à passé le galion de la reine Arsinoé par le fond !

« Tu m'braie Will ! » Le gamin rentra la tête dans les épaules sous l'assaut. « Tu crois plus en notre Amaranthe ? Je te rappelle, je vous rappelle à TOUS, que j'ai navigué pendant le Voile. Le Guet de Thaar. Les blocus péninsulaires. Ni les hommes ni les dieux ne peuvent empêcher MON Amaranthe de voguer. Et certainement pas un putain de mythe de vieux troufion alcoolique. Wagyl ou pas. Il ne verra de nous que notre pavillon pendant que nous nous le laissons sur place ! Alors, Will, tu vas te sortir les doigts du cul comme toute le monde et monter sur ce pont. »

- Oui Capitaine ! Lança le gamin sans arriver à savoir s'il était plus ou moins terrorisé qu'au départ.

Koda lui donna une petite tape d'encouragement sur la joue avant d'échanger un regard avec Patte-Folle. Elle n'eut rien besoin de demander. Elle en avait déjà parlé. Dans un cas comme celui ci, elle devait trouver Calel et Pietro et leur donner l'autorisation d'utiliser tout le goudron, tout le bois et jusqu'au plus petit objet en fer pour calfeutrer les fuites. A la place, Koda ressortit en courant, s'accrochant au bastingage pour gagner le grand mat et s'y amarrer. Sous la pluie, le vent, le tonnerre et la mer, on entendit qu'un ordre.

«  MISAINE TENEZ BON !  OUBLIEZ LE PALAN, ÉTARQUEZ LA GRAND VOILE ET TENEZ LE CAP !  AUJOURD'HUI ON SE FAIT UN LÉGENDE !! »



Jormgard, hébété, ne savait plus où mettre de la tête. Il devait se joindre aux marins, apporter son aide; c'était aussi sa propre vie qui était en jeu; et pourtant, rien à faire, il n'arrivait pas à bouger; ses jambes étaient paralysées. La terreur le glaçait sur place. Mais au fond de lui, un autre sentiment s'emparait de lui. Ses veines se réchauffaient, son sang s'enflammait, ses tempes bourdonnaient. La colère. La rage devant son inaction, devant son inutilité. Deux entités opposées qui se déchiraient pour prendre le contrôle de son corps. Un éclair retentit si proche qu'il sembla s'abattre directement sur l'Amaranthe; Jormgard eut l'impression d'être court-circuité et bondit sur place, le sourire aux lèvres. Mogar se déchaînait, et le Nain se nourrissait de sa fureur.

Koda déboula les marches et lui balança une corde. Sa bouche cracha quelque chose, un ordre sans doute, mais Jormgard n'entendit rien; c'était inutile, il savait ce qu'il avait à faire. Il sauta vers la porte, bouscula une silhouette blafarde au passage et enjamba les marches trois par trois. En déboulant dans la tempête, une violente rafale manqua le bousculer sur le dos. Jormgard n'avait jamais rien vu de tel. L'Amaranthe semblait si fragile au travers de ce chaos. Le ciel explosait, les vagues hurlaient, les planches gémissaient. Jormgard grimpa sur le pont et rejoignit les trois autres marins qui s'accrochaient à la barre aussi fermement que possible. Il banda ses bras et tira de toutes ses forces, sentant ses muscles brûler sous l'effort. Juste à côté de lui, beuglant à plein poumon, il reconnut Judo:

« Merde t'as pris ton temps! »

Pour seule réponse, Jormgard lui lança un sourire malsain. Judo écarquilla les yeux, mais il ne dit rien, trop occupé à ne pas basculer par dessus-bord. Justement, un jeune garçon eut à peine le temps de gravir la dernière marche qu'une nouvelle secousse ébranla l'Amaranthe et il perdit pied, son corps frêle percutant le garde-fou. Il tenta de se relever mais il glissa de nouveau et bascula par-dessus bord, son dernier cri noyé par la tempête. Tout se passa si vite, Julo n'eut même pas le temps de réagir. Il secoua la tête et jeta un coup d’œil à Jormgard. Celui-ci riait à gorge déployée.

Malmenée par les intempéries, bousculée par les vents autant que par les hommes d'équipages, T'sisra ne savait plus que faire d'autre à part s'accrocher au porche. Jusqu'à ce que l'un des marins se mettent à lui hurler de faire quelque chose.
Oui, il fallait se ressaisir. Les éléments étaient contre eux, autant que ce navire qui fendait l'écume dans leur direction, et quand bien même tout semblait perdu d'avance, elle n'allait pas passer de vie à trépas comme une pleutre.

Elle s'était engagée sur les pas du nain qui l'avait bousculé quelques secondes auparavant, approchant elle aussi de la barre, sur laquelle les quatre forbans tiraient de toute leur hargne. Puis s'en suivit les secousses, et ce rire fou et tonitruant. T'sisra était éberluée. Voilà donc ce que représentait une vie pour ce nain si craintif des morts. N'écoutant pas le moins du monde sa raison ni son instinct de survie, l'elfe à la peau de cendre se mit à courir en direction du rebord, se saisissant au passage de l'une des cordelles solidement harnachée au garde-fou, avant de sauter par dessus et disparaître à son tour des champs de vision.

Et de deux... Pensa la Capitaine. Une secousse l'empêcha cependant de se laisser aller à son pessimisme. Julo passait déjà en direction du bastingage. Si Will et l'autre elfe avaient la chance de remontés à la surface, les gars seraient là pour le faire. Mais foutre du ciel elle devait oublier tout ça et se concentrer. D'un mouvement rageur, elle planta son couteau dans le bois ruisselant du mat, se campa sur ses jambes à demies fléchies, étrangement stable sans le déchaînement des éléments, et ferma les yeux.

Tout semblait irréel, comme s'ils étaient tombés dans un rêve. Jormgard retint son souffle en voyant la Peau Noire sauter par-dessus bord; comme si, au travers de la tempête, elle se jetait directement vers la mort. Avec les vagues déchaînées qui menaçaient à tout moment de fendre le navire, Jormgard serait surpris de la voir remonter. Et pourtant, il avait le sentiment qu'elle resurgirait d'une manière ou d'une autre. Après tout, quelle sorte de créature était-elle?



Tout n'était que silence sous la surface. Sombre et calme, comme si la tempête n'avait jamais été là, comme si la fureur et la rage des éléments n'avait jamais pris possession de l'océan. Elle avait plongé en ignorant tout bon sens, et désormais le sel lui agressait les yeux, ses poumons lui commandait de battre des jambes et des bras pour retrouver l'air frais et salvateur. Et ses phalanges la faisait souffrir tant elle serrait cette corde, ce fil de vie qui l'empêchait de se perdre dans les eaux tumultueuses.

L'air s'engouffra dans ses poumons, quand le fracas de l'orage retentit à nouveau. T'sisra peinait à y voir clair, la vue brouillée, elle tournait la tête dans tous les sens sans apercevoir le mousse. Lui en revanche, il l'avait vue, et il donnait tout ce qu'il avait pour nager vers elle, à contre-courant.

- A l'aide ! J'suis là ! S'époumonait le gosse.

La daedhel tendait la main, sans savoir si elle le faisait dans la bonne direction. Elle sentit des doigts s'agripper aux siens. Enfin l'arcaniste l'aperçu, tout aussi désemparé qu'elle ne l'était. Leurs mains se frottaient sans parvenir à se saisir une fois pour toute, glissant l'une dans l'autre à chaque essai. Et tout fut très rapide, lorsqu'une nouvelle vague les sépara. L'océan ne cessait de creuser l'écart entre eux.

- Attrape ma main ! Hurlait la drow, si fort que sa voix s'enraillait. Attrape-là !

Plus les secondes passaient, et les dieux savaient qu'elles passaient vite, beaucoup trop vite, plus le garçon s’effaçait dans la nuit et les flots. Happé par un voile qu'on ne pouvait ni percer ni traverser. La nécromancienne resta interdite, incapable de faire quoi que ce soit. Impuissante face aux éléments. T'sisra pivota en direction du bateau. Elle n'avait pas lâché la corde, et y agrippa son autre main, pour se tirer au plus près de l'embarcation. Tous ses muscles semblaient brûler sous sa peau, tirant le poids de son équipement, tandis que l'eau glaciale ne semblait que vouloir les refroidir et les congeler.

Arrivée contre la coque de l'Amaranthe, elle entendit les voix des marins qui lui ordonnaient de s'agripper de toute sa hargne. Pas besoin de le lui dire eux fois. Sur le pont, quatre hommes tiraient déjà sur la corde, tandis qu'elle avançait à la verticale, les pieds contre le bois, pas à pas. On l'attrapa par les épaules et les cheveux, et tous basculèrent en la remmenant sur le pont. Et bien que cela n'était pas la terre ferme, elle n'avait jamais été aussi soulagée de sentir un sol stable, ou presque, sous son corps.

Jormgard, qui durant ce temps s'était agrippé contre la barre pour l'empêcher de bouger, n'en revenait pas de voir l'Inconnue toujours en vie. Devait-il se réjouir ou en être malheureux? Il était trop abasourdi pour savoir. Elle avait sauté par-dessus bord, au risque de ne jamais remonter, pour sauver un simple gamin. Une décision stupide. Mais Jormgard devait s'avouer impressionné. Rare était ceux assez fou pour affronter de pleine face la mort elle-même. Et sa respiration saccadée montrait que, pour cette fois, c'était elle qui gagnait.

Pendant qu'un groupe de marins s'activaient pour l'aider à se remettre sur pied, Jormgard et Julo étaient seuls avec la barre. Dans tout ce chaos, ils semblaient combattre la tempête. L'eau froide s'écoulait dans leurs cheveux, leurs visages, leurs yeux; ils n'en redoublaient que d'ardeur. Un éclair retentit: le ciel qui acclamait leurs efforts. Jormgard sourit.



Durant toute la manœuvre, Koda était resté plantée là, comme elle l'avait jadis fait pendant le Voile, pensant pouvoir stabiliser leur coque de noix et leur permettre de gagner une avance décisive dans cette affaire. Mais le temps qu'elle se mette en place, deux de ses hommes étaient tombés à l'eau... La douleur du coup de latte que son maître lui mettait derrière la tête lorsqu'elle se déconcentrait fusa à l'arrière de son crâne, crispant le haut de son dos. Bordel. Elle ne pouvait pas se permettre de risquer la vie de tout l'équipage pour deux imbéciles incapables de s'encorder. Elle expira en chassant la rage, l'angoisse et la peur. Les éclairs tombaient non loin. Le vent rugissaient. La mer grondait. Le tonnerre déchirait le ciel. Pourtant rien de tout cela ne devait existé. Peu à peu, un bourdonnement sourd écrasa ses tympans. Les courants contraires s'écrasaient sur sa peau avec la force des vagues déchaînées. La Sérénité. Elle devait trouvé la Sérénité.  

       Sa jambe gauche se leva. Le pied souple, le genou à angle droit. Le sol mouvant semblait vouloir se dérober sous elle mais la taille encordée et la main accrochée à la bâche qui entourait le mât, elle parvint par miracle à ne pas tomber. Le bourdonnement muta en vrombissement plus intense. Un chœur voix grave tenant la même note. Son pied nu s'abattit sur le bois mouillé. Une onde de choc silencieuse se répandit le long du pont principal, résonnant dans la poitrine des rescapés. Elle commença a battre une mesure lente et égale. Le navire gémit. Les voiles claquèrent. La pression sur le gouvernail fit un écart. Un éclat d'un bleu mouvant émana doucement du focalisateur de la navigatrice : sa lame. Une lueur hypnotique et changeante comme si le soleil avait brillé sous un océan balayer par les vents et que sa lumière filtrait à la surface.  

Okwatga soit avec elle car elle s’apprêtait à utiliser une astuce qu'elle développait depuis dix ans sans l'avoir jamais expérimentée en condition extrêmes...

Malgré cette pensée fugace envers l'esprit des Eaux Agitées, elle replongea bien vite au centre de son îlot de solitude, le visage dénué de la moindre émotion.  Concentrée sur les multiples sensations que lui transmettait sa peau et sur le monde de courants, d'ondes et de vagues qui se ruait sur elle, Koda, totalement immobile mis à part la jambe qui battait la mesure, avait à peine conscience du retour de T'sisra sur le navire. A peine... Mais suffisamment tout de même pour comprendre que Will, lui, n'était pas de retour sur le navire. La main sur le Grand Mât, elle sentait le bois de son navire pulser avec la même intensité que la lame d'os logée entre ses dents. Les pièces qu'ils avaient récemment changées, poncées ou rafistolées se dérobaient toujours à l'inspection subtile de la Capitaine. Depuis qu'elle s'était posté là, le temps semblait s'écouler plus lentement.

Du fond lourd et puissant des océans, elle retenait deux choses. Will ne serait plus. Tout comme un autre homme sans visage. Elle ne se demandait même pas le nom du disparut. Cela revenait au même. Chaque marin avait la même importance sur ce navire.

Alors elle allait faire ce qu'elle n'aurait pas du faire. Et elle devait le faire maintenant.

Réorientant doucement sa volonté pour attaquer la masse énorme sous un autre angle comme une anguille se faufile entre deux courants écrasants, elle frappa une fois de plus du pied. Une nouvelle pulsation silencieuse. Une vague luminescente et diaphane courue le long des veinures du bois sur le pond depuis l'emplacement de son pied. D'un côté, elle remonta le mât jusqu'aux nid de pie, de l'autre elle éclata sur le bastingage. Fugace. A peine perceptible. Sûrement une illusion. Un nouveau battement. Une nouvelle vague. Plus visible. Le navire gémit encore. Les bras de la Sourcière se mirent en mouvements, lâchant le mât qui luisait maintenant du même éclat aqueux que sa lame. Elle se campa sur ses jambes, continuant à battre le même rythme lancinant dans un équilibre précaire. D'abord hésitants, désordonnés, comme repoussés par des courants invisible, ses gestes faillirent l’entraîner vers le sol à plusieurs reprises.  

Puis le navire se stabilisa.  

Il tanguait, certes, mais ne risquait plus de verser à tout moment... Et il avait totalement cessé d'avancer.

L'un des bras de la capitaine s'immobilisa au même instant, l'autre fourrageant intensément l'air en de complexes ondulations. Ton son corps suivait le courant, donnant un aspect de danse tribal au rituel qu'elle accomplissait au son du rythme lancinant qui prenait le bateau au tripes.  

Trouver. Pousser. Libérer. Protéger. Sans écraser.

Elle avait fait son choix.  

Au lieu de donner l'impulsion qui permettrait à l'Amaranthe d'échapper au Croc, elle avait choisit de tenter de ramener ses hommes. Mais c'était risqué. Bien plus que de diriger le navire à la seule force de ses pouvoirs. Lorsqu'elle avait besoin de sauver des membres de son équipage, il était bien plus facile pour elle de plonger et de les ramener à bord. Là, ce n'était pas possible. Depuis qu'elle avait posé le pied sur un navire, la magie de Koda avait servi à créer des courants de plus en plus phénoménaux et à déplacer des quantités d'eau de plus en plus grande. Un travail en puissance et en mouvement. Force et fluidité. Mais la précision... La mesure... Tout en maintenant le navire au même endroit... C'était impossible.

Ou ça l'aurait été si elle n'avait pas passé les dix dernières années a tenter de faire de l'Amaranthe tout entier son focal.

A l'arrière du navire, une onde se propagea comme la nage d'un énorme serpent de mer. Une vague surgit, plus haute que le gaillard d'arrière, glissa le long de l'escalier et serpenta en cercle pour former une bulle sur le pont avant de retomber comme une marre, l'eau quittant l'embarcation par les saignées du bastingage. Au milieu, Jacasse était allongé sur le côté, entier jusqu'au foulard qu'il avait au cou. Il vivait... Pour l'instant. Le corps intact mais immobile, les poumons gorgés d'eau.  

Heureuse de ce premier succès, la navigatrice tendit le bras vers le côté où avait giclé Will... Trop heureuse... Une faille dans sa concentration. Une faille pour une quantité de magie dont elle n'avait pas l'habitude. Un craquement de bois se fit entendre dans les entrailles de l'Amaranthe. Le navire eu un sursaut. Un reflux de reflet bleutés passa le long de la coque, déferla sur le pont et passa à Koda à travers ses pieds, le long de ses jambes, de son bustes, pour éclater sur son visage et vers ses bras. Un hurlement strident s'échappa de ses dents serrées, se mêlant aux sifflements du vent de tempête. Elle parvint à ne pas laisser tomber sa lame. Le bras qui restait immobile flancha un peu. Elle dérapa. Son genou heurta le sol. La douleur... Son bras...  

Une bile au goût cuivré se déversa à ses pieds, souillant sa lange et sa lame sans qu'elle ne dessert les dents

Les esprits lui donnent la putain de force de se relever.  

Allez !

ALLEZ !

Sa jambe bougea. Elle se retrouva debout, repris le battement qui rythmait ses gestes et tendit immédiatement sa conscience vers le large, resserrant son emprise sur les courants autours de la coque. Le bateau retrouva immédiatement son calme, point fixe au milieu de la mer déchaînée. Puis, elle fila, plus rapidement encore, à la recherche de Will. Là. Sombrant, inconscient, descendant et montant au creux des vagues sans jamais atteindre la surface. Une langue d'eau salé l'arracha à son maelstrom en le tirant violemment vers le haut et vint le poser sur le pont comme son confrère... A ceci près que lui suffoquait, les yeux éperdus, une écume d'eau et de sang aux bords des lèvres. Poussé, tiré, heurté, le corps du garçon n'avait pas résisté à l'acte désespéré de Koda. Sa cage thoracique était enfoncée, ses côtes, peut-être brisées, appuyant sur ses poumons et tirant son diaphragme, le privant d'air. Quant à sa jambe droite, sa position étrange ne laissait aucun doute sur le fait que son genoux était totalement déboîté.  

Libérée de ses autres contraintes, Koda se dévolue tout de suite à la stabilisation du navire, le laissant cependant reprendre sa route pour gagner quelques secondes salutaires au devenir des deux rescapés. Elle devait faire confiance à son équipage à présent. Mais elle ne tiendrait pas longtemps, le reflux avait fait plus de mal qu'elle ne le montrait et il en ferait encore plus si elle continuait ainsi. Les lueurs ondines s'estompaient, déjà fantomatiques, elles en ressemblaient à de vagues lambeaux de brume blafards. De toute façon, la fatigue la rattraperait rapidement.

Quelque part, elle entendit la voix du Vieux bosco hurler avec son flegme habituel «  Les gars de Patte-Folle, vous vous occupez des rescapés. Les miens ont dix seconde pour être à leur poste. La Première Ligne va à l'armurerie. Pietro arme les scorpions. Et on se secoue les jambons !  »  


◈ ◈ ◈



La zurthane avait fait son choix. Et elle avait choisi pour tout le monde, certes on aurait pu la blâmer. Du moins certains le feraient certainement, quand d'autres pas du tout. Fallait-il cultiver l'état d'esprit qui vous amène à mourir seul ? Ou fallait-il préférer celui qui amène à mourir ensemble ? Dilemme ardu. Quoiqu'il en soit, tous allaient connaître très bientôt les conséquences de cette décision. Car pendant que les uns s'affolaient, que les autres se préparaient au choc et au combat, la gueule béante de la proue du Croc du Wagyl s’apprêtait à percuter de plein fouet la coque tribord de l'Amaranthe. Et à son bord s'élevaient les cris déments d'hommes armés et aux regards fous, se tenant debout dans la tempête et qui n'attendaient que de pouvoir goûter au sang de leurs victimes.

De son côté la deadhel s'était trainée sur le sol jusqu'au corps secoué de convulsions de jeune Will. Penchée au dessus, et faisant fi de danger qui arrivait, elle s'apprêtait à tout tenter pour le sauver.

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Dernière édition par T'sisra Do'ath le Dim 15 Oct 2017 - 4:54, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel)   La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel) I_icon_minitimeMar 12 Sep 2017 - 21:58

Il n’y avait qu’une chose qui comptait. Tout ce qui traînait autour de son esprit se vidait dans un gouffre, avalé par les cieux et la tempête. Aucune idée ne filtrait au-delà d’une simple action : maintenir la barre. Ses muscles gémissaient sous l’effort (ou était-ce lui?). Il semblait qu’une main fantomatique s’accrochait et le bousculait, mais rien n’y faisait; ses bras étaient aussi implacables que le roc. En ce moment, au milieu du déluge et des cris, c’était lui le maître de la tempête. La tête haute, l’étain de sa barbe et de ses cheveux volant au gré du vent, il défiait la nature et les Dieux. Étouffé dans l’œil de l’ouragan, Jormgard ne s’était jamais senti aussi libre; et il rugissait de plaisir.

Les hommes couraient, les hommes tombaient, les hommes pleuraient. L’Amaranthe s’était transformé en champ de bataille, l’écume et l’averse remplaçant le sang. Mais toujours cette même peur, irremplaçable, jamais bien loin. Cette même senteur âcre, ce même goût étouffant; les hommes transpiraient et puaient la peur. Une silhouette au centre du bateau, le pied dansant et la lame entre les dents, s’époumonait devant un public invisible – non – devant les Dieux eux-mêmes. Un spectacle de colère et d’insignifiance. Qui était-elle pour s’opposer à la fatalité? Dans l’abîme entre la réalité et le rêve, tout perdait son sens. Un marin arraché des flots s’écrasa contre le plancher à la manière d’un pantin désarticulé; le bruit creux de son corps se fracassant contre le sol ne laissait pas de doute sur son sort. Jormgard était pourtant convaincu de reconnaître ces frêles membres – malgré leur inclinaison anormale. Cela n’avait plus d’importance. Dans le chaos, l’identité s’effritait; ils n’étaient plus que chair et désirs.

Le moment était venu. Jormgard les avait aperçus au travers de la brume : des hommes aux yeux vitreux et aux silhouettes malveillantes; plutôt des bêtes enragées par le goût du sang. Des créatures ayant abandonné leur humanité en échange du massacre et de la destruction. Des loups fondant sur les agneaux. Aujourd’hui, ils mourraient tous aux mains d’une légende.

Jormgard était fébrile. Ce n’était pas tous les jours qu’on avait la chance d’assister à sa propre fin. Abandonné entre les mains du combat, il n’était plus l’Infâme, mais seulement une entité luttant jusqu’à sa dernière force pour ne pas disparaître. Les repères s’effaçaient, il ne restait plus que l’instinct, cette puissance voilée et silencieuse, pour guider ses actions. Plutôt que la peur, Jormgard sentait ses veines bouillir de fureur. Au-dessus de lui, Mogar l’accompagnait en se déchaînant. Il abandonna la barre et descendit une volée de marches. Dans un coin gisait le corps inanimé du rescapé et, agenouillé devant lui, un individu qu’il reconnut aussitôt.

« Relève-toi wazzock! » cria-t-il en mettant sa main sur son épaule. Ses cheveux de jais étaient encore trempés. « Il est mort; rien à faire, il se relèvera pas! » Quoique, avec elle on ne savait jamais. Jormgard frappa le cadavre de sa botte dans un élan de frustration. Quelle absurdité de chérir un mort lorsqu’ils risquaient tous de bientôt le rejoindre.

Pas de temps à perdre; Jormgard fondit vers l’armurerie, bousculant sans hésitation ceux qui entravaient son chemin. C’était sa chance. Mogar, éternel observateur, curieux devant cet insecte s’acharnant sur son destin. Son moment de rédemption. Si ce combat était son dernier, alors il s’assurait que la flamme de son existence exploserait jusque dans les cieux.
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MessageSujet: Re: La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel)   La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel) I_icon_minitimeMar 19 Sep 2017 - 0:01


Ainsi étaient les marins, comme les soldats de secondes lignes, la peur au ventre, ils y allaient quand même. Droit sur le pont, le vieux bosco gueulait. La boule au ventre, les geste précis, la vision étrécie, chacun œuvrait à son poste avec le plus grand sérieux, la stabilité du navire rendant leur course bien moins périlleuse que précédemment. Aujourd'hui, le capitaine n'avait pas put faire de harangue fulgurante, mais l'équipage ne formait qu'une seule entité, elle l'avait prouvée par le geste. Sous l’œil agar de ceux qui avaient été charger de venir s'enquérir de l'état des deux rescapés, le nains avait bondit pour foutre un coup dans les flancs de celui qui semblait en meilleur état. L'un des matelots l'insulta copieusement, ne recevant pas une œillade ni un geste en retour tandis que son comparse se penchait sur l'inanimé... qui n'était plus si inanimé que ça puisqu'il se trouvait en train de cracher ses poumons, se tenant les cotes à l'endroit ou le nain l'avait frappé.

" Bordel Jacass! Tu nous a fichu une de ces trouilles ! " gueula le plus proche en forçant le gaillard à se pencher en avant pour qu'il puisse vomir l'océan et les poissons qui l'empêchaient de respirer.

Dans les entrailles du navire, une autre guerre était en cours pour maintenir la coque intacte et la cargaison rivée. Ilan était blotti dans un coin de l'infirmerie que son principal occupant surveillait assidument pour éviter tout gaspillage de matériel tout en se préparant à palier aux pires blessures, ici ou à la surface.

Sur le pont, Koda avait renoncer à ses plus folles ambition, gardant seulement l'Amaranthe suffisamment stable pour que ses hommes ne risques plus de verser à tout moment et soufflait un peu, comme une marche rapide entre deux sprints lors d'un marathon. Jormgard ayant quitté son poste, la barre ballottait, navire menaçant de présenter son flanc au mirage qui les poursuivait si les matelots qui se battaient contre les courants ne parvenaient pas à maintenir le cap. Dans la pluie, le vent et les vagues, l'autre embarcation arrivait dangereusement proche. S'ils avaient des scorpions, il ne tarderaient pas à tirer. Si seulement ils avaient un peu plus d'allonge que l’ennemi... Cela aurait put tout changer.
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MessageSujet: Re: La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel)   La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel) I_icon_minitimeJeu 28 Sep 2017 - 3:18

Automne, Kÿrianos, deuxième ennéade de Barkios, an neuf, onzième cycle.


A mesure que le Croc du Wagyl approchait, les chants guerriers de ses marins couvraient bientôt le tumulte des vagues furieuses, le fracas des éclairs et le tambourinement incessant de la pluie. Alors les hommes de l’Amaranthe surent. Rien ne servait de fuir l’inéluctable. D’ici quelques instants, le choc des bâtiments allait ébranler les coques et sonnerait comme le clairon d’une armée avant la charge.

L’on préféra dégainer ses armes, et l’un des contrebandiers commença lui aussi à entonner un air. Un air qui donnait du courage et soudait les marins entre eux, un air qui leurs faisait penser à autre chose qu’à l’âpre combat qui s’annonçait, car s'échangeaient encore quelques sourires confiants. Les autres reprirent, poussant la chanson à l’unisson, en réponse à l’orchestre ennemi.

Hooo… Les gars lâchez la grand voile,
La merdaille approche, ça m’en hérisse le poil !
Feriez bien d’sortir vos épées,
Et c’est pas du mousseux qu’on va sabrer !

Hooo… Les gars laissez les huniers,
V’nez dare-dare ca va barder !
Par Tyra, tout l’monde sur l’pont
Y a un rafiot à envoyer par l’fond !

De tous les cam’rades que j’ai eu,
C’est bien vous qu’êtes les meilleurs !
De toutes les batailles que j’ai vécues,
J’ai pas souvenir d'pareils bretteurs !




De son côté, la daedhel, au prix d’un ultime effort de concentration, finit enfin par faire le vide et oublier ce qui l’entourait. Elle ne tremblait plus sous les coups assourdissant de l’orage, et n’entendait pas non plus les chants des marins. L’arcaniste contint même sa fureur lorsque le nain, qu’elle s’était imaginée étriper sur place, avait mis un coup dans le corps du jeune mousse, dont les convulsions se faisaient de plus en plus espacées. Elle avait rassemblé ses moyens, arraché le chemisier du gamin et apposé ses mains sur cage thoracique enfoncée. Comme un potier moule une jarre, T’sisra appuyait et façonnait l’ossature frêle du jeune mousse dont les râles et les gémissements s’étaient mus en des hurlements de douleurs. Sa peau se torturait sous les mouvements des ses os, son cœur battait à tout rompre et ses veines gonflaient, mais il parvenait enfin à inspirer.

Mais déjà la secousse ébranlait tout le navire. Coque contre coque, des parties entières des garde-fous volaient en éclat, des assaillants se jetaient des hauteurs agrippés à des cordes, d’autres passait simplement par-dessus les parapets ou les débris. Les premiers tintements de lames qui s’entrechoquent retentirent alors que les chants cessaient pour laisser place aux cris guerriers des belligérants.
T’sisra n’eut d’autre choix que de tirer le gamin vers la cale, d’où elle entendait des ordres se crier concernant la coque endommagée. Impossible de faire plus pour le moment, et s’occuper de son genoux n’était même pas envisageable dans ces conditions. Elle descendit les escaliers comme elle put, en trainant un Will gémissant à chaque marche, fourbi de douleurs éparses dans le torse. La daedhel l’installa derrière des sacs de toile, pour le cacher des yeux d’éventuels agresseurs, et espérait qu’il tiendrait le coup alors qu’elle tournait déjà les talons.

Spoiler:

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MessageSujet: Re: La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel)   La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel) I_icon_minitimeMar 10 Oct 2017 - 21:37


Ce ne fut pas en levant le regard vers le ciel que Calel sentit la tempête arriver mais dans le regard des vieux loups de mer et dans l'agitation qui saisit rapidement les autres marins. Aussitôt, avec l'accord du Capitaine, il avait pris Ilan par la main et l'avait conduit à l'infirmerie où il demanda à Jonas de veiller sur lui. L'homme plutôt austère était le seul à avoir des soupçons sur le péninsulaire. Pourquoi ? A cause du réseau qui lui avait permis de trouver un médecin alchimiste pour l'Amaranthe. Certes, il pourrait tout aussi bien faire partie de ces quelques personnes qui n'avaient aucun lien avec la magie et qui venaient en aide aux mages ou que l’on croyait l’être mais, à travers quelques conversations bien orientées, il avait sentis que le forgeron ne cherchait pas à protéger uniquement son fils. Calel n'avait aucune raison de se méfier du médecin de bord, ils avaient vécu la même persécution, bien que celle de Jonas soit injustifiée. Et pourtant... Il avait été incapable de lui révéler son secret. Et l’alchimiste avait l’amabilité de ne jamais lui poser la question directement.
Il lui faisait néanmoins confiance en ce qui était de prendre soin d'Ilan. Le jeune garçon s'était montré curieux et Jonas prenait le temps de répondre à ses questions. Il avait été un peu méfiant au début et semblait toujours aussi lugubre mais une légère lueur pointait désormais à chaque fois qu'il parlait à l'enfant. C'était donc l'esprit tranquille que Calel retourna à son poste après avoir serré son fils dans ses bras.

Dans la cale, Pietro et lui ne chômèrent pas une seconde. Même d'ici, ils savaient que la houle dépassait régulièrement la hauteur du pont. Ils le voyaient aux infiltrations dans la coque du navire. Ils allaient et venaient rapidement, restant à l'affût de chaque fuite pour les colmater avec une bonne dose de goudron, cherchant les faiblesses de l'armature et de l'habillage avant de trouver comment la renforcer en toute hâte. Un bout de bois cloué en travers, voilà qui permettrait de voir venir jusqu'à la fin de la tempête dans la majorité des cas. Comme ils restaient presque toujours séparés pour gagner du temps, Calel se retrouvait régulièrement seul et, il devait bien l'avouer, il utilisait rarement son marteau dans ses cas-là... Car il en profitait pour user discrètement de sa magie. C'était moins fatiguant et bien plus efficace. Bien que toutes les rustines tiendraient jusqu’à la fin de l’intempérie.

Enfin... C'était ce que pensaient les deux calfats qui ignoraient encore qu'une attaque se préparait...

-CALEL !!! Appela une voix un peu lointaine et à demi couverte par les assauts des vagues sur la coque.
-JE SUIS LA. Répondit l'intéressé en se relevant.
-LA CAP'TAINE TE D’MANDE SUR LE PONT. Poursuivit la voix, un peu plus proche.
-J'ARRIVE !

Calel posa sa boîte à outils et fit un signe de tête entendu à Pietro qui était justement en train de revenir vers lui quand le marin s'était mis à portée de voix. Il fila ensuite en vitesse, retrouvant sans aucun mal le chemin menant sur le pont. Cela faisait maintenant deux mois qu'Ilan et lui faisaient partie de l'équipage. Il avait bien été prévu de les déposer en Zagazorn, seulement les frontières étaient fermées depuis peu. Il leur était désormais impossible d’y débarquer comme convenu. Il leur avait alors fallu réfléchir à leurs différentes options. Hors de question pour eux de retourner là d’où ils venaient. On accepterait un mage dans le Sud de la Péninsule mais un enfant blanc aux yeux rouges, il y avait peu de chances. Ils ne restaient que peu de solutions aux Mehntior. Une seule en réalité : L’Ithri’Vaan. Où exactement, c’était une autre question qu’ils n’avaient pas vraiment eu le loisir de se poser dernièrement.

Arrivé sur le pont, Calel évita de justesse une mauvaise chute à cause des marches totalement détrempées par la pluie et les vagues qui arrosaient abondamment le plancher. Des yeux, il chercha le Capitaine pour prendre ses instructions mais ce qu’il vit le fit s’arrêter et froncer les sourcils. L’arme tendue en l’air luisait, éclairant le mât à proximité. Prêtant attention autour de lui, la tempête ne lui semblait pas aussi violente que dans la cale. S’était-elle tempérée ? Regardant à l’horizon, il constata bien vite que ce calme apparent se cantonnait aux abords du navire. Une secousse fit vibrer et tanguer le bateau et Calel se rattrapa comme il put à un cordage pour ne pas tomber. Posant à nouveau les yeux sur Koda, la réponse lui apparut aussi limpide que de l’eau de roche. Elle venait de perdre sa concentration en voulant s’occuper d’autre chose. Déjà, les flots s’apaisaient de nouveau alors que le visage de l’officier se vidait de toute expression.
Une mage… Il était bien plus surpris de le découvrir que le fait qu’elle n’en ait jamais parlé. Ni elle, ni les autres d’ailleurs. Un peu normal. Il était Péninsulaire après tout. Et il était bien placé pour savoir ce que la majeure partie des siens pensaient de cet Art.

Tandis qu’on remontait les rescapés à bord, le Vieux bosco donnait ses ordres. Une fois de plus, Calel découvrait la situation. Il n’était désormais plus question de se soucier de la tempête mais d’une seconde menace autrement plus sérieuse. Voyant tout le monde se mettre au branle-bas de combat, le forgeron regarda sur l’autre bord. Ce ne fut qu’à ce moment-là qu’il aperçut le navire qui arrivait sur eux.

“... Pietro arme les scorpions…”

Pietro ?... Mais il était toujours dans la cale…
Soudain, Calel fut pris d’un sursaut et fit volte-face. Prenant appui de chaque côté de l’escalier étroit, il le descendit en un saut et courut vers la trappe menant au niveau inférieur, descendant l’escalier suivant de la même manière. Il se précipita vers le dernier endroit où il avait vu le calfat et l’aperçut alors qu’il venait justement dans sa direction. Il l’avisa en une phrase de la situation et tous deux remontèrent sans plus attendre.
Deux niveaux plus haut, alors qu’une silhouette achevait de monter l’escalier donnant sur le pont, un râle attira l’oreille de Calel tandis que Pietro filait droit devant. Le forgeron s’arrêta net en découvrant le pauvre Will vivant mais salement amoché. L’état de sa jambe faisait peur à voir… Sans même réfléchir, il s’avança vers lui.

-Will ! Est-ce ça va ?
-J’ai mal, M’sieur…

Sacré William… Jamais Calel n’était parvenu à le faire appeler par son prénom. Apparemment, il voyait en lui non seulement l’autorité paternelle mais aussi le noble qu’il n’était pourtant plus depuis plus de vingt ans.

-Je vais chercher le médecin. Ne t’en fais pas.

Aussitôt, Calel repartit dans l’autre sens et descendit une fois de plus les escaliers à toute vitesse. Il déboula dans l’infirmerie, attirant l’attention de Jonas en train de rassurer Ilan.

-Will a besoin de vous. Et d’autres, bientôt.

Sans chercher en en savoir plus, Jonas prit sa trousse des premiers soins et se dirigea vers la porte. Calel allait le suivre mais tous deux furent arrêtés par le jeune garçon.

-Papa ! Qu’est-ce qu’il se passe ?

Le forgeron se tourna vers son fils, prêt à lui répondre. Mais il le regarda plus attentivement et réalisa qu’il était mort de peur. Il échangea un regard avec Jonas avant de revenir sur Ilan. Il était intelligent et courageux. Il comprendrait bien assez vite ce qu’il se passait mais il pouvait tenir le choc.

-Nous sommes en pleine tempête. Koda est mage et a stabilisé le navire mais nous sommes sur le point de nous faire aborder.

Un voile de peur passa dans les yeux d’Ilan alors que la situation passait du stade “dangereux” à celui de “critique”. Soudain, un choc violent secoua tout le bateau, forçant les trois apprentis marins à se raccrocher à tout ce qu’ils pouvaient. Jonas parvint à rester debout en se retenant au montant de la porte tandis qu’Ilan n’avait plus que la prise de ses mains sur la poignée d’un meuble haut pour le maintenir à la verticale. Calel, de son côté, avait perdu l’équilibre et le haut de son dos était venu frapper le mur à côté de la porte. Désormais assis et très légèrement sonné, il sentit la main de Jonas lui saisir l’épaule.

-Ca va ?
-Ca va. Répondit-il alors qu’il reprenait ses esprits avant de commencer à se relever.
-Ilan, tu sais où sont les réserves de bandages, d’anti-douleur et les autres onguents que je t’ai montré. Tu vérifies qu’il y en a bien dans toutes les panières accrochées aux lits. Je veux qu’ils soient tous équipés en abondance, compris ?

Le jeune garçon acquiesça d’un signe de la tête et se mit au travail après avoir jeté un dernier regard à son père désormais debout. Calel observa un court instant son fils se mettre à l’ouvrage, un discret sourire de fierté se dessinant sur ses lèvres. Il savait que Jonas avait probablement préparé un maximum de choses en vue d’accueillir des blessés en cas d’attaque. Il savait donc pertinemment qu’il lui avait demandé ça pour l’occuper et lui permettre de se rendre utile. Une fois la porte fermée, il le lui fit savoir.

-Merci, Jonas.

L’alchimiste ne lui répondit rien et grimpa l’escalier. Calel le laissa se rendre au chevet d’un pauvre Will dont il indiqua la position en passant puis il grimpa enfin le dernier escalier menant sur le pont. L’attaque avait déjà commencé. Pietro était arrivé juste à temps pour reprendre la direction des scorpions et œuvrait à grand cri avec ses hommes. De son côté, si le forgeron savait que sa place était sur le pont, il ne savait pas vraiment quoi faire. Il n’avait jamais fait de mal à personne. Il défendrait sa vie s’il n’avait pas le choix mais il peinait à se dire qu’il devrait en arriver à tuer quelqu’un… Il n’avait jamais réalisé qu’en voyageant de cette manière il serait confronté à ce genre de situations tôt ou tard… Mais ce n’était plus vraiment le moment de méditer sur le sujet.

Un bruit sourd et métallique résonna près de lui et Calel fixa son regard, jusque là perdu dans les méandres des combats éparses, pour apercevoir un des jeunes membres de leur équipage à terre. Son arme lui avait échappé dans sa chute et un homme s’avançait vers lui, le regard noir. Alors que le marin reculait pour tenter vainement d’échapper à son opposant, Calel se saisit de l’épée abandonnée et se précipita. Il intercepta le coup mortel juste à temps, le pirate ne l’ayant même pas vu venir tant il était absorbé par sa proie. Les deux adversaires découvrirent l’intrus, l’un avec soulagement et l’autre avec colère. Le forgeron soutint le regard plein de haine de l’assaillant. Entre lui et son jeune camarade, il n’hésiterait pas une seconde. Et, curieusement, il n’avait pas peur des armes.
Puisqu’il ne pouvait plus s’en prendre librement à sa victime, le pirate n’avait pas d’autre choix que de se débarrasser d’abord du gars qui était venu l’emmerder. Il retira son arme et fit un pas en arrière pour jauger son nouvel adversaire pendant quelques secondes. Face à lui, Calel attendit patiemment qu’il est terminé, profitant de cette occasion pour rassembler sa concentration. Sa magie lui serait utile pour tenir bon durant cet assaut.

Finalement, le pirate attaqua dans un cri. Calel para et esquiva ses premières tentatives, repoussant légèrement la lame de son ennemi lorsqu’elle venait trop près de lui. Il donna bien trop vite l’impression d’être intouchable… Pourtant, il était clair qu’il n’avait encore jamais vraiment manié une lame. Il savait comment la tenir, il savait l’utiliser, presque comme quelqu’un qui aurait été formé. Mais tout ce que Calel pouvait utiliser pour s’aider, il l’avait appris enfant ou en forgeant des armes. Son sens de l’équilibre au combat était plutôt bancal et sa technique assez médiocre. Pourtant, le pirate ne parvenait pas à l’atteindre. Le forgeron se répugnait encore à le frapper directement et se contentait de jouer la défense. Pourtant, il fallait bien qu’il finisse par se défaire de son assaillant… Après plusieurs passes d’arme, il trouva une ouverture. L’homme tournait le dos à la balustrade qui n’était qu’à un pas. Calel le surprit en attaquant enfin. Au début, ses tentatives étaient plutôt timides mais il redoubla d’efforts, forçant le pirate à reculer. Il le repoussa tant et si bien que les talons de son adversaire vinrent toucher un épais cordage enroulé à cet endroit. Une dernière attaque, le forgeron renvoya la lame qui s’opposait à lui vers le haut puis vers l’arrière. Un soupçon de magie lui impulsa un peu plus d’élan encore et le pirate perdit l’équilibre. Il bascula vers la balustrade puis dans le vide dans un cri qui s’éteignit lorsqu’il atteignit la surface de l’eau.
Il n’était pas mort mais Calel s’en était débarrassé. C’était tout ce qui comptait. Alors, il se tourna vers le jeune marin qui achevait de se relever. Ce dernier voulut parler mais il le coupa aussitôt, lui rendant son arme avant d’aller s’en chercher une bien à lui. Il n’avait pas besoin de le remercier… Mais le marin ne pouvait que ressentir de la gratitude et un peu d’admiration pour le courage et le flegme de son camarade pour qui s’était le premier abordage.
Enfin, il aurait bien le temps de lui dire merci plus tard. Ce n’était pas vraiment le moment.

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Jormgard l'Infâme
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MessageSujet: Re: La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel)   La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel) I_icon_minitimeDim 29 Oct 2017 - 22:43

Une salve de scorpions bourdonna en filant dans l’air, explosant dans une étincelle de débris. Le Croc du Wagyl serpentait sur les eaux, comme si, à la vue de sa proie, l’effigie de sa proue prenait vie. À l’approche de l’Amaranthe, il ne ralentit pas; au contraire, il semblait accélérer, sur le point de bondir pour y planter ses crocs. Plusieurs marins s’agrippèrent au bastingage, convaincu pendant un instant de voir le navire être pulvérisé par l’impact; l’Amaranthe trembla pendant une secousse, menaçant de s’écrouler, mais tint bon; il lui en faudrait plus que ça. Les pirates n’eurent aucune hésitation; ils sautèrent sur le pont en poussant leurs cris barbares.

Les uns s’élançaient, les autres hurlaient, le spectacle de la vie et de la mort pouvait enfin commencer; Jormgard émergea dans ce chaos l’excitation au ventre. Il appliqua le plat de sa lame contre son front; la fraîcheur du métal lui arracha un gloussement. Tant d’années, tant de combats, et pourtant, il lui semblait ressentir toujours ce même sentiment. Cette fureur glacée, qui ne le quittait jamais vraiment, et qui finissait toujours par resurgir; des braises froides, elle projetait ses ombres sanglantes. Durant toute sa vie, la mort n’avait jamais été bien loin – Dharkhangron, les ténèbres en dessous. Sa flamme vacillante ne parviendrait jamais à repousser cette obscurité; une plaine désolée, condamnée à la pénombre. Et pourtant, seule une lueur pour éclairer cette ruine : sa propre ténacité. Pas la puissance du corindon, ni la brillance du cuivre, encore moins la noblesse de l’azurite. À la place, un basalte vif et terne. Ce gris qu’on observe avec indifférence, l’esprit vide : une vie sans intérêt, qu’on regarde avec la même pitié que la fourmi qu’on vient d’écraser. Son père mort par sa faute, sa mère morte pour lui, lui-même mort de sa propre main. Une ombre sans destin, sans existence; et pourtant, une vermine que l’on écrase, mais qui revient inexorablement; impossible à se débarrasser.

Jormgard sourit, la joie ayant abandonné ses traits depuis de nombreuses années.  

L’espace d’une vie rassemblée en quelques instants; toujours ces mêmes réflexions. Le temps était venu d’affuter sa lame contre les bras du destin. Au-dessus, loin des regards, Mogar aboya son impatience, déchirant le ciel d’un éclat doré. L’Artisan voulait mettre sa création à l’épreuve.

Du coin de l’œil, Jormgard aperçut une silhouette qui fondait sur lui. L’homme, le crâne rasé et le visage fruste, portait un lourd manteau de cuir qui masquait sa faible corpulence; ses yeux exorbités rappelaient ceux d’un animal furieux; sa main serrait une lame simple, mais tout aussi meurtrière. D’un pied maladroit, le pirate bondit en hurlant quelque chose, des insultes sans doute, mais son bras ne rencontra que le vide, son adversaire ayant disparu. Il fit volte-face, frappant à nouveau de toute ses forces, mais cette fois, ce fut son sabre qui semblait avoir disparu, ainsi que la main qui la serrait : elle s’était détachée de son bras et gisait au sol. L’homme regarda d’un œil inquiet son moignon sanglotant; il n’eut pas le temps de s’en soucier, puisqu’un problème plus important le préoccupait; son ventre semblait s’alléger pendant que ses tripes s’en échappaient. Dans un ultime effort, il ramena son autre main vers lui, mais le fardeau était trop lourd, et il s’effondra.

Jormgard s’avança vers un autre pirate qui lui tournait le dos; il agitait avec frénésie sa courte épée pour tenter d’atteindre un marin qui, en reculant, faisait de son mieux pour éviter le tranchant mortel. Dans un nouvel élan, le pirate sentit avec soulagement sa lame transpercer la chemise du marin pour glisser dans sa chair; le malheureux couina en tombant sur le dos, les doigts mouillés par le sang s’échappant de sa blessure. Il s’approcha pour lui asséner le coup fatal, lorsqu’une douleur soudaine lui arracha un cri en traversant sa cuisse, le poussant à genoux; du tendon rompu s’écoulait une giclée noire et chaude. Il voulut se relever, mais une pression froide dans son flanc lui coupa le souffle; il s’affaissa en gémissant. Jormgard s’approcha du marin étendu à ses pieds; grelottant et blême, il lui lançait un regard suppliant, sa poitrine désormais recouverte de son propre sang. Jormgard sentit un rictus lui tordre les lèvres pendant qu’il l’examinait d’un œil distrait. Tout était si faible, si fragile; une moisson n’attendant que la caresse froide et infatigable de la faux. Jormgard se détourna en haussant les épaules. Pourquoi sauver les uns s’il n’était jamais parvenu à se sauver lui-même?

Un nouvel éclat explosa dans le ciel : la tempête semblait prendre vie; plutôt que de se calmer, elle redoublait d’ardeur, comme pour rivaliser avec le chaos d’en dessous. Devant lui se débattait une silhouette familière. Il ne put empêcher qu’un rire rauque, s’apparentant davantage à un grognement, ne s’échappe de sa gorge; tous au bord du gouffre, basculant d’un bord et de l’autre, dansant sous le chapiteau d’un destin impitoyable.
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T'sisra Do'ath


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MessageSujet: Re: La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel)   La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel) I_icon_minitimeDim 4 Fév 2018 - 4:27

Automne, Kÿrianos, deuxième ennéade de Barkios, an neuf, onzième cycle.


Le temps de remonter les marches depuis la cale, que le seul maître du pont de l’Amaranthe était désormais le chaos. Les marins et les pirates se hurlaient dessus, leurs épées s’entrechoquaient et leur sang s’étendait sur le pont. La tempête semblait ne pas vouloir se calmer, au contraire, comme le spectateur de l’arène, toujours plus excité et qui s’époumone à chaque coup porté, les cieux se déchiraient de zébrures éclatantes dans le fracas du tonnerre. Et la daedhel ne manquait pas de tressaillir à chaque grondement émit par les nuages noirs. Mais l’heure n’était pas aux jérémiades, car la bataille faisait rage et la matière première commençait à abonder. La daedhel prit une grande inspiration, tachant d’occulter de son esprit le jeune homme qui devait souffrir le martyr en fond de cale. Elle se donnait désormais tout entière à la bataille qui se déroulait.

Il lui fallait mettre de la distance entre elle et les combats. T’sisra s’élança sur le pont détrempé, où le sang et les trombes d’eau se mêlaient. Son regard passait sur les mourants et les cadavres. Des renforts. Ils seraient, tous autant qu’ils étaient, de nouveaux combattants. Bientôt ils reprendraient les armes pour défendre l’Amaranthe.

La nécromancienne commençait d’ors et déjà à psalmodier dans sa langue natale. Des paroles gutturales, empreintes d’une malévolence qui font trembler les vivants. Son pas ralentissait à mesure que ses yeux se révulsaient, finissant par s’immobiliser pour dessiner dans l’air des formes que personne, à part elle, n’était en mesure d’appréhender. Il lui fallait puiser largement dans ses forces et ses réserves, mais déjà un premier cadavre, encore chaud et sanguinolent, se mit à tressauter. Ses deux voisins firent de même, et ensemble ils se redressèrent. Le regard sans vie, ces pirates animés d’une rage d’outre-tombe retournaient leurs lames contre leurs anciens compagnons, occasionnant chez ces derniers autant d’incompréhension que de terreur.

« Nécromancien ! Nécromancien ! » Beugla l’un des assaillants qui se trouvait encore sur le Croc du Wagyl.

La prévention eut pour effet de stopper net ceux qui s’apprêtaient à aborder. Ils se mirent à scruter le pont de l’Amaranthe avant l’apercevoir dans le fond. Les larmes de sang qui roulaient sur ses joues, les veines noirâtres qui battaient sous sa peau gris pâle, la noirelfe s’était entourée de deux autres pantins d’os et de chair.


Spoiler:

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MessageSujet: Re: La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel)   La brutalité des flots et des légendes. (Koda, Jormgard, Calel) I_icon_minitimeSam 10 Fév 2018 - 19:50

Un immense nuage sombre se mit à gonfler, plus noir que l’abysse, engloutissant l’entièreté du ciel dans ses ténèbres les plus totales. Seuls les éclairs dorés traversant sa surface parvenaient à illuminer sa parfaite noirceur. Rien de cela n’était naturel, Jormgard n’avait jamais rien vu de tel. La pluie toujours aussi abondante martelait le crâne des combattants, étouffant leurs hurlements sous des volées incessantes de traits diluviens.

Au centre de la mêlée, sous les étincelles du choc des lames, sous le sang s’échappant des membres ciselés, des silhouettes immobiles se mirent à tressauter, parcourus de spasmes. Jormgard écarquilla les yeux, saisi d’effroi. Quelque chose s’emparait des carcasses : leurs jambes raides s’agitèrent, leurs bras maigrelets se secouèrent, leurs visages défigurés grimacèrent. Jormgard voulut détourner les yeux, mais figé sur place, son corps ne lui obéissait plus, son regard médusé par ce spectacle abominable. Rien de cela n’était réel. Et pourtant les formes continuèrent à s’élever, possédés d’une fièvre monstrueuse qui rythmait leurs mouvements saccadés, inhumains; une épaule déboîtée pivota pour se remettre en place, une jambe fracturée dans un angle improbable se tourna. Rien de tout cela n’était réel, ses tempes bouillonnantes lui brouillaient l’esprit, il avait perdu la tête, un haut-le-cœur lui serra la gorge.

Ces abominations, leurs corps difformes, suspendus sur des jambes tremblotantes, se détournèrent machinalement vers le Croc du Wagyl, leurs griffes repliées sur des sabres aux lames rougeoyantes, dégoulinantes. Les pirates qui s’apprêtaient à franchir le bastingage, stupéfaits, terrifiés, reculèrent, leurs lèvres décrivant des prières qui se perdirent dans le vacarme de la tempête.

Une main agrippa son épaule, Jormgard sursauta. Morgan, le visage souillé de sang, le secouait.

« Ressaisi-toi merde! »

Jormgard n’y arrivait pas, son corps glacé par l’horreur ne bougeait plus, il contemplait l’irréel, l’indescriptible. Plus rien n’avait de sens. Toute cette fureur qui l’habitait l’instant d’avant s’était complètement dissipée, balayée par l’effroi qui envahissait son être, le vidant de ses forces. Partout autour de lui des hommes criaient, s’effondraient, mourraient; maintenant leurs dépouilles s’animaient d’une volonté nouvelle, étrangère à leurs souffrances du moment précédent, de leur horrible agonie. Des damnés revenus d’entre les morts pour renouer avec une vie qui leur fut injustement arrachée. Toutes ces histoires étaient donc vraies. Jormgard secoua la tête, il ne pouvait y croire, il ferma les yeux.

Quelque chose le percuta, le projetant au sol. Il releva la tête : Morgan brandissait son épée dans les airs, repoussant une menace que Jormgard ne pouvait pas voir. Il prit une grande inspiration, il devait se lever, il n’avait pas le choix. Il ne pouvait pas mourir, il n’avait pas le choix. Mogar ne le permettait pas.

Il saisit la poigne de sa lame, beaucoup plus lourde qu’il se rappelait, et se releva, sa cuirasse paraissant tout aussi alourdie contre ses épaules

Un éclair détonna dans le ciel. Jormgard s’élança vers Morgan; dos à lui, il étreignait un pirate, donnant l’allure de serrer dans ses bras un ami de longue date, si ce n’avait été du pauvre qui, la bouche grande ouverte, hurlait à mesure qu’une épée lui poignardait le dos. Le corps s’effondra et Morgan recula en titubant, les mains complètement trempées.

Jormgard tourna son attention vers le pont où les combats continuaient. L’effervescence semblait avoir diminué, de nombreux cadavres parsemaient maintenant les planches, étendus dans la moisissure et l’humidité, des visages familiers, d’autres qui lui étaient inconnus. Au-dessus, certains poursuivaient leur lutte pendant que d'autres tombaient. Dans un coin, il aperçut une silhouette immobile qu’il reconnut aussitôt, ses cheveux aussi noirs que le ciel, la seule témoin d’un spectacle qu’il ne pouvait pas voir, ses deux mains pâles décrivant des mouvements confus tandis que ses lèvres remuaient inlassablement, absorbées dans une transe. Alors il comprit. Autour d’elle, deux nouveaux corps, fraîchement désincarnés, se dressaient de chaque bord de ses épaules. L’Étrangère créait ces abominations.

Quoi faire? Elle était dans son camp après tout, pour le moment en tout cas. Un frisson le parcourut, ses jointures blanchirent contre la poignée de sa lame. Il devait faire quelque chose, arrêter cette folie. Il ne pouvait pas, ses jambes ne lui obéissaient plus. Du coin de l’œil, il eut à peiner le temps de lever son épée qu’un pirate se jeta sur lui.
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