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 Les fiancées sont froides

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Douce
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Douce


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MessageSujet: Les fiancées sont froides   Les fiancées sont froides I_icon_minitimeLun 1 Oct 2018 - 19:27


Celui qui, destiné pour Sharas, a vu enfin pointer ses lumières au fond de la nuit, il n’oubliera pas de sitôt comment son cœur s’est serré à l’appel qui soudain hâtait son pas, ni de s’être mal défendu contre l’impression que la ville, coite et chaude comme une fenêtre, mystérieusement au bout de son voyage lui a fait signe, — puis l’alarme seconde de la voir reculer, avec le reflux des ténèbres, dans quelque éloignement stellaire. Il n’est rien de consolant à cette vision : l’impression est beaucoup moins celle de l’auberge accueillante que d’une sorte de dernier refuge, dont rien n’assure qu’il soit ouvert à tous. L’obscurité frôlante, la terre bruissante, tout semble vous presser vers un dénouement qui ne se laisse pas présager, et une hésitation à chaque pas vous avertit que le sol même, mal guéable, peut venir à manquer : rien, bien entendu, ne serait moins avisé que de se retourner : on croit sentir une grande vague dans le noir… Il est vrai, au demeurant, que la route de nuit est fréquentée plus que de raison ; ce sont des âmes en peine, dont les frissons seront rendus au triple dans la chaleur du premier bouge couru ; certains poussent le vice jusqu’à prendre des chemins de traverse, — mais de ceux-là tous n’arrivent pas à bon port.  

Car ce n’est pas impunément qu’une terre respire mal. Tourné vers le commerce du levant, Sharas a depuis longtemps coupé ses attaches avec l’arrière-pays de friches mornes qui l’enserre à des lieues à la ronde, et qui est le delta du Ner. Le fleuve irrigue loin en amont ces étendues sableuses et étales — en perte pure semble-t-il, tant le pays, sec presque partout, mal vascularisé, avec par places d’étranges lividités qui font penser — pleurant d’eau à la moindre pression — aux chairs gorgées d’un noyé, reste profondément stérile, avec, à mesure qu’on avance, des infiltrations saumâtres qui pourrissent sur pieds les derniers champs. Les villages, cachés derrière de molles ondulations de terrain, tendent le réseau égarant de leurs chemins vicinaux — passepieds louvoyants, minuscules ponceaux — qui ne recoupent presque jamais la grand’route : on peut la traverser de jour sans voir personne, la nuit sans aucun feux. Et, sensibles à un air de menace sourde, les voyageurs parcourent d’une traite cette campagne sans témoins, sans passé, légère au meurtre qui y laisse peu de trace, — cette campagne plus obscure de battre dans l’ombre de Sharas, de toujours le cœur avare et comme le soleil noir de la baronnie.

Au sud de la ville, les frênes font place aux aulnes, les chaumes aux hampes frissonnantes des massettes, puis aux salicornes rabougris à l’approche de la mer. Abrité à distance par les falaises extrêmes des Monts-Corbeaux, des marais salants et des flèches de sable dérobent longtemps le littoral. Les salines font la richesse de quelques familles issues du bourg du Batz ; leurs maisons héréditaires, hérissées de minuscules clochetons, logent désormais les percepteurs domaniaux. Occupant la largeur d’une langue de terre aventurée entre marais et lagunes, le Batz pourrait passer de loin pour un faubourg excentrique de Sharas, mais des baies profondes et l’absence de ponts contraignent le chemin de terre à un détour de plusieurs heures. De son campanile le pays se découvre fort loin : les allées et venues, les gestes — étranges pour le profane — des paludiers en chemise blanche donnent au paysage de vasières une touche moins primitive encore que solennelle ; quelques pinasses s’envasent entre son môle et le quai de briques : quand l’étiage est fort, elles embouquent à marée haute la passe des lagune, et remorquent avant le soir le produit de leur pèche. Et, non loin, séparé du continent par une chaussée que découvre le jusant, le château du Batz hausse par-dessus les flots ses enrochements coquillés, ses remparts corrodés par l’embrun ; quelque chose de trapu et comme de renfrogné dans son maintien accuse des origines moins noble que contrebandière.



Une nuit sans lune a enveloppé le bourg. Il fait frais ; le vent a chassé les vieilles à la sortie du temple ; les paludéens tremblent dans leurs grabats. Dans le silence des choses, le souffle du large bat le rappel obsédant de la marée. Le fanal de Sharas est jaune pâle entre les brumes, et des ombres passent dans le chuchotis des roseaux. Les hôtels de la place interrogent de leurs lumières une voiture que l’on décharge, chacun se disant à par soi que, cette fois, quelque chose est en train.

Et, ignoré du reste, le château, tous feux éteints, bourdonne d’appels, de bruits de fer et de sabots. La dame Pernette, échevelée, à bout de souffle, court de part et d’autre, tire la main de son garçon, appelle à l’aide, jette des regards affolés par-dessus les créneaux : la poterne derrière-elle est refermée à double tour. Sous le couvert du noir, ses poursuivants — quinze avec les blessés — pestent d’être arrivés trop tard : la chaussée devant eux se couvre d’une pellicule d’eau ; et, après un flottement, l’un d’eux se détache en direction du Batz. Reconnaissant la voiture et au-dessus l’oriel allumé, il monte à la volée les marches de l’hôtel : la porte s’ouvre devant lui.

De l’autre côté de la rue, un valet assiste en vis-à-vis à la scène qui se joue alors derrière la croisée. L’arrivant, un bliaud pourpre jeté sur son haubert, s’est piété devant l’entrée en faisant des gestes secs de l’index et du poing — l’occupante s’enlève de place en place, ses pieds voilés sous une robe noire, agitée, semble-t-il, par les nouvelles qu’elle apprend. Aucune politesse ou sollicitude ne les rapproche dans cette pièce élargie aux dimensions d’un complot, et il y a, pour le curieux qui les observe, quelque chose de profondément émouvant dans les évolutions de ces formes muettes, auxquelles l’absence de contexte confère une qualité emblématique — le capitaine, la magicienne. Mais là-dessus Douce accroche le regard de l'indiscret, qui doit souffler sa bougie.

— Trouve un moyen, charmeresse, trancha finalement Brandin en ouvrant la porte. Je ne connais pas leur nombre, ni leurs défenses ; je ne peux risquer un assaut à l’aveugle. Viens me trouver quand tu sauras… Mais ne tarde pas trop : nous avons joué gros jeu, et sommes vulnérables ici. »

De nouveau seule, Douce se retira dans l’alcôve avec son lit, où elle demeura un temps interdite. Basculée à moitié sur le sommier, elle mangeait ses joues du dedans ; plus encore que le ton de commande dont usait Brandin avec elle, c’était d’avoir été prise au débotté par les évènements qui lui déplaisait. Jacquemart était encore à rassembler les bandes éparses dans l’ouest du pays et, en son absence, attenter à la vie de la dame de Breda et de son fils était à tous égards prématuré ; Brandin, en saisissant l’occasion à la volée, les avait découvert dangereusement — combien de temps avant que le prévôt ne remonte la piste des morts laissés aux portes de sa ville ? et le bailli ? En l’associant sur le tard à sa menée — elle voyait encore la mine rougie du page : « C’est la veuve, elle n’est pas morte ! » — le bâtard de Breda l’avait mise dans une position singulièrement fausse. « Et qu’attend-on de moi, maintenant ? » se demanda-t-elle, profondément agacée. Ses pouvoirs, elle ne le mesurait que trop, étaient en vérité ici peu de choses. Son malaise ne se démentait pas : cet imprévu, le premier depuis le serment juré dans le château d’Etienne, lui faisait l’effet d’un funeste écart qui, s’il n’était vite rétabli, les emporterait tous. Force lui était, cette fois, de prendre les devants.

L’air mou de l’alcôve l’enveloppait, quand une légère saute dans sa respiration l’avertit derechef à son trouble, que n’expliquait pas suffisamment les circonstances. Comme on peuple son demi-sommeil de réconforts que l’on veut, mais en vain, emporter de l’autre côté, elle se rappela la présence au rez-de-chaussée de ses deux âmes damnées : Gasselin et Sigefroi la veillerait. Enfin, prenant le seul parti qui s’offrait, elle détacha de ses cheveux une amulette qu’elle glissa sous le col, contre son cœur. Elle avala le contenu d’une fiole qui roula sur les draps, ferma les yeux, sentit la pesée tiède du métal sur sa peau, et poussa son esprit dans le monde — dessus le lit, hors de l’alcôve, à travers la vitre, au-delà des toits, plus avant dans le soir, avec contre ses tempes la passade énorme du noir, sous la poussée de son front…

Très vite le château est là, prêt à toucher, — mais, chose étrange, elle n’y sent aucune vie, et elle s’aperçoit n’avoir rien senti du début de sa transe. Quelque chose ne va pas, le rituel a flanché. Douce essaye de revenir, mais ses paupières sont collées ; elle voudrait crier, et ne le peut plus : une présence, invinciblement, l’attire dans les profondeurs du rocher. Elle se sent chuter, de plus en plus vite, dans le souffle humide, vers quelque chose qui remonte de très loin…

… Bien plus tard, dans une salle close autour d’une carte marine dont les repères tracés à la sanguine sont fuyants comme le déjà-vu, la suspension d’une chevelure égrène sa noyade sur l'itinéraire qui s’embrouille : à quelle profondeur sommes-nous ?


Quand Douce émergea, la tête en feu, elle eut un frémissement d'horreur en voyant, derrière les expressions inquiètes de Sigefroi et Gasselin, le soleil déjà haut dans le ciel de midi.
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Ciara de Phalère
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MessageSujet: Re: Les fiancées sont froides   Les fiancées sont froides I_icon_minitimeJeu 25 Oct 2018 - 22:11

« Par l'Olienne, nous n'aurions par servi d'entremet à tout ce que le delta compte de moustiques, pesta Hélouin.
- Par l'Olienne, nous n'aurions vu du delta qu'une ligne à l'horizon, rétorqua Ciara d'un ton professoral.
- Et c'eût été suffisant, renifla avec dédain le guide.»

Natif de Sharas, il entretenait un mépris tout citadin pour les terres qui enserraient la ville, leur préférant l'immensité marine et ses promesses de richesses orientales. Aussi, musarder à travers les étangs plombés et les jonchères fanées qui parsemaient les bras morts du Ner n'était guère à son goût.

Trois jours! Trois interminables jours qu'ils parcouraient de méchants sentiers qui leur faisaient traverser des pontons jetés à la diable sur une eau trouble et serpenter entre des marais. Pourtant, légèrement en aval, on devinait les courbes pleines de promesses des murs de la cité. Pour un voyageur fourbu, elles prenaient des allures de fruit mûr dont il n'aurait eu qu'à tendre le bras pour s'en saisir.

Hélas, la danselette n'accordait qu'un regard distrait aux charmes arrogants de la grande ville. Trois foutus jours qu'elle s'obstinait, armée d'encre ou de fusain, à griffonner, mesurer et prendre note. D'ailleurs, il en allait ainsi depuis le siège de Christabel. A croire qu'elle rédigeait un foutu atlas! Il soupira.

« Pour un guide, votre désamour des chemins de traverse a quelque chose d'incongru, releva la charmeresse.
- D'ordinaire, c'est précisément pour les éviter que l'on recourt à mes services, bougonna-t-il. »

Dépité, il laissa ses yeux vagabonder sur les plaques de verdure luisantes qui mouchetaient, çà et là, le paysage. Elles paraissaient fermes à l’œil non averti mais se muaient en eau à l’instant où l’on y posait le pied pour en libérer la vermine qui y nichait. En dépit des premières brumes automnales, on ne devinait que trop bien un sol spongieux, tout herbus de laîches et de roseaux, à des lieues à la ronde. C'était un horizon triste, mélancolique et désolé que le vent pleurait lorsqu'il lui fallait le traverser. Un horizon de vieux pays hanté, où devaient foisonner les histoires d'enfants disparus.

Les reflets bleutés qu'accrochèrent la danse irisée d'un couple de libellules l'extirpèrent de ses pensées. Il se ragaillardit.

« On trouve peu d'auberges convenables dans cette partie du delta, Madame, mais nous approchons du bourg de Batz on l'on devrait trouver à se loger. Inutile de me jeter ce regard! Cette fois, il ne s'agit pas de ronquer sur une paillasse qui sent la veille. Parole! Non, je ne vous parle pas d'un bocard où tous les pue-la-sueur du cru viennent faire ribote! A moins que ma mémoire ne me joue des tours, on y déguste une drôlerie d'oiseau qu'ils font cuire dans des feuilles beurrées, sous de la cendre. Vous devriez voir comme sa graisse vous fond sur la langue! On dirait les dernières neiges surprises par le retour du Soleil!
- Je ne doute pas que le tenancier vous reconnaîtra au premier coup d'œil, le dauba l'aristocrate en coulant un regard entendu sur la bedaine du cavalier. Le Soleil se couche, mieux vaut éviter de se faire surprendre par l'obscurité ici, va pour Batz!»

Ils pressèrent l'allure pour ne s'arrêter que lorsqu'ils aperçurent les premières fumées émanant de toits aussi pointus que des meules de foin leur annonçant qu'ils approchaient d'une implantation humaine. Dormir au milieu des palus n'était guère rassurant. En dépit de l'immensité qui vous entourait, on s'y sentait étrangement à l'étroit, comme si l'univers tout entier se réduisait à la lueur du feu de camp et que l'obscurité, le néant, vous menaçait de son étreinte. Le Ner avait beau courir d'une allure étale dans cette partie du delta, l'oreille ne pouvait manquer, une fois la nuit tombée, de relever mille clapotis suspects. Quant à loger chez l'habitant...leur bagage ne pouvait qu'éveiller certains appétits chez les paludiers aux joues caves mais aux dagues affutées. Dès lors, une hostellerie paraissait plus indiquée.

Lorsqu'ils ne furent plus qu'à une lieue de leur destination, ils marquèrent un temps d'arrêt. Il leur restait à prendre quelques précautions d'usage.

Afin de tromper la curiosité des indiscrets, Ciara opta cette fois pour l'apparence d'une moniale de la Damedieu. Elle serait quelque puînée de bonne famille, ce qui justifierait son luxueux équipage. Ainsi, en lieu et place de robe de bure, elle enfila une tunique moirée dont les tons sombres faisaient échos à ses sourcils noircis d'antimoine, en opposition à ses lèvres et ses pommettes avivées par des pâtes de garance. La finesse de sa taille était soulignée par une large ceinture d'argent, incrustée d'émaux, qui lui collait le vêtement à la peau au niveau des hanches. Enfin, pour adopter des airs de fausse pénitente, la danselette fit disparaître sa chevelure sous un châle bleu à motifs floraux.
« Moquer ainsi le sacré nous attirera le mauvais œil, grogna Hélouin.»
La prétendue religieuse lui répondit d'un sourire larronnesse. Sous ses airs de vieux routier, le guide paraissait entretenir une certaine défiance envers tout ce qui échappait à sa compréhension. Soit un vaste domaine, jugea l'enchanteresse. Pour l'heure, un repos mérité les attendait. Ils franchirent la dernière lieue qui les séparait de leur destination.

Batz se révéla être tel que l'on pouvait l'attendre. Au terme de la soirée, l'érudite résuma le bourg en ces mots « au moins, les oiseaux étaient bons ».

Toutefois, au plus noir de la nuit, l'enchanteresse s'éveilla en proie à une grande panique.

Dans la pénombre de la mansarde qu'occupait sa chambre, l'agente d'Estrévent percevait un danger sourdre. Un péril invisible qui avançait à tâtons dans les ombres. Bien que tout paraisse paisible, une menace indistincte lui fit courir un frisson sur l'épiderme. Seuls les ronflotements en provenance du lit de Hélouin entrecoupaient un silence coupable. Pourtant, Ciara se persuadait de l'imminence d'un danger. A pas de loup, la demi-elfe se glissa hors de sa couche et s'approcha des persiennes qui masquaient l'unique fenêtre de la pièce. Subrepticement, elle risqua un regard.

Les chevaux! Il n'y en avait pas à leur arrivée.

Cette pensée caille immédiatement la moelle de l'artiste. Il se passe quelque chose. Plus d'une dizaine de cavaliers ont investi le village. Pourquoi le village et pas le château?

Elle s'apprête à sortir de la chambre pour en avoir le cœur net lorsqu'un pressentiment la retient. La certitude de l'irréparable si elle ouvre la porte. Ce ne sont pas quelques soldures qui lui glaceraient le sang. Ce n'est pas d'eux qu'émanent cette sensation d'une malveillance colossale. D'un coup de pied, elle réveille Hélouin qui ronfle toujours sur son grabat : « une troupe est arrivée. Quelque chose ne va pas. Ferme la et assure mes arrières, je vais tâcher d'y voir plus clair ». Cette fois, il se contente de hocher la tête.

S'asseyant au centre de la pièce, Ciara se balance légèrement d'avant en arrière, tandis que ses mains s'agitent nerveusement. Des visions se mettent à danser devant elle, palpitantes, se formant, se fondant et se dissolvant l’une dans l’autre dans des configurations étranges et séduisantes. Elle s’ouvre, cède jusqu'à la perdition, s'extirpe de sa prison de chair, déchire le voile, s'évade dans un monde d'esprits difformes.

Elle se contemple, inerte, au centre de la chambre, pareille à une poupée de chiffons abandonnée. Elle aperçoit également le regard horrifié que Hélouin lance au corps étendu. Ne pas oublier la raison de sa présence, ne pas s'attarder inutilement.

Ciara traverse les persiennes comme s'il ne s'agissait que d'un nuage de vapeur, elle ruisselle le long de la façade et glisse sur la chaussée pareille à l'eau des premières pluies. Elle parcourt l'entremonde, un univers où les odeurs et les couleurs sont supplantées par l'aura des individus. Pendant un temps, elle suit le dénommé Brandin dont le bouillonnement intérieur attire les esprits fureteurs.

Toutefois, ce n'est pas de lui qu'émane l'aura délétère qui enveloppe progressivement le bourg. Cela provient de l'autre côté de la rue, d'un haut bâtiment à toit de lauzes auquel elle n'avait guère prêté attention à son arrivée. Derrière l'une de ses fenêtres résiliées de plomb, on y aperçoit la lueur tremblotante d'une bougie. A travers les carreaux, elle croit même distinguer une silhouette élancée qui s'approche. Soudain, une main aussi goulue que celle d'un naufragé en quête d'oxygène perce le verre sans le briser. C'est une main osseuse, d'un éclat spectral, qui s'agrippe de façon un peu gauche aux colombages de la demeure. A force de traction, elle extirpe de la chambre un être aveugle, sans âge, qui hume l'air avec avidité.

L'étique abomination se laisse choir dans la fange de la ruelle, y clapote un instant, hésitante. Cette horreur blême finit par se redresser, révélant un être qui pourrait être de belle taille mais bâti de guingois, aux membres démesurément grands, dont l'âme n'est qu'un bouillon de haine et de chagrin. Le sinistre lémure, emmailloté dans une robe sombre, claudique au milieu des sicaires sans leur consentir la moindre once d'intérêt. Il paraît flairer une piste. Quelque chose retient son attention. Une bouche vorace, immense, grotesque, se dessine sur son visage dont émerge une langue pareille à un tentacule et qui se tortille en direction de Ciara.

Pétrifiée d'effroi, l'enchanteresse se fait douleur pour ne pas lâcher prise. Elle voudrait hurler mais s'en trouve incapable. Il lui faut quitter l'entremonde, reprendre possession de son corps. En proie à une terreur primale, son esprit regagne sa prison de chair aussi vite qu'il le peut, loin des serres du prédateur.

Elle émerge de sa transe en poussant un long râle de noyé, les yeux révulsés. Hélouin se précipite aux nouvelles mais elle le congédie d'un geste sec. Sur un autre plan, la chose rôde autour d'eux. Si l'agente d'Estrévent ignore la raison de cette présence malveillante, elle reconnaît le danger que pareille créature peut représenter. Il faut l'écarter au plus vite. A côté d'elle, son guide, qui s'est emparé d'un gourdin, arpente nerveusement la pièce, à la recherche d'un ennemi invisible.

Malgré la fatigue qui la mine, la demi-elfe entreprend de tisser des charmes pour tordre les chemins autour la larve, la perdre dans un dédale illusoire. Elle métamorphose le bourg de Batz qui devient un univers tout entier pour le prédateur. Les sentiers l'égarent dans des voyages sans retour tandis que la moindre masure révèle un intérieur plus vaste qu'une cité. Sans comprendre, Hélouin voit l'enchanteresse griffonner des labyrinthes à même le sol de leur chambre, psalmodier un thrène dévoyé dans lequel se mêle des versets doaibes.

Le combat entre les plans dure des heures. L'enchanteresse ne parvient qu'à grande peine à obvier la menace que représente le lémure. A plus d'une reprise, Ciara croit entendre la créature claudiquer à quelques pas d'elle à peine, sans que ni l'une ni l'autre ne parviennent à s'apercevoir. Ce n'est qu'une fois le Soleil levé que les parties regagnent leurs positions respectives. L'enchanteresse est extenuée, l'air hagard, sa peau parcourue de frissons fiévreux.

La gorge sèche, elle croasse à l'attention du pansu olysséen : « Il y a plus malfaisant que nous, ici. Ne nous éternisons pas.
- Je suis de votre avis, dame. Êtes-vous en état de monter? »
Les yeux mi-clos, elle ne lui répond pas.

« Rinçure de merde, j'avais bien dit qu'on allait attirer le mauvais œil! » il crache par terre pour écarter la malédiction.
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MessageSujet: Re: Les fiancées sont froides   Les fiancées sont froides I_icon_minitimeMer 7 Nov 2018 - 23:22


« Les eaux montent. »

— Pas encore, ma dame, il reste du temps : la chaussée n’est pas encore sèche. » Elle avait donc pensé cela tout haut ? « Brandin est venu dans la matinée, mais nous l’avons éconduit ; il donnera l’assaut par ses propres moyens. Impossible de vous éveiller, vous comprenez ? un vrai sommeil de pierre… » Sur quoi Gasselin se tut, comme s’il eût regretté le mot, et chercha un secours du côté de Sigefroi : celui-ci dévisageait Douce, l’air sombre, et fit mine de ne pas le voir. « Nous fûmes longtemps avant de penser à mal… Une transe un peu profonde peut-être… et puis je m’aperçus que vos yeux remuaient sous les paupières, comme à un cauchemar. — Un cauchemar, répéta-t-elle sourdement… — Oui ! mais je vous ai dit : im-po-ssible. J’étais au point d’aller chercher une bassine d’eau quand… »

Sigefroi, n’y tenant plus, s’excusa à demi-mot en quittant l’alcôve : le froissement de ses poulaines sur les marches de l’escalier aiguisa un temps leur écoute, et, comme Gasselin s’apprêtait à meubler de nouveau le silence, elle l’arrêta d’un geste vague. Un jour exsangue embuait la pièce ; elle cligna des yeux quatre, cinq fois, en rapide succession : tout était pareil. Dans la clarté froide, le bahut, les jalousies, les lambris, Gasselin même semblaient étrangement éteints, absents et comme séparés d’elle par un fin glacis. Elle ressentait une mauvaise langueur qui ne ressemblait pas à celle de l’opium, se défendait mal contre l’impression que subsistait, entre elle et sa conscience, comme l’écart d’une peu profonde épaisseur de songe — une impression cotonneuse, interstitielle,  qu’il ne tenait qu’à elle, peut-être, de distendre à nouveau : déjà elle fermait les yeux…

« Viens voir par toi-même. »

Sigefroi, qu’elle n’avait pas entendu revenir, lui désignait le haut guéridon de fer noir à l’angle opposé de la chambre. Dessus était un miroir en forme de vasque, qu’il n’y avait pas auparavant, — et, comme en connaissance de cause, Douce trembla.  

Le tain était dépoli, mais pas assez pour que la raison de leur trouble ne lui devînt immédiatement apparente. Bien qu’elle se fît de son image une idée trop fluente pour ne pas se reconnaître, elle n’eût guère blâmés ceux que les méplats trop accusés des joues, la retombée terne et cassante des cheveux, le pli cruel des lèvres eussent désemparés. Ce qui s’était passé cette nuit — et sur cela tout le jour restait à faire — l’avait vieillie. Dix ans, à tout prendre, se dit-elle avec un semblant de calme — mais, dans l’impossibilité où elle était d’envisager froidement ce qui avait trait à sa chair, elle surprit son reflet frissonnant dans la glace. Les parties molles de sa face : le menton, les oreilles, le nez en particulier avaient souffert : il lui semblait qu’à chaque place il manquât des bouts, ainsi qu’aux angles des vieilles bâtisses de pierres rongées.  

« Partons, Douce, rien ne nous attache ici. » Elle sentait le souffle de Sigefroi dans le creux de son cou. « Brandin a ferré la bête : à lui de l’achever. Nous n’avons pas donné prise au soupçon ; nous pouvons encore rebrousser chemin sans être inquiétés — encore. Et à Sharas la moindre pauvresse de rencontre suffira à te...

— Mon masque, apporte le moi. » fit-elle pour couper court. Il s’agissait au vrai moins d’un masque que d’un cache-nez, dont la fonction était à part égale esthétique et conjuratoire. Comme il descendait, et Gasselin avec, elle se plongea une nouvelle fois dans le miroir.

Elle guetta d’abord, pâli comme deux pièces sous l’eau, l’envers de son propre regard. Le miroir, faiblement concave, était bouillonné par endroits ; une lumière pauvre avait inégalement usé l’étamage ; et, de nouveau, elle se sentit gagnée par l’idée — obsédante, térébrante — qu’elle avait oublié quelque chose : quelque chose d’important. Le souvenir se frayait en elle de ces petits miroirs ronds que les nisétiens, pour assujettir l’âme du défunt à sa momie, fixent à l’envers des masques mortuaires — leur surface voilée, poussiéreuse, étrangement mouvante —, et en même temps elle interrogeait son reflet : qu’avait-elle laissé de l’autre côté ? Une pensée lui vint, inquiétante dans son manque d'assignation : « Elle dort les yeux ouverts », et il lui semblait que le verre se troublait à mesure. Tout se passait comme si une menace l’eût scrutée du fond de glace ou, ce qui revenait au même, des limites de sa conscience. Et pourtant elle ne se connaissait guère d’ennemis capables de l’atteindre dans l’entremonde… Brandin était venu — son frère dans le château — la fiole, le rituel… et puis… et puis…

La cloche du Batz, à toute volée, sonna le passage de l’heure.


Ils se dirigeaient maintenant vers le château. La place du bourg résonnait du pas de Sigefroi sur le dallage, à moitié descellé, que croupissaient les pluies de l’avant-veille. Découpé à mi-corps derrière la première rangée de toits, le campanile était de nouveau immobile, tandis que depuis l’oriel Gasselin, sans doute, les observait qui s’éloignaient, dépassant la fontaine en briques de tuf rouge — gauchie et comme fulgurée par le passage du temps —, s’arrêtant pour balayer des yeux les façades hostiles des hôtels, tournant enfin le coude d'une venelle qui descend à la mer.

Ils suivirent un chemin de terre battue bordée à gauche par un talus de gros galets : au-delà l’estran fuyait dans le voile de brume claire qui flottait sur la journée. Ils avançaient en silence, comme s’il n’y eut désormais plus de place entre eux pour l’entente. La disparition des paludiers et des marins avait achevé de désheurer ces solitudes marines — on se figurait en vain que, à quelques lieues d’ici, vivait le riant port de Sharas. Ils entendaient à peine le bruit du reflux et, aussi bien, le soleil suspendu ne les réchauffait pas — froid et décoloré, il semblait à Douce, comme tout depuis son éveil, tenir encore un peu du songe.

Enfin, sans qu’aucun changement n’eût signalé leur approche, ils virent la masse plus sombre du château se compacter devant eux. Un piquet de cavaliers les accosta : on n’avait pas compté sur leur venue. Ses joues rongées par le camail et une barbe drue, Brandin arpentait la grève comme un beau diable ; trois goujats étaient encore à terminer la construction du dernier mantelet d’approche ; et, comme Douce restait en retrait, Sigefroi s’informa de ses dispositions : il s’agissait, détailla l’autre avec humeur, de contourner le rempart sur presque toute sa longueur, où ils avaient été assuré de trouver un pan de mur éboulé.

« Et le donjon ? »

Elle avait dit cela sans réfléchir — ou plutôt réfléchissant à ce que l’asymétrie de ses archères pût suffire à lui conférer cette allure, moins louche encore que fatidique — et Brandin lui aurait sans doute répondu avec hauteur si, de ce même donjon, n’eût éclos soudain le pleur d’un très jeune enfant. Il se prolongea, pathétique, secoué de hoquets, sans réconfort, — naufragé — tout au long des ultimes préparatifs : les guerriers autour d’elle avaient le front lourd, le regard fuyant. Sigefroi, qui avait remis le pied à l’étrier, lança à l’entour : « Ce château n’est pas gardé, et vous n’avez pas besoin de moi, je pense, pour la suite de l’affaire. Si un malheur doit nous arriver, ce sera par la route de Sharas ; je vais la garder. » et talonna sa bête sans un regard en arrière.  

« Votre homme est pourvu de belles qualités d’âme, releva avec perfidie Brandin en lorgnant son masque ; puis, comme elle ne répondait pas, que l’enfant pleurait toujours : — mon petit frère… je sais bien qu’il me l’offrirait, s’il le pouvait, ce titre qui nous enchaîne. Il renifla, cracha par terre : — baste ! rien à faire : le vin est tiré, il faut le boire. »

Une heure passa, égrenée dans un cliquetis de veille d’arme. Il s'était mis à brumasser : les gouttes pointillaient les eaux qui montaient de part et d’autre du perré. Enfin Brandin arrangea sa troupe en trois grappes, serrées chacune derrière un pavois : ils s’ébranlèrent en silence, comme pour ne pas éveiller le rempart désert, et avancèrent de plus en plus vite à mesure qu’ils approchaient. Ils avaient atteint le portail, commençaient à longer le mur sur la gauche lorsque des formes se profilèrent entre les merlons : deux assaillants, sous les claquements d’arbalètes, chutèrent dans les vagues. Les autres passèrent derrière le château, hors de sa vue...

A ce moment la poignit un sentiment panique, qui la précipita sur la roche. Une de ses âmes damnées — Gasselin ou Sigefroi, à qui elle avait fait don de ses lèvres — était en danger. Et, comme si le choc eût débouché quelque chose en elle, Douce ressentit pour la première fois de la journée le monde tel qu'il était : le sel sur ses paumes écorchées, le bruit des armes, les appels, les cris de rage, de peur, les silences, de plus en plus longs, jusqu'au dernier que rien ne brise. Elle se souvint, surtout, de ce qui lui était arrivée la nuit passée... une forme à la fenêtre, tout auprès, l'avait surprise...

Ruisselant sur la chaussée qui n'affleurait déjà plus qu'à peine, les eaux du large montaient, et Douce, pour la première fois, se vit vulnérable.
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MessageSujet: Re: Les fiancées sont froides   Les fiancées sont froides I_icon_minitimeDim 23 Déc 2018 - 22:20

Mue par quelque réflexe salvateur, Ciara se laisse choir sur le plancher, qui gémit sous l'impact, et passe de justesse sous la trajectoire de la lame. Un peu plus et elle avalait une livre d'acier! Avec une vivacité non dénuée de sournoiserie, elle détend aussitôt sa jambe droite au ras du sol et inflige une méchante talonnade sur le cou-de-pied de l'inconnu. De façon discourtoise, il réplique d'un « catin de sa mère !» tout en trébuchant. L'enchanteresse tente alors d'en profiter pour se redresser mais c'est sans compter sur une main surgie de nulle part qui lui agrippe la jambe. Son adversaire, désormais carrément en rogne, s'apprête à frapper à nouveau. Pétrifiée par la mort qui vole à sa rencontre, la drôlesse ne doit son salut qu'à la pogne puissante d'Hélouin qui retient in extremis le bras du malandrin et s'efforce de le garroter de l'autre.

L'assaillant, maintenant à nouveau sur ses guiboles, tente de corriger le colosse d'un méchant coup de tête mais ce dernier l'anticipe du buste. Toutefois, le spadassin parvient tout de même, du bout du pied, à crocheter un genou de l'Olysséen qui chute de façon confuse en entraînant son adversaire avec lui.

D'un bond, la demi-elfe se joint pugilat. Penchée au-dessus des deux hommes à la lutte, elle frotte méthodiquement les côtes du sicaire à coups de pied et l'invective à son tour pour se donner du cœur à l'ouvrage  « Enculé de branque! Charogne rupine! Arrière-faix de truie ladre! Sombre lope! ».

Désormais, c'est un véritable tohu-bohu qui résonne dans l'étroit corridor de la demeure où les injures se mêlent aux grognements, aux déchirements d'étoffe ainsi qu'à la chute d'une belle part du mobilier peu commodément disposé là.

Puisque l'étroitesse du couloir limite le choix des armes et des coups, le trio n'a de cesse de buter contre des parois lambrissées, de larder de coups des tentures et d'enchaîner des gadins tandis qu'un plancher lustré de trop près leur inflige de sournoises béquilles.

C'est indéniable : aucun plan de bataille ne survit au premier contact avec l'ennemi.

En fait, sitôt qu'ils avaient bougé, l'affaire avait viré à l'aigre. Tout d'abord, il y avait eu ce cavalier en armes, à la sortie de Batz, qui leur avait barré la route. Si Hélouin savait en remontrer aux bandits de grand chemin et aux détrousseurs qui marchaient sur les pas des armées, il s'agissait là d'un adversaire autrement plus redoutable. Quant à la jeune dame de Phalère, diminuée par son affrontement dans l'entremonde, elle se trouvait à cet instant dans l'incapacité d'écarter la menace.

Pris au piège dans la bourgade! Alors quoi? Se terrer? Rentrer la tête dans les épaules et attendre que l'averse passe? Tout bien considéré, les ruffians en avaient manifestement après le château. Ils ne paraissaient pas s'être mis en tête de chicoter la population du cru! Pourquoi, dans ce cas, aller courir après les emmerdements? Autant retirer ses bottes, reposer ses arpions au coin du feu et laisser pisser!

Peu convaincue, la charmeresse avait écarté ce plan d'un claquement de langue désapprobateur : l'être qu'ils avaient affronté durant la nuit finirait pas réaliser leur présence - ou plutôt sa présence mais autant ne pas attirer l'attention de son guide sur ce point -  et mieux valait ne pas miser sur sa mansuétude. Peu probable que la Chose efface, par grandeur d'âme, l'ardoise qu'ils lui avaient laissée. Pour l'heure, elle avait d'autres chats à fouetter mais s'ils lui en laissaient le temps...

A court d'options, le duo avait alors fait le pari d'un choix audacieux : se lancer dans la gueule du loup, risquer un coup d'audace plutôt que de se faire cueillir. Plus exactement, ils firent le choix de confronter la Bête tandis qu'elle léchait ses plaies et que sa meute maraudait loin du terrier. Il s'agissait d'une sale besogne à accomplir proprement. Un joli coup de dague, d'une main qui ne tremble pas, pour expédier le nécromant. Ensuite, se calfeutrer, laisser ses dogues retourner le bourg, tisser quelques charmes simples avec des forces retrouvées pour échapper à leur vigilance et « merci au revoir messieurs dames».

Le plan, d'une simplicité déconcertante comme tout projet d'allure infaillible, s'était imposé de lui-même : la soldatesque qui avait investi Batz avait flairé une autre piste et marchait avec des allures d'hallali sur le castel. Par conséquent, la haute demeure qui tenait lieu de tanière à la créature s'était vue dépouillée de sa garnison. S'ils souhaitaient frapper l'ennemi au cœur, l'instant n'aurait pu être mieux choisi.

Tandis que toute l'attention de la populace se portait sur les silhouettes qui s'agitaient sur le mur d'enceinte du château, l'agente d'Estrévent et son homme de main traversèrent la ruelle d'un pas décidé dans l'indifférence générale.

Avec ses encorbellements pourrissants luisants d'humidité et ses étroites fenêtres résiliées de plomb, la bâtisse qui projetait son ombre menaçante sur la chaussée aurait pu passer pour le repaire de quelque stryge. A bien y regarder, on était même pris par le sentiment diffus que les maisons voisines cherchaient à maintenir quelque distance avec elle. Toutefois, au grand soulagement des deux égorgeurs, nulle porte de tombeau n'en barrait l'accès et, dans la précipitation, personne ne s'était même avisé de verrouiller l'édifice en quittant les lieux. Tout se déroulait à la perfection. Selon une règle immuable, l'affaire ne pouvait donc que mal tourner...

...ce qu'elle fit alors qu'ils gagnaient la partie supérieure de la bâtisse. Tandis qu'elle finissait d'avaler une volée de marches qui débouchaient sur la galerie du deuxième étage, Ciara pressentit plus qu'elle ne repéra, du coin de l'œil, un mouvement vif. Sans crier gare, un spadassin surgit d'une pièce attenante comme un vilain diable de sa boîte. Ah, la puterelle aux bourses molles! Tenter de la poinçonner au mur comme une vulgaire prise de chasse! L'orientale fut aussi surprise que révoltée de se découvrir en péril.

Voila comment, en l'espace de quelques marches, leur attaque éclaire s'était embourbée. Même si le Nécrophore avait le sommeil lourd, il n'avait pu manquer d'entendre l'affrontement qui se déroulait derrière sa porte. C'est qu'ils faisaient un sacré suif, à s'échanger aussi généreusement des châtaignes!

Allez savoir quel foutu sortilège la Chose était en train de tisser derrière sa porte. Quel démon elle conjurait! Chaque seconde qui s'écoulait les condamnait un peu plus.

« Bon sang mais sacagne-le! T'attends que toute sa bande nous tombe sur le râble? gueule l'enchanteresse à l'adresse de l'Olysséen.
- Facile à dire, c'est une foutue anguille! rétorque Hélouin en cognant la main droite du sicaire contre le plancher dans l'espoir de lui faire lâcher son coutelas. Maintenant! »

A force de horions, le guide désarme enfin le spadassin et, à la seule force de l'une de ses pattes d'ours, il le fait rouler de manière à soulever le col de son adversaire et offrir son chef à l'Estréventine. Ciara ne se fait pas prier et lui présente cavalièrement sa botte. Le premier passage lui fait voir trente-six chandelles, le second lui fait tirer le rideau.

Le traîneur de sabre inconscient, le tandem se tourne, le souffle court, en direction de la porte qui les sépare de la créature. L'espace d'un instant, ils demeurent pétrifiés, prêts à voir les murs voler en éclats sous les assauts d'un archifiélon invoqué de quelque basse-fosse mais rien ne se passe. Seul un silence coupable répond à leurs regards affolés.

« Vite fait, bien fait » souffle l'enchanteresse.

Personne.

Les deux égorgeurs retournent la chambre, en vain. Bordel ! A croire qu'ils allaient continuer à glisser sur cette lancée foireuse. Le feu qui achève de se consumer, dans l'âtre, leur indique qu'ils ont manqué leur proie de peu. De rage, la charmeresse renverse un écritoire avant de se ressaisir. Surtout, ne pas laisser la panique l'emporter. Ne pas perdre de vue les objectifs. Un plan, ça s'adapte ou ça crève.

« Hélouin, retourne en face et prépare les chevaux. Emporte le dormeur avec toi, balance le dans l'espèce de venelle qui sépare cette bicoque de ses voisines. Inutile que ses petits camarades aux gueules de tueurs se mettent en tête d'avoir une dette de sang à notre égard. Quant à moi, je m'occupe de nous ménager un échappatoire.
- Pourquoi ne pas le laisser ici? s'étonne la brute peu emballée à l'idée de trimbaler le spadassin inconscient sur plusieurs étages.
- Parce que je m'occupe de nous ménager un échappatoire », répète Ciara tandis que ses prunelles pétillent d'une joie dévoyée en coulant sur l'âtre.

Juste à côté du foyer, suspendu à un râtelier de fer noir, pendent un soufflet et une pelle.  Il s'agit d'un bel instrument, ornementé avec goût, et qui sert probablement, d'ordinaire, à débarrasser la cendre une fois le feu éteint. Toutefois, la scélérate d'Estrévent lui réserve un autre usage. Avec une vigueur retrouvée, elle entreprend de transbahuter braises et brandons incandescents dans la pièce puis elle les épand sur les draps qui couvrent le grand lit, au pied des meubles et contre les tentures.

Ceci fait, elle s'arme du grand soufflet et le fait cracher sur les braises aussi longtemps que la force de ses bras le lui permet. Dans un premier temps, le feu ne paraît pas pressé de s'étendre, il se contente d'étirer paresseusement des flammèches malingres en réponse aux provocations. Toutefois, les braises rougeoyantes semblent finir par trouver un repas à leur goût. Bientôt, les fresques s'écaillent sous l'effet de la chaleur tandis que les tentures se recroquevillent en filaments noirâtres. En l'espace de quelques minutes, un puissant brasier étend ses membres alanguis sur les draps.

Comme hypnotisée par son œuvre, ce n'est que lorsque toute la chambre commence à brasiller comme un gigot et que l'air vient à lui manquer que la charmeresse abandonne le soufflet. Avant de prendre la fuite, un peu par réflexe, elle s'empare d'un havresac qui doit appartenir à l'initié croisée dans l'Entremonde et le bourre des vélins, codex et autres menues affaires abandonnées dans la chambre. Peut-être que la catastrophe du jour sera sauvée par une découverte? Quoiqu'il en soit, la demeure étant condamnée, personne ne recherchera ces biens.

Poursuivie par des éclats rougeâtres, Ciara s'élance dans l'escalier, dévale les marches quatre à quatre pour échapper au fumoir en lequel s'est muée chambre. Une quinte de toux la plie en deux. Le feu, au milieu du bourg, ne manquera pas d'attirer l'attention de la soldatesque et de créer la confusion au milieu de la populace. La sentinelle qui leur a bloqué la route plus tôt dans la matinée devrait rebrousser chemin pour s'enquérir de la situation. Ce sera leur chance. Déjà, elle aperçoit le chambranle de la porte principale de la maison. Quelques pas encore et elle sera tirée d'affaire!

« Un pas de plus et je t'ouvre en deux comme une huître, danselette », tonne une voix impérieuse.

Aucun plan de bataille ne survit au premier contact avec l'ennemi. Merde.
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MessageSujet: Re: Les fiancées sont froides   Les fiancées sont froides I_icon_minitimeJeu 27 Déc 2018 - 12:00

Parmi les pensées qui me sont familières figure celle que, loin de tirer le meilleur parti possible de la créature humaine, les conditions prolongées d’extrême péril ne s’accommodent en lui que de la plus étroite frange de conscience ; et que, comme l’œil se fend sous une lumière trop vive, l’esprit a ses propres limites, qui franchies le voit brusquement refermer l’angle du compas et s’éteindre presque tout à fait. J’eus du reste l’occasion, au gré de mes recherches, d’étayer à plusieurs reprises ce jugement en interrogeant les rescapés de rituels majeurs ; ce n’était pas l’oubli — sans doute n’oublieraient-ils jamais — mais plutôt un certain suspens ou écart intérieur qui faisait qu’ils cherchaient leurs mots et oscillaient sans cesse d’un registre à l’autre : ce qui les avait estropiés, orphelinés, démolis, d’une certaine manière ne les concernait pas, était arrivé à un autre qu’eux… Aussi bien ne laisserai-je sans doute jamais de m’étonner que, sous ce rapport, et malgré les circonstances pour le moins désespérées qui nous avaient été faites, ces journées d’aguet, d’attente vénéneuse et de claustration demeurent pour moi aujourd’hui aussi claires, aussi décantées, — je veux dire aussi pleinement vécues, qu’elles le furent alors.

Sans contraindre mes déplacements, je limitais mes rapports avec mes compagnons d’infortune. J’étais aidée en cela par la disposition même du château, plus grand dans son enchevêtrement qu’il n’y paraissait au premier abord, et par les efforts inverses de ces hommes qui, sans doute, s’étaient déjà passés le mot à mon égard, — hommes de sac et de corde, tous, que Brandin attachait par des liens qu’il ne tenait pas à moi d’éprouver ou de réputer, et de la mémoire desquels il valait mieux ne pas trop escompter l’oubli si, d’aventure, ils tombaient à l’ennemi (la transformation de mes chairs (et c’était bien le moindre des affronts qu’Elle m’avait fait subir) constituant hélas un élément positif dont un inquisiteur consciencieux pourrait se prévaloir contre moi). C’était donc tout naturellement que j’évitais le donjon, esseulé au centre d’une aire de sol nu, et dont les archères à tout moment se frangeaient d’yeux captifs.

On parlait très peu dans le château : qu’on fût devenus d’assiégeants, assiégés, était un de ces jeux du destin dont personne ne songe à rire, parce qu’il semble appeler avec lui un dénouement funeste. Les hommes passaient leurs nuits (hormis Brandin et ses captifs) dans une aile logée à proximité du pan de mur éboulé qui leur avait tantôt livré la place ; on avait traîné les blessés dans une salle sans fenêtre, que je visitais de temps à autre pour prodiguer les quelques soins qui ne me coûtaient pas, — la seule tâche qui m’occupait encore, au sein d’un désœuvrement par ailleurs à peu près total. Le corps de garde, adextré au portail, que Sigefroi et moi avions choisi comme tenant du réduit et de la casemate, présentait pour seul désavantage, qui n’en était pas un, d’être parmi les dépendances du château la plus avancée vers l’ennemi ; nous avions bien entendu bouchés les ajours, et la surveillance qu'en sommeil j'exerçai sur la  côte rendait inutiles les meilleurs efforts du guet (nous l’entendions parfois remuer en haut de sa tour). Mais le mieux, pour nous qui redoutions par-dessus tout le piège, était encore ceci que la salle, longue et voûtée, possédait trois issues : une poterne ferrée et bien engoncée au-dessus de la chaussée — la porte de la cour, surbaissée de trois empans — et, qui présentait pour nous le plus d’intérêt, une trappe qui s’ouvrait sur des marches dans le noir. De cette fosse exhalait un râle aqueux, profond mais distinct de la houle, qui parlait moins d’infiltrations souterraines que du lent et patient éclusage d’un dégorgeoir ou d'une noria engloutie ; et pourtant, chose étrange, l’air qui en revenait était vif encore. La larve que j'envoyai me confirma dans l’idée qu’il y avait de ce côté-là une passe, qui pourrait au besoin servir. Je négligeai toutefois de pousser plus avant l'exploration, en me gardant bien d'en entretenir les autres.

Mes pas perdus me trouvaient souvent de nuit sur le chemin de ronde. Flamme, plus noire encore que les autres, rien ne me trahissait aux regards entre les vagues et le ciel sans lune, — mais moi je les sentais tous, et pouvais les compter : tous ceux qu'en contrebas le flux du large chavirait de rêve en rêve ; tous ces autres qui, sous le couvert de la dune, reposaient paisiblement. La nuit m'enveloppait, faisait corps avec moi. J'allais les yeux fermés, les cheveux et la pensée au vent, glissant entre les tours découronnées et les merlons bréchus, de plus en plus vite, filant une ronde frénétique, — puis je me lançais, aiguille dans le vent, à sa recherche — et la piquais...

Quand alors je redescendais au corps de garde, j'interrogeais Sigefroi sur les évènements qui entouraient la mise à feu du village. Son récit ne manquait jamais de raviver l'émotion qui m'avait prise quand, surgi d'un horizon alarmé de fumerolles et de cris d'armes, m'ayant entraîné à l'aveugle dans ce château où l'on achevait encore les blessés, il m'avait rapporté le détail du vol et de l'échauffourée. Comment, en avisant sur la route de Sharas la troupe de gens d'armes, il avait tourné bride vers l'hôtel ; comment il l'avait surprise au déboulé de sa fuite, échevelée et fumeuse, son larcin en bandoulière, et, comme elle passait outre, l'avait expédiée d'un coup de gantelet ; comment l'autre avait bondi de derrière pour s'empaler sur sa lame ; comment, au moment de les achever, des sergents d'armes lui avaient fondu dessus à l'improviste pour le contraindre à la fuite. « M'est avis que ces deux boutefeux-là n'ont rien de commun avec les autres justiciers, qui les retiendront peut-être le temps du siège. » avait-il-dit, et sa prévision semblait s'être réalisée ; mais là où Sigefroi voyait deux pilleurs de reliques, deux chasses-magies comme il en écume en Estrévent, je savais qu'elle, au moins, était une initiée — c'est-à-dire potentiellement à même de remonter la trame des charmes tissés, voire de décrypter la teneur de certains messages d'import de la part d'Etienne ou de mon vieux maître. Cette dernière pensée me glaçait suffisamment pour reléguer mon orgueil au second plan : coûte que coûte, il fallait les retrouver... Mais l'entremonde m'était fermé, et je devais pour l'heure me résoudre au sommeil.

Dans cette perspective, l'assurance de retrouver chaque matin la même trentaine d'hommes arrangés contre nous était, paradoxalement, de nature à me conforter. Leur présence me ramenait à un ordre d'idée que, sans bien me l'avouer, je regardais comme digne d'intérêt pour autant qu'il me distrayait de moi-même ; la succession de Breda, mais aussi bien celle d'Olyssea et du Royaume, intéressaient mes journées dans la mesure même où mes nuits s'en trouvaient désencombrées. Ainsi je partageais l'intérêt de Brandin pour l'identité de nos assiégeants, les dispositions à prendre n'étant pas les mêmes selon qu'ils fussent de la prévôté ou du bailliage. (Question insoluble du reste, puisque, dans le souci de préserver son anonymat, Brandin refusait les ouvertures faites ; je déclinais pour ma part la rencontre et, comme ses moyens de pressions étaient minces, que ses hommes s'y refusaient également, les choses en restaient là.) Or, ces dispositions, seul Etienne pouvait les prendre — mais était-il seulement averti ? c'était à croire, vu qu'on négligeait des mesures aussi simples que la construction d'esquifs, ou d'envoyer un homme à la nage alerter la troupe de Jacquemart ; et je ne manquais pas de lire un signe encourageant dans le fait qu'aucun renfort n'était venu aux assiégeants qui, manifestement, ne se croyaient pas assez fort pour tenter l'assaut : comme si, entre temps, quelque contre-ordre fût parvenu en haut lieu. Je ne me faisais toutefois aucune illusion sur la valeur de ces conjonctures, tant que Brandin persistait à me tenir à l'écart.

Dans ces circonstances, que n'avais-je à espérer de l'invite que, le dernier soir, Brandin me fit de le rejoindre dans son donjon ?
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MessageSujet: Re: Les fiancées sont froides   Les fiancées sont froides I_icon_minitimeLun 31 Déc 2018 - 11:16

« Par l'Olienne, nous n'aurions pas fini ainsi, railla péniblement la brute.
— Cette buse de soldure aurait été plus avisée de te trancher la langue en lieu et place de la bedaine, Hélouin», rétorqua Ciara en massant son visage encore meurtri par le coup.

On les avait remisés dans une chambrette aux fenêtres étroites. Ce n'était pas tant par égard pour leur rang, qui faisait peut-être toujours l'objet d'âpres discussions parmi les assaillants, que parce que le donjon échappait au pouvoir de la troupe. Cette situation fleurait d'ailleurs bon la confusion. A voir les allées et venues d'une piétaille désœuvrée, l'assaut n'avait pas encore été donné. Nul cris en provenance du lointain, pas l'ombre d'un blessé sur un brancard, pas même le début de l'idée d'une première échauffourée.

A dire vrai, personne n'avait l'air bien sûr du rôle qu'il était supposé tenir. Autant dire que l'Estréventine se sentait comme un poisson dans l'eau, prompte qu'elle était à adopter celui qui ne lui échoyait pas. Pourtant, lorsque les sergents leur étaient tombés sur le râble, sa cote paraissait au plus bas : sonnée par une gifle enrobée de fer, des biens de provenance douteuse en bandoulière et Hélouin hors d'état de combattre, l'affaire semblait mal engagée.

Ho...ça ainsi que le feu qui dévorait l'étage et qu'un vent malicieux faisait menacer les demeures voisine.

La jeune de Phalère fit donc le choix de poursuivre comme cela avait commencé. Au culot.

« Vous avez tardé.»

On ne trouve plus ardent adversaire à l'évidence que l'aplomb. Il joue pernicieusement sur les faiblesses du psyché humain, qui se plaît à se faire rassurer plutôt qu'à devoir comprendre par lui-même. Avec un soupçon de paternalisme, il pousse la réflexion à dévier de sa route pourtant toute tracée et l'entraîne, par quelque chemin de traverse, à des convictions établies à l'emporte pièce.

Toujours drapée dans sa tenue de moniale de la Damedieu, la demi-elfe affecta la mine pincée de la mère supérieure qui prend des novices en faute. Elle se présenta à eux comme « sœur Cyana». L'érudite disait appartenir à l'Ordre des Sœurs de la Miséricorde, affiliée au chapitre du couvent du Saint-sans-Nom, dans les Mont-Corbeaux. Par le truchement de quelque charme, elle fit passer les documents dérobés dans l'habitation en flamme pour de pieuses lectures de sorte que, même dans leur réclusion, personne ne songea à lui confisquer L'anthologie des vertus de la Damedieu ou encore Le bréviaire des Saints selon Frère Adalbert.

Cette mascarade lui valut d'être menée, en compagnie d'un Hélouin plus blême que vaillant, auprès d'un homme en demi-armure, entre deux âges à en juger par sa chevelure striée de mèches gris acier, qui semblait tenir lieu d'officier à la troupe. Du ton du capitaine plus habitué à donner des ordres qu'à écouter, il les somma de s'expliquer.

« Cette malheureuse algarade devant cette demeure en proie aux flammes? Une bien regrettable affaire, croyez-moi! affirma Ciara en se composant l'allure outragée d'une innocente injustement soupçonnée. Enfin, si vous êtes ici, c'est que vous devez déjà en être, pour partie à tout le moins, au fait, non? Le clergé s'inquiète des profanations de tombes qui lui ont été rapportées dans la région du Delta, aussi m'a-t-il chargée d'enquêter. J'ai été gratifiée du don par la Déesse. Je vois ce qui échappe à l'œil profane, ce que les non initiés nomment la clairvoyance des mystiques, glissa l'enchanteresse d'un air entendu.
Or voila qu'il y a trois jours de cela, un peu en amont, une sépulture...la fausse moniale poussa le vice jusqu'à s'offrir le luxe d'un frisson, afin d'assurer son effet. Ce sépulcre m'a confirmé sans l'ombre d'un doute ce que nous craignions tous : l'œuvre d'un nécromant. Parfaitement, un maître de la basse magie qui pervertit l'ordre naturel pour le plier à son joug. A en juger par les traces, il n'agit pas seul mais se trouve secondé d'une fort bande de coquins! Des épées louées, ai-je cru. C'est pourquoi, j'ai aussitôt dépêché des messages à mon Ordre ainsi qu'à la prévôté. A suivre les tombes profanées, la sinistre coterie descendait manifestement sur Sharas. Par commodité, il paraissait probable qu'ils effectuent une halte à Batz. Secondée de mon guide, j'ai pris l'initiative de marcher sur leurs pas afin que nous ne perdions pas leur trace.
— Une entreprise tout à fait louable...mais qui n'explique ni le feu, ni le piteux équipage dans lequel nous vous avons trouvée, ma sœur, rétorqua l'officier avec le sourire que le renard adresse au perdreau.
— C'est pourtant l'évidence même, mon enfant », répliqua Ciara avec l'assurance tranquille de l'innocent incapable de ne serait-ce qu'imaginer le chanvre de la potence.

Sans se formaliser de la menace qui pesait sur elle, l'Estréventine entreprit de se passer le visage entre ses mains, en un geste lent et répété, vaguement hypnotique, comme pour en chasser la suie qui le maculait. L'érudite répétait ce mouvement lénifiant avec l'application d'un chat faisant sa toilette, sans égard pour celui qui l'interrogeait. Lorsqu'elle fut enfin satisfaite, elle adressa alors un sourire rayonnant de bienveillance à l'inconnu, comme celui d'une mère à sa progéniture.

Ce sont sur les émotions que les enchanteurs se plaisent à exercer leur art et la sang mêlé ne faisait pas exception. Tout en prétendant se confier à lui, elle ensorcelait l'officier, pliait progressivement sa volonté. Point trop n'en fallait, simplement l'infléchir, le pousser à revoir ses dispositions à l'égard de la prétendue moniale, lui inspirer un sentiment diffus de confiance.

« Nous les avons précédés à Batz. Je ne peux qu'imaginer les activités qui les ont retenues en route. Comme je vous le disais, le nigromant est accompagné de plusieurs traîneurs de sabres dont le meneur semble poursuivre son propre agenda dans cette bourgade. La Damedieu me donne la force d'obvier aux sortilèges délétères du nécromant mais pas de dévier les lames de ses sbires. Alors, lorsque je les ai vu partir à l'assaut du castel, j'ai saisi l'opportunité de confronter l'hérétique. Hélas...il demeurait sous bonne garde... »

Sœur Cyana soupira, soudainement très las, et se pencha en direction de l'officier comme pour y puiser du réconfort. Ciara, elle, l'ensorcela.

« Je ne parle pas uniquement des deux porte-glaives parmi lesquels celui que vos hommes ont mis en fuite. Pour couvrir sa retraite, il a conjuré une légion de larves et de lémures. Cette armée grotesque d'êtres malveillants s'est interposée, a cherché à altérer mon rituel de purification. A mes anathèmes, ils ont opposé une sarabande obscène, blasphématoire. Faute de pouvoir briser le bouclier de ma foi, ses serviteurs ont alors tenté de m'éliminer par le feu. Cela a permis au nigromancien de m'échapper...mais votre arrivée salutaire lui coupe toute retraite. Lors de notre prochain affrontement, il n'échappera pas au juste courroux de la Damedieu! »

Elle avait débité son boniment d'un ton fiévreux, emportée par son propre récit, comme pour se convaincre elle-même autant que son interlocuteur.

Quoiqu'il en soit, le mensonge avait perlé si naturellement à ses lèvres que, secondée qu'elle l'était par son sortilège, la sang mêlé évita à tout le moins le chevalet. Avait-elle réussi à embobeliner l'officier? L'enchanteresse l'ignorait mais il se montra urbain à défaut d'être charmant. Il eut même la délicatesse sémantique de placer sœur Cyana et son guide sous «résidence surveillée» et non «aux arrêts». Concrètement, on les tenait enfermés dans une pièce verrouillée dotée de fenêtres étroites mais le terme laissait croire à une possible amélioration.

Par la suite, les hommes de la prévôté firent même monter dans leur «résidence surveillée» de quoi recoudre la bedaine de Hélouin, une aiguière remplie d'eau claire ainsi qu'un grand bol afin de se débarbouiller. La charmeresse tenta bien de profiter de l'occasion pour glaner quelques informations mais les bougres se révélèrent peu loquaces, la traitant avec une certaine appréhension. En un sens, c'était une bonne nouvelle : peu probable qu'ils fassent preuve d'autant de considération pour une vulgaire boutefeu.

L'érudite mit à profit l'oubli relatif dans lequel ils furent bientôt tenus pour étudier la documentation dérobée chez l'initié — ou était-ce une initiée, à en juger par la formulation de certains documents ? — qui ne manqua pas d'éveiller sa curiosité. Certains textes devaient avoir traversé les âges, rédigés à même des parchemins dans un style aujourd'hui totalement désuet. Toutefois, leur contenu se révélait déceptif et, bientôt, Ciara acquit la conviction que des charmes en masquaient voire distordaient certaines parties.

D'autres documents consistaient en des codex d'une rareté telle qu'ils devaient avoir une valeur inestimable, au-delà des moyens du simple initié au service d'un aristocrate local. Il devait s'agir là d'ouvrages tirés d'une bibliothèque royale! Mais que feraient-ils, alors, dans les soutes d'une ensorceleuse qui se gâcherait sur un lieu aussi insignifiant que Batz? Quelque chose échappait à la jeune de Phalère.

Toutefois, elle dut se résoudre à remettre cette énigme à plus tard. Dans l'immédiat, il convenait d'obtenir sa libération avant que sa supercherie ne soit éventée. Si la prévôté entreprenait de se renseigner auprès du chapitre des sœurs de la Miséricorde, elle pouvait numéroter ses abattis. Peu probable que les sœurs soient aussi miséricordieuses que leur nom l'indique avec les imposteurs. Au vu de l'agitation que connaissait la région, l'Estréventine renonça à la méthode forte. Mieux valait sortir avec la bénédiction des sergents plutôt que d'être contraints de jouer les fugitifs jusqu'à Sharas voire jusqu'aux frontières d'Etherna.

Ainsi, dès le premier soir, la sang mêlé traqua parmi les esprits des hommes assoupis celui du capitaine. Jusque dans ses rêves, la charmeresse entreprit de l'influencer, de souffler sur les braises des sentiments qui lui étaient favorables. La confiance en sœur Cyana, la crainte inspirée par l'idée d'un nigromancien, tapi dans l'obscurité du donjon, comme grosse araignée attendant qu'une proie vienne s'engluer dans sa toile.

A dire vrai, Ciara avait une autre raison de se hâter : cette nuit là, elle sentit sa présence. Si elle restait enfermée trop longtemps, la Chose viendrait la débusquer. Dans les jours qui suivirent, l'érudite porta son attention sur le castel et quelque chose l'agressa en retour. Une nuit, l'enchanteresse crut même sentir quelqu'un accroupi sur elle et qui, sa bouche sur la sienne, buvait sa vie entre ses lèvres. Le temps lui était compté.

Dans l'obscurité, la porte s'ouvrit avec fracas : « Sœur Cyana? Veuillez nous suivre, vous êtes attendue ».

Lorsque le vin est tiré...
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MessageSujet: Re: Les fiancées sont froides   Les fiancées sont froides I_icon_minitimeMar 1 Jan 2019 - 14:29


Repoussant la porte sur le silence du corps de garde, ferraillant le loquet pour l'enclencher à fond, je me retournais à peine qu'un rougeoiement m'interpella : une grande lueur haut suspendue dans le noir : le fanal du donjon. Rendue pensive, je m'arrêtai net — on l'avait donc rallumé ?... C'était là un fait qui donnait à penser, et peut-être le reflet d'un changement dans nos circonstances. Comme au premier soir, le ciel était d'encre, sans qu'on puisse faire au juste la part des nuages et de la nuit ; et, comme au premier soir, je me reprochais de m'être laissée entrainer aussi loin, en si mauvaise compagnie. « Trop tard pour reculer, » me dis-je en secouant la tête : le temps était venu de tirer certaines choses au clair. Et, m'affermissant de la résolution prise, je traversai d'un pas décidé le cercle de lumière que le fanal plaquait à l'entour du donjon.

On atteignait l'unique porte au moyen d'un escalier en pas de vis, dont l'ascension était compliquée par la mousse et l'absence de contremarches. Dans son renfoncement le vantail béait légèrement ; j'appelai : aucune réponse. Le battant roula sur ses gonds sans grincer et, ne voyant personne, j'enjambai le seuil. La pièce était circulaire ; deux échelles communiquaient en bas et en haut. Un léger picotement remonta mon bras : je me défendais mal contre l'impression — somme toute ridicule — d'être entrée ici par effraction... (Et quoi de plus normal ? A cette question hagarde : Qui ? il n'est rien dont nous nous sentons autant en droit d'exiger une réponse, dont nous attendons aussi obscurément l'empreinte et le signe, que la chambre à coucher qu'on nous abandonne. Il nous semble que nulle part ailleurs la prise d'un individu sur le monde ne saurait être plus forte qu'au lieu où, chaque nuit, il se déprend de lui. Pareils aux physiciens qui comptent les bosses du crâne sans tenir compte des paroles, c'est la forme intime de la sécrétion humaine qui nous retient : telle manière de froisser ses draps, telle façon de laisser ses bottes nous est alors de plus de prix qu'aucune lettre décachetée. Et si, au fond, nous nous accommodons de cette conscience que demain il nous sera impossible de démêler, pour chaque trouvaille, la part de suggestion de celle de vérité, c'est que nous pressentons qu'il ne peut s'agir, ici, véritablement d'indices, — mais seulement de mettre à l'épreuve de cet incomparable révélateur l'image que nous nous faisons d'un homme.)

L'aspect d'une resserre frappait, ici, au premier abord : rien, entre ces murs encombrés de tonnelets d'huiles, de pots de suifs et de monticules de petit bois qui évoquât le passé noble d'un château tombé en déshérence. Combien de générations de gardien de feu s'étaient succédés dans cette pièce ? et il avait suffi à Brandin de quelques nuits pour se l'approprier, renouant par-dessus les siècles avec la volonté hautaine, castrale, dont les pierres nues gardaient encore la trace. Une carte d'Olyssea pendait au mur, avec en bas à gauche un trou minuscule à l'endroit de ce vieux monastère ruiné qui était notre arrière-camp ; les deux œils-de-bœuf — seuls les étages supérieurs étaient percés de fenêtres — avaient été colmatés de suif. Des pourpoints s'entassaient pêle-mêle sur une selle et des sacs d'arçons, et la disposition, sur un coffre épousseté, de quelques babioles de prix — poignard damasquiné, broche d'ivoire, livre aux émaux — parlait d'un orgueil tatillon. Je cherchais en vain le manchon de cuir où le bâtard gardait le certificat qui, à l'en croire, le légitimait... Légèrement désappointée, j'inspectai encore une petite tanagra d'argile verte avant de ressortir au palier : l'obscurité s'épaississait bien avant la masse plus sombre du rempart. Je n'eus pas à attendre longtemps que Brandin ne monte, à son tour, l'escalier.

Avec un sourire qui glissait sur mon effraction évidente, il m'invita dans la salle. Pendant qu'il dégrafait son baudrier et son fourreau, il tint sur les soudards quelques propos légers faits pour me mettre à l'aise. Puis, comme pour s'excuser de l'état de ses quartiers, il balaya la pièce d'un geste vague : « Tu vois à quoi je suis réduit. Je n'ai pas eu le cœur de déloger nos hôtes. » La remarque était plaisante, l'allusion à peine voilée ; j'en profitai pour entamer la discussion véritable.

— Et pourtant il le faudra ; ne serait-ce que pour nous déloger nous-mêmes.

Brandin eut une sorte de fin sourire intérieur, comme s'il acceptait le combat au point où je l'engageai.

— Déjà partir ? Est-ce à comprendre que notre séjour n'est pas pour toi d'un charme sans remède ?

Et comme je ne faisais pas mine de répondre :

— Nous dé-lo-ger... répéta-t-il comme s'il savourait le mot ; et comment t'y prendrais-tu, ma foi ?

— Est-il besoin de le dire ? Nous avons des otages, je crois : la dame, son petit.

— Les deux ? Il fit mine de compter sur ses doigts. Pour nous autres c'est cher payé.

— Il n'aurait pas fallu payer du tout, si nous nous en étions tenu au plan. Etienne... —

Là-dessus Brandin réprima difficilement un mouvement d'humeur. Mais, ne tenant visiblement pas à ce que l'entretien tourne court, il se contenta de me faire remarquer que les intérêts d'Etienne et de Jacquemart n'étaient pas forcément les siens ; que rien ne garantissait par conséquent qu'ils eussent avalisé une tentative directe contre la fausse dame de Breda — tentative qui pourtant s'imposait, si l'on désirait effectivement remporter la seigneurie. Et s'il n'avait pas craint de m'impliquer, que je sache néanmoins que ç'avait été à regret : je m'acquittais en quelque sorte de l'engagement qu'avait contracté Etienne, notre associé commun. Pour ce qui était de Pernette et l'enfant, il confessait n'être pas dans l'habitude de se rembourser sur sa mise.

— Les choses sont toutes tracées, alors. On échange la mère contre un sauf-conduit, histoire de prendre un peu de champs. Quant au garçon... J'ébauchai une moue significative, que cachait partiellement mon masque. Mais Brandin ne me regardait pas. Tourné de demi-profil, il avait pris la pose exagérément empruntée du porteur de mauvaise nouvelle ; et, levant les yeux au plafond, il fit signe de le suivre.

L'étage au-dessus était débarrassé. Seul, un lit défait bâillait dans le vide : « Je m'en suis occupé le premier soir. Il n'a pas souffert. » Je ne répondais pas. Une trappe gardait l'accès à l'étage supérieur ; il tira un trousseau de clés, et je grimpai à sa suite.

S'il est des évènements dont, en bien ou en mal, on peut dire qu'ils nous conviennent (dans le sens où, par exemple, une mort jeune convient à tel bel inconnu), il en est d'autre — et ce ne sont pas moins pour cela des évènements — qui, lors même qu'ils nous arrivent, sonnent étrangement à vide. De cet intime manque de répondant, il est difficile de ne pas se faire une faute : l'appel est venu — et passé : une corde en nous manquait pour qu'il nous concernât. Pour ceux-là, nous avons répondu absent de toute éternité... Et c'était justement ce manque, deviné la première fois sur le cadavre de mon époux, que j'éprouvais en clé mineure pour la morte devant moi, — adossée au mur, le visage drapé d'un voile pudique, et évoquant vaguement, par l'ostension de ses poignets martyrisés, quelque orante des abîmes. Un courant d'air frais, en attirant mon attention sur la fenêtre brisée, acheva de jeter un jour cru sur ce qui c'était déroulé ici.

— Elle écoutait lorsque...?

— Non. Mais l'enfant n'a plus répondu à ses appels. Je n'ai pas imaginé qu'elle...

Il eut un claquement de langue. Son hésitation, me semblait-il, trahissait moins un remord qu'une gêne ; et un élan de sympathie me poussait vers cet homme, cet assassin qui, malgré du sang jusqu'au coude, ne pouvait s'empêcher à la fin de mettre les gants, — comme si le résultat ne cadrait pas aux attentes, et que le triomphe s'en fût trouvé de quelque façon entaché.

— Attends, m'arrêta-t-il comme je me retournais vers l'échelle ; c'est important. Tu avais tort de dire que nous avions besoin d'elle : un message est sorti, le feu est allumé : du secours nous arrive par voie de mer. Mais si d'aventure le temps nous manquait... il faudrait qu'elle puisse au moins marcher, ne penses-tu pas?

Nous y venions. La requête était inconvenante, exprimée à deux pieds de la défunte. Mon sourire ironisait avec insistance. « Je comprends. La chose est possible, si tant est qu'on me laisse seule. »

Je commençais par retirer le tissu de son visage — que ses yeux fussent demeurés grands ouverts était une bonne chose. Je pressurai son front, ses mains : elle était passée la nuit dernière. Le sang, suivant l'imperceptible déclivité et mouillant au passage la jonchée d'éclats de verre, avait coulé de ses avant-bras à une rigole sous la fenêtre. Les croisillons de fer noir avaient été défoncés à coups de cruche ; leur contact était tiède, presque chaud. Je songeai que le brasier du fanal était juste au-dessus, — son ronflement balançait des ombres dans la pièce qu'éclairait une seule torchère. Les ondes chaleureuses me baignaient comme, appuyée au cadre, je jetais mon regard à la mer ; elles me rendaient au souvenir d'une autre nuit, veillée dans un sémaphore des côtes de sables. Nuit terrible, en vérité : — sur les os momifiés d'un sorcier dracenne de sinistre renom, la glossolalie de mon maître s'était enflé à mesure d'échos d'outremonde, — et, en haut de ce phare plus antique largué sur une mer plus sauvage que les cartes ne marquent pas, je sentais comme un horizon invisible se refermer sur moi... Mais je secouai cette mémoire : le rituel que j'avais en tête était, de fait, incomparablement moins dangereux.

Avec mon stylet d'antimoine, je pratiquai des incisions, superficielles et larges comme un ongle, dans le front, les genoux et le bas-ventre. Puis je dégrafai six minuscules lamettes de ma chevelure, que je poinçonnai de mots de force avant de les insérer sous la peau, — y compris dans chacun des avant-bras ruinés de Pernette. Toutefois le plus long demeurait sans contredit les soins cosmétiques, auxquels je m'attelais tout juste lorsque...
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MessageSujet: Re: Les fiancées sont froides   Les fiancées sont froides I_icon_minitimeSam 5 Jan 2019 - 0:43


Bonjour à vous deux,

Certaines tournures de phrases pouvant porter à confusion.

Nous tenons donc a faire une mise au point afin que tous les joueurs sachent quels aspects de votre RP ne doivent pas être factuellement prit en compte.

Les fiancées sont froides Muc2

Les points concernés sont les suivants :
  • Douce n'est pas Arsinoé
      Décision prise par le staff et acceptée par Douce lors de la création de la fiche. Aucune ambiguïté n'a lieu d'être dans ce RP vu que "l’incarnation" de Douce est Pernette.

  • L'outre-monde/l'entre-monde n'a pas de réalité dans le BG.
      Il ne peut donc exister à d'autre titre qu'un fantasme des personnages / interprétation d'autre chose. Rien de ce qui s'y passe ne pourra être considéré comme ayant des répercutions sur d'autres personnages ou d'autres RPs. Il est impossible pour les personnages de prouver au delà de tous doutes la réalité des faits qu’ils avancent.


Ce flou étant maintenant gommé, nous vous permettons de continuer votre RP.

Rôlistiquement vôtre,

Le Staff.

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