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 [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}

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Telenwë Neraën
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Telenwë Neraën


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MessageSujet: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeLun 18 Sep 2017 - 22:20


Elenwënas de la quatrième ennéade de Favriüs, dixième année du XI° Cycle,
Protectorat d'Eteniril.


Ses yeux étaient d'un bleu clair des plus purs, à peine voilé par de quelconques nuages blancs. Ses lèvres, d'une fermeté rassurante, restaient fermées malgré le fait qu'elle les regardait avancer vers l'inconnu. Son visage était encore blanc et froid à cause du récent hiver qui avait décidé de ne pas la quitter de si tôt, mais elle n'en était pas moins belle et grâcieuse. Ses longs cheveux bruns ne tarderaient pas à se parer de somptueuses ornementations vertes, mais en attendant... en attendant Dame Printemps ne laissait voir que des troncs sans grande vie.

Minriel, allongée sur une branche bien plus épaisse qu'elle, regardait avec intérêt les elfes qui s'étaient arrêtés sur la route, quelque peu malmenés par ceux qu'elle devait depuis un mois considérer comme sa famille : des noss. Elle ressentait la tension entre les deux partis ; elle entendait le ton que prenaient ceux qui parlaient le plus ; elle observait depuis quelques minutes déjà les grands palabrer, l'un ne voulant pas croire l'autre, l'autre se méfiant de l'un. Et elle, dans tout ça ? Soliandiel lui avait demandé de rester là. Juste d'écouter et de voir. De rester en-dehors du conflit pour mieux l'appréhender. Elle ne comprenait pas, pourtant... Ceux qui venaient vers la cité étaient des prêtres, avec une escorte militaire certes, mais juste des prêtres de Kÿria. Comme son papa. En quoi pouvaient-ils être un danger ?

L'enfant fit la moue tout en essayant de ne pas laisser échapper un long soupir tout à fait bruyant. Une queue de mulot vint lui chatouiller le visage alors que la petite créature descendait de la tête de la petite fille, puis aller jusqu'à terre avant de prendre forme humaine avec un bruit et une vision peu ragoûtants. Y voyant le signe qu'elle allait enfin pouvoir voir ce qui se passait, Minriel eut un grand sourire et sauta de sa branche, emportant dans son élan une fine couche de neige. Le grand druide se tourna un instant vers elle, sans rien dire, puis marcha tranquillement vers les citadins venus d'ailleurs, aussitôt suivi par l'enfant aux longs cheveux blonds et bouclés.

Il ne fallut que peu de temps avant que nombre de regards se portent sur l'étrange duo drapé de peaux. Les citadins s'arrêtèrent surtout sur l'enfant qui, malgré la façon dont elle était accroutrée, ne pouvait clairement être originaire que d'une cité. Elle afficha un sourire timide tout en se plaçant derrière le noss aux longs cheveux bruns et à la mine sévère. Cet elfe toisa les intrus pendant un moment avant d'afficher un fin sourire. Sans savoir pourquoi, Minriel ressentit que la tension s'allégeait... comme si de toute façon il n'y avait que Soliandiel qui pouvait faire quelque chose dans cette situation. Elle regarda son mentor échanger quelques mots à un elfe d'une autre noss, celui qui n'avait pas tenu des mots très sympathiques envers les prêtres. Puis les deux la regardèrent elle, ce qui lui fit ouvrir de grands yeux ronds.

"Selon toi, jeune fille, que pourraient venir faire des prêtres de notre Mère dans une cité en guerre ?
- Euh...
Minriel chercha dans sa mémoire ce que son père avait pu lui raconter. Il lui était d'éjà arrivé d'aller dans une autre ville avec le temple, mais à part pour une mission particulière...
- Parce qu'ils partent en mission ? Ou bien peut-être qu'on les a invités ?
- Ils ne se déplacent donc pas sans grande raison ?"


L'enfant secoua la tête de gauche à droite. Non, de ce qu'elle savait les prêtres ne voyageaient pas juste pour le plaisir. Et encore moins son papa vu qu'il fallait qu'il aide maman à s'occuper de son petit frère... Maintenant, de toute façon, elle était loin de ses parents. Ils lui manquaient d'ailleurs, même si elle aimait bien rester entre les arbres. Elle avait d'ailleurs hâte que les feuilles poussent sur les branches des saules pleureurs. Mais voilà... Elle revint aux adultes, qui avaient repris la discussion entre eux. Soliandiel était plus calme que les autres et n'avait aucunement peur, il discutait posément avec le chef de la délégation. Délégation qui était d'ailleurs nombreuse aux yeux de l'enfant, mais visiblement moins que les sylvains... quoiqu'elle commençait à avoir l'habitude, c'est juste qu'ils étaient nettement mieux organisés et se fondaient dans la nature. Les adultes parlèrent d'Alëandir, de conflit, de preuves, de Trône Blanc... elle ne comprenait pas tout, avait de vagues notions de ce que les citadins étaient censés savoir, mais au moins elle comprenait qu'ils souhaitaient passer librement pour aller jusqu'à Eteniril. Pour le reste... déjà elle avait envie de jouer avec ses pieds, et en plus il fallait qu'elle se montre sage parce qu'il n'y avait aucun "citadin raisonné" dans leur groupe. Donc, en attendant qu'il y ait une rencontre quelconque, s'il y avait des questions à poser ce serait pour elle. Même si elle avait plus envie qu'autre chose de courir dans la forêt après son imagination, ne serait-ce que pour se réchauffer.


~~~~~~~~


Falaedhel regarda avec de grands yeux le druide qui se tenait debout à côté de lui, se demandant sincèrement si c'était une blague ou si avec l'arrivée du printemps le Trône Blanc avait enfin réagi. Il se passa un long moment pendant lequel les deux êtres se regardèrent dans les yeux avant que le capitaine ne pousse un juron, prenne sa canne et se lève. Soliandiel soupira, ayant une fois de plus la conviction que les citadins restaient des enfants à qui il fallait apprendre à grandir. Puis il marcha aux côtés du boiteux, sans plus mot dire.

"Donc vous venez de la part du Haut-Conseil ?
- Le Haut-Conseil nous a avertis de ce qui se tramait ici. Nous sommes tous volontaires pour aider à enrayer le conflit. Si notre présence peut apporter quelque chose, bien entendu.
- Elle le sera, mon père. Votre présence aura d'autant plus de sens au sein de la cité que l'Arbitre Vareon est mort il y a de cela un mois.
- Vraiment ?"


Le visage du prêtre de Kÿria fut soudainement attristé par la nouvelle. Si le passage d'un prêtre au rôle d'arbitre n'avait pas été fait, alors ce serait une chose à aider à régler en plus... sans compter le fait qu'un sanctuaire - ou temple en l'occurrence - ne pouvait rester sans guide sans que des personnes ne se perdent.

"Ont-il élu un nouvel arbitre ?
- Du peu de nouvelles que j'arrive à avoir de la cité, non.
- Très bien... merci de m'en avoir informé. Nous ferons ce qui sera nécessaire.
- Et pour le reste ?
- Nous verrons sur place, mon enfant. La situation est fort complexe, sans parler en plus des noss.
- Très bien. Il vaut mieux que vous oubliez m'avoir rencontré. Les noss ne vous auront laissé passer que parce que même si vous êtes des citadins, ils ont un profond respect pour les représentants de la Mère.
- Je retiendrai.
- Retenez aussi que vous n'avez pas vu l'enfant.
- A vos ordres !
Falaedhel rit, ce qui tira un faible sourire sur les lèvres du second elfe.
- Merci pour tout, mon père. Et je pense pouvoir dire ces mots au nom de tous les miens."


Le prêtre inclina la tête, faisant ainsi comprendre qu'il avait compris les propos de son interlocuteur et que leur entrevue était terminée. Le druide avait été malheureusement clair : il leur faudrait faire vite, se dire l'essentiel. Le... vieux ? citadin n'ayant visiblement pas posé de veto sur le fait que son groupe pourrait aller jusqu'en ville, ils pourraient enfin reprendre leur marche. Et arriver avant la tombée de la nuit, avec un peu de chance.


~~~~~~~~

Maison de Ryadril, cité d'Eteniril.


"Que dites-vous ?
- Des prêtres dans la cité. Venus d'Alëandir.
- Par la grâce des Cinq... Des prêtres de Kÿria ?
- Oui.
La femme sourit.
- C'est une chance. Peut-être qu'avec le printemps revient l'espoir... j'en suis même sûre.
- Rien n'entamera votre grande ferveur, Nilÿan. Même pas l'ombre de la folie.
- Nous verrons cela ces prochains jours. Demain matin se tiendra le Conseil et d'ici une ou deux ennéades devrait avoir lieu le procès de notre protecteur.
- Hum...
- Je suppose que vous n'avez pas essayé de lui parler durant l'hiver ? En tant qu'einior vous n'auriez eu aucun problème pour le voir.
- Vous-même n'avez pénétré dans sa geôle qu'en tant que scribe. Et y aller aurait porté l'attention sur nous.
- C'est vrai... il est fort triste de venir à penser de telles choses.
- J'ai déjà vu la trahison, même si c'était en Alëandir. J'y ai appris que quoi qu'on pense initialement, il ne faut jamais oublier de faire attention à ces détails qui peuvent paraître ne rien être. Et pour le coup, la couleur de peau n'est pas différente de la nôtre. Au moins, le peuple se pose des questions avant qu'il ne soit trop tard.
- A savoir s'il réagira.
- A savoir si cette situation s'apaisera avant que cela ne se termine en bain de sang, surtout.
- Ryadril... J'ai été voir plusieurs lieux de culte et discuté avec leurs guides, ils seraient prêts à accepter de diriger un tribunal. Les conseillers qui sont de ma filière sont d'accord avec moi, s'il venait à y avoir une raison évidente.
- Raison qui pourrait être apportée par les prêtres d'Alëandir.
- Ou bien tout simplement rappeler le fait que le Conseil en lui-même a été mis au coeur de ce conflit et donc que présider le jugement de heru Neraën serait un conflit d'intérêt qui ne peut pas être permis.
- Vous êtes bien optimiste, Nilÿan.
- Je joue surtout sur les lois et l'étique. Rien de plus.
Le vétéran de guerre regarda la jeune conseillère tout en riant.
- Et dire que j'aurais pu ne jamais me rendre compte que vous pensiez la même chose que moi... je l'aurais bien regretté !
- Pour l'humour débile, la foi ou pour les idées ?
- A savoir..."


Les deux elfes, depuis la large fenêtre du salon, regardaient chacun d'une manière différente la cité qui s'étendait, silencieuse, comme une bête endormie sous les rayons des deux lunes. Nilÿan voyait dans cette cité de pierre et dans ses habitants un espoir intarissable, l'espérance que ceux du Conseil qui avaient initié le conflit - la guerre même - avec les noss ne seraient plus écoutés et au contraire remis à leur place. Cette espérance était entretenue par l'arrivée de représentants du clergé de la Mère qui, en ces temps troublés, était lourde de signification. A côté, Ryadril voyait cette ville comme l'écho d'une guerre, comme un poumon que l'on aurait peut-être trop enfumé. Il espérait, mais son esprit de soldat ne pouvait que calculer les maigres chances de succès de ce qu'il avait pu entreprendre ces derniers mois avec de rares autres.

Et pourtant, c'était le moment où jamais de tenir bon... parce que le printemps revenait.


Dernière édition par Neraën Yeldoreï le Lun 4 Déc 2017 - 22:08, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeVen 13 Oct 2017 - 16:25

Oglicos de la quatrième ennéade de Favriüs, dixième année du XI° Cycle,
Palais d'Eteniril.


Dans la grande pièce lumineuse aux façades et piliers ornementés d'une multitude de bas reliefs représentant la nature et le cycle du jour et de la nuit, avec au centre une magnifique statue représentant une femme entourée de branchages lui encerclant les avant-bras, se laissaient entendre de nombreuses voix. Tous étaient présents, ce qui était presque devenu rare ces derniers temps. D'ordinaire, il y avait toujours quelqu'un pour avoir une affaire importante et urgente à régler. Mais là, étrangement, tous les conseillers avaient fait l'effort de remettre leurs affaires au lendemain parce que le sujet qui était abordé ce jour-ci était aux yeux du Conseil d'un grande importance : le cas du Seigneur-Protecteur Neraën. Et, tout aussi étrangement, les hauts-conseillers encore vivants - c'est-à-dire moins de la moitié du Haut-Conseil - en avaient profité pour aborder en début de réunion d'autres points plus ou moins importants, plus ou moins tabous aussi. Des points qui déjà avaient échauffé certains esprits et qui faisaient naître nombre de discussions à voix basse lors de cette courte pause. Non, vraiment, cette fin de conseil éternel - tant il paraissait long - allait provoquer un grand changement... ou assurer une prise de conscience collective.

Une parmi tant d'autres, Nilÿan prenait part à l'une de ces nombreuses conversations. Ou tout du moins écoutait-elle, tournée vers l'un de ses confrères, faisant attention à l'avis que lui et d'autres de son domaine donnaient. La pieuse elfe avait déjà préparé ses cartes et, si tribunal il y aurait bien, elle en avait plusieurs à poser là sans pouvoir permettre à ses adversaires de contrer son jeu. Cela lui avait pris du temps, d'autant plus qu'il lui avait fallu être discrète, mais l'hiver lui avait accordé un temps de préparation bienfaiteur. Et de ce qu'elle savait, elle n'était pas la seule à avoir agi de la sorte. A savoir, maintenant, quelles étaient les cartes dans les mains de chacun.

Après de longues minutes, l'un des hauts-conseillers appela au silence afin de reprendre la réunion. Comme on pouvait s'y attendre, il ne fallut pas longtemps pour obtenir le silence complet - ce côté "obéissance militaire" faisait partie de l'éducation de tout etenirili. La pieuse elfe se retourna et s'installa confortablement sur sa chaise, attendant comme tous ici présents ce sujet qui faisait tant débat. Son regard pourtant se posa sur la statue de la femme prise par la nature. Où était-ce là la Créatrice ? Elle n'en savait trop rien, plusieurs indices lui laissant entrevoir les deux possibilités. Et comme beaucoup d'autres choses en cette cité, la signification de cette oeuvre s'était perdue au fil des cycles...

"Nous allons désormais pouvoir aborder un sujet qui nous concerne tous en tant que garants de l'intégrité du protectorat. Vous n'êtes pas sans savoir que notre seigneur-protecteur, Neraën Yeldoreï, fait l'objet de bien des questionnements et de controverses, au sein d'Eteniril comme en Alëandir, raison pour laquelle cela fait plusieurs mois qu'il est placé sous surveillance. Accusé d'avoir porté atteinte à la cité qu'il avait promis de protéger devant l'Aube, ainsi que d'avoir usé d'un rang dont il était destitué par le Trône Blanc, nous devons aujourd'hui statuer de ce que nous ferons à son égard. Quelques murmurent se firent entendre, mais ce furent surtout des regards qui furent échangés. Nous en avons déjà discuté entre hauts-conseillers et au vu des faits avérés ainsi que des accusations planant sur lui, notamment le vol de l'Aube et la mise en danger d'Eteniril globale de la ville, nous sommes venus à la conclusion que son cas relevait d'un tribunal de premier ordre. L'avis du Conseil dans sa globalité est demandé."

Le haut-conseiller s'assit, l'air pensif. Alors recommencèrent des discussions, à voix basse, au sein des différents regroupements. Peu de questions furent posées ; tout le monde savait, avait compris que le jugement d'un protecteur aurait lieu et s'était fait à cette idée. Tout le monde avait son avis sur la question et fort nombreux étaient ceux à penser qu'au vu de ce qui s'était produit lors d'une nuit d'automne il ne pouvait en être autrement. Et nombreux étaient ceux à connaître d'avance le jugement final tant leur avis était tranché. Ceux-là ne seraient pas inquiétés par ceux qui n'oseraient de toute manière pas aller à l'encontre de la volonté de groupe et les rares indécis. Une mise en scène, rien de plus. Des formalités que l'on se devait d'avoir mais dont on se serait bien passé. Avant qu'une personne ne se lève pour donner l'avis de son domaine, l'un posa la question des personnes qui étaient en droit de juger un protecteur : n'était-ce pas au Trône Blanc de le faire ? Si, mais Nilÿan savait que dans un cas si épineux la cité comme Alëandir avaient ce droit, aussi ce fut elle qui répondit à la question. L'un des hauts-conseillers expliqua alors que la question avait été vue le matin-même avec heru Neraën et que le concerné avait demandé à ce que ce soit son propre peuple qui le juge si tribunal il devait y avoir lieu. Un prêtre de Kÿria pouvait attester de cette demande. Alors tour à tour un représentant de chaque domaine se leva pour donner l'avis du groupe : cette affaire impliquait trop la sûreté de la cité pour qu'il n'y ait pas de jugement. A son tour, avant que les quelques prêtres présents ne donnent leur voix, Nilÿan se leva avec grâce et, le port altier, prit la parole.

"Je représente, moi Nilÿan, le domaine de la gestion de la cité. Après concertation, nous pensons que cette affaire relève d'un tribunal et doit être traitée avec grand soin. Cependant, nous pensons également qu'il ne serait pas sage que le Conseil préside au jugement : ce qui est notre problème a été remonté jusqu'au Trône Blanc d'Alëandir et des doutes se portent quant au Conseil. Bien que nous ne croyons guère que l'un d'entre nous ait pu porter la main sur des frères, vis-à-vis de l'extérieur nous ne pouvons nous permettre d'être juge et parti au risque d'engranger de nouvelles tensions. C'est pourquoi nous demandons à ce que les Cinq président ce tribunal et que leurs guides présents en cette cité soient juges de cette affaire."

Un silence oppressant gagna le Conseil, la majorité des elfes présents étant étonnés de la demande. Généralement, les décisionnaires politiques intervenaient dans les affaires religieuses lorsque les tensions n'arrivaient guère à être gérées par les prêtres - ce qui était de base fort rare. Que la religion se mêle à la politique avait une toute autre portée, extrêmement significative : on ne demandait pas un jugement divin pour rien et les très rares au cours de l'Histoire à avoir eu lieu avaient toujours eu leur lot de mysticisme et d'étrangetés. Des écrits que certains avaient pu lire, les politiques n'avaient absolument plus aucune emprise sur l'accusé pendant plusieurs ennéades et les épreuves que celui-ci passait étaient gardées dans un secret relatif. Quel que soit le verdict, les rares à avoir vécu cela en revenaient changés, ce qui avait de quoi intriguer n'impore qui. Dans le fond, ce ne pouvait qu'être mieux que se retrouver les oreilles coupées de sore à ce qu'elles soient identiques à celles des Humains et ainsi ne plus être considéré comme un elfe, ou bien être tout simplement condamné à mort. Aux yeux des Etenirilis, cette demande était vraiment lourde de sens... raison pour laquelle les hauts-conseillers ne pouvaient d'un point de vue étique pas la refuser, à moins que les prêtres eux-mêmes soient contre. Et les guides de chaque culte en avaient déjà longuement discuté avec elle à sa demande, aussi était-elle sûre de l'étau qu'elle avait refermé sur ceux qui avaient intérêt à ce que le seigneur-protecteur soit discrédité au-delà de la décision du Trône Blanc. Puis une cacophonie de voix se fit entendre, des regards pour certains étonnés, pour d'autres inquiets voire colériques furent échangés, les hauts-conseillers parlèrent entre eux. Il se passa bien plusieurs minutes pendant lequel Nilÿan resta debout au-dessus de la mêlée de mots, toujours aussi droite et grâcieuse, attendant une réaction appropriée. Le silence fut redemandé, à plusieurs reprises, pour que le premier haut-conseiller à avoir pris la parole parle à nouveau.

"Etes-vous sûre de ce que vous proposez, ainsi que les vôtres, heri Nilÿan ?
- Nous y avons longuement réfléchi et sommes venus à la conclusion qu'un cas extraordinaire demandait une prise en charge extraordinaire. De plus, étant donné que jamais le Conseil ou le Haut-Conseil n'auraient porté la main sur un fils de la Mère, qu'aurions-nous à craindre ?
Un court silence avant qu'il ne reprenne la parole.
- Qu'en pensent les conseillers religieux ?
Tous se tournèrent vers les quelques prêtres présents. Après quelques mots, l'un d'eux prit la parole.
- En effet, les Cinq pourraient être les plus à même de décider en ces temps troubles...
- Soit... Si les cinq cultes sont d'accord, alors nous n'irons pas contre votre proposition."


Nilÿan inclina respectueusement de la tête puis se rassit. Une petite victoire dans un grand échiquier. Tout de même, il lui semblait en avoir vu plus d'un pâlir... Le Conseil n'avait-il vraiment rien à craindre ?


~~~~~~~~


"Seigneur-Protecteur Neraën.
- Ryadril... cela faisait longtemps."


L'einior hocha affirmativement de la tête. En effet, cela faisait de nombreux mois que les deux elfes ne s'étaient pas revus... et Ryadril constatait avec déception ce que Nilÿan lui avait dit : Neraën était dans un sale état. Et du point de vue d'un ancien militaire, voir un guerrier amaigri et faible physiquement - était-il seulement capable à nouveau de manier convenablement une épée ? - était une honte autant pour le captif, autant pour ceux qui l'avaient enfermé là tout l'hiver. A la fin de ce mois, cela ferait un an qu'il serait prisonnier de ses propres conseillers... Une pointe de colère s'empara de lui, qu'il tut aussitôt afin de ne rien en montrer. A y repenser, ce qui allait suivre était peut-être le mieux qui pouvait lui arriver dans un avenir proche.

"Je viens en tant qu'einior pour t'informer de la décision prise par le Conseil ainsi que les guides des cultes des Cinq. Pour tout ce dont tu es accusé tu passeras en justice, dans deux à trois ennéades. En justice divine, sous le regard des Cinq."

Neraën, qui se tenait debout face à une petite table sur laquelle se trouvait un objet avec lequel il jouait ou réfléchissais, devint comme une statue de marbre. Plus aucun mouvement. Plus aucun son. Ses yeux d'un bleu océanique que Ryadril ne lui connaissait pas fixaient la sphère qui se trouvait dans sa main, sans laisser apparaître la moindre émotion. Il se passa un temps avant que le protecteur n'articule quelques mots.

"Une justice divine... ?
- Par les Cinq, oui. Tu as le droit à un traîtement d'honneur."


Neraën tourna la tête vers celui qu'il avait considéré comme un frère d'armes de par le fait qu'ils étaient tous deux des einioer. Il était propre sur lui, tout comme sa cage dorée l'était. Mais si ses yeux portaient encore la lueur d'un esprit vif, il se voyait sur lui qu'il était épuisé, éreinté. Son port n'était plus aussi droit qu'avant, ses membres n'avaient plus le même dynamisme qu'auparavant et son visage émacié habritait des cernes de fatigue. Autre détail, ses cheveux s'étaient considérablement rallongés et, visiblement, n'avaient pas été entretenus outre mesure puisque Rydril pouvait apercevoir de nombreuses fourches.

"Je suppose que as conscience de ce que cela représente ?
- Oui... J'en ai conscience, oui.
- Ils viendront te chercher après-demain, dans la journée. Tu subiras des épreuves pour chaque dieu afin de pouvoir juger de ton innocence ou non.
- Je le sais... je... merci de m'avoir prévenu."


Ryadril hocha tout simplement la tête, ne perdant aucunement la fermeté qu'il avait montrée jusqu'alors. Poliment il souhaita le bonsoir puis quitta la pièce, sans plus se retourner. Il avait transmis le message qu'il avait à transmettre, avait assez vu et compris pour pouvoir partir. De plus, il se faisait tard... l'heure du couvre-feu n'allait pas tarder à sonner.


~~~~~~~~


"Je n'aime pas du tout cette idée qu'ils ont eue. Cela va compliquer les choses, comme si elles ne l'étaient déjà pas assez.
- Que craignez-vous, cher confrère, qu'il ne sache quelque chose qu'il ne devrait pas savoir ?
- En effet.
- Je ne vois pas comment il aurait pu être au courant de quoi que ce soit, à moins que des voix ne parlent à son esprit - après tout, il a suffisamment perdu le contrôle de sa magie pour que le régent considère qu'il n'ait plus à porter la charge de protecteur.
- C'est vrai. Mais nous ne controlerons plus rien et je garde en tête l'idée que les prêtres pourraient bien avoir un verdict différent du nôtre.
- Sur ce qui doit devenir de lui, c'est fort probable.
- Nous n'aurions peut-être pas dû le garder ainsi...
- Auriez-vous des envies de meurtre, maintenant ?
- Certainement pas !
- Pourtant il n'y a pas d'autre véritable solution que cela... à part lui faire oublier la mémoire, peut-être. Quoi qu'il en soit, une action de ce type contre lui ne ferait que porter à préjudice et en plus ce serait un crime face à Kÿria. Malgré sa traîtrise, il reste pour l'instant un frère.
- Pour l'instant...
- Nous ne faisons que suivre ce qui doit être et nous protéger de ceux qui se sont éloignés des préceptes de Kÿria. D'une manière ou d'une autre, je suis certain que les Cinq nous donneront raison ; nous n'avons rien à craindre par rapport à cela. Par contre, si les prêtres ne gardent pas leurs lèvres fermées... certains ne comprendront pas nos actions.
- Alors que nous avons tout fait pour sauvegarder la cité.
- Exactement, cher confrère... exactement."
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeVen 20 Oct 2017 - 9:54

(Ambiance pour les cinq épreuves)

Ennéades cinq à sept de Favriüs, dixième année du XI° Cycle,
Cité d'Eteniril.


Il ne s'était passé que deux jours avant qu'ils ne viennent le chercher, dans sa chambre dépourvue de tout flux magique, pour l'emmener au temple de Kÿria. Sortie délicate puisque cela faisait près de trois mois qu'il était séparé de toute essence lui permettant d'exercer son don, et qu'il s'y était habitué. De plus, son oreille s'était affinée au fil des ennéades pour arriver à percevoir ne serait-ce qu'un murmure de la Symphonie, ce qui rendait l'épreuve encore plus compliquée que ce à quoi les conseillers, aigles et prêtres de Kÿria pouvaient s'attendre. Et pourtant, ils étaient en pleine ville... Inutile donc de mentir, le transfert eut du mal à se faire : les voix, émotions, le chant, la sensation d'oppression... A peine sorti de sa cage Neraën devint aussi blanc qu'un cadavre et il ne fallut que quelques courtes minutes avant qu'il ne fasse un malaise et ne s'évanouisse.

[Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} 701656E1Kria

"Bonjour, heru Neraën.
- Bonjour..."


Le mage se frotta le front de la main tout en fermant avec force les yeux. Il avait un mal de tête pas possible et des voix tout à fait dissonantes lui brouillaient l'esprit. Il avait l'impression de se retrouver à la lisière de la triste Aduram, la fois où Celebrand l'y avait emmené pour essayer de comprendre quels étaient les effets et causes qui accablaient son élève. Mais en moins pire, tout de même. Cette fois-là, il avait bien cru qu'il deviendrait fou... raison pour laquelle il ne retournerait jamais dans cette région, même si c'était juste pour la traverser. A ce qu'il pensait, il n'y survivrait pas. Après une longue grimace de douleur, il rouvrit les paupières et darda ses yeux profonds sur le prêtre de la Mère qui était assis à côté de lui. Pas loin se trouvait deux aigles, droits et le visage de marbre.

"Vous vous trouvez au temple de Kÿria, dans la cité d'Eteniril. Je me nomme Père Salieryn, du sanctuaire d'Alëandir. Je ferai partie de ceux qui seront en charge de votre jugement. Me suivez-vous jusque-là ?
- J'arrive à vous entendre, oui... Que fait Alëandir ici ?
- Nous avons entendu parler de la guerre civile qui faisait rage ici. Nous sommes venus essayer d'apaiser le conflit avant qu'il ne soit trop tard.
- Anorn...
- Non. Nous sommes là de notre plein gré.
- Et Vareon ?
- L'arbitre ? Il a rejoint les fleuves de Tari il y a un mois environ. Navré de vous l'apprendre."


Neraën soupira. C'était donc vrai... Il ferma les yeux tout en ayant une secousse de la tête : des souvenirs liés à Vareon, pourvus d'émotions, lui revenaient en mémoire et déjà il sentait la magie vouloir lui échapper. Il dut se concentrer un maximum pour éviter que les choses ne dégénèrent et ainsi qu'il ait dès le départ des problèmes avec ceux qui devaient veiller sur lui. Enfin... ils veillaient plutôt à ce qu'il ne fasse de mal à personne, alors qu'il était stable. C'était juste la sortie de la zone d'anti-magie qu'il fallait gérer, surtout après si longtemps, après les choses se remettraient en place.

"Pendant tout le temps où vous serez en ce lieu sacré, vous reprendrez aisance avec la vie en communauté. Vous aiderez les prêtres et les croyants qui viendront, pour quoi que ce soit, y compris la médecine. Vous serez au service de chacun et prierez autant que faire ce peut. Tant que nous n'aurons pas demandé à ce qu'il en soit autrement, vous serez escorté par les aigles. Ensuite nous verrons. Avez-vous des questions ?
- Oui... Devrais-je suivre une personne en particulier ou bien serais-je libre de mes mouvements ?
Le prêtre regarda un instant les deux militaires, avant de se concentrer à nouveau sur Neraën.
- Dès que vous le pourrez, vous suivrez le père Edhelwën. Il s'est porté volontaire pour être votre garant. S'il a une indisponibilité, vous serez avec moi. Jusqu'à ce qu'il en soit décidé autrement, bien sûr."


Neraën hocha la tête afin de montrer qu'il avait compris le message. Il n'était pas particulièrement adorateur du fait que les choses pouvaient changer en cours de route, mais si cela pouvait montrer qu'il n'était plus un danger publique... Le prêtre de Kÿria se leva alors et l'enjoignit à les rejoindre dans la grande salle lorsqu'il se sentira prêt. Puis il partit, sans plus faire attention à l'autre elfe. Le mage soupira une nouvelle fois et regarda fixement le plafond qui était au-dessus de lui. Il fallait qu'il se réhabitue... qu'il se réhabitue...

Il rouvrit brusquement les yeux. A travers la fenêtre, il pouvait voir la lumière des lunes. Il faisait donc nuit... Il fronça les sourcils tout en se redressant sur le lit, se demandant ce qui avait bien pu se passer entre la venue du prêtre et la nuit. Son incompréhension devait se lire sur son visage, puisqu'une voix lui répondit.

"Vous vous êtes endormi suite à la venue de père Salieryn."

Neraën secoua la tête, puis essaya de se lever. Sa tête lui faisait toujours mal mais son problème de magie semblait s'être calmé. Une fois que la migraine se soit quelque peu apaisée il se mit debout et, flanqué par les deux aigles présents – qui n'étaient pas les mêmes que durant la journée, soit dit en passant – il se dirigea vers la pièce principale du temple, celle où se trouvait l'Arbre Maître d'Eteniril, un imposant chêne.

Il n'y avait personne. Seul un chant puissant et triste, dont il ne comprenait pas vraiment les paroles, emplissait l'atmosphère. Un chant composé d'un chef d'orchestre et d'autres voix, bien plus faibles. Le protecteur ne put s'empêcher de regarder autour de lui, s'émerveillant au passage de la nature qu'il n'avait pas pu contempler pendant ce qui lui semblait être des décennies. Les plantes étaient aussi fortes que fragiles et la Symphonie lui semblait presque assourdissante. D'aussi loin qu'il pouvait s'en souvenir, il avait l'impression de ne pas avoir les mêmes sensations en l'écoutant qu'auparavant. Que quelque chose avait changé et que cela faisait presque partie de lui. Le déstabilisait, dans le fond. Il ne dit rien. Il n'osa pas non plus s'approcher du chêne, de peur qu'en le touchant ce ne soit pire encore. Aussi resta-t-il un moment dans cette large pièce teintée de verdure, histoire d'essayer de se réhabituer à tout cela, puis il retourna dans la chambre où il s'était réveillé. Au fait de voir le lit vide la fatigue le prit, et il se rendormit jusqu'au levé du soleil.


"Si vous avez mal à la tête, je peux vous passer un baume ou encore des herbes à respirer...
- Merci, père Edhelwën, je pense que ça passera. Le temps que je me réhabitue à un environnement normal.
- Si vous le dites. En attendant, que je vous montre où sont les affaires en cas de soins. Dans cette armoire vous avez tout ce qui est pommades, baumes, plantes, bandages... Vous y connaissez-vous en phytothérapie ? Non ? Ce n'est pas grave. Je vous montrerai tout à l'heure, ce sera plus simple. En ce moment il en a pas mal besoin puisque les gens sont affaiblis avec le siège, un peu d'aide ne sera donc pas plus mal.
- Le siège d'Eteniril... j'ai du mal à le croire.
- C'est ainsi depuis votre arrivée, à peu de choses près.
- Je le sais..."


Des souvenirs remontèrent à son esprit et il dut s'appuyer contre quelque chose de solide tout en tenant son front d'une main. Entre la Symphonie qui lui était trop forte et les émotions qui faisaient revenir la magie n'importe comment, le retour à la réalité était dur. Le jeune prêtre et père de famille lui demanda s'il allait bien, Neraën lui répondit autoritairement par l'affirmative. Ainsi commençait son service auprès du clergé de la Mère, c'est-à-dire mal. Pour le reste, il vécut une première journée relativement normale. Ceux qui ne faisaient pas partie du clergé le regardaient étrangement, se demandant ce qu'il faisait là. Leurs regards pesaient lourdement sur lui et les murmures n'étaient pas pour le laisser l'esprit serein. Parce qu'il avait honte, dans le fond ; honte de ne pas avoir réussi à être suffisamment diplomatique ce soir d'automne, honte d'en être arrivé là... même s'il savait que c'était certainement ce qu'il y avait de mieux à faire. Au moins, tout le monde voyait qu'il était vivant... et qu'on ne pouvait pas venir lui parler. Le regard des autres... Neraën se souvenait seulement maintenant d'à quel point il pouvait devenir blessant sans même le vouloir. Juste en existant.

Le deuxième jour se passa à l'identique : prières, personnes curieuses de voir dans quel état était leur protecteur – savaient-ils seulement qu'il était initialement là pour une passation de pouvoir ? -, vie communautaire, migraines... Au troisième jour, cependant, son état commença à s'améliorer. Il aida Edhelwën à prendre en charge un patient. Elfe qui fut surpris de le voir s'occuper de lui et qui eut du mal à regarder autre chose que les yeux de Neraën qui étaient réputés pour être aussi froids que la glace. L'ancien aigle ne dit rien, se contentant de ce qu'on lui avait demandé de faire. Cela lui faisait mal d'être regardé ainsi par les siens. En Alëandir c'était une chose, le revivre plusieurs mois plus tard dans sa cité natale en était une autre. Il aurait aimé que ce soit plus simple, que les choses se soient déroulées autrement... mais il n'y pouvait plus rien, aussi valait-il mieux qu'il ne tombe pas dans de longs débats.

Les journées passèrent ainsi. Neraën s'habitua à son environnement et se permit de prendre des initiatives sur ce qu'il avait le droit de faire. Les discussions avec les différents dévoués de la Mère se firent de plus en plus courantes, portant sur des sujets diverses. Lors de beaucoup d'entre elles, il lui était demandé de réfléchir. De s'accepter, d'accepter l'ordre des choses. L'elfe fut étonné par ces demandes et ne comprit pas vraiment ce que voulaient dire les prêtres. Accepter l'ordre des choses ? Cette histoire était d'une bêtise sans nom et de toute façon, ce qui était arrivé était arrivé... S'accepter lui ? Il avait changé suite à la révélation du sanctuaire d'Alëandir et s'acceptait, acceptait sa magie. Que pouvait-il y avoir d'autre ?

Ces questions en tête, Neraën regardait sans vraiment voir le plafond couvert de branchages. En cette nuit étoilée, il s'était laissé s'asseoir contre l'Arbre Maître, profitant de se sentir plus entier auprès de lui pour réfléchir une nouvelle fois aux questions qu'on lui posait. Vint alors une autre personne que l'elfe aux longs cheveux blancs regarda à peine. Il se sentait bien, là... seul avec le grand chêne et toutes les plantes qui couvraient les murs finement ouvragés.

"Une belle nuit bien silencieuse... Comment vous sentez-vous, Neraën ?
- Bien mieux. Merci de vous en soucier, Père Salieryn. Et vous ?
- Bien aussi... Beaucoup d'affaires à régler ici, depuis que l'arbitre Vareon n'est plus. Notamment, j'aide à ce que l'élection d'un nouvel arbitre soit faite : un temple ou sanctuaire sans guide est quitte à se perdre.
- Vareon était quelqu'un de bien. Il manquera à ce temple.
-Je n'en doute pas, de ce que j'ai pu entendre de lui. Même si une forme de folie s'est implantée en lui peu avant sa mort.
- Il n'était pas fou... mais nous en avons déjà parlé, je ne reviendrai pas dessus.
- Soit... De toute façon ce n'était pas de cela dont je souhaitais vous parler.
- Je vous écoute...
- J'avais une question à vous poser, assez personnelle. Et j'aimerais que vous me répondiez sincèrement, sans trop réfléchir.
- Me suis-je comporté autrement jusque là ?
- Toujours donner les consignes avant l'énoncé de l'exercice, n'est-ce pas ?
- C'est vrai... Je retiendrai pour la prochaine fois où j'en aurai besoin.
- Au moins avez-vous un peu d'humour. Donc, ma question : qui êtes-vous, là maintenant ?
Neraën se tourna vers le prêtre, étonné de la question. Comment allait-il y répondre... ?
- Qui suis-je ? Un elfe qui était le protecteur d'une cité en pleine guerre civile. Enfin qui l'est toujours, puisque je n'ai pas pu faire la passation de pouvoir selon nos traditions. J'ai essayé de faire ce que je pouvais, avec les données que j'avais et les moyens dont je disposais. Je m'y suis mal pris et me suis retrouvé capturé par mes propres pairs, accusé de traîtrise. Maintenant je suis là, au sein du temple de la Mère, à découvrir ce que cela fait de ne pas être seul en une telle situation.
- Et ?
- Et je ne suis pas sûr d'être à ma place. J'ai changé, tout le monde le remarque... Pourtant ce sont des regards qui me pèsent.
- Regrettez-vous ce qui est arrivé ?
- Je regrette qu'il y ait des morts et disparus, oui.
- Mais vous concernant ?
- Je sais que j'aurais difficilement pu faire mieux. On m'avait demandé d'être protecteur d'une terre, d'une cité... c'est ce que j'ai essayé de faire. A vous de me dire s'il doit en être autrement, puisque vous venez d'Alëandir.
Salieryn sourit.
- Quel sentiment ou ressenti avez-vous par rapport à tout cela ?
Son interlocuteur soupira.
- Je ne sais pas... Le sentiment d'être plus complet depuis que je suis sorti de prison.
- Très bien... Nous allons en rester là. Le temps est écoulé et il est temps pour vous d'être pris en charge par un autre culte. Demain au levé du soleil vous serez transféré dans un autre temple. Je vous souhaite la bonne nuit, Neraën.
- Bonne nuit à vous, mon père. Hum... Mon père ?
- Oui ?
- Merci.
- De rien, mon fils... de rien."
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeVen 20 Oct 2017 - 10:26

Neraën ouvrit les yeux sur une bâtisse étrange construite de pierre noire. Quelques fenêtres, de petite taille, laissaient filtrer un peu de lumière. Lumière accordée par les deux lunes, de ce qu'il pouvait comprendre, puisque seules quelques pierres magiques accrochées aux murs donnaient un semblant de clarté bleutée. Ce bâtiment dans lequel il se trouvait, il le reconnaissait bien : le temple de Tari. Un endroit qu'il n'aimait pas vraiment du fait de ce que lui inspiraient les prêtres de ce culte, mais auquel il devait bien s'habituer depuis quelques jours. Pourtant, il ne reconnaissait pas la salle quasi circulaire dans laquelle il se trouvait. Vu la raison pour laquelle il se trouvait ici, ils avaient dû le placer là pour une raison qu'ils estimaient valable face aux accusations qui étaient portées contre lui. Accusations qu'il n'avait pas forcément démenties, pour la plupart... S'il y avait une chose qu'il ne supportait pas était que l'on puisse mentir à un prêtre, puisqu'ils représentaient les dieux en Anaëh.

Il attendit un moment, allongé sur le sol de pierre glacée, à regarder le vide au-dessus et autour de lui. Il écouta attentivement : personne. Pas même un soupçon de murmure symphonique. Juste le bruit clair d'une source d'eau coulant quelque part dans la pièce. Au moins n'était-on pas en train de l'enterrer comme cela arrivait dans la plupart de ses cauchemars. Après une profonde expiration il se mit en position assise, tirant une légère grimace de douleur au passage, regarda à nouveau autour de lui puis se leva complètement. Il n'y avait absolument rien, pas même une table ou un banc, et le cours d'eau n'était pas non plus visible. La résonnance du lieu ne lui permit pas d'essayer de trouver de quelle direction le bruit venait aussi attendit-il d'avoir des éléments pour comprendre ce qui se tramait. Peut-être quelqu'un allait-il arriver par la porte... s'il y en avait une ?

"Vous ne trouverez pas de porte ici, Protecteur."

Neraën se retourna, doucement, pour faire face à celui qui venait de l'interpeller. Il s'agissait d'un elfe à la fine carrure, habillé de vêtements simples mais pratiques, ainsi que d'une grande cape d'un bleu très foncé dont la capuche lui recouvrait le visage. A sa ceinture n'était pas d'arme, mais quelques instruments, peut-être des bandages. Un guérisseur peut-être ?

"Alors que puis-je y trouver ?
- La réponse à certaines de vos questions.
- Comme ?
- Comme la raison pour laquelle vous vous trouvez ici... ou bien encore où m'avez-vous rencontré.
- Je ne vois pas...
- N'en avez-vous aucun souvenir ?"


Tout en marchant à pas lents, le guérisseur prit des ses mains le capuchon et le fit choir, de sorte à ce que l'etenirili puisse voir son visage. Ses courts cheveux bruns étaient décoiffés et son faciès était fin et quelque peu sale. La fatigue se lisait en lui mais ce n'était pas là le point le plus important dans son physique : au lieu d'avoir deux yeux normaux il les avait entièrement blancs, comme si les pupilles n'avaient jamais existé... ou comme si des galets reflettant la lumière bleutée remplaçaient ses prunelles. Les sourcils de Neraën se froncèrent. L'elfe s'ouvrit au flux - maintenant qu'il pouvait le faire -, eut un étrange ressenti, puis s'étonna de ce que la magie lui révélait : il n'y avait rien, personne... pas un seul esprit. L'inconnu, tout en marchant, commença à se rapprocher.

"Vraiment aucun ?"

Un froid intense le frôla, faisant se retourner le mage. Rien. Pas même la sensation d'une présence. Et pourtant cela recommença ; une, deux, trois fois, comme si un esprit s'amusait à lui tourner autour sans pour autant se montrer à ses yeux. Le froid l'enveloppa, des serres invisibles l'aggripèrent sans qu'ils ne puisse essayer de s'y soustraire.

"Et d'eux, vous en souvenez-vous ?"

Il sentit ses muscles être bloqués, son corps être entièrement paralysé même. Apparurent à ce moment précis de nombreux... êtres, à moitié entre des cadavres et des spectres. Debout, ils le dévisageaient. Des drows pour la grande majorité, mais aussi quelques humains et des elfes. A l'un il manquait un bras, à l'autre la tête, à un troisième le torse était perforé par une lame relativement large, à un quatrième la mâchoire avait littéralement été brisée. Tous des morts. Des adversaires qu'il avait eus sur le champ de bataille et dont, pour la plupart, il pouvait remettre un visage encore intact mais souvent poussiéreux et empli de haine ou de peur. Alors il comprit. On le mettait face à toutes les âmes qu'il avait renvoyées au royaume de Tari. Oh que la Mère l'en protège, ce ne pouvait être qu'un rêve ! Un cauchemar, une allucination ! Rien n'était vrai, rien ne pouvait être vrai... et pourtant il ressentait absolument tout, jusqu'à sa respiration qui se faisait de plus en plus rare alors qu'un froid glacial lui emplissait le corps et que son coeur, rapidement, battait de moins en moins fort.

"Pouvez-vous dire pour quelle raison vous avez tué ces êtres, Neraën Yeldoreï, vous qui tenez tant aux âmes ? Pouvez-vous le préciser pour chacune d'entre elles ?"

Oui il le pouvait. De la buée sortit d'entre ses lèvres ; sa peau devint sèche. La peur, déjà, commençait à se manifester en son coeur qui battait aussi l'entement que celui d'un laissé pour mort. Un cadavre. Il devenait un cadavre. Son corps ne tenant plus debout malgré les serres qui le tenaient toujours, il fit un pas en arrière. Alors il la sentie, noyant ses pieds, l'eau. L'eau d'un bleu aussi profond qu'au coeur de la mer, lorsqu'on ne peut plus rien voir de ce qui se passe en-dessous. L'eau qui entraîne les esprits dépourvus de corps vers un monde différent où ils renaîtront d'une manière ou d'une autre. L'eau liée à l'enterrement, aussi.

L'esprit de l'ancien aigle revécut soudainement l'un de ses nombreux cauchemars, causé par un traumatisme dont il n'avait jamais parlé. La mort volontaire de son premier capitaine des Aigles, Maëndel, qui avait profité d'un temps d'acalmies pour quitter la Prime Oeuvre. Neraën n'avait jamais totalement accepté ce choix, d'autant plus qu'il n'avait eu que trop peu de temps pour s'y préparer, et depuis les enterrements avec la graine placée dans la bouche du mort le tenaient en horreur. Au point qu'il ne supportait pas d'être allongé sans pouvoir faire le moindre mouvement avec près de lui un suivant de Tari. Là, à cause de cette eau qui semblait vouloir l'entraîner vers l'abîme, il prit peur.

"Non !
- Allons... le temps manque, protecteur. Pourquoi tant de morts à votre conscience ? Quels sont-ils ?"


[Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} 554705E2Tari2

Neraën ne pouvait pas s'empêcher de fermer les yeux. De revoir tous ces passages de sa vie, tous ces visages amis ou ennemis. Ceux qu'il avait tués, ceux qu'il avait de par ses décisions condamnés à mort. Faible. Son coeur était extrêmement faible...

"Pour m'être protégé... pour... pour avoir voulu empêcher les Drows de pénétrer dans l'Anaëh, de... de dépasser l'Uraal. Son coeur commença à rebattre un peu plus fort. Pour avoir tenu la ligne. Pour avoir été mis, sous mes ordres, à un endroit que je savais trop risqué... je savais qu'ils mourraient. Pour... Et il continua, faisant ainsi tous les morts qui se présentaient à lui, dans un ordre qui lui semblait chronologique. Jusqu'à ce qu'arrivent des elfes, les derniers à se présenter à lui. Des elfes qu'il ne savait pas morts. Parce que je vous avais demandé d'essayer de reprendre l'Aube, et de trouver des preuves concernant la folie de membres du Conseil. Parce que vous n'avez pas vraiment eu le choix et que vous avez décidé de me faire confiance. Pardonnez-moi..."

La serre le lâcha ; il tomba à genoux dans l'eau, qui se répandit en ondes argentées. Tremblant, il retira une main du liquide pour découvrir en l'approchant de son visage que l'eau s'était transformée en une rivière de sang. Un vieux sang noirâtre. Des larmes coulèrent de ses yeux océan, larmes transparentes qui lui brûlèrent les joues. Voilà, c'était fait... Un peu de chaleur lui réchauffa le coeur, mais pas suffisamment pour qu'il tienne ainsi. Il tomba dans le liquide, épuisé, avec la peur et désagrable impression qu'il serait ainsi immolé, si facilement.

"Lève-toi !
- Ca...
- Lève-toi, abruti !
- Capitaine ?
- Parce que tu te laisses abattre comme ça, maintenant ? J'ai connu un Neraën qui valait mieux que ça !
- Maëndel... ?
- Allez, debout !"


Le dernier mot se perdit dans le grand espace de la salle, alors que le protecteur se redressait avec difficultés. Personne... il n'y avait plus personne dans le temple à part lui. Il était trempé, ce qui rendait l'essai de se remettre debout compliqué. L'eau était redevenue bleue, toute trace de sang s'était évanouie. Les larmes le brûlaient encore. Le protecteur frissonna de froid, tellement qu'il dut arrêter son effort pour se tenir les bras.

"Pourquoi n'écoutes-tu pas l'appel de la nature, Nera ? Pourquoi t'acharnes-tu à briser le cycle ?
- P... père ?
- Il me fait mal de te voir ainsi... Laisse-toi guider, arrête d'avoir peur. Tu verras, tout se passera bien.
- Pour... pourquoi aller vers la mort, qu'ai-je fait ?
- Je ne sais pas, mon enfant. Il me semble avoir entendu parler de traîtrise, mais comment cela a-t-il pu venir de toi ?
Nedelran, le père de Neraën, apparut devant son fils. Debout, il regardait celui qui avait pris sa suite avec un regard sincèrement désolé.
- Je ne suis pas un fils de Tinùviel, papa. J'ai juste... j'ai voulu protéger le protectorat. Eviter une guerre sanglante.
- Comment un assassin peut-il tenir de tels propos ?"


Neraën releva la tête. En lieu et place de son père se trouvait le guérisseur, les traits durcis par la colère. Les deux elfes se toisèrent ; l'un fort, l'autre au coeur de sa faiblesse. Le premier se devait de délivrer un message, le second ne comprenait toujours pas. Aussi le guérisseur commença à tourner autour du protecteur, marchant lentement mais d'un pas sûr.

"Je suppose que vous ne vous rappelez toujours pas de qui je suis ? D'où nous nous sommes rencontrés ?
- Non...
- Alors peut-être cela vous reviendra-t-il en mémoire..."


Le mort agrippa fermement l'épaule du vivant, rétablissant un lien entre eux deux qui avait auparavant été bref mais extrêmement fort. Si puissant que Neraën hurla de douleur tant les mots, les ressentis et la douleur elle-même l'envahissaient au point d'avoir l'impression que son crâne allait exploser. Cette douleur, si particulière... qu'il ne recevait que lors de crises magiques... Il s'écroula par terre, la main de l'autre toujours crispée sur son épaule, se tordant sous le mal. A sa mémoire revenaient dees images, des impressions qu'il était capable de replacer à l'après-bataille d'Eraïson. Certainement dans le dispensaire. Il y eut une forme d'attaque puis tout disparut. Ne restait plus que lui et le guérisseur. Ainsi que l'amertume qu'il avait en lui et qui se lisait sur le visage de l'autre. Quelques secondes de répis après plusieurs minutes de torture, et cela recommençait. Les images d'un rêve lui parvenaient, un cauchemar où des êtres de lumières étaient présents et où... il s'était défendu.

Tout s'arrêta soudainement, le guérisseur ayant lâché prise sur l'être recroquevillé sur le sol de pierre. L'elfe aux courts cheveux bruns se releva, le regard impérieux, et recommença à marcher. Toujours avec lenteur. Sans plus jeter un oeil à celui qu'il avait autrefois essayé de soigner, il reprit.

"Vous rappelez-vous, maintenant ?
Il dut attendre un long moment avant qu'une réponse, faible, ne lui parvienne.
- Les êtres de lumière ?
- L'un d'entre eux.
- J'ai... je vous ai tué ?
- N'en avez-vous pas entendu parler ?"


Si... et Neraën avait autant peur que honte de ce qui s'était produit ce jour-là. Avoir détruit un esprit, un souffle même peut-être, ou bien avoir brisé tout lien avec son corps... Quelqu'un avait dû s'occuper d'achever le corps sans âme du guérisseur par sa faute. C'est ce qu'on lui avait raconté. Et lui se souvenait d'une vie, d'une famille qui n'était pas la sienne... d'un enfant qui avait survécu à l'attaque drow sur Eraïson avec son père et qui s'était vu obligé de rester à Ardamir alors que son paternel partait aider les combattants. Pour ne jamais revenir, au final, et ainsi rendre le jeune Ylian orphelin de ses deux parents, voire même de toute sa famille. Neraën était devenu aussi blanc que la neige et, toujours, des larmes coulaient. Des gouttes d'eau salée qui ne le brûlaient plus mais qui faisaient autrement mal.

"Uilden... pardonnez-moi, je vous en prie.
- Ce sera à mon fils de le faire. Il est trop tard pour moi."


Le guérisseur disparut alors, tout comme l'eau, laissant le silence régner en ces lieux. Neraën sentit alors son coeur battre normalement et le peu de forces qu'il avait dans ses membres revenir. La douleur, par contre, était toujours présente. Surtout celle du coeur... car quelle personne se voulant être protectrice pouvait accepter d'avoir tué un innocent ? Quelqu'un qui acceptait l'ordre des choses, peut-être.

Il se redressa, encore une fois. Mais pas avec l'intention de se mettre debout. Juste être assis, pouvoir réfléchir à tout cela en ayant un peu moins froid qu'allongé par terre. C'est là qu'il la vit. Allongée sur le sol, ses longs cheveux d'ébène étalés sur la pierre, son corps menu à la peau presque aussi pâle que celle d'un cadavre. Du peu qu'il pouvait voir, sa poitrine comme son ventre ne se soulevaient plus...

"Macabre ?"

Neraën se traîna jusqu'à la protégée de Tethien et la prit délicatement dans ses bras. Son corps fragile se laissa faire sans une seule once de résistance, aucun souffle ne s'échappa de ses lèvres. La jeune femme - ou plutôt son corps sans vie - était d'une froideure qui ne laissa aucunement insensible le protecteur. Il lui avait promis de ne jamais lui faire de mal, de la protéger... et voilà qu'il se rendait compte que son absence et le fait que son ami soit mort - par sa faute - avaient engendré tout le contraire. Si maigre qu'elle était...

"Je t'avais dit de vivre, de ne pas m'attendre... d'essayer de reprendre le cours de ta vie, de..."

C'était sa faute. Uniquement sa faute. Et il s'en voulait. Mais plus fort que cela, plus profond que toute autre chose, était cet étrange lien qui les unissait. Lien qu'il ne ressentait plus et qui laissait un immense vide en lui, le déchirant plus que n'importe quelles larmes pouvaient le faire. Vide immense que son esprit voulut immédiatement combler.



Le prêtre lâcha la tête de l'accusé, la respiration saccadée. Il tremblait, ne se sentait pas bien, avait besoin de repos. Le mage qui était de l'autre côté de Neraën était quant à lui à terre, avec un terrible mal de crâne. Ils avaient été prévenus et avaient pris les précautions pour que l'épreuve se passe au mieux, et ils avaient bien fait. Poussé dans ses retranchements, l'esprit de l'ancien guerrier avait réagi plus puissamment que ce à quoi ils s'étaient attendu, brisant la magie qui avait déjà effet sur lui ainsi que toutes barrières placées en prévention. Mais heureusement, il n'y avait aucun dégât réel. Le prêtre de Tari se leva de sa chaise et affirma à ses congénères avoir terminé. Il fallait qu'il prenne l'air, un instant. Juste un instant. Le temps que Neraën se réveille.
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeVen 20 Oct 2017 - 10:29

"Comment s'en sort-il ?
- Lequel des deux ?
- Lui."


La femme au visage carré montra d'un signe du menton celui que les siens accueillaient depuis désormais trois jours. Rien en elle ne laissait montrer la grande douceur généralement attribuée aux femmes, que ce soit dans ses yeux verts perçants, ses longs cheveux roux noués vers l'arrière en de multiples tresses ou de la manière dont elle se tenait. Même sans armure, il se voyait qu'elle était une combattante experte et peut-être bien même une personne capable de prendre n'importe quel bataillon en main. Juste en étant présente, chacun ne pouvait ressentir qu'un profond respect pour elle. Pour celle que les moines et prêtres de ce lieu appelaient Mathauth. Le prêtre qui était à côté d'elle, un grand elfe aux courts cheveux blonds, aux yeux marron et à la forte stature, haussa d'une épaule.

"Il tient. Quelques lésions, un caractère calme qu'il faut arriver à faire éclater. Les épreuves des deux Soeurs ont visiblement eu leur effet.
- Et sur le plan magique ?
- Relativement stable mais il se refuse à se laisser aller à elle.
- Il devrait, pourtant.
- Il y sera forcé. Son corps est faible, plus que son esprit brisé. A un moment il se battra au-delà de ce que sa condition physique le lui permettra. En attendant, j'ai l'impression qu'il utilise la magie d'une manière ou d'une autre, peut-être sans le savoir.
- Que vous fait-il dire cela ?
- Un resenti, Mathauth. Et des déductions. Il semblerait que le Trône Blanc ainsi que l'Académie d'Alëandir aient décidé de lui retirer sa charge de protecteur et de l'établir dans l'académie parce qu'il est magiquement instable. Pour autant, s'il l'était vraiment, dès la première journée nous aurions eu à intervenir. Cela n'a pas été le cas.
- Cela a failli être le cas.
- Et depuis, rien ne se passe hormis de nombreux instants où il essaie vraiment de se contrôler, un peu à l'image de nos jeunes apprentis sensibles au feu. Il doit trouver un calme fortement enraciné au plus profond de lui.
- Je suppose que vous en parlez régulièrement avec Teloren ?
- Oui, Mathauth.
- Il trouvera un moyen de briser la glace qui reste en Neraën. Sinon je m'en occuperai personnellement, et d'une autre manière.
- Bien, Mathauth... je le lui dirai.
- Il faut que dans trois jours Calimenthar ait touché son coeur. Qu'il ne dorme que peu, qu'il soit constamment sur ses gardes... et qu'il prie.
- C'est ce qu'il fait déjà.
- Le fait-il avec sincérité ou hypocrisie ?
- Il se livre au jugement des Cinq. Je n'ai pas l'impression qu'il tente de cacher quoi que ce soit.
- Assurez-vous en."


Sur ces mots la mathauth partit, laissant son confrère observer de loin le duel entre le moine et le civil. Les deux elfes se battaient - si on pouvait appeler cela comme ça - dans une cour à ciel ouvert relativement petite, où la neige laissait place à la boue. Un couloir de balcons couverts la surplombait, laissant tout loisir au prêtre d'épier l'accusé tout en se faisant progressivement oublier. Désormais statue de pierre contre la rambarde du balcon, l'elfe regarda le dénommé Neraën tomber une nouvelle fois au sol, battu par un adversaire qui n'avait aucune pitié pour lui. Au contraire même, cet adversaire, un moine aux profonds yeux bleus et au crâne chauve, lui adressait constament des paroles blessantes, appuyant là où il découvrait les faiblesses du protecteur. Plus qu'un simple adversaire, Weldran devait devenir aux yeux de Neraën un ennemi. Un ennemi à sa cause, à ses valeurs, quelles qu'elles soient. Il devait oublier qu'il était un moine de Calimenthar, oublier qu'en tant que tel il était une personne que l'ancien aigle respectait. Neraën devait oublier le monde extérieur pour n'être plus que lui-même au coeur d'un brasier, et ainsi laisser Calimenthar le dévoiler. Mais il tenait bon face aux insultes... à savoir pour combien de temps encore.


[Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} 328068E3Calimenthar2

Encore, encore et encore. Face contre terre, nez dans la boue, Neraën avait peine à se relever. Il aurait volontiers voulu risposter, mais son corps affaibli par les mois d'emprisonnement, les coups, entorses et déchirures musculaires n'en pouvait plus. Il souffrait et cela se voyait, il ne pouvait même plus esquisser une parade convenable sans que l'un de ses membres ne lâche. C'est ainsi qu'il s'était retrouvé avec une balafre à l'arcade sourcillière droite, un mauvais coup lui frappant le visage alors que sa jambe cédait. Et à cela s'ajoutaient les mots du chauve, de plus en plus obséquieux. Faible. Idiot. Fils de Tinùviel, qui a voulu détruire sa propre cité alors qu'il était censé la protéger. Inconstant. Parasite. Menteur. Voleur. Indigne de ses titres, indigne de pouvoir être considéré comme un einior, une personne de confiance. Par sa trahison, il jetait la honte et le blasphème sur sa propre famille, sur ses parents qui avaient oeuvré au bon fonctionnement d'Eteniril. Son combat n'était rien ; tout ce qu'il ferait serait de tomber dans la déchéance et la folie, de rejoindre les Drows. Une ordure, voilà ce qu'il était devenu. Il aurait mieux valu qu'il décède lors de la guerre : nombreuses auraient été les vies sauvées.

Il faisait nuit. Seules les torches de feu magique éclairaient la cour carrée et une pluie fine tombait, sans jamais s'arrêter, sur les deux combattants. Le moine donna un coup de pied dans l'épaule de son adversaire pour le faire basculer, qu'il ne soit plus allongé sur le ventre. Son regard était extrêmement dur et hautain.

"Décevant... Tu te perds, de plus en plus. Tu n'as rien à quoi te raccrocher.
- C'est faux..."


Le moine se retourna. Dans la voix de son "élève" avait raisonné une assurance qui avait jusque là manqué, et quelque chose dans l'air l'intriguait. Quatre jours entiers pour en arriver là. Allait-il enfin se laisser aller à la force d'esprit de Calimenthar ? Qu'il se relève, qu'il se batte... peut-être était-ce bien là sa chance.

"Relève-toi. Tu n'es qu'un lâche qui ne fait que condamner les siens. Aucun répis pour les loups de ton espèce !"

Teloren reprit son bâton marqué par la boue de ses deux mains et fit partir l'une des extrémités vers le cou de celui que l'on déclarait comme étant un traître. L'attaque eut beau être rapide, une main couverte de boue se saisit de l'arme avant qu'elle ne trouve sa cible. Il ne montra ni sa surprise, ni son contentement.

"Regarde-toi... tu n'es qu'une ombre, tout ce que tu peux encore faire est de ramper comme un ver. Incapable de te battre !"

Tout en accentuant le dernier mot, il tira sur son arme de bois pour en garder la mobilité. Le protecteur ne put retenir l'objet qui lui glissa entre les doigts. Ses yeux extrêmement profonds se levèrent vers l'autre, l'un de ces regards qui montraient à quel point l'être était proche de son état le plus instinctif. Teloren avait affaire avant tout à un guerrier plus qu'à un mage ou un politicien, il le savait très bien. Aussi, même si on lui avait mis en garde contre la puissante magie de l'elfe, il comptait bien jouer là-dessus. Voir le guerrier qui régit son âme porter toute sa hargne contre lui.

"Lève-toi, traître ! Montre qui tu es !
- Traître toi-même !"


De sa main droite, Neraën avait fini par récupérer son propre bâton et porter un coup tout en se redressant. Ses cheveux blancs lui collaient au visage, ses habits lui collaient au corps, l'empêchant de correctement bouger, amplifiant ses souffrances au moindre froissement, mais cela ne comptait plus. Ce qu'il pouvait entendre de la Symphonie ne faisait plus écho à son esprit. Il entrait dans un état second, un état qu'il avait déjà connu lorsqu'il était soldat. Un état qui lui permettait de ne plus ressentir la douleur - ou de la faire sienne tellement elle était forte - et de réagir uniquement à l'instinct, jusqu'à ce que l'adrénaline ne retombe ou qu'il soit entièrement dépourvu de force. Un instinct qui ne lui permettait plus de vraiment différencier ses amis de ses ennemis. Le moine reconnut ce genre de comportement et se prépara aussitôt à le contrer tout en l'exploitant. Dans ces moments, l'elfe ne répondait que ce qu'il pensait réellement et se délivrait ainsi sans même s'en rendre compte. Autour d'eux, plusieurs personnes entrèrent en mouvement, prêtes à intervenir.

"Vraiment ? Et voler l'Aube, n'est-ce pas là de la traîtrise, mettre en danger tout le protectorat, garder le pouvoir pour toi ?
- Ras-le-bol du pouvoir ! Des meurtriers, rien d'autre ! Elle est protégée des fous que vous êtes !
- Des fous ?
- Vous n'entendez pas ! Elle crie, elle pleure cette guerre. Ses voix chantent sa peine et le meurtre par la folie de frères de pierre.
- Aussi veux-tu détruire la pierre !
- Non !"


Teloren sentit une puissance le bloquer mentalement, qu'il essaya de contrer par sa volonté. S'il parvint à garder assez d'esprit pour faire un geste que ceux qui attendaient sous les balcons reconnurent, il se prit un coup sec de bâton dans la figure avant qu'une main ne lui agrippe avec force le cou.

"Ni des pierres ni des feuilles. Protecteur d'un protecto..."

D'un geste vif, le prêtre aux courts cheveux blonds assomma l'elfe civil. Alors que le moine se remettait de cette paralysie mentale tout en se frottant la gorge, l'autre retint l'assommé de tomber et passa un bras par-dessous son épaule pour le ramener vers un endroit où toutes ses blessures pourraient être soignées.

"Que s'est-il passé, Faleorn ?
- Vous ne vous en souvenez plus ?
- Il a crié "non" et... j'ai l'impression que c'est entre-coupé.
- Il a utilisé sa magie sur vous Teloren. Vous avez réussi à faire le geste et je suis le premier à l'avoir atteint.
- Bien... A-t-il dit quelque chose ?
- Aucune impression ? Absolument aucun souvenir ?
- Peut-être...
- Ni des pierres, ni des feuilles. Protecteur d'un protectorat... je ne l'ai pas laissé terminer.
- C'est bien ce qu'il me semblait. Emmenez-le, l'épreuve est terminée... je crois. Ah, Faleorn ?
- Hum... oui ?
- Je pense comprendre pourquoi votre père l'apprécie beaucoup."


Le grand elfe ne répondit rien, ne sachant comment réagir à cette affirmation. Depuis l'automne c'était régulièrement tendu avec différentes personnes, notamment des civils. Autant le culte de Calimenthar était ouvertement toléré en Eteniril, autant le fait que son père, Falaedhel, soit de ceux qui ont quitté la cité... Il ne savait pas pourquoi il était ainsi parti et avait peine à admettre qu'il ait décidé d'être un fils de Tinùviel. Mais beaucoup voyaient en ce fils aîné le sang d'un traître plus que celui d'une personne ayant décidé de vouer sa vie à Calimenthar. Heureusement pour lui, la mathauth intervenait en sa faveur et savait mieux que n'importe quel elfe de la cité recadrer une masse d'idiots. Maheureusement, il n'en était pas de même pour sa mère et ses deux soeurs...
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Telenwë Neraën
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeVen 20 Oct 2017 - 10:37

"Chut, ne dites rien. Votre corps n'a pas fini de se remettre. Vous pourrez marcher demain, mais pas ce soir."

La jeune femme aux longs cheveux blonds ondulés et aux magnifiques yeux d'émeraude lui sourit. Un doigt posé sur sa bouche pour l'inviter à rester silencieux, elle se releva du lit sur lequel elle s'était assise en voyant son "patient" reprendre ses esprits. Ah, les adeptes de Calimenthar... fallait-il toujours qu'ils fassent n'importe quoi ! Encore que là, c'était un cas particulier. Et un médecin était venu s'occuper de lui tout de même, même si un mage de l'esprit l'accompagnait. Enfin... quoi qu'il en soit, maintenant c'était à elle de lui faire une épreuve ! Et elle avait bien envie de mettre tout son talent pour cela, et surtout de découvrir ceux de son vieux protégé. Est-ce qu'il avait une seule once de poésie en lui ? Prenait-il plaisir à chanter ou à danser ? Et quelles pouvaient être ses émotions, aimait-il ? Oh qu'elle était curieuse ! Mais sans curiosité, on n'avançait pas... c'était bien là l'éternel défaut de son peuple, à son grand désespoir ainsi qu'à celui de ses confrères.

"Où...
- Tututututut ! On ne parle pas j'ai dit ! Vous êtes dans une petite maison en Eteniril, tout simplement. Vous vous êtes laissé bercer par Calimenthar et maintenant, vous allez vous laisser bercer par ma voix. Demain nous passerons aux choses sérieuses. Ah et... moui non on verra ça demain, évitez de vous poser des questions."


Avec légèreté et grâce, l'elfe alla s'asseoir sur un fauteuil près duquel était posée une lyre. Elle était vêtue d'une courte robe vert pâle laissant bien voir les quelques rondeurs qu'elle possédait à la poitrine, ainsi que d'un demi-masque de la même couleur représentant les plumes d'un oiseau. Artiste dans l'âme, elle prit avec une élégance rare son instrument et commença à jouer un vieil air de la région, avant d'accompagner les accords de sa douce voix juste assez aiguë et mélodieuse. Une soirée pourvue de chants commença, tous plus prenants les uns que les autres. Comme elle l'avait dit, Neraën ne put que se laisser bercer par sa voix et déjà les mots qu'elle employait faisaient sens en son coeur, le guérissant en partie de ce qu'il venait de vivre. S'il pouvait un jour s'en remettre... Tant de questions se pressaient dans sa tête, tant de retours sur ces deux premières ennéades qui devaient maintenant s'achever. Tant de questions sur lui-même, ce qu'il était, ce qu'il avait fait et pour quoi il se battait... S'il devait encore se battre, d'ailleurs. Il ne savait plus, là en se réveillant. Quelque chose en lui faisait qu'il ne se retrouvait plus. Cette horrible impression persista jusqu'à ce qu'il se rendorme, perdu, juste accompagné du chant de l'elfe qui ne lui permettait pas de se concentrer pour percevoir une once de Symphonie.

[Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} 683051E4Arcamenel

Neraën rouvrit les yeux. La première chose qu'il constata fut que les chauds rayons du soleil éclairaient la pièce dans laquelle il se trouvait : un grand salon dans lequel un lit et d'autres affaires comme... une grande bassine d'eau... avaient été entreposés. Remarquant qu'il était seul, l'elfe essaya de se redresser dans son lit, ce qui lui arracha une grimace fort prononcée. Il remarqua alors qu'on lui avait revêti une simple robe de couleur bleue, dont les manches longues ne lui arrivaient qu'à la moitié des avant-bras. Ses cheveux blancs tombaient jusque sur son bas-ventre, ce qui le laissa quelque perplexe : il ne s'était pas encore rendu compte d'à quel point le temps était passé. Un peu perdu, il s'efforça à se mettre en position assise avant d'écouter. Ecouter les silence comme les quelques voix, ténues, qui arrivaient jusqu'à lui. Voix qu'il ne comprenait pas vraiment mais qu'il avait appris à écouter et à se reposer sur elles. Ce qu'il fit. Un très léger sourire apparut au coin de ses lèvres alors qu'il se sentait mieux, plus stable et un peu plus complet.

"Ah, vous êtes réveillé ! C'était pas trop tôt ! Bien dormi ? Remis de chez les tarés ?"

De l’entrebâillement d'une porte sortait le visage au sourire radieux de la femme aux cheveux blonds, qui avait gardé son masque. Ses yeux pétillaient de curiosité et d'amusement. Le sourire de Neraën s'effaça subitement pour laisser place à un regard étonné, presque gêné, et humble. Ce à quoi celle au masque ne s'attendait pas trop de la part d'un politicien et encore moins d'une personne ayant été à la tête d'une cité. Elle attendit qu'il lui fasse un signe comme quoi que tout allait bien avant de reprendre, tout en entrant dans la pièce.

"Pour répondre à toutes les questions que vous avez dû vous poser hier soir ou encore ce matin, non vous n'êtes pas mort, oui vous avez dormi pendant plusieurs jours, non vous n'êtes pas tout à fait rétabli et oui vous vous trouvez dans un endroit tranquille au sein de la cité où personne ne viendra nous embêter. Parce que c'est moi qui vais m'occuper de vous et je peux vous dire que votre état est tellement déplorable que je vais avoir du boulot ! Alors maintenant vous allez me prendre un bain puis vous mangerez quelque chose. Vous êtes encore plus maigre qu'une brindille ! Sous le regard interloqué de son protégé, l'elfe réfléchit avant de rajouter : Ah oui, c'est vrai, je ne me suis pas présentée. Aldarianel, chanteuse du Grand Barde, pour vous servir euh... non pas en l'occurrence. Elle fit une profonde révérence des plus grâcieuses. De quoi, ce n'est pas ça le problème ? Le bain ? De quoi ? Ah mais non vous n'allez quand même pas faire votre puritain ! Allez hop on se lève, on enlève son habit et on entre dans l'eau ! Vous n'aurez même pas la force de vous savonnez rigoureusement donc vous ne dites rien et vous vous laissez faire. Si vous voulez je me retourne, le temps que vous entriez dans le bain... c'est mieux comme ça ?"

Neraën resta encore un instant pantois, se demandant sincèrement dans quel monde il était tombé. Pourtant, de tout ce qu'il avait pu entendre sur les chanteurs d'Arcamenel, ce devait bien être la réalité... Se rappelant la raison pour laquelle il se retrouvait tutoré par cette elfe, il ne dit rien et s'exécuta, entrant dans l'eau qui était tiède presque froide. En entendant le clapotis de l'eau, Aldarianel se retourna et d'un pas de danse rejoint l'ancien aigle. Tout en prenant de quoi laver son patient elle se mit à chanter une chanson que Neraën ne connaissait aucunement. Alors que son attention se reportait sur la Symphonie, l'enfermant dans une bulle bienfaitrice, il sentit un brin de magie auquel il ne fit pas vraiment attention. De toute façon, si de la magie était utilisée... il n'avait rien à y redire.

Après une bonne toilette Aldarianel tendit une grande serviette à Neraën, se retourna un instant pour ne pas le gêner outre mesure - ce qui l'amusait vraiment - puis le fit s'asseoir sur un tabouret une fois qu'il fut rhabillé. Elle s'assit sur un tabouret derrière l'elfe, tout en continuant de chanter, et se saisit d'une brosse fort épaisse. A côté de cet ustensile se trouvaient un peigne, un peigne fin, une paire de ciseaux et un miroir. C'est que même pour les cheveux il y avait du boulot ! Elle le brossa, le peigna, puis sans le prévenir prit les ciseaux et commença à couper les longs cheveux d'argent. Forcément le mage eut un mouvement de recul.

"Hé, vous croyiez vraiment que j'allais vous laisser avec des cheveux secs et abîmés ?! Un peu de neuf à tout ça ne vous fera que le plus grand bien ! Un nouvel elfe, j'en conviens, mais n'est-ce pas là ce que votre coeur avait demandé ? Alors désormais que votre tête soit bien droite, pour que vos jolis cheveux je puisse correctement couper."

Il n'avait pas envie qu'on lui coupe les cheveux - ou peut-être s'en fichait-il, en fait - et de toute façon il n'avait pas le choix. La chanteuse avait décrété qu'elle le remettrait à une mode, elle le ferait... Il resta donc impassible sur sa chaise, attendant qu'elle ait terminé pour faire un quelconque mouvement. Comme à son habitude il se complaisait dans les sons que l'autre elfe ne devait sûrement pas percevoir et en restait muet. Elle, de son côté, parlait toute seule... ou à une statue de pierre, peut-être.

"Tsss ils sont vraiment abîmés... A cette taille ça devrait être mieux. Oh, non ! Là ce sera bien mieux, avec en plus un désépaississement ce sera parfais ! Quoique... En avez-vous réellement besoin ? Allez, à cette hauteur quand même, vous serez beau comme ça. Et il faudrait que vous trouviez des habits moins classiques aussi, ce serait mieux. En Ardamir ils arrivent à faire des efforts de ce côté-là ! Il leur arrive de faire de très belles oeuvres. Par contre, concernant la décoration de leur cité, ils ont encore des progrès à faire. Pour tout dire, l'un de mes frères a eu l'heureuse idée de peindre de magnifiques couleurs une place de cette cité. Malheureusement les Ardamiris n'ont pas aimé - je ne comprends vraiment pas pourquoi - et il s'est fait remonter les bretelles. Comme quoi qu'il y a toujours des choses à améliorer chez tout le monde... Vous savez, le problème des Elfes est qu'ils stagnent, ils n'avancent jamais ou tout du moins jamais assez. Comme des escargots. Il faut forcément qu'il y ait une crise, quelle qu'elle soit, pour qu'ils se bougent et inventent des choses. Et hop ils font un saut en avant ! Telles des grenouilles. En fait nous sommes dans la globalité des escargots à grenouilles d'urgence. Heureusement, Arcamenel nous fait voir ce qu'il faut et en tant que ses suivants nous nous devons de faire avancer les escargots plus rapidement, sans qu'il y ait besoin des grenouilles. Et aussi..."

Il n'écoutait pas, restait dans ses pensées. Et elle continuait, bravant le silence volontairement d'une manière ou d'une autre. Finissant par remarquer que de toute façon il ne lui répondrait pas, elle occupa l'espace vide autrement. Comme elle savait si bien le faire, elle se mit à chanter. Une chanson que le protecteur devait très bien connaître... une chanson à laquelle elle rajouta un brin de magie, comme il lui arrivait souvent de le faire. Une chanson dont l'air et les paroles se firent un chemin à travers un autre chant, afin de toucher son être malgré le fait qu'il soit dans ses propres pensées.

Neraën entendit le chant d'Aldarianel, initialement sans s'en soucier outre mesure. Puis, après un moment, il daigna y prêter plus attention. Il ne le montra pas, mais il écoutait ce qu'elle chantait, se remémorant les paroles en même temps. Il en alla de même pour deux autres chants avant qu'elle ne s'arrête, contente d'avoir terminé son travail. C'était une coupe toute simple, mais au moins cela lui donnait plus de légèreté, selon elle. Ensuite pouvait commencer la journée qu'elle avait prévue, en débutant bien sûr par un bon repas bien chaud et surtout bien consistant. Il n'en mangea pas grand chose, ce qui la fit rouspéter, mais il s'était habitué à ne pratiquement pas se sustenter... alors autant remplir un verre déjà plein.

Cette journée, étrangement calme par rapport aux derniers évènements que Neraën avait vécus, fut sous les auspices de l'Art et de la discussion. Elle cherchait clairement à apprendre à le connaître, elle ne s'en cachait pas même si tout était amené avec finesse. Et lui jouait son jeu, puisqu'il fallait qu'il le fasse. Il essaya de ne pas trop penser, de ne pas imaginer ce qu'allait donner la suite... Il n'avait pas envie de tromper les Cinq, aussi préférait-il se surprendre lui-même. Le vieil elfe était amené à parler de lui et de son passé - ce qu'il ne faisait que succintement - ainsi qu'à donner son avis sur divers thèmes. Certains sujets en devenaient intéressants et, à la fin de la journée, finissaient par être les causes de chants, dessins ou poèmes. Il remarquait sans problème qu'Aldarianel avait une culture générale très importante et qu'elle faisait exprès d'essayer tout ce qui pouvait le concerner. Et il ne mit pas laongtemps à comprendre qu'elle ne supportait pas le silence, contrairement à lui qui s'était enfermé dedans et qui devait régulièrement avoir de longues pauses parce qu'il n'était plus capable de tenir une conversation pendant des heures. Elle finissait au bout de quelques minutes par avoir un air gêné qui se voyait malgré son masque et elle emplissait l'atmosphère de chants de plus en plus touchants. Quand venait le soir, en plus de sortir des pierres magiques pour s'éclairer elle allumait un bâtonnet d'encens, soit disant pour que l'air soit meilleur et avoir un parfum agréable dans la pièce. Et elle sortait sa lyre ou sa flûte, et se mettait à jouer.

Neraën, assis sur le sol, dos et tête collés au mur, écoutait la douce mélodie qui sortait de l'instrument à vent. Ses yeux aussi profonds que l'océan reposaient dans le vague, l'air le prenant jusqu'au plus profond de lui-même et le son cristallin de la flûte lui rappelant quelque chose de magnifique mais pourtant inaccessible. Le souvenir d'une mélodie particulière, d'un chant secret et empli d'émotions. Et du peu de ce qu'il se rappelait de ce chant, de ce moment où son esprit était loin de son corps, c'était un son encore plus clair que ce que la barde réussissait à créer qui lui restait en mémoire. Un son qui lui manquait...

Tout en jouant, Aldarianel releva doucement les yeux vers Neraën. Finalement, un air - peu connu pourtant - avait provoqué une réaction chez lui qu'elle appréciait : il chantait. Bas, certes, mais il chantait. Avec des paroles qu'elle-même avait du mal à comprendre mais dont elle pouvait repérer les rimes. Elle baissa à nouveau les yeux, attendit qu'il cesse de chanter et clôtura ce morceau de musique. Le dos toujours droit, elle baissa élégamment ses fins bras pour maintenir son instrument de musique en travers de ses cuisses. Avec un fin sourire, elle s'adressa à celui qu'elle considérait être son protégé.

"Que raconte cette chanson ?
- Hum ?
- J'en connais l'air mais pas les paroles. Et vos mots m'ont pour la plupart été indéchiffrables.
- Je... Il réfléchit plusieurs secondes. Je ne sais pas. Elle parle de l'Anaëh, de sa naissance, des Elfes, de guides... Je n'en sais pas plus.
- De guides ? Lesquels ?
- Si je ne me trompe pas sur ces guides dont parle cette chanson, il s'agit de ceux qui étaient des chefs de clans, gardiens de la pensée de leur peuple sur un point non-religieux. Certains de ces guides sont devenus ceux qu'on appelle protecteurs. A l'époque, leur fonction était différente...
- C'est-à-dire ?
- Comment dire... Ils protégeaient non seulement leur clan, mais également les autres qui étaient sur le même territoire que le leur, sur ce protectorat. Enfin si j'ai bonne mémoire, parce que ce n'est pas cela qu'on enseigne aux jeunes citadins.
- En est-il différemment ailleurs ?
- De ce que j'en sais, oui.
- Est-ce vrai que vous avez beaucoup fréquenté les noss ?
- Oui. L'un de mes amis était druide, et avec le traité de non agression j'ai appris à connaître d'autres noss que la sienne. L'une d'elles aime beaucoup chanter, d'ailleurs... comme vous.
- Peut-être les rencontrerais-je un jour...
Il ne répondit pas.
- Cela a dû être difficile de choisir entre eux et la cité lors...
- Je n'ai pas choisi. Mon coeur a décidé de faire un choix autre... mon esprit se demande aujourd'hui si ce n'était pas que folie, si se battre ainsi en valait la peine.
Aldarianel regarda attentivement Neraën. Une foule d'émotions se lisaient sur son visage, notamment la tristesse, la mélancolie et l'incertitude.
- Et quel a été ce choix ?
- Briser la folie qui menait à la guerre, protéger la cité en protégeant tous les elfes du protectorat...
- Une noble pensée.
- Qui m'a amené face à vous. Les citadins ne sont pas prêts à comprendre.
- Peut-être...
La chanteuse posa sa flûte sur le sol pour prendre sa lyre.
- Je regrette tout ce qui s'est passé. J'ai été incapable de gérer ce conflit, de voir que mon absence mènerait si loin. Incapable de penser comme ceux qui m'ont élevé. Incapable d'éviter que des vies soient rendues à Tari, trop tôt et trop brusquement pour laisser autre chose derrière elles que la douleur et la peine. Je ne sais même pas si elle a réussi à surmonter la douleur, si elle est encore de ce monde...
- De qui ?
- M... Une personne.
- Une personne à laquelle vous tenez.
- Une personne à qui j'ai promis de la protéger et que j'ai mis en danger.
- Lors de cette soirée ?
- Oui. Et parce qu'une personne est morte alors qu'elle était sous mes ordres, une personne à qui elle tenait. Et parce que j'ai refusé qu'elle me ramène loin d'Eteniril, aussi.
Elle commença à entamer une mélodie douce et grave du bout de ses fins doigts, mélancolique.
- Vous tenez vraiment à elle.
- Non, pas...
- Si, cela se voit, Neraën. Votre coeur se serre plus que lorsque vous parlez des autres. Y a-t-il un lien entre vous ? Un lien... particulier ?
Ses lèvres restèrent closes pendant de longues secondes.
- Oui.
- Ah.
La mélodie changea doucement, pour atteindre autrement le protecteur, commençant à le manipuler comme elle le désirait grâce à la magie et à l'encens.
- Gardez la musique en tête, Neraën... Gardez-la parce que je ne pourrai pas la jouer alors que nous danserons afin de vous libérer l'esprit. Qu'elle s'incrive en votre esprit alors qu'Arcamenel s'occupe de délier les lianes qui habitent votre coeur."


Sur ce elle se leva doucement, arrêta de jouer et posa la lyre sur sa chaise. D'un signe de main elle invita l'elfe aux cheveux blancs à la rejoindre, ce qu'il fit sans même réfléchir. Désormais tous deux debout, yeux d'émeraude plongés dans ceux d'azur, la musique se répétant inlassablement dans leur tête, leurs corps se rapprochèrent et ce fut presque naturellement que Neraën positionna ses mains de sorte à pouvoir conduire sa partenaire de danse. Aldarianel eut un doux sourire et fit quelques pas de danse, entraînant avec elle son cavalier. Leurs yeux ne se quittèrent pas un seul instant. L'homme reprit assez rapidement la direction de la danse, comme le voulait la tradition. La réflexion était loin derrière, l'instinct était tout ce qui importait. L'instinct, la danse et la musique. Des émotions profondes lui souriaient, semblaient vouloir déborder même. L'encens et la musique semblaient vouloir l'appeler à des souvenirs, à l'expression d'un sentiment qu'il ne connaissait pas - ou plus - sous sa forme la plus simple. Complexe était son coeur, complexes étaient ses émotions et plus encore lorsqu'elles étaient liées à des valeurs auxquelles il tenait comme le devoir ou l'amitié. Les minutes passèrent, des dizaines de minutes s'égrainèrent, sans qu'ils ne se lassent. Les images passaient dans la tête du guerrier, le renvoyant à la Prime Oeuvre, à des endroits qu'il reconnut comme étant du protectorat, à elle... à Macabre, à ce lien magique qui striait son visage pâle. Ce lien qui s'était brisé lors de l'épreuve de Tari, du moins qu'il avait ressenti ainsi. Lien qui le rapprochait d'elle, plus qu'elle ne devait le penser...

Au fur et à mesure que ces pensées s'étaient présentées à son esprit, ses pas avaient cessé. Lui et elle s'étaient arrêtés, en harmonie, leurs corps plus rapprochés que jamais, leurs respirations s'épousant parfaitement. Pris dans cette tourmente de cette émotion que l'on appelle "amour", Neraën ne se contrôla absolument pas et Aldarianel ne fit rien pour l'empêcher d'exprimer ce qui était au plus profond de lui. Au contraire même, ce fut elle qui déclencha cette expression en penchant son fin visage vers celui du mage de l'esprit afin d'y cueillir un baiser. Leirs yeux se fermèrent. Leurs lèvres se rencontrèrent, s'embrasèrent... Leurs mains vinrent chacune caresser doucement le corps de l'autre, pudiquement, la femme ne faisant que répondre à l'expression de l'autre. Jusqu'à ce qu'il ne rouvre les yeux et n'arrête cette seconde danse, se reculant de la chanteuse, perplexe.

"Je...
- Huuum ?
- Pardon...
- Ne vous excusez pas... cela se voit que vous n'avez pas l'habitude. Ce qu'il vient de se passer, cher Neraën... c'est ce qui réside au plus profond de votre coeur, que vous en ayez pris conscience ou non. Que vous ayez déjà embrassé une femme ou non. Cela a été une bonne expérience, j'espère ?
- Oui..."


Aldarianel sourit franchement tout en laissant un fin rire sortir de ses lèvres, puis déposa un rapide baiser sur les lèvres de l'elfe hébété. C'était déjà une première révélation pour lui, et importante. Il était temps qu'il aille se reposer,parce que les prochains jours seraient similaires...

Au cours des journées suivantes, Neraën ne put s'empêcher de repenser à cette fameuse soirée, à ce sentiment si profond qu'il avait d'abord eu pour l'Anaëh puis pour Macabre. Initialement il n'y avait vu que leur lien magique, puis il avait senti qu'il y avait autre chose... de bien plus profond. Il était sincèrement gêné par cette découverte et encore plus gêné par ce qui s'était passé entre lui et la prêtresse, d'autant plus qu'il s'était toujours refusé d'embrasser une personne à qui il ne se destinait pas malgré le fait qu'il était un elfe un peu trop charmant étant plus jeune. Déstabilisé, encore. Et chaque jour, le soir étant son apogée, quelque chose de similaire se déroulait. Sur d'autres sentiments, sur ses volontés propres. Il se rendait compte à chaque fois trop tard de ce qui se passait, de la façon dont il agissait. Et s'il apprenait ainsi à se connaître, il s'en perdait d'autant plus.

Une seule chose de stable, lors de ces quatre jours avec Aldarianel : malgré la gêne qu'elle occasionnait chez lui et la raison pour laquelle ils se côtoyaient, l'amitié grandissante qui se tissait entre eux.
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeVen 20 Oct 2017 - 10:57


La fin de la septième ennéade de Favriüs était sous le signe du silence. De toutes les heures passées avec des prêtres d'Elenwë dans une petite bâtisse non loin du temple de Tari, pratiquement aucun mot ne fut échangé. A se demander si c'était toujours ainsi ou bien si c'était une partie de l'épreuve qu'ils lui réservaient. Ce n'était pas pour déranger Neraën dont la fatigue ne lui donnait guère envie de parler pendant des heures - les jours d'avant avaient d'ailleurs été particulièrement éprouvants sur ce sujet - mais cela lui faisait tout de même étrange. Le passage de l'inarrêtable Aldarianel au silence d'Elenwë représentait une coupure dont une passerelle aurait été agréable. Ses chants et airs de musique lui revenaient parfois en tête, comme certaines choses qui dans le fond n'auraient jamais dû arriver avec elle. De même revenaient tout un tas de questions et de souvenirs liés aux épreuves des autres dieux...

"Ils sont prêts."

Neraën hocha doucement de la tête en signe d'assentiment et posa le verre qu'il était en train de pensivement essuyer, sans un bruit. Il étendit le torchon sur un bout de la table et se leva, prêt à suivre le prêtre qui était venu le chercher. Ils traversèrent le salon attenant à la cuisine et montèrent les deux étages de ce qui avait à un moment dû être des appartements, pour arriver dans une vaste pièce très peu aménagée, où avaient été placés un lit de fortune, deux chaises et une table sur laquelle trônaient deux verres, un pichet d'eau et de quoi écrire. Toutes les fenêtres étaient grandes ouvertes. Sur l'une des chaises était assis un mage de l'esprit que Neraën n'eut aucun mal à reconnaître, ce qu'il ne montra que d'un rapide salut de la tête. Le mage termina de discuter avec le dévoué de la déesse silencieuse avant de se lever pour saluer les deux arrivants. Neraën devinait de quoi il s'agissait et, avant que les choses ne se fassent, il valait mieux qu'ils aient une discussion entre mages de l'esprit, entre "pratiquant" et "tisseur de souvenirs" pour reprendre de doux termes académiques. C'est ce qu'ils firent, longuement, afin que la pénétration d'esprit se passe au mieux, que son confrère ne se retrouve pas en danger et sache comment son maître Celebrand s'y prenait pour assurer sa sécurité face à lui. Cette fois-ci, il n'y aurait pas de protection en plus du mage. Il n'y aurait qu'eux deux. Puis Neraën alla s'allonger sur ce qui tenait plus du brancard craquant sous le poids de l'usure qu'autre chose, ferma les yeux, expira profondément et fit en sorte de se vider l'esprit de tout ce qui pourrait le déranger : pensées, peur, gêne... Il sentit le front du dénommé Cesdran se poser contre son front ainsi que des doigts appuyer sur ses tempes, puis le présent n'exista plus.

Malgré le stress et l'envie de se balancer sur ses pieds, Neraën resta stoïque, en bon elfe qui se destinait à la voie militaire. Cette soirée était extrêmement importante pour lui et il ne voulait aucunement faire le moindre faux pas, surtout devant ses parents, ses maîtres, et l'ensemble du Haut-Conseil. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de regarder ce qui se passait pour l'un des quelques elfes de son âge à être présent au coeur de la forêt, en-dehors de la cité, à la lumière solennelle des feux magiques. Il ne pouvait s'empêcher de détailler le comportement de celle qui faisait elle-même passer les dernières épreuves avant qu'ils ne soient considérés comme adultes. Parce qu'elle l'intriguait tout autant qu'elle forçait le respect. Que ce soit de par son titre, ce qu'il avait entendu d'elle ou bien tout simplement par ce qu'il voyait, il admirait cette femme qui avait choisi de guider leur peuple, celle qui représentait Eteniril, notamment en ce jour d'Edel'Los : la Dame-Protectrice. Il se demandait sincèrement ce qu'elle lui réservait, en avait tout aussi hâte que peur. Certainement serait-ce un combat, puisqu'il... L'elfe fronça les sourcils et tourna les yeux vers la noirceur de la forêt. Quelque chose le gênait, le froissait, le mettait mal à l'aise. Il ne put s'empêcher d'avoir une grimace - enfin est-ce là l'impression qu'il eut, puisque son souvenir ne fut aucunement modifié par la présence non souhaitée.

*Ne crains rien, je ne suis qu'observateur. J'ai choisi l'Edel'Los car j'ai ressenti que c'était un moment important pour toi. Tu connais la leçon, vis à nouveau ce moment, oublie-moi... Une fois que tu seras prêt, nous nous rappellerons d'un tout autre moment.*

La voix venait de loin, comme si elle provenait d'un autre monde... Neraën dut réfléchir un instant à ce qu'il venait d'entendre, puis il comprit. Pour que la pénétration d'esprit se passe au mieux, pour qu'il n'en souffre pas lui-même, il fallait qu'il accepte la présence qui était en lui, qu'il la laisse venir en lui de plus en plus profondément afin que le mage de l'esprit puisse avoir l'entier accès à ses souvenirs. Qu'il se détende, vive à nouveau son passé comme si c'était le présent, qu'il oublie. Cela ne lui faisait pas particulièrement plaisir de se mettre ainsi à nu, de livrer des passages très personnels de son existence, mais il le fallait. Il essaya donc de nonobster la présence gênante qu'il ressentait et travailla à se remettre dans la peau de l'adolescent qu'il était, sur le point de faire son Choix. Pas de cicatrices de guerre encore, ni de magie. L'envie de bien faire, l'assurance de faire partie d'un peuple qui se battait pour une cause à laquelle il adhérait entièrement, le stress, le regard de ses aînés, celui de la dame-protectrice... Au fur et à mesure que le souvenir avançait, il ne faisait plus qu'un avec lui-même, ressentant pleinement les choses, jusqu'à la respiration qui faisait des aller-retours à travers sa trachée.

Une fois le tisseur allongé sur le dos, le pratiquant se concentra sur la magie à laquelle il était prêt à faire appel. Il entrevit les deux prêtres d'Elenwë se placer de part et d'autre du lit de fortune et fermer les yeux comme pour méditer ou accompagner ce qui allait suivre, avant de complètement fermer les yeux, front contre front et indexes contre tempes. Il écarta de son esprit toute notion physique, du vent frais qui entrait régulièrement dans la pièce au fait qu'il était à demi-assis sur une chaise, ne gardant juste pour lien avec le protecteur que la sensation chaude de leurs fronts appuyés l'un sur l'autre. Cesdran détendit son esprit pour s'ouvrir à celui de Neraën et ainsi pouvoir accéder à ses souvenirs, s'enfonçant toujours plus loin dans le psychique de l'être. Intuitivement, la respiration du pratiquant imita avec perfection celle du tisseur, entrant en symbiose avec lui. De l'extérieur, à partir de ce moment-là et pour de longues heures, les deux elfes n'étaient plus que statue de chair et de sang qui avait pour seule particularité de posséder un souffle propre à elle, lent et presque imperceptible.

Cesdran put aller assez loin avant de rencontrer une résistance mentale. Résistance à laquelle il avait l'habitude, s'étant régulièrement entraîné avec des confrères du domaine de l'esprit pour ne pas perdre ce qu'ils avaient appris à l'Académie, raison pour laquelle il renoua avec les sensations physiques le temps de lui parler. Une fois l'accusé rassuré et conscient de la marche à suivre, il revint pleinement au souvenir qui s'offrait à lui. Il commençait doucement par la cérémonie du Choix, moment marquant pour chaque etenirili et donc tout aussi facile d'accès que permettant de se plonger dans les émotions du tisseur. Il attendit que l'ancien aigle ne ressente plus sa présence ou du moins arrive à suffisamment la nonobster pour passer à un autre souvenir, de ceux restés gravés au fil des siècles, afin de s'assurer que le tisseur était véritablement prêt avant de passer à l'affaire qui les concernait.

Comme après de nombreux et intenses entraînements, il mit de l'eau fraîche dans un bol et s'aspergea le visage avant de tremper une serviette puis de la poser sur ses épaules aussi nues que le reste de la moitié haute de son corps. Il faisait beau et chaud dehors, même sous les feuilles des arbres. L'été battait son plein et, cette année-là, il faisait particulièrement chaud. Le lieutenant prit le bol et son épée double, ne pouvant s'empêcher d'avoir un sincère sourire alors qu'il la prenait en main. Il se souvenait de tous les entraînements qu'il avait eus avec son maître d'armes étant jeune, et du lien qui s'était et fur et à mesure créé entre lui et cette arme. Normalement on forgeait les armes de sorte à ce qu'elle corresponde au guierrer, lui avait vécu l'effet inverse : il s'était complètement fait à elle, forgeant son style de combat à partir de ce qu'elle était. Raison pour laquelle, suite à sa cérémonie du Choix, son maître lui avait offert l'épée. Un magnifique cadeau qu'il garderait toute sa carrière et plus encore, toute sa vie. Sur ses pensées des plus heureuses, il sortit de la salle d'entraînement pour regagner des quartiers appropriés aux quelques paperasses qu'il avait à faire. Ce matin, il ne dirigeait pas d'elfes. Ce serait l'après-midi pour cela, si...

"Lieutenant Neraën ?
Le concerné fit volte face, étonné de ne pas reconnaître la voix - ni le visage - de celui qui l'appelait. Un messager peut-être ? Certainement pas, non : si l'elfe ne semblait pas être très vieux, l'expérience et une grande maturité se lisaient en lui dès le premier regard.
- C'est moi. Que puis-je faire pour vous ?
- J'étais en train de parler à votre supérieur, comme je devais passer dans ce quartier de la caserne il m'a demandé de vous remettre ce document... si vous avez encore de la place dans vos mains.
- Hum attendez... Voilà, ce sera mieux comme ça. Merci... ?
- Maëndel.
- Ah... Merci, Heru Maëndel. Vous n'êtes pas de la caserne il me semble ?
- Effectivement. Je suis d'Alëandir mais je prends un peu de temps pour faire quelques voyages profitables.
- Vraiment ? C'est une bonne chose.
- Tout à fait. Cela me permet de voir différents protectorats ainsi que certaines personnes que l'on m'a recommandées, et de faire des choix.
- Alors puisse ce séjour en Eteniril vous apporter ce que vous désirez !
- Il me l'apporte, ne vous en faites pas... ou presque. La décision finale ne fait que vous appartenir.
- Euh... pardon... ?
- Que je me présente pleinement : Maëndel, Capitaine du corps des Aigles, de l'Armée Royale d'Alëandir. J'ai le plaisir de vous informer qu'après vous avoir vu moi-même à l'oeuvre, vous êtes retenu pour entrer dans l'élite de l'armée. A vous de me dire si cela vous tente ou si vous préférez gravir les échelons au sein de l'armée d'Eteniril.
- Je... hum... Serait-il possible d'avoir le temps d'y réfléchir ?
- Je repars dans deux jours, au levé du soleil. Il faut que vous m'ayez donné votre réponse d'ici-là.
- Bien... Bien, Capitaine."


L'aigle rit. Il s'amusait de la tête pantoise de sa possible future recrue qui faisait partie de celles qui ne s'attendaient aucunement à ce qu'on leur fasse une telle proposition. Tout en faisant un signe de la main, Maëndel souhaita la bonne journée à Neraën puis partit d'un pas plus rapide, sans laisser le temps au lieutenant de poser la multitude de questions qui lui venaient en tête. Pour tout dire, l'etenirili ne savait absolument pas comment réagir. Il était encore sous la stupeur, mais la joie d'une telle demande, l'humilité face à ce qu'il soit choisi et la crainte de quitter son cher protectorat ainsi que sa famille se battaient durement dans son coeur. Finalement, après s'être longuement arrêté tout en regardant bêatement la porte par laquelle était sorti le capitaine, il reprit son sérieux de lieutenant et se dirigea vers son bureau, comme si de rien n'était.


Il n'avait pratiquement rien dit lors de tout le voyage, même à ceux qui l'accompagnaient pour autre chose que son problème de succession au titre de seigneur-protecteur. Hormis lorsqu'ils étaient restés quelques jours dans la cité de la Quatrième-Saison, où il avait ressenti un profond vide qui l'avait forcé à se rouvrir aux autres, Neraën s'était renfermé sur lui-même afin de pouvoir écouter tranquillement la Symphonie. Et parce qu'il n'avait pas spécialement envie de bavarder, vu la situation, non plus. Même si le dernier mois en Alëandir s'était bien passé sur le plan magique, très bien même, il craignait trop les années qu'il resterait enfermé à l'Académie de Magie pour avoir la conscience tranquille. De plus, maintenant qu'il avait parlé de Dryade, même s'ils ne l'avaient pas cru... Il avait sincèrement peur pour elle. Une fois la passation faite, il faudrait qu'il demande à voir Soliandiel ou un autre druide pour qu'il l'aide. Libérer l'Eäla et, si elle était trop faible pour le faire sans lui causer de tort, qu'il puisse au moins apporter sa voix auprès de Lòmion et ainsi prévoir un moment où elle deviendrait enfin libre. Il avait été clair là-dessus, ses propos avaient été pris pour un acte d'héroïsme purement égoïste... mais elle était une Eäla et, plus que tout, elle était enfermée en lui depuis trois cents ans sans qu'il ne l'ait compris avant. Il s'en voulait, ressentait du remord et de la colère par rapport à cela. Aussi passait-elle bien avant lui et que s'il devait se mettre en danger pour qu'elle puisse revivre pleinement, il le ferait. Il avait peur qu'au contraire, les mages de l'Académie ne la tuent. Et il ne portait pas suffisamment cette institution dans son coeur pour pouvoir avoir ne serait-ce qu'un doute quant à ses craintes. En somme il revenait quelques jours en Eteniril pour faire la passation de pouvoir correctement, c'était tout à fait vrai, mais il se servait clairement de cette excuse pour trouver un moyen de protéger Dryade.

Malgré la pluie et la capuche de sa cape rabattue sur sa tête, Neraën aperçut la personne qui s'était placée en travers de leur chemin, un citadin au vu de ses acoutrements. Un éclaireur etenirili même, ce qui était étonnant puisqu'ils n'étaient pas encore arrivés aux frontières du protectorat. Intrigué, l'elfe aux longs cheveux blancs descendit de cheval et se dirigea vers l'inconnu qui se tenait au milieu du chemin, l'arc bandé et flèche encochée, mais dont la position ne montrait aucune agressivité. Ils se présentèrent, discutèrent rapidement... et alors tout bascula. Neraën apprit à ce moment-là la mort de plusieurs hauts-conseillers de la cité, dont son grand ami Teleran. Sous le choc, le monde autour de lui n'exista plus. Seul. Il avait besoin d'être seul, de retourner au plus profond de soi-même... là où la douleur hurlait et où la Symphonie chantait. Seul. Il devait être seul. La main qui s'était posée sur son épaule s'enleva immédiatement et tous reculèrent, sous l'effet de la magie que Neraën utilisait sans s'en rendre compte. La capuche était retombée sur ses épaules, laissant sa tête en proie à la pluie, et mêlant ses larmes aux gouttes d'eau salée... Puis tout ne devint qu'instinct. Il sortit du chemin, courant entre les arbres... seul.

Le temps passait, sans aucune emprise sur le duo. Cesdran faisait son office et il était agréablement surpris que la pénétration d'esprit se passe si bien. Alors qu'il arrivait souvent que les sentiments ou les pensées ne soient que difficilement accessibles, voire très, là il avait vraiment un plein accès aux souvenirs de Neraën. Paroles, gestes, sentiments... tout y était, la barrière avait fini par se dissiper comme la roche pouvait s'éroder à cause de l'eau. Au point même qu'il ressentait quelque chose en plus, d'immatériel, mais sur lequel il ne pouvait mettre aucun mot. Des fois un son, une mélodie, un ressenti... il ne se souvenait pas avoir déjà eu affaire à quelque chose de similaire, ou ne serait-ce en avoir entendu parler en cours. Et pourtant, cela lui donnait une assurance : ce n'étaient pas les noss qui avaient versé le premier sang, pas eux qui avaient assassiné le haut-conseiller Teleran. Le pratiquant essaya de prendre du recul vis-à-vis de cela, se cantonnant aux faits et les mettant tous en mémoire. Et il y avait beaucoup à retenir... De nombreux points dénonçaient le protecteur d'avoir mal agi, d'autres cependant accusaient clairement le Conseil d'Eteniril voire le Haut-Conseil d'avoir rompu le traîté avec les noss. Et d'une manière qui n'était aucunement en adéquation avec les préceptes de Kÿria ou de l'un des Cinq... Cela apporterait son lot de problèmes, mais il n'y réfléchirait qu'une fois l'épreuve de la Silencieuse terminé. Il se concentra donc sur la suite d'évènements qui amena le protecteur ainsi que les réfugiés et aigles à entrer dans la cité en pleine nuit. Le Conseil des Sages, les discussions avec le capitaine Falaedhel, la dispute avec le chef des aigles, d'autres discussions avec des citadins comme noss... A personne il ne raconta la vraie raison de sa présence. Cependant, il finit par faire un aveu au jeune druide qui l'attendait dorénavant à l'extérieur de la grotte : une Eäla se trouvait en lui, une dryade. Cesdran fut surpris par la déclaration, ce qui le fit un instant quitter le fil des souvenirs. Il avait plus tôt entendu des pensées quant à une dryade, mais de là à l'énoncer ?! C'était de la sottise !

Il rattrapa l'étrange duo alors qu'ils arrivaient dans le temple de Kÿria. L'arbitre Vareon les accueillit avec surprise. Un rapide échange eut lieu, puis après une dispute infantile le protecteur et le druide s'endormirent auprès de l'Arbre Maître. Commença alors un rêve très particulier, où le protecteur se retrouva aux côtés d'un enfant des bois apeuré par l'ombre qui régnait sur ces lieux. Seule une lumière, comme une puissante étoile, chassait les ténèbres. Alors que les deux elfes commençaient à faire ce qu'ils devaient, Cesdran se détourna un instant d'eux. Il y avait deux présences en plus, l'une qui devait être la wyverne du druide et l'autre...

Le mage de l'esprit sursauta sur le plan métaphysique, soudainement arraché au souvenir de Neraën. Plus d'elfes, plus de lien... juste la sensation d'une présence auprès de lui, une qu'il ne pouvait voir de ses propres yeux. Il resta calme et essaya de se défaire de cette situation, de retourner à son tisseur, mais rien n'y fit. Une barrière extrêmement solide le cloîtrait là, comme une cage dont la porte venait de se refermer. Une silhouette apparut face à lui, menue et sauvage. Il écarquilla les yeux d'étonnement en remarquant les particularités qui ornaient sa peau comme ses cheveux, faits d'écorce, de branches et de feuilles, se demandant si c'était une plaisanterie savamment orchestrée ou non. La dryade pencha la tête de côté tout en s'approchant de lui.

"Euh... Cesdran Faerdìn, mage de l'esprit responsable de l'épreuve d'Elenwë par rapport au jugement religieux... Expliqua-t-il, gêné par le comportement de l'entité.
- Je le sais. Son regard était étrange, mais son sourire était aussi fatigué que bienveillant.
- Veuillez me pardonner de vous avoir dérangée, cela n'était aucunement mon intention. Puis-je me permettre de vous demander qui vous êtes ?
- Dryade... cela sera plus simple pour toi. Fais vite, car tu ne devrais pas être ici.
- Il faudrait que je retourne auprès de Neraën. Mon devoir m'oblige à parcourir son souvenir jusqu'au bout.
- Tu ne le pourras pas, enfant. Il faudra que tu partes. Sache cependant que ton coeur sourd pourra demander au Geôlier ce que tes yeux n'auront pas vu : il ne mentira pas aux Cinq, et encore moins à notre Mère. Il t'expliquera ; tes oreilles comprendront.
- Le... Geôlier ?
Elle sourit.
- Tu comprendras... Va, maintenant. Va."

Cesdran ouvrit subitement les yeux. Tremblant et presque tétanisé, il eut du mal à faire suffisamment fonctionner ses muscles et articulations engourdis pour arriver à se relever ou bien correctement s'asseoir. Il sentit qu'on l'attrapait et qu'on le laissait doucement tomber sur le sol, l'accompagnant de bras musclés. Le mage, toujours stupéfait par ce qu'il venait de vivre, mit du temps avant de bien comprendre ce que les personnes au-dessus de lui disaient. Allait-il bien ? Il fit un bref signe affirmatif de la tête. Que sétait-il passé ? Il ne pouvait le raconté... il lui faudrait l'écrire. Mais y arriverait-il seulement ? C'était une autre question... cela lui prendrait certainement beaucoup de temps et de feuilles griffonnées avant de sortir une phrase représentant réellement ce qu'il avait vécu. Il fit signe d'avoir soif et un militaire prit un verre rempli d'eau sur la table avant de le lui tendre. Alors que l'elfe buvait, l'aigle s'agenouilla face à lui, l'air grave.

"Les prêtres ont fini par s'inquiéter du fait que vous ne vous réveilliez pas. Ils nous ont appelés et nous sommes montés. Vous venez de faire une crise alors que vous étiez toujours en contact avec Neraën, nous avons failli réagir de manière... décisive. Que s'est-il passé ?
- Rien, il ne...
- Non ! Ne me mentez pas, Heru. Vos yeux vous trahissent et ce qui s'est déroulé sous nos yeux aussi. Vous êtes restés ainsi plus de dix heures, c'était largement assez pour qu'il... !
- Calmez-vous Heru, il ne m'a rien fait. Accéder à des souvenirs n'a même jamais été aussi simple pour moi.
- Alors qu'est-il arrivé ?
Cesdran garda le silence.
- Répondez. Je sais que vous êtes tenu par le secret professionnel et qu'il s'agit de prémices à un tribunal divin, mais nous sommes là pour éviter qu'il ne perde le contrôle de sa magie et ne tue des gens, vous en premier. Déjà que vos intrigues politico-religieuses nous empêchent de faire notre travail, alors si vous ne donnez pas de raison valable à ce que j'ai vu je serai obligé d'agir à ma façon ! Est-ce clair ?
- Oui... oui, ça l'est. Il hésita encore un instant, regardant tous les êtres présents dans cette pièce, avant de finalement avouer ce qui s'était passé. Il a une Eäla enfermée en lui. Au bout d'un moment je me suis retrouvé piégé auprès d'elle et nous avons discuté, avant qu'elle ne me laisse repartir. Alors je me suis réveillé.
- Qu... QUOI ?!
- J'avoue, je n'y avais pas cru non plus. Je ne plaisante pas, Heru. Je ne divague pas non plus et Neraën n'a pas pu jouer sur mon esprit. D'ailleurs, ne s'est-il pas réveillé ?
Le soldat posa un rapide coup d'oeil, méfiant, sur l'être qui était toujours allongé sur le lit.
- Non.
- Alors il va falloir que je le réveille, sinon il restera bloqué dans sa propre mémoire. Je... Pouvez-vous m'aider à me relever, je vous prie ? Merci. Il va falloir que je parle avec lui, ensuite. Longuement.
- Vous feriez mieux de vous occuper de vous-même, avant.
- Je mangerai sur place, j'ai trop à écrire pour le tribunal.
- Ah ces mages..."


Après un soupir, l'aigle fit signe à deux de ses confrères de redescendre. Lui et un autre restèrent, se demandant silencieusement du regard si ce qu'avait déclaré le mage était seulement imaginable. L'un des prêtres était au pas de la porte, appuyé contre le mur, à regarder sans dire mot. Cesdran posa une main sur le front du tisseur, se concentra et attendit que l'accusé se réveille. Le pauvre Neraën eut beaucoup de mal à émerger, persuadé qu'il se trouvait encore dans le temple de la Mère. Il se força à s'asseoir, déboussolé, et accepta volontiers le verre d'eau qu'on lui tendait. On lui parla, mais il n'entendait rien. Ses oreilles n'écoutaient pour l'heure que le chant auquel on l'avait si étrangement arraché, le plongeant dans un vide empli de ténèbres et de silence. Il se passa un long moment avant qu'il ne réussisse à s'éveiller à ses confrères, qui se montraient inquiets mais distants, hormis Cesdran. L'elfe s'assit à côté de lui sur le lit et ils commencèrent à parler, longuement, à voix basse. Les autres purent remarquer des enchainements d'émotions sur le visage de Neraën : inquiétude, intérêt, honte, gêne... Humblement, et parce qu'il n'avait pas le choix, le protecteur finit par raconter ce qu'il avait appris au Premier Sanctuaire de Kÿria alors qu'il était encore en "convalescence" à l'Académie d'Alëandir. Le fait que cela faisait trois siècles qu'une dryade s'était retrouvée enfermée en lui à cause de la magie lors de la bataille du lac Uraal, qu'il ne l'apprenait que maintenant et que ces rêves étranges qu'il faisait régulièrement étaient des messages qu'elle essayait de lui transmettre, et la compréhension que sa sensibilité à la magie et sa capacité d'entendre la Symphonie devaient être liées à elle. Il s'était réveillé différent, sur bien des points... y compris physiquement, que ce soit avec des jambes brûlées ou des yeux qui avaient changé de couleur. Depuis, il n'avait jamais été aussi stable magiquement parlant. Lorsqu'il avait essayé de l'expliquer au Régent ainsi qu'au Doyen de l'Académie, forcément ils ne le crurent pas... d'où le fait qu'il était rentré en Eteniril, le temps de faire une passation de pouvoir en bonne et due forme avant de retourner à l'académie. Puis, comme tout le monde le savait, les choses s'étaient mal déroulées...

Les deux mages discutèrent, encore et encore. Parfois un prêtre ou un aigle se permettait d'entrer dans la conversation, lors de points les concernant ou bien lorsque quelque chose ne leur semblait pas logique ou compréhensible. Les heures s'égrenèrent et le soleil finit par montrer ses premiers rayons. Ils finirent par aller manger quelque chose au rez-de-chaussée puis vaquer comme ils le pouvaient aux occupations qui devaient être les leurs. Neraën ne dit plus rien et obéit aux prêtres d'Elenwë, participant ainsi à la vie communautaire. Cesdran, lui, se cala dans un coin et écrivit trois jours durant, sans jamais s'arrêter. Tout était important, du sentiment à la pensée, des paroles aux actes. Tout était important... pour comprendre quels choix avaient fait Neraën, mais aussi quels choix avaient amené à ce conflit, choix qui risquaient de voir des conséquences bientôt se présenter à eux.
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeDim 22 Oct 2017 - 19:19


Panahos de la huitième ennéade de Favriüs, dixième année du XI° Cycle,
Palais d'Eteniril.


La date n'avait pu être mieux choisie. Alors qu'un tribunal exceptionnel réunissant en tant que juges des représentants des Cinq, le jour auquel ce procès avait lieu était le quatrième jour de l'ennéade, soit celui où tous les dieux du panthéon étaient fêtés. Hasard ? Certainement pas. Tout était placé dans la grande salle du Conseil, aménagée pour l'occasion, de sorte à ce que chaque chose ait sa signification bien précise. Alors le choix du jour... Dans le fond, bien qu'elle appréhendait le tribunal en lui-même, Nilÿan ne put s'empêcher de laisser un fin sourire orner son doux visage. Elle qui était particulièrement croyante, rien ne lui échappait. Et, en plus, elle trouvait absolument magnifique ce qui se trouvait devant elle : une étoile à cinq branches dont les pointes avaient été remplacées par des cercles et où au milieu se trouvait assez d'espace pour y asseoir une personne. Ce n'étaient pas de simples traits qui avaient été tracés sur le sol, mais des pierres magiques qui jonchaient à intervalles réguliers le sol de pierre. Le temps que ceux qui avaient le droit d'être des témoins du jugement s'asseoient autour de la grande forme géométrique en silence, près des murs de la salle, formant ainsi un oval incomplet, des torches magiques avaient été allumées aux murs. Les fenêtres avaient été fermées afin d'obscurcir un maximum la pièce.

Par hasard, Nilÿan se retrouva assise à côté de l'einior Ryadril. Les deux comparses se firent un signe de la tête pour se saluer, sans rien dire pour ne pas révéler leur complicité. Ils attendirent ainsi une dizaine de minutes avant qu'on ne fasse rentrer l'accusé, ce qui fit taire les quelques bavards disséminés dans la salle. Escorté de quatre gardes, il s'avança jusqu'au centre de l'étoile et resta debout, tête baissée. Le pantalon ainsi que la chemise qu'il portait étaient d'un blanc immaculé, et ses mains étaient libres. La jeune femme remarqua que ses cheveux avaient été coupés au niveau des épaules, ce qui la fit doucement sourire : le protecteur était bien mieux, avait plus d'allure et paraissait moins dépressif ainsi. Les quatre gardes - des aigles - restèrent, quant à eux, en-dehors de l'étoile. Les comérages n'eurent pas le temps de reprendre que les représentants religieux firent leur entrée, silencieusement, dans l'ordre que l'on disait lié aux successions d'épreuves qu'avait traversées Neraën. En premier venait le culte de Kÿria, suivi de ceux de Tari, Calimenthar et Arcamenel. Sans surprise, celui d'Elenwë fermait la marche. On pouvait repérer quelle personne - à coup sûr un prêtre - représentait quel dieu grâce à la couleur du manteau qui l'affublait. Les elfes qui parleraient représentant leur dieu et non leur propre personne, tous portaient un voile devant leur visage, ce qui leur donnait l'aspect de pantins venus d'un autre monde. Les cinq se placèrent dans les cercles dorés, dans leur ordre d'arrivée, et tout comme l'accusé ils restèrent debout mais tête droite. Nilÿan remarqua à ce moment-là que le représentant d'Elenwë tenait entre ses bras un tissu noir, qu'elle n'arriva pas à distinguer vu l'obscurité dans laquelle tous étaient plongés. Un silence total régna alors, jusqu'à ce qu'un chant ne s'élève de la bouche des prêtres.

Au départ un bourdon étrangement sonore, le chant prit forme en une hypnotisante mélodie se complexifiant au fur et à mesure que les voix se détachaient les unes des autres de sorte à avoir chacune leur indépendance tout en gardant une cohésion d'ensemble. Il en devenait impossible d'écouter une seule voix, d'en comprendre les paroles, mais la représentante en gestion de la cité put néanmoins réussir à deviner que le chant reprenait les évènements passés et les épreuves qu'avait subies l'elfe debout au centre de l'étoile, ainsi que l'appel au regard des Cinq. C'était très particulier tout en restant magnifique ; un prêtre d'Arcamenel avait dû s'amuser à créer ce chant et, à n'en pas douter, avait dû faire travailler durement ses confrères des autres cultes pour arriver à obtenir ce résultat. Puis, après un moment alors que les voix se faisaient plus douces et ne formaient plus qu'une, le représentant d'Elenwë s'avança et posa sur les épaules de Neraën le grand tissu noir. Il s'agissait d'une cape à capuche, en tissu souple ; rien ne cacha aux témoins le visage émacié de l'elfe. Le prêtre revint à sa place, le silence revint... et tous s'assirent sur le sol de pierre, Neraën gardant la tête baissée. Ce fut le prêtre de Kÿria qui prit en premier la parole.

"Neraën Yeldoreï, vous êtes ici parce que vous êtes accusé d'avoir trahi la cité dont vous avez la charge. Vous avez accepté de vous livrer au jugement des Cinq et de passer des épreuves sous le regard de chaque dieu, avec sincérité et honnêteté, afin qu'ils puissent juger de vos actes. Il est désormais temps pour nous, leurs représentants, d'apporter notre voix à l'affaire qui vous concerne."

Le prêtre de Tari prit la suite, donnant son verdict au nom de la Voilée ainsi que ce qui l'avait poussé à prendre cette décision. Pour ce faire il leva la main gauche doigts joints tendus vers le ciel, de sorte à ce que sa paume soit face à l'accusé.

"Neraën ; lors du temps que vous avez passé au sein du temple de Tari, vous avez pris conscience des morts que vous avez causées, ennemies ou non, et de l'ampleur que chacune d'entre elles peut avoir. Vous avez su expliquer chacune d'entre elle, comprendre et aller de l'avant. Il est désormais à vous de mettre des actes sur vos paroles et de ne plus craindre les conséquences d'un passé qui vous échappe.
Il leva sa seconde main, identique à la première.
- Suite à son épreuve, Neraën Yeldoreï est considéré par les suivants de la Voilée comme un elfe souhaitant préserver la vie et étant conscient de l'implication de chacune d'entre elle en ce monde. A ce titre, vous êtes considéré comme étant garant des choix qui ont été les vôtres durant l'automne, sachant les risques que vous et ceux qui vous entouraient encouriez."


Quelques murmures. Le représentant de Calimenthar leva sa main gauche, de la même manière que son prédécesseur. La voix de l'elfe se révéla être celle d'une femme, forte et autoritaire.

"Le culte du Guerrier vous a accueilli en son sein, où vous avez passé une épreuve visant à connaître le combattant qui est en vous : quelles sont vos capacités physiques mais surtout mentales. Calimenthar a mis du temps à parler en vous... Elle leva sa seconde main. Votre coeur a parlé pour vous ; vous vous êtes révélé être un protecteur de nature, prêt à déposer sa vie pour un combat, qui a souhaité préserver l'Aube de fous et qui se considère non pas comme le protecteur d'une cité mais celui d'un protectorat. Aucune volonté de garder à tout prix le pouvoir ne vous habite. Calimenthar ne vous considère donc pas comme étant de la descendance de Tinùviel, cependant il vous faudra constater si votre combat entre en adéquation avec celui de vos frères. Peut-être faudra-t-il vous adapter... ou mener votre bataille ailleurs.
Une autre main se leva. Cette fois-ci, la voix était douce, chantante et bienveillante.
- Arcamenel attend de chaque elfe que son coeur s'exprime au-delà des convenances décrétées par son esprit. Vous vous êtes découvert lors de ces quelques jours que vous avez passé sous son regard, bien plus que vous ne le pensiez et bien plus encore que ce que vous imaginez aujourd'hui. Vos émotions, vos sentiments, vos craintes et votre colère, vous les avez laissés s'éveiller. Mais plus que tout, c'est l'amour qui est venu en premier : l'amour pour un être, certes, mais aussi un amour inconditionnel pour quelque chose qui vous dépasse, pour des miliers de vies qui parlent et chantent. Vous avez été chef de guerre, vous savez ce qu'est de prendre la vie et d'en sacrifier certaines pour en sauver un plus grand nombre ; vous êtes mage de l'esprit, vous connaissez la valeur d'une âme ; et jusqu'à ce que l'Aube en ait décidé autrement vous êtes un politique, aussi avez-vous à coeur d'assumer votre rôle de protecteur jusqu'au bout, et ce malgré les difficultés que vous rencontrez. Sa seconde main, fine grâcieuse, se leva. Parler de traîtrise n'est pas ce qui est désiré. Neraën, vous savez désormais qui vous êtes et vous vous devez d'avancer en fonction de vous-même, d'orienter votre combat en fonction de cela. Vos oreilles entendent plus que bien des êtres, vos sens perçoivent autrement et votre jugement s'est retrouvé affecté par une connaissance des noss que vous êtes le seul à posséder en cette cité. Et malgré l'incompréhension des vôtres, vous avez décidé de vous soumettre à leur justice et à leurs réactions, alors qu'il vous était possible de fuir. Si votre mentalité n'est pas vraiment celle de la ville, c'est pourtant pour les vies qu'Eteniril abrite que vous êtes revenu."


Le silence ensuivit les propos de la chanteuse, qui avait en quelques phrases balayé l'accusation de traitrise planant sur lui. Il restait encore deux prêtres à parler, mais pour l'instant le verdict semblait autant aller en faveur de Neraën qu'en sa défaveur : il n'avait pas trahi les siens mais il ne correspondait visiblement pas à ses propres frères. Etait-il devenu un noss ? Il ne semblait pas en être arrivé à cet extrème, pourtant... du moins de ce qu'on pouvait savoir d'eux. Peut-être avait-il fait le choix de ne plus privilégier la cité ? Possible... ou peut-être était-ce simplement qu'il avait suffisamment changé depuis Eraïson pour qu'ils ne puissent plus comprendre leur propre protecteur. De toute façon, il leur faudrait changer de guide... à moins que l'Aube, une fois qu'elle aura été remise à sa place, ne refuse cela. Et dans ce cas, quelle pouvaient être les intentions de ce choix ? Nilÿan eut le temps de se poser plusieurs fois ces questions avant que le représentant d'Elenwë ne prenne la parole. Si le culte de la Muette n'était pas très apprécié, loin de là même, il restait pourtant considéré et respecté, du moins en ce protectorat. A savoir maintenant ce qu'il allait dire, car le temps qu'il prenait avant de donner son avis semblait être lourd de sens. Puis, enfin, sa main gauche se leva.

"Elenwë a désiré soulever l'exactitude d'un passé tumultueux, et ainsi pouvoir savoir pourquoi les choix que vous avez faits ont été les vôtres. Vous vous êtes pleinement livré à cette épreuve, ne cachant rien aux yeux de la Silencieuse... jusqu'à ce qui habite au plus profond de vous."

La voix de l'homme, douce, se marqua alors d'une hésitation. Ce secret, cette entité qui habitait en lui, devait-il le dévoiler ? Devait-il montrer que ses choix étaient en quelque guider par une Eäla ? Il s'était longuement posé la question... et la réponse lui apparaissait désormais comme une affirmation, puisse sa déesse lui pardonner s'il se méprenait quant aux signes qu'elle lui avait envoyés. Il leva sa main droite tout en reprenant d'un air grave.

"Il y a de cela trois cents ans, Kÿria la Mère a décidé de vous changer, enfermant en vous l'une de ses enfants, l'Eäla qui se présente sous le nom de Dryade. Vous avez ainsi été ouvert à la magie et à la Symphonie des Arbres et, cet automne, vous aviez alors pleinement conscience de cela. Plus que de simplement croire les paroles de noss ou d'elfes ayant fui la cité, ce qui vous habite vous a donné l'assurance que le sang n'avait pas été versé par ceux que les preuves accablaient mais par ce que vous avez considéré comme étant une folie s'étant emparée de plusieurs des vôtres. Vous avez défendu Eteniril auprès du Conseil des Sages et avez décidé de découvrir ceux qui ont assassiné des hauts-conseillers et ainsi éviter une guerre..."

Le prêtre ne put continuer, tant les démoins étaient pris d'agitation. Ses paroles étaient lourdes de sens et pouvaient aussi bien être prises pour argent comptant que comme la preuve irréfutable que le protecteur ne faisait plus partie de la cité. La chanteuse du Barde tandit l'une de ses mains vers le prêtre de Kÿria qui, de sa puissante voix amplifée par la magie de sa comparse, aboya un "Suffit !" qui arrêta momentanément tous les êtres présents dans la pièce. Si on ne pouvait voir son visage, on pouvait cependant facilement deviner la colère qu'il ressentait. Dérangement un procès divin... c'était bien parce qu'au vu des problèmes diplomatiques que cette affaire engrangeait il y avait besoin de témoins qu'il avait accepté que le jugement ne soit pas à huis clos. Après un soupir qui en disait long, il fit un signe à la prêtresse d'Arcamenel pour qu'elle retire sa magie. Cette dernière remis sa main tendue face à Neraën, comme si de rien n'était, et il demanda d'un ton calme :

"Représentant d'Elenwë, êtes-vous sûr de vos propos ?
- Je ne fais que donner le résultat de l'épreuve. La vérité a toute sa place ici, qu'elle soit agréable à l'oreille ou non, qu'elle ait été jusque là cachée ou non.
- Continuez alors. Et que plus personne, au sein des témoins, ne prenne la parole avant que le tribunal ne soit terminé, sinon il sera renvoyé de la séance. Si un elfe tient à prendre la parole, il en aura la possibilité plus tard, face à tous ses frères, à condition que ses paroles soient pertinentes.
- J'en viens donc au choix qui est le nôtre quant à cette affaire, reprit le prêtre d'Elenwë. Pas de traîtrise, la maîtrise de ses dons magiques et la voix d'une Eäla. Le culte d'Elenwë s'oppose à une condamnation de l'accusé Neraën Yeldoreï mais demande la réouverture de l'enquête sur la mort des hauts-conseillers. Au besoin, Elenwë supervisera cette enquête. Nous demandons également à ce que la dryade soit libérée dès qu'elle aura retrouvé la force de pouvoir vivre pleinement ses propres choix."


Face à cette demande, plusieurs réactions virent le jour : ceux qui ne purent s'empêcher de poser des questions à voix basse, ceux qui s'en retenaient suite aux injonctions du prêtre de la Mère, ceux qui restèrent de marbre et ceux qui sentirent le besoin de se révolter face à ce qu'ils considéraient être une idiotie - heureusement peu nombreux. Le premier qui osa se lever provoqua un brusque coup de vent, glacial, parmi l'assistance. Cette raffale prit de force celui qui osait enfreindre la règle et l'envoya sans ménagement glisser jusqu'à la porte d'entrée, dont l'un des gardes présents s'avança pour l'ouvrir. Rageur, l'elfe à la forte carrure jeta un regard mauvais sur le second prêtre d'Elenwë qui s'était levé afin de faire appel à l'élément lié à sa déesse. Le religieux lui jeta à peine un regard, aucunement peiné d'avoir remis tous les civils à leur place... de plus qu'il lui était fort agréable de pouvoir à nouveau écouter le silence. Une fois l'elfe sortit, le représentant de Kÿria imita ses confrères en levant sa main gauche, clôturant ainsi la boucle qui s'était mise en place. Au centre de l'étoile, Neraën n'avait pas esquissé le moindre geste depuis le début, comm si un sort l'avait gelé sur place, les yeux entrouverts.

"La première épreuve que vous avez passée, Neraën, a été sous le regard de la Mère. Si elle vous a permis de reprendre appui dans un environnement pourvu de magie et de personnes, son résultat n'a pour autant guère été concluant. Vous n'acceptiez pas votre passé, les évènements qui vous ont conduit à l'enfermement et encore moins votre place dans ce qui a été et ce qui est. A ce titre, la Mère ne pouvait ressentir en vous le guide que vous aviez promis d'être."

Le ton du religieux était implacable et ne laissait guère de faux espoirs, si jamais l'elfe vers lequel il était tourné en avait. Ses mots étaient durs et, venant du culte de la Mère et notamment d'un envoyé du Premier Sanctuaire, lourds de sens. Il laissa un instant de silence avant de reprendre.

"Il semblerait pourtant, au vu des dires des autres représentants, que vous vous êtes finalement accepté. Est-ce le cas ?
- Apprendre à se connaître au-delà de ce que sa conscience lui prônait l'y a aidé, oui. Même s'il aura fallu du temps. Mais il est au concerné de juger de ses propres pensées.
Les autres représentants ne répondirent rien.
- Qu'en est-il, Neraën ?"


Le concerné se réveilla de sa torpeur, étonné qu'on lui demande de parler. Jusque là il n'avait pu qu'écouté les paroles prononcées à son encontre, sans rien soulever voire même penser. Qu'il y ait de la magie par-derrière ou non, il mit un temps avant de pouvoir répondre correctement, en toute humilité.

"Les Cinq m'ont ouvert l'esprit ainsi qu'aidé à accepter mon rôle et les enchaînements des causes qui ont mené à la situation actuelle du protectorat. Cependant je ne me sens pas prêt... Il me faut encore pleinement accepter qui je suis et ce qui est.
- Très bien. Le prêtre leva alors sa seconde main. Je parlerai donc au nom de la Mère mais également en tant que voix de tous les représentants siégeant à ce procès. Nous ne vous considérons pas comme traître à la cité et, selon les traditions d'Eteniril, il est à l'Aube de juger de si vous devez continuer à être protecteur, bien que nous soyons dans l'ensemble peu enclins à vous laisser reprendre le rôle que vous aviez jusqu'à présent. Alors qu'une enquête sera ouverte sur la mort de vos frères, vous serez envoyé accompagné récupérer l'Aube afin de la remettre à sa place, et également ramener ceux qui pourraient témoigner pour cette nouvelle affaire. Pendant le temps de l'enquête au moins, vous resterez à servir le clergé de Kÿria au sein du temple afin de pouvoir réfléchir plus avant et accepter l'ordre des choses. Si les prêtres et moines des autres cultes ou vous-même désirez vous déplacer dans un autre lieu de culte au sein même de la cité, dans le but de répondre à vos questions, cela pourra se faire. Vous serez bien sûr enjoint à faire ce qu'il faut pour réparer les erreurs passées, comme le demande Tari. Par la suite, vous retournerez vous-mêmes en Alëandir, afin de mettre fin à cette histoire auprès du Trône Blanc qui vous avait envoyé ici afin que vous fassiez une passation de pouvoir ; quelles que soient les décisions prises d'ici là, cela vous permettra de mettre un point avec le Régent d'Anaëh et le Doyen de l'Académie, que l'incertitude n'existe plus. Et lorsque que la dryade qui est en vous pourra être libérée, vous aurez liberté et même devoir de trouver toute l'aide nécessaire à sa libération. Je demande désormais à tous les représentants d'approuver ou non la sentence, en leur âme, conscience et selon la Voie de leur dieu ou déesse."


Une à une, en commençant par le prêtre de Tari, les mains des représentants se rejoignirent face à eux. Le suivant de Kÿria regarda ses confrères faire tous le même mouvement puis le fit. Il laissa volontairement le silence peser sur la salle avant de reprendre.

"Ainsi les Cinq ont-ils parlé. Puissent désormais Kÿria, Tari, Calimenthar, Arcamenel et Elenwë veiller sur toutes les personnes ici présentes et guider le chemin qu'il reste à faire à l'elfe appelé Neraën Yeldoreï. Vous tous, aigles, gardes et témoins, savez désormais ce qu'il en est. Puissiez-vous tous faire bon usage de ce que vous avez vu et entendu."

Sur ce les prêtres se levèrent, imités par le protecteur et tous les témoins. La chanteuse fit résonner sa douce voix claire avec ferveur alors que des personnes rouvraient laissaient à nouveau la lumière du soleil entrer dans la pièce et que le prêtre d'Elenwë s'approchait de Neraën pour le défaire de la cape noire qui lui avait pesé sur les épaules lors du procès. L'ancien aigle leva alors la tête et quelques mots furent échangés entre les deux elfes. L'elfe aux cheveux blancs et aux yeux bleus ne savait trop comment réagir, où se mettre... En lui était un profond soulagement, lui redonnant à la fois la force de se battre, à la fois l'impression d'être extrèmement fatigué.
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeMar 7 Nov 2017 - 15:58


Elenwënas de la huitième ennéade de Favriüs, dixième année du XI° Cycle,
Cité d'Eteniril.


Le messager partit. En silence elle attendait, ses grands yeux verts braqués sur la porte que l'elfe venait de passer. Assise à son bureau, les jambes élégamment croisées, son coude droit posé sur le meuble et sa main du même bras jouant distraitement avec un couteau de lancer, Aneldhwen réfléchissait. Le lieutenant de la garde avait bien fait de lui écrire et bien que la situation pouvait dégénérer d'un instant à l'autre, il ne fallait surtout pas qu'il agisse en premier, d'où sa réponse immédiate. Que certains n'apprécient pas ce qui avait été décidé par les cinq cultes était une chose ; qu'ils décident de faire fi de la voix des Cinq et aillent contre leur volonté était tout à fait autre chose... et cela elle ne pouvait pas l'admettre. Les choses se déroulaient rapidement, trop rapidement... et pas dans le bon sens. Au bout d'un moment elle rangea son couteau, fit attention à tenir son dos droit et appela d'une voix ferme de façon à se faire entendre à travers la porte.

"Teloren, Faleorn, Tyrss et Perelnor !"

Les quatre appelés ne se firent pas attendre, patientant depuis quelques minutes déjà dans l'anti-chambre. La grande femme de rouge vêtue se leva alors, dardant sur eux un regard presque maternel. En ce jour, ses longs cheveux roux foncé descendaient en cascade jusque dans le bas du dos, retenus vers l'arrière par une couronne de fer de sorte à ce qu'en cas de combat elle ne soit aucunement dérangée par sa longue chevelure. Bien qu'elle soit initialement d'une carrure fine, sa musculature se voyait suffisamment pour que personne n'ait la sotte idée de venir la déranger. Une belle femme, certes, mais qui n'était spécialement désirable selon les critères de beauté elfiques.

"Vous quatre ! Je vous ai appelés parce que j'ai une mission particulière à vous confier.
Les quatre suivants de Calimenthar se tinrent droits, laissant leur mathauth parler.
- Vous n'êtes pas sans savoir que je pars d'ici quelques minutes pour rejoindre le protecteur et d'autres afin d'aller à l'extérieur récupérer l'Aube ainsi que des témoins quant à l'affaire des hauts-conseillers disparus. Finalement, la personne qui m'accompagnera sera Faleorn. Teloren, Perelnor et Tyrss, je vous charge de veiller pendant notre absence à ce qu'aucun débordement n'ait lieu, y compris au sein de l'armée. Il se pourrait que des personnes refusant le jugement divin de l'autre jour décident de passer à l'action.
- Les témoins du jugement des Cinq n'ont-ils pas accepté le verdict, Mathauth ?
- Si. Mais le fait que nous rouvrions l'enquête de la disparition de trois hauts-conseillers semble déranger certains. Visiblement certaines personnes en sauraient trop, aussi faudra-t-il les trouver et les protéger jusqu'à ce que cette affaire soit terminée.
- Et pour que vous décidiez de prendre ainsi la main...
- ... c'est que l'armée, dont la Garde, n'est guère au-dessus de tout soupçon. C'est la raison pour laquelle vous m'accompagnez Faleorn : votre père étant l'un des hauts-conseillers, je ne souhaite pas que l'on vous accuse de prendre un parti autre que celui de Calimenthar. En m'accompagnant, vous serez ainsi aux yeux de tous sous ma responsabilité et protection, même si de vous à moi je vous fait suffisamment confiance pour savoir que vous n'en avez aucunement besoin. Sur ce, Faleorn, allez-y maintenant. Nous nous retrouvons à l'entrée du temple dans dix minutes."


Le grand elfe aux courts cheveux blonds et à la forte carrure sortit sans dire un mot, allant chercher le peu d'affaires dont il aurait besoin pour cette mission. Aneldhwen discuta encore cinq minutes avec les trois autres personnes étant entrées dans son bureau puis, une fois tous les points éclaircis, les congédia. Plus qu'à mettre quelques affaires à sa ceinture, mettre ses armes, sa cape... et rejoindre son confrère.


~~~~~~~~


Les deux prêtres de Calimenthar arrivèrent les premiers devant les portes de la cité. Ils n'attendirent pas bien longtemps avant que n'arrivent un prêtre de Kÿria qu'Aneldhwen n'eut aucun mal à reconnaître pour avoir travaillé avec lui à l'occasion du tribunal, Neraën et quatre aigles. Des six individus, seuls les aigles étaient armés. Bien que la mathauth ne craignait pas grand chose, elle considéra ce fait et se l'appropria au cas où ils auraient besoin de se défendre.

"Prêts à revoir les noss ?"


Bien que ce soit une petite boutade censée faire réagir les nouveaux venus, les deux seules réactions qui se virent furent un discret acquiescement de la tête de la part de Neraën ainsi qu'un gromellement du suivant de la Mère. Pas qu'il rechignait à sortir de la cité, mais plutôt qu'il n'avait pas l'habitude de travailler avec des adeptes du Père des Batailles et de constater qu'il pouvait être accepté dans une cité. La femme comme Faleorn sourirent, puis le groupe passa les portes de la ville.

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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeMer 22 Nov 2017 - 19:32

Il est temps. Temps d'avancer, temps de mettre un terme à toute cette mascarade. La folie n'a que trop duré, elle aurait dû se terminer il y a un an de cela. Si l'hiver n'avait pas tout brisé, les choses seraient rentrées dans l'ordre sans que d'autres problèmes ne naissent. Désormais les représentants des Cinq s'en étaient mêlés, prononçant un verdict concernant l'accusation sur le protecteur de ces terres et réouvrant une enquête qui aurait dû rester close. Elle aurait dû oui, car certains avaient peur désormais... Ils avaient agi en âme et conscience et maintenant qu'avec un peu de recherche leurs noms pouvaient être lus, ils faiblissaient.

Certains prenaient en assurance. D'autres craignaient l'avenir. Il était donc temps d'agir.

Quelques heures, pas plus. Le temps que l'engrenage se mette en place et que les derniers pions soient installés, notamment au sein de l'armée. Des regards entendus, des paroles loin d'oreilles indiscrètes, une colère refaisant surface, l'assurance de tout maîtriser, la disparition d'un elfe en ayant trop entendu. Un maillon faible, un lâche et tout pouvait sombrer. Sombrer dans l'une des pires idioties possibles.

Comment pouvait-on livrer une cité aux mains d'attardés rêvant qu'elle soit détruite ?

Telle était la question. Et la réponse ne tarderait pas à se faire sentir. Les Elfes prenaient conscience de ce qu'impliquait les derniers évènements. La cité grondait en silence, voyant deux camps prêts à s'opposer.

Elle réclamait du sang.
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeSam 2 Déc 2017 - 16:27

Rp précédent : Il est temps d'avancer

Musique


Les gouttes de sang coulaient le long de la peau claire, parcourant quelques centimètres avant de rejoindre la flaque rougeâtre reposant sur le sol. L'elfe à la haute stature, le dos droit, dardait ses yeux bleus impérieux sur le cadavre qui gisait devant lui. Il se pencha vers l'elfe mort pour en extraire sa dague, l'essuya nonchalament sur le vêtement du curieux et roula des épaules musclées pour les délier. Puis, avec une colère contenue, il regarda les deux autres elfes qui restaient là, au coin du couloir, interloqués.

"Heureusement que j'étais de passage. Si tout le monde se comportait comme des humains, alors nous ne pourrions jamais remettre les choses à leur place.
Les deux elfes baissèrent la tête, de soumission comme de honte.
- Est-ce prêt, au moins ?
- Oui. Plus qu'à attendre qu'il revienne.
- Très bien. Occupez-vous du corps et nettoyez ce sol. Personne ne doit savoir avant que le signal ne soit donné. Voyez ce que se pauvre a failli faire...
- B... Bien.
- Il allait visiblement prévenir quelqu'un. Je me charge de trouver le fils de Tinùviel."


Le forgeron rangea sa dague dans son fourreau, referma la lanière de cuir qui nouait ses longs cheveux gris à l'arrière en une queue, enjamba le mort puis reprit sa route comme si de rien n'était.

Ils avaient suffisamment attendu ; désormais ils passaient à l'action.


~~~~~~~~


Les arbres s'espaçaient peu à peu pour laisser voir les murailles de la cité. Eteniril, cité que peu de personnes peuvent trouver sans qu'on ne leur en ait déjà montré le chemin. Cité renfermée sur elle-même, trop depuis que le Voile avait assombri l'Anaëh. En tête de groupe, le prêtre de Calimenthar discutait avec celui de Kÿria tout en faisant attention à ce qui les entourait. Les yeux perçants de la mathauth, eux, se portaient sur les murs d'enceinte ainsi que sur la porte fermée de la ville. De temps à autres il lui arrivait de jeter un oeil sur Neraën mais comme tous les autres elfes du groupe elle ne constatait aucune évolution depuis qu'ils avaient récupéré l'Aube... L'ancien aigle avait tenu à la garder en main, la protégeant à sa manière, se perdant dans la couleur bleu profond qu'elle avait prise à son contact.

Elle n'aimait aucunement tout ce qui se déroulait en cette journée. Ni le mot envoyé le matin-même, ni le comportement de plus étrange de Neraën, ni l'entrevue avec les noss, ni son intuition... Non, les choses étaient loin d'être terminées et elle se doutait que cela ne ferait qu'empirer. Pour mener à quoi ? Elle n'en savait rien.


~~~~~~~~


"Tamìr ?
- Lieutenant...
- Du calme, du calme. Qu'est-ce qui... ?
- Galadron n'est plus. Il...
- Chuut... N'essayez plus de bouger, Tamìr. Restez calme. Etes-vous capable de me raconter ce qui vous est arrivé ?"


Tout en pansant assez maladroitement les plaies de son subordonné, Ladelran écouta le récit de l'elfe. Récit inconcevable pour un elfe mais qui, malheureusement, ne l'étonna que trop peu. Récit que le pauvre Tamìr eut énormément de mal à conter tant son état était déplorable. Pour en avoir vu de similaire, le lieutenant pouvait même se faire à l'idée : à moins qu'un mage de la vie ne soit présent là à l'instant - ce qui n'était aucunement le cas - le soldat était voué au royaume de Tari. Il s'était battu, avait gagné de justesse, avait perdu son frère d'arme à ses côtés... et voilà qu'il était au tour de Ladelran de perdre l'un de ses frères. Le gradé essaya de ne rien montrer au blessé, malgré la peine qu'il ressentait, afin de ne pas inquiéter Tamìr lors de ses dernières minutes de vie.

Puis, au bout d'un moment qui parut tout aussi long que court à Ladelran, la vie quitta son frère et les yeux de celui-ci devinrent vitreux. Une dernière expiration et son Souffle partit rejoindre les profondes rivières du royaume des morts. Ladelran se mordit les lèvres, la compréhension de la situation et cet évènement faisant naître en lui une colère sourde. Il devait garder la tête froide, réfléchir à la situation dans laquelle il se trouvait là : deux camps s'affrontant désormais, lui se retrouvant dans l'un avec un pair mort à ses pieds. Peut-être que ses ennemis n'étaient pas sûrs de sa position, l'éclat ne faisant que commencer. Il valait donc mieux ne pas rester ici et laisser le corps comme s'il était tombé alors que personne ne se trouvait là... et ce déguerpir avant que quelqu'un ne vienne. Aussi l'elfe se dépêcha de défaire le peu de bandages qu'il avait posés sur les blessures de son comparse, prit le temps de fermer les yeux de Tamìr tout en prononçant à voix basse une prière à la Voilée, enleva ses chaussures pour ne pas faire de traces, les prit d'une main et courut le plus silencieusement possible. Ses appartements n'étaient qu'à quelques mètres... là-bas il pourrait se changer rapidement avant de poser sa pierre sur la balance de cette guerre civile.


~~~~~~~~


*Tonc*

"Pardonnez-moi capitaine..."

Murmure que le haut-gradé assommé ne pouvait entendre mais que Ladelran ne pouvait s'empêcher de prononcer. Il n'avait jamais défié ses supérieurs et voilà qu'il assommait le sien pour pouvoir contrer un autre capitaine. Un coup risqué. Désormais habillé de vêtements vierges de tout sang, il assit son chef sur une chaise, le défit de ses armes, le baillonna et le ligota à celle-ci, puis repartit en fermant à clef la petite salle dans laquelle ils se trouvaient.

Il savait où aller, maintenant.


~~~~~~~~


Depuis qu'ils avaient quitté les noss, Neraën n'avait dit mot. Il repensait au regard de la guide des Linwë, de l'expression furtive qui était passée sur son visage lorsqu'il avait pris l'Aube dans ses mains. Elle n'avait rien dit, il n'avait pas cherché à savoir. Pourtant, son comportement ne le laissait pas indifférent, de même que celui de Mélnaica qui l'avait incité à ne pas retourner dans la grande maison de pierre. Aussi cherchait-il dans sa mémoire ce qui avait pu revenir dans l'esprit de la petite femme, la connaissant suffisamment pour savoir qu'elle considérait l'Histoire comme étant un éternel recommencement. Une boucle infinie qui n'attendait qu'à être brisée pour se recréer différemment. Un chant dont il était parfois nécessaire de changer les couplets. Il regarda l'Aube qu'il renfermait dans ses bras, à moitié perdu par la puissance magique de l'artefact ainsi que le lien qu'elle semblait vouloir créer avec lui.

Il n'aurait su dire pourquoi mais cela lui semblait important. Mais il ne se souvenait pas.

Ils continuèrent leur marche, traversant la zone dépourvue d'arbres qui encerclait presque la cité. Avec le Voile, cette zone s'était vue rétrécir drastiquement, au point que la nature avait par endroits repris ses droits sur le mur d'enceinte de la ville. Ici, les oiseaux chantaient encore, la Symphonie aussi et parfois quelques animaux pointaient le bout de leur museau. Là-bas, ce serait différent.

Ils arrivèrent aux portes de la ville, qui s'ouvrirent sans qu'ils n'aient à le demander. Dans la cité, rien ne semblait avoir changé. Pourtant, plus d'un ressentit cette angoisse dans l'air, comme une mise en garde silencieuse. Les portes se refermèrent derrière eux et ce fut le capitaine Tenetrian qui vint, un sourire aux lèvres, s'enquérir de la réussite de la mission. Que l'Aube soit revenue semblait lui plaire, tout comme à d'autres. Qu'elle ait pris exactement la même couleur que les yeux de Neraën, par contre, le perturba. Le capitaine et le protecteur se retrouvèrent là, face à face, entourés par les aigles comme toujours sur le qui-vive. Protecteur qui n'aurais jamais dû être là ; capitaine qui n'avait rien à faire là.

"Content que vous soyez rentrés sains et saufs. Nous nous inquiétions de ne pas vous voir revenir."

Neraën ne répondit rien. Il se contenta de fixer de ses yeux profonds ceux bruns de l'intru qui avait pris l'habitude de se mêler de la garde, comme s'il lisait dans ses pensées - ce qui n'était juste pas possible tout en étant une possibilité taboue. En fait il constatait la folie de l'autre, le gênant en même temps. Tenetrian commença à esquisser un mouvement du brasn aussi avant qu'il n'ait pu finir ou que qui que ce soit n'ait brisé le froid qui s'était créé entre eux, l'elfe aux longs cheveux blancs prit la parole.

"Tu aurais pu donner l'ordre avant même que nous rentrions. Cela aurait été plus simple, Tenetrian."

Une sensation. Un mouvement, une douleur vive. La flèche fichée dans son bras. L'orbe qui tomba sur le sol pavé. Les cris et les sons des armes, faibles à ses oreilles. Un regard, perdu. L'appel, la peur, l'attirance vers le néant.

Puis rien ne fut plus.


Dernière édition par Telenwë Neraën le Dim 28 Jan 2018 - 9:26, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeDim 3 Déc 2017 - 11:53

Assis sur le sol, l'elfe aux longs cheveux blancs regardait la cité en construction tout en caressant doucement les poils ternes de la maldelinir revan. Bien que sauvage, l'animal ne répondait pas aux marques d'affections de l'autre, ayant appris à le côtoyer au fil des siècles. Et cela, l'elfe le savait : que cette louve si intelligente se laisse approcher était un fait très rare et une marque de grande amitié le fait qu'il puisse ainsi la toucher sans qu'elle ne lui morde la main. Il avait toujours aimé les loups, symbole de sa noss. Il aimait plus encore cette louve mage qui avait accepté de lui faire confiance, raison pour laquelle il comptait bien la voir représenter son peuple ou tout du moins la défense de cette cité dont il était à l'origine. Il n'en avait pas encore trouvé le nom - certains avaient émis la volonté de lui donner son propre nom, Eten'ril - mais ne se faisait pas d'inquiétude quant au fait qu'elle en aurait un. En espérant que les choses se passent bien et qu'ils puissent vivre sans que le danger ne persiste autant que ces dernières décennies.

Le grognement de la louve aux multiples symboles le tira de ses pensées, aussi ses yeux gris se posèrent sur elle. Il retira sa main et ne fit rien pour l'empêcher de se relever. Il comprit qu'elle devait partir. Bien qu'il aurait préféré rester en sa présence encore longtemps, il ne pouvait dire quoi que ce soit.

"Es-tu sûre de toi, Matha ?"


L'animal répondit par un autre grognement avant de pointer son museau vers l'orbe qu'Eten'ril tenait entre ses jambes pliées. L'elfe regarda un instant l'Aube aux couleurs dansantes, eut un faible sourire puis se tourna à nouveau vers celle qu'il avait surnommée Matha.

"Je sais. Merci, mon amie... Puissent nos chemins se croiser à nouveau un jour."

La louve partit, laissant ainsi l'elfe seul avec une charge qui lui pesait sur les épaules... et qui se transmettrait jusqu'à ce que l'Aube ne disparaisse.



~~~~~~~~

Musique


Comme un tombeau, la salle d'or et de rouge dansait au gré des torches magiques. Ses ombres changeaient à chaque seconde, dessinant parfois des motifs dont tout elfe aurait pu se demander si les bâtisseurs du palais avaient fait exprès de créer des sculptures donnant ces ombres ou si ce n'était que pur hasard. A la lueur des torches, la salle de l'Aube était peuplée d'innombrables et discrètes créatures. Seule l'une d'entre elle était faite de chair et de sang, être frêle à la peau blanche et aux oreilles pointues. Etre qui gisait au pied de l'Aube restaurée sur son autel, et ce depuis plusieurs heures. Calme, elle attendait... Elle attendait patiemment de savoir s'il rouvrirait les yeux ou si son Souffle quitterait son corps. En attendant, la grande porte de la pièce restait close.


~~~~~~~~


Au-dehors, le bruit du combat qui avait enflammé la ville s'était tu. Un silence de mort régnait sur le champ de bataille alors que tous, l'adrénaline du combat passée, découvraient ou comprenaient quelle folie avait mené à une telle situation. Les morts étaient nombreux et, tout aussi tristement que honteusement, n'étaient pas que des militaires. Il y avait de tout : gens d'armes, civils adultes, adolescents, enfants... Des personnes impliquées dans le conflit dit "pro-noss/anti-noss", des personnes qui avaient juste voulu se défendre face à une situation qu'ils ne comprenaient pas ou qui avaient désiré protéger un être cher, d'autres encore qui avaient juste été au mauvais endroit au mauvais moment. Les quelques enfants et religieux dont les yeux étaient désormais clos pour l'éternité appartenaient à cette dernière cathégorie.

Ladelran tremblait. Le regard vide, il s'efforçait pourtant de faire partie de ceux qui organisaient l'après-bataille : où installer les morts, où se trouvait le dispensaire le plus proche - si l'on pouvait appeler ça un dispensaire... Maintenant que c'était terminé, il se rendait réellement compte que sur son épée se trouvait être du sang d'elfe et bien qu'il ait été éduqué à la dure réalité de la guerre, cela lui faisait un choc. Un choc dont il aurait du mal à se remettre, d'autant plus que nombreuses étaient ses connaissances à être dans un état critique ou à être désormais dépourvues de souffle. A un moment il ne tint plus ; il trouva moyen de pouvoir s'absenter quelques minutes, s'éloigna au loin et se laissa éclater en sanglots.


~~~~~~~~


Ses yeux se rouvrirent. La douleur ainsi que la sensation de vide furent les premières choses qui frappèrent son esprit avant que son regard las ne remarque une présence dans les murs qui l'entouraient. Une présence lupine qui, après avoir semblé le fixer des ses trois yeux, courut jusqu'à la porte. L'elfe resta allongé sur les marches, incapable de faire quoi que ce soit ou tout simplement de se souvenir. Où était-il ? Pourquoi se retrouvait-il là ? Qui était-il ? Un vide abyssal habitait son esprit. Une seule chose était sûre : il était là et se devait d'y être. Pour le reste, un mot se faisait suffisamment insistant pour qu'il comprenne qu'il avait une certaine importance, sans savoir laquelle : Telenwë. Ses lèvres murmurèrent ce nom qui représentait en réalité son souffle, au-delà du prénom que lui avaient donné ses parents.


~~~~~~~~


"Et donc ?
- Elle s'est ouverte, toute seule."


Aneldhwen lança un regard tout aussi noir que dépité au pauvre elfe qui était venu la chercher. Parce qu'elle se trouvait non loin dans le palais et qu'elle était l'une des plus grandes figures militaires de la cité. Son attention se reporta sur l'épaisse porte à deux battants de pierre, dont les nombreux bas-reliefs représentaient de magnifiques feuilles et fleurs. La grande clef qui se trouvait sur la serrure n'avait pas bougé depuis qu'ils avaient essayé d'ouvrir cette salle - clef qui se trouvait déjà là et donc qui avait laissé comprendre que quelqu'un était entré dans la salle de l'Aube. Etrange... vraiment étrange, si l'on voulait rester sur un point de vue très terre à terre. Mais elle était prêtresse de Calimenthar, aussi ce genre d'évènement éveillait plus sa curiosité que ne dérangeait sa foi. Elle ouvrit donc en grand l'un des battants et entra dans la pièce uniquement éclairée par des torches magiques. Elle passa son épée encore couverte de sang à l'autre elfe et marcha jusqu'à l'autel, doucement et silencieusement.

L'Aube s'y trouvait, revêtant toujours cette couleur bleue particulière. Au pied de l'autel était allongé Neraën, les yeux entrouverts et une flèche toujours fichée dans le bras. Une chance pour lui, il était devenu si maigre que la pointe du projectile avait traversé de par en par son membre. Un regard vers les dalles de marbre accrochées au mur derrière l'orbe. Rien n'avait changé. La mathauth s'approcha alors de l'elfe et s'agenouilla à ses côtés afin de constater son état. Il était couvert de plaies plus ou moins profondes, ce qui n'était guère étonnant vu ce qui était arrivé, mais ses yeux avaient perdu cet aspect vitreux qu'ils avaient pris lors de l'embuscade...

Elle se souvenait avoir vu le protecteur réagir, repoussant de sa magie le capitaine Tenetrian avant de récupérer l'orbe ancestrale. Alors, elle la mage, elle avait ressenti quelque chose changer ; quelque chose d'infime mais de suffisant pour comprendre qu'elle risquait de se retrouver influencer par de la magie. Alors elle avait croisé le regard de Neraën et avait remarqué que ses yeux étaient devenus vitreux. Elle essaya de le suivre au départ, à un moment elle réussit à l'appeler. Rien. Il ne répondait plus à qui que ce soit, même pas aux aigles. Tel un simple pantin, il était parti droit vers le palais au milieu d'une ville en sang, empêchant par sa magie quiconque de l'approcher, faisant parfois des victimes. Du moins était-ce cela au début, puisqu'après ils le perdirent tous de vue.

Et voilà, après ce carnage, qu'elle le retrouvait, l'Aube remise à sa place. Un dernier regard vers cette Aube si sacrée aux yeux des Etenirilis, source de beaucoup de questions et de mysticisme. Il faudrait qu'elle se documente sur cet artefact... parce que beaucoup de choses allaient se jouer autour d'elle, sans compté les comportements plus qu'étranges qu'avaient eu successivement l'orbe, la guerrière noss et Neraën.

"Vous êtes en vie, Neraën. La bataille est finie. Nous allons vous transférer à un dispensaire."

L'elfe aux cheveux blancs ne répondit rien. Etait-il seulement conscient ? Sans plus se poser de questions, elle prit le grand elfe à bouts de bras et se dirigea vers la sortie, ne remarquant que les lumières illuminant la pièce étaient passées de vacillantes à stables.
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeDim 3 Déc 2017 - 22:29

Kÿrianos de la neuvième ennéade de Favriüs,
Salle du Conseil, palais d'Eteniril.


La grande salle aux nombreuses fenêtres éclairées par un soleil radieux semblait vide et froide. Seuls une dizaine d'elfes s'étaient rassemblés là autour d'une grande table, les civils habillés de bleu et les religieux portant en plus de leurs couleurs sacerdotales une écharpe bleu foncé. Près d'une heure auparavant ils étaient tous, avec l'intégralité des Etenirilis, debouts devant des centaines de tombes creusées qu'il fallait désormais recouvrir de terre. Cette journée avait été d'une grande tristesse pour Eteniril et elle était loin d'être terminée... La cité avait pu reprendre contact avec l'extérieur, en attestait la présence de Falaedhel autour de la table, et lentement un procès pour ceux qui avaient condamné de nombreuses vies se mettait en place. Falaedhel avait invité par missive le protecteur de Solith à venir et avait informé ce qui ressemblait le plus à un  "conseil à durée déterminée" que des copies des documents qui avaient été volés l'automne précédent avaient été envoyées à de nombreux protectorats. Tous n'auraient pas besoin de se mêler à cette histoire, loin de là. Mais au moins il n'y avait plus moyen de s'éclipser. Un parti avait gagné cette fichue guerre et l'autre se retrouvait à devoir gérer des assassinats que plusieurs de ses membres avaient prémédités.

Fatigué, las, Neraën avait du mal à suivre. Il ne se sentait aucunement à sa place ici, considérant qu'il était la cause des morts de cette dernière année et qu'il n'avait de toute façon plus le titre de seigneur-protecteur. Plusieurs s'entêtaient à lui dire que seule l'Aube déciderait, notamment la mathauth, mais il était dans une période de refus. Lui qui avait été si loin pour son peuple, voilà qu'il souhaitait arrêter.

En temps normal, n'importe qui lui aurait répondu : "c'est votre choix". En ces temps encore troubles où le besoin d'une personne fédératrice se faisait sentir, on lui demandait au moins d'attendre. D'attrendre que l'orbe ancestrale d'Eteniril donne son propre choix, lui dictant la voie à suivre. Si elle mettait fin à sa charge, alors il repartirait et suivrait certainement la demande du Trône Blanc en retournant à Alëandir. Si elle en décidait autrement, alors son avis passait au-dessus du choix d'Alëandir et là Neraën devrait faire face à cela et l'assumer. Pour l'instant, donc, il se devait de discuter du sort des anti-noss qui avaient été les têtes de proue de la tentative de coup d'état - du moins pour ceux qui étaient encore en vie - ainsi que de leurs familles. Et ce sujet était loin d'être joyeux.

Au bout de nombreuses heures, il fut décidé qu'après avoir expliqué leurs actes il serait laissé à chacun de ces elfes le choix entre : servir auprès des prêtres des Cinq pendant une durée de deux siècles, être confié aux noss ou l'exil du protectorat - selon le rite traditionnel. En fait, peut-être que le choix ne serait pas forcément laissé à certains en fonction de la haine qu'ils pouvaient avoir...


~~~~~~~~


Elenwënas de la neuvième ennéade de Favriüs,
Salle de l'Aube, palais d'Eteniril.


Assis au pied de l'autel supportant l'Aube, Neraën attendait sagement que les derniers à arriver s'installent pour commencer. Il se souvenait parfaitement de ce jour il y a de cela deux ans, où il était entré le dernier dans cette salle afin de demander à l'Aube si elle l'acceptait en tant que seigneur-protecteur d'Eteniril. En le mois de Barkios de la huitième année de ce cycle, seulement. Depuis, tout s'était écroulé pour être reconstruit... et le voilà qui était le premier installé dans cette pièce, face à tous les bancs, afin de mettre un terme définitif à un conflit et laisser décider cette même orbe ancestrale de s'il devait rester protecteur ou non. Il était habillé de vêtements ternes, comme il en avait été décidé jusqu'à ce que le prochain mois arrive avec un retard de l'Edel'Los pour l'année passée et une avance pour l'année en cours, marquant ainsi un renouveau avec le changement de mois et la fin officielle du temps de deuil. A un moment il inclina la tête en signe discret de respect envers des êtres qui avaient fait de même, faisant bouger ses longs cheveux détâchés, puis se leva. Le silence ne tarda pas à se faire et les portes se fermèrent.

"Bonjour et bienvenue à tous. Merci tout d'abord d'avoir répondu à l'invitation que nous vous avons faite."

La salle était assez petite, aussi était-il inutile de parler très fort ou de promener son regard très loin pour embrasser les personnes présentes. De ce fait, il lui fut extrêmement facile de remarquer la présence de noss à cette rencontre. Rares étaient les fois où des sylvains entraient dans la cité, et qu'un druide et plusieurs guides daignent venir ne le laissa pas indifférent, bien qu'il ne le montra pas. C'était peut-être égoïste de sa part mais il voulait que ce soit expédié au plus vite, ne pas garder le suspens encore longtemps alors que cela ne servait à rien.

"Il y a presque deux ans la plupart d'entre vous étaient ici pour la cérémonie de l'Aube, où comme vous le savez tous je suis devenu seigneur-protecteur d'Eteniril. Depuis les choses ont évolué et les évènements font que le Trône Blanc ainsi que l'Académie de magie d'Alëandir m'ont demandé de faire une passation de pouvoir en attendant d'être sûrs que j'étais bien stable magiquement parlant suite à Eraïson. Il y a un an, j'étais venu pour cela. Aujourd'hui, conformément à nos traditions, je suis là devant vous pour présenter ma démission à l'Aube. A elle de l'accepter ou non."

Quelques murmures se firent entendre mais personne ne montra réellement son avis sur la question. Depuis ce que l'on appellerait désormais le Cri des Larmes, ou le conflit etenirili s'étant terminé par une bataille interne, les raisons de tout et de rien avaient été données. Aussi tout le monde savait la vérité sur la raison pour laquelle Neraën était revenu dans sa région natale. Pour autant, tous ne semblaient pas vouloir lui tourner le dos... même s'il avait engendré ce cri. L'ancien aigle se retourna pour faire face aux prêtres de Kÿria et d'Elenwë qui se trouvaient en retrait, non loin de l'artefact. Le prêtre de la Mère prit la parole.

"Neraën Yeldoreï, actuel Seigneur-Protecteur d'Eteniril, l'Aube vous a choisi il y a de cela deux ans pour endosser la lourde responsabilité qui est devenue la vôtre. Et vu des circonstances et suite à la demande du Trône Blanc, vous vous présentez à nouveau devant elle pour lui demander si elle accepte de vous décharger de votre mission. Etes-vous en accord avec ces termes ?
- Je le suis, mon Père.
- Très bien. Je vous demande donc de vous placer devant elle et, comme le jour où elle vous a accordé la charge de protecteur, de poser votre main sur elle et de faire votre demande."


Le protecteur se décala donc de deux pas, regarda l'artefact bleu, ferma les yeux et posa sa main gauche dessus - son bras droit le faisant encore souffrir à cause de la flèche qu'il avait reçue. Il ressentit immédiatement la présence magique de l'Aube et sa volonté effleurer son esprit, lisant en lui comme un livre ouvert, sans pour autant lui faire de mal. Au contraire même, elle lui fut réconfortante et chaleureuse. Comme si, quoi qu'il arrivait, tout se passerait pour le mieux... Alors il récita les mots qu'il devait, obéissant soigneusement aux notes laissées par les premiers elfes à avoir laissé des écrits quant à l'utilisation de l'orbe.

"A la demande du Trône Blanc d'Alëandir, de l'Accadémie de Magie de cette même cité et suite à de nombreuses discussions avec les représentants des Cinq, moi Neraën Yeldoreï, Seigneur-Protecteur d'Eteniril et mage de l'immatériel, me présente à l'Aube pour qu'elle puisse à nouveau juger de ma légitimité à guider le peuple elfe d'Eteniril. Choisir et guider, vivre et risquer, avancer et préserver. Si j'ai failli à ma promesse et qu'elle ne me considère plus comme digne de la charge de Seigneur-Protecteur, alors qu'elle retire mon nom des dalles de marbre. Si je me suis trompé et qu'elle me juge encore digne et apte à protéger les descendants d'Eteniril, alors que mon nom soit inscrit jusqu'à ma mort."

Comme lors de la cérémonie de l'Aube, l'orbe mit du temps avant de répondre à la requête de l'elfe. Un temps qui parut long pour beaucoup mais qui, pour lui, fut relativement court. Un moment où des sensations diverses le traversaient et où des images lui revenaient en mémoire, sans qu'il ne sache pourquoi. Puis un craquement se fit entendre, signifiant que la magie opérait. Il ne voulut pas savoir, il avait peur de sa réponse... et ce fut l'incompréhension générale qui l'obligea à lever les yeux vers la grande dalle, le laissant un instant pantois. Y était désormais gravé :

Neraën Yeldoreï ~ XI Cycle An VIII - XI Cycle An X ~
Telenwë ~ XI Cycle An X -             ~

Il mit du temps à comprendre ; à comprendre toute la signification de ce qui était désormais inscrit, de la réponse de l'Aube. Il tomba à genoux et, sans aucunement faire attention à tous ceux qui l'entouraient et de l'image qu'il pouvait donner, se mis à pleurer. Au fond de la salle, les sourcils d'Elveä se froncèrent alors que les lèvres de Maghden se tordirent en un sourire amusé.

Au centre de l'agglomérat d'Ornedhels cependant se tordait un visage tailladé de multitudes d'émotions contradictoires. Peut-être plus que les hommes, femmes et enfants de la Cité, peut-être plus que celui-même qui passait le jugement, le druide était au bord de l'étouffement, écrasé par la lourde atmosphère pesant sur la salle. En cette heure, rien n'aurait su lui faire comprendre quel dénouement espérer. En cette heure, les notions de bien, de mal, de bon et de mauvais mourraient ensemble. En cette heure, les réactions factices s'affichant sur les faces des Sourds ne lui importaient guère.

L'Aube allait parler, et il ne savait pas s'il en apprécierait le message.

Les yeux du hérault clignèrent une fois, puis deux, alors que la dalle craquait, que les lettres se creusaient dans l'éternité, et ainsi pendant l'espace d'un instant, le chemin de l'invisible plume se perdit dans le néant. Pendant l'espace d'un instant, plus rien ne fut écrit, et pourtant, la magie crépitait encore. Quelques secondes se figèrent dans le temps en une éternité éphémère durant laquelle le Druide en proie à ses angoisses combattit la volonté de la Mère. Il aurait suffi de si peu pour tromper leurs yeux. Il aurait suffi de si peu pour faire obstacle à l'inéluctable. Mais de l'égoïsme il ne naît jamais rien de bon, et ainsi d'un battement de cils le sortilège fut rompu.

Quand l'un accepta de pleurer devant la face du monde, l'autre dissimula la sienne en son sein. Quand le druide perdit pied, le faux-dragon prit le dessus. Mais une main attrapa le bras du druide avant qu'il ne se transforme et Mélnaica se retrouva face au puissant guerrier qu'était Maghden. Lui qui d'ordinaire n'aimait pas les citadins et n'en respectait que très peu, il était presque ironique que ce soit lui qui demande d'attendre. Elveä le regarda, semblant ne pas comprendre. Elle connaissait les histoires du passé, pas celles du futur ni du présent.

"Le nom qui est gravé est celui qui réside en...
- Je sais.
- Alors vois cette réponse comme une que nous n'avions pas envisagée."


Pour toute réponse aux deux gardiens du hérault il fut adressé un regard sombre, froid, reptilien, perdu quelque part entre deux existances. Les yeux d'Huru'Löce ne peuvent pas pleurer, et ce n'est ainsi que quelque part en son for intérieur que les larmes de Mélnaica coulèrent. Et parce qu'aucune pulsion plus virulente ne secoua l'elfe, le Wyvern se contenta de rester à ses côtés à mi-chemin. Entre la force du reptile et la sensibilité du Sylvain. Toujours debout, mais soumis à la poigne du guerrier.

"Attends qu'il ait donné la réponse à ta question. Là seulement tu pourras être sûr."

En effet, il fallut à tous des explications. Il fallut qu'ils comprennent qui était cet Telenwë dont seul Neraën connaissait l'existence aux yeux des citadins. Et une fois cela fait, une fois que le protecteur se soit repris et ait expliqué que selon la croyance d'une personne qui lui avait été très chère il s'agissait du nom de son Souffle. Ainsi, pouvaient comprendre prêtres et personnes appréciant les métaphores, ce changement de nom pouvait signifier une renaissance de l'elfe qui leur faisait face. Après tout, ne dit-on pas que tous ceux qui avaient subi un jugement des Cinq en étaient revenus changés ?

Le temps passa. Neraën, ou Telenwë, fut accepté comme restant leur protecteur. Mais il restait une question à laquelle cet elfe n'avait pas répondu ; une question qui demandait une réponse à une autre pour pouvoir être définitivement prise. Une question que trop de personnes se posaient.

"Seigneur-Protecteur Nera... Telenwë, poursuivit le prêtre d'Elenwë, une question vous a été posée. Par des taledhels comme des ornedhels. Vous êtes appelé à guider Eteniril... il est temps pour vous de répondre à ce que vous allez faire désormais."

Neraën baissa la tête, inspira puis les regarda tous, ceux qui étaient venus jusqu'ici. Ils avaient déjà discuté du cas où il resterait protecteur... à lui maintenant d'assumer son choix.

"L'Aube demande à ce que je reste votre guide, que je continue à protéger ces terres... mais après ce qui s'est passé ces dernières années, je ne peux plus me considérer comme étant entièrement taledhel. Tout comme je ne me considèrerai pas comme ornedhel. Je prends la décision de ne vivre ni pleinement avec l'un, ni pleinement avec l'autre, mais de faire le lien entre les deux si vous tous vous m'acceptez. Comme le faisaient les premiers guides. Je décide de vivre auprès des Frères de Sève, restant dans le protectorat autant que possible. Un régent gèrera la cité. Je serai toujours près d'ici, il suffira de m'appeler pour que je vienne. Je prendrai cette vie une fois que je serais retourné à Alëandir pour expliciter la situation et informer le régent d'Anaëh qu'Eteniril change désormais de système politique. J'y resterai le temps qu'il faudra ; je reviendrai dès que possible."

Il ne savait pas quoi dire d'autre, ne savait comment l'exprimer. Il choisissait là une vie près comme loin des siens, une vie de transition entre les citadins, les sylvains et une partie de l'Oeuvre. Parce qu'il n'était pas le protecteur d'une partie des Elfes ni des Elfes : il était le protecteur d'une terre, avec tout ce qu'elle comportait.

Décision bien naïve aux yeux du druide, vaste utopie devant celui qui avait été appelé pour constater la profondeur de la brèche creusée à même les parois du foyer des elfes de Pierre. C'est ainsi que tout avait commencé, et c'est ainsi que tout finissait, l'ouroboros se mordait la queue et le Cycle destructeur reprenait. Restait à prier que l'espoir d'Eteniril lui permette de patienter plus d'un couple d'années cette fois, qu'elle ne se laisserait pas absorber par les discours haineux des mêmes conspirateurs qui ont failli la baptiser de sang une fois.

Le bras de Mélnaica enfin s'arracha à la poigne de Maghden, et les pupilles fendues retrouvèrent leur rondeur. C'est une rage sans nom qui prit la place de la peine, mais une rage qui resterait tue jusqu'à ce que vienne le bon moment. Les doigts du druide vinrent cueillir l'humidité amassée en lisière de ses paupières, et il sourit. Il sourit devant l'aube de nouveaux temps de paix factice.

Eteniril venait d'obtenir une seconde chance.

Elle n'en aura pas une de plus. A savoir, désormais, quel avenir cette décision leur réservait.
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MessageSujet: Re: [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini}   [Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Avec le printemps revient... {Fini} I_icon_minitimeLun 4 Déc 2017 - 21:27

Calimehtarus de la première ennéade de Barkios, an 10 du XI° Cycle,
Jardins d'Eteniril.


"Es-tu sûr de ton choix ?"

Les deux elfes marchaient tranquillement dans les jardins, regardant en même temps le magnifique levé de soleil qui persait à travers les frondaisons. Telenwë regarda son ami Falaedhel, sans sourire, mais pour une fois serein. En cette matinée de Barkios, après avoir présidé l'Edel'Los et longuement parlé avec noss comme citadins, il retournait en Alëandir. Il y retournait pour faire état lui-même de ce qui était advenu d'Eteniril, faire face à Anornedellon et à Lòmion s'il le fallait, et refuser une mise en quarantaine inutile alors qu'il avait une terre à protéger, un peuple à guider. Qu'ils lui fassent faire des tests s'ils le désiraient, il s'en fichait. Mais il était temps que l'elfe rené du jugement des Cinq prenne en main sa propre vie pour être celui qui mènerait au mieux tout un protectorat.

"Si j'avais choisi les Taledhels, les Ornedhels n'auraient pas compris et les druides m'auraient certainement obligé à quitter la cité pour protéger l'Eäla qui est en moi. Si j'avais choisi les Ornedhels, les Taledhels se seraient sentis abandonnés et l'auraient été. Je suis tiraillé entre l'appel de la forêt et ma vie de citadin, sans parler de mon devoir... aussi le fait de décider d'être au plus proche de ceux qui sont neutres dans cette histoire est ce qui me parait être la meilleure décision.
- Le fait de ne pas avoir choisi de camp laisse planer un doute te concernant. Même si la haine envers nos propres frères s'est radicalement estompée, la peur que tu quittes ton propre peuple reste très forte.
- Je ne partirai pas, Fal. Je reviendrai vite, au plus tard à la fin du mois le temps que les choses se règlent à Alëandir. Je vous écrirai au moins une fois par ennéade et vous tiendrai au courant de l'avancée de la situation. Une fois revenu, je resterai au sein de la cité pendant plusieurs ennéades avant de faire un premier tour du protectorat. Et puis tu seras là, non ? Ce sera à toi et au Conseil de gérer ce qui relève des affaires internes à la cité, plus à moi. D'ailleurs, il faudra te trouver un autre titre que "régent", quelque chose de plus... pérenne.
- Nera...
- Quoi ? Tu as accepté de l'être, pas vrai ?
- Tu sais très bien que j'aurais préféré ne pas en arriver là.
- Arrête, tu as plus la mentalité que moi pour ce rôle. Et, en toute sincérité, je ne vois personne d'autre que toi pour cette charge : sans être un dictateur, tu sais commander, mener et être respecté. Tu as la loyauté de tous ceux qui ont vécu en-dehors des murs pendant l'hiver et bien plus encore. Et surtout, contrairement à moi, même si tu es dorénavant capable de comprendre les noss tu restes un elfe de la cité, dans ta façon d'agir comme dans ta façon de penser. Peut-être fallait-il que le Cri des Larmes ait lieu mais... je n'enlèverai jamais de ma tête l'idée que ces morts n'auraient jamais été si je ne m'étais pas présenté pour devenir protecteur.
- Et toute ta vie durant tu t'isoleras à cause de cette impression par remords ?
- Non Falaedhel, non... Pendant tout le temps qui me sera accordé, je ferai le lien entre Taledhels et Ornedhels pour qu'une telle guerre ne se reproduise plus jamais. Si tu savais à quel point j'ai honte..."


Le militaire, dont la jambe avait enfin pu être guérie, s'approcha de son protecteur et lui posa une main amicale sur l'épaule. Telenwë tourna la tête vers son ami et eut un faible sourire. Sourire que lui rendit franchement le vieil elfe avant de jeter un énième regard sur les coucles d'oreilles qui parcouraient le long des lobes d'oreilles de son jeune confrère. Une lubie sylvaine extravagante à laquelle Neraën n'avait pas dit non, ce qui lui donnait un côté... étrange.

"T'y habitueras-tu ?
- Peut-être un jour.
- Ils y tenaient...
- Tu n'as pas dit non !
- C'est vrai.
- Ca a dû faire mal ?
- Huuuum... Disons qu'après plusieurs trous sur une oreille, on se fait à la douleur. Le problème est de recommencer avec l'autre oreille.
- Hahaha ! Tu regagnes un peu de la folie de ta jeunesse, c'est bien.
- Fichtre... Tu ne vas quand même pas préférer Telenwë à Neraën tout de même ?
- Ca dépend si Telenwë s'accepte ou pas.
Il y eut un silence avant que Falaedhel ne reprenne.
- En tout cas trouve moyen de retrouver une bonne forme physique, sinon en tant que régent qui se doit de prendre soin de son protecteur, je t'interdirai formellement toute sortie avant que tu ne sois à nouveau capable de te battre sans te briser un membre au premier coup. Et s'il le faut, je mandaterai un maître d'armes spécialement pour te surveiller et faire en sorte que tu travailles ton côté martial.
- Que les Cinq me protègent...
- Au moins, déjà, je n'ai pas à t'obliger à manger... tu as pratiquement toujours faim !
- Comme là ?"


Les deux elfes rirent. Pas de ces rires de joie mais de ceux d'êtres proches qui sont conscients que malgré leur proximité ils se devaient de se dire au-revoir. Conscients également que ce soit pour l'un comme pour l'autre, leur vie ne sera plus jamais la même et que l'autre en serait influencé. Alors, sans plus rien dire, ils se laissèrent à se serrer l'un l'autre, ce que Neraën n'aurait jamais fait avant la bataille d'Eraïson. Eteniril avait beaucoup à reconstruire, énormément même. A commencer par renouveler l'entièreté du Conseil et du Haut-Conseil désormais que les deux avaient été réformés. Telenwë avait donné son avis sur nombre de noms mais il ne pouvait faire plus de ce côté-là. Ce qu'il avait fait, en vrai, était de remercier ceux qui avaient le plus travaillé pour que la cité ne sombre pas définitivement dans la folie. Notamment des religieux et des militaires. A ce propos, tous les cultes du panthéon des Cinq seraient désormais accepté au Haut-Conseil, ce qui changeait déjà un point tout à fait emblématique.

L'aube se levait. Il était temps que leurs chemins se séparent à nouveau, en espérant se recroiser plus tôt et en de meilleures conditions.


~~~~~~~~


Kÿrianos de la deuxième ennéade de Barkios, dixième année du XI° Cycle,
Routes menant à Alëandir, forêt d'Anaëh.


Cela faisait déjà sept jours qu'ils voyageaient, tranquillement, sur les routes. N'ayant pas encore recouvré la force physique pour passer plusieurs ennéades à dos de cheval, Telenwë passait son temps sur une charrette avec les quelques affaires que le groupe composé d'aigles, de prêtres de Kÿria et d'Etenirilis - dont pas mal de soldats. Le protecteur passait le plus clair de son temps à écouter ce qui l'entourait, s'abreuvant de ce qu'il ressentait de la Symphonie comme un elfe s'abreuverait d'eau après avoir traversé un désert, et ressentant avec plaisir les flux magiques. Parfois il ne pouvait s'empêcher d'utiliser la magie, souvent même. Comme pour le fait de se complère dans le Chant, déplorant presque de ne pas avoir une meilleure compréhension de celui-ci voire même de ne pas savoir Chanter, il en éprouvait le besoin. Pour le reste il discutait régulièrement avec les autres et repensait à tout ce qu'il avait pu apprendre en un an. Cela lui rappelait régulièrement qu'il avait des personnes à qui donner des lettres, ou peut-être à revoir.

C'est alors qu'il était dans ses pensées, assis à côté du cocher, qu'un murmure lui parvint. Porté par la brise matinale, transmis d'arbre en arbre, ce murmure était un chant comme il ne se souvenait pas en avoir entendu. Un chant magnifique, une prière porteuse d'espoir, de tristesse et de ce qui lui semblait être de la sincérité. L'entendant, le ressentant, il s'ouvrit pleinement à lui et ferma les yeux, face tournée vers le sud. En silence, des larmes perlèrent le long de son visage émacié.

Ainsi le touchait le coeur des Ardamiris.


{Fin}
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