À Eléonore de Saint-Aimé, dame de Sainte Berthilde. 9ème jour de la 6ème énéade de Barkios, 10ème année du 11ème cycle.Chère amie, Pardonnez-moi de ne vous écrire qu'après tout ce temps mais la campagne nous a fort occupés. Nous avons chevauché des semaines durant. Si je me réjouis d'être parmi mes hommes, être une femme dans une campagne n'est pas chose aisée et j'ai eu beaucoup de mal à me faire accepter à la fois de mes hommes mais également des autres seigneurs. Certains comme le seigneur de Kelbourg, se demandent encore comment les arétans ont pu être assez fous pour suivre une femme. Quelle drôlerie ! Toutefois je ne vous cache pas que la vie est rude et que nous sommes bien loin de nos belles conditions de vie dans nos châteaux. Le confort est rudimentaire et je ne bénéficie d'un minimum d'intimité que parce que je suis une femme - mais également parce que je suis un seigneur, je dois l'avouer -. Je vous imagine bien me lire dans ce coin paisible près des remparts que vous m'avez montré à ma dernière visite et où vous aimez tant vous poser tranquillement pour réfléchir aux choses de la vie. Comment allez-vous de votre côté ? Comment se passent les choses en Sainte Berthilde?Mon Premier Conseiller Walther de Hohenburg m'apporte régulièrement des nouvelles du pays. Comme on se sent soudainement si loin ! Une vie s'est organisée ici. Les hommes s'occupent pour ne pas penser au siège qui se prépare, pour ne pas penser à la mort qui les attend au tournant. Lorsque l'ordre sera donné de marcher sur la ville, nous jouerons tous nos vies au petit bonheur la chance, ce qui en effraie plus d'un. Mais les hommes ont soif de violence comme les femmes d'amour ! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle une veillée à Othar a été donnée. En parlant d'amour, un bien plus fraternel m'amène à me confier à vous aujourd'hui, chère amie. Voyez-vous, une nouvelle des plus bouleversantes est parvenue jusqu'à moi. Mon frère Roderik serait en vie. Je ne sais trop quoi en penser à vrai dire. J'ai beaucoup de mal à considérer la chose comme étant possible, mon amie. Mon frère a bel et bien été honoré à défaut d'avoir été enterré puisque nous ne disposions pas de son corps et la Chancellerie a fait ouvrir son testament. Pourquoi l'avoir fait s'il persistait un doute éventuel sur son décès ? Je trouve à vrai dire la chose impossible. Dans un même temps, la répugnance avec laquelle des gens tentent de se jouer de nous en faisant croire que le chancelier est en vie dépasse mon entendement. Comment peut-on à ce point jouer avec les sentiments des gens ? Comment peut-on être à ce point vile pour faire une chose pareille et ressusciter un mort en faisant fi des sentiments éprouvés par une famille qui le pleure ?Comme vous le comprendrez ma chère amie, je suis emprunte totalement au doute. Dois-je y croire et nourrir un espoir que j'ai enfoui il y a de cela des mois ? Si la chose était fausse, devrais-je de nouveau souffrir le deuil de mon frère bien aimé ?Vous qui vous montrez toujours de bon conseil et d'une sagesse que parfois, je vous l'avoue, je vous envie. Que pensez-vous d'une telle affaire ?Au plaisir de très prochainement vous lire et d'avoir de vos nouvelles,Aliénor de Wenden, Seigneur de Wenden et Régente du Comté d'Aretria et de la seigneurie de Karlsburg.