Justice triomphante [Solo]

Suite au procès

Dès lors que le procès fut terminé, les Cortès d’Alcacio et de Castigliani regagnèrent tous ensemble l’hôtel particulier diantrais qu’on leur avait prêté pour l’occasion. La bâtisse, grande et belle, s’incrustait parfaitement dans le décorum des hauts-bourgs de la capitale. Sa richesse architecturale ne dénotait clairement pas avec celles qui l’entouraient. Quant au confort de l’hôtel, celui-ci n’avait rien à envier aux luxueux palais que l’on pouvait trouver par chez eux. C’était là tout ce que l’on pouvait espérer d’une telle structure, alliant à la fois praticité et splendeur. Pour sûr que les notables diantrais aimaient aussi l’ostentatoire et l’opulence. C’était l’image que leur hôte aimait à donner à tous ceux qui pénétraient chez lui. Cet homme était un riche marchand soltaar ayant fait fortune dans la capitale. Edmundo Alcazar était un grand bourgeois, bien plus riche qu’une bonne partie de la noblesse péninsulaire. Toujours est-il que ces derniers, ne cessaient jamais de lui rappeler d’où il venait. Il en avait été autrement pour les Cortès, qui pour des raisons pratiques, n’avaient cessé d’entretenir des bonnes relations avec ce personnage grandiloquent. La preuve en était ce jour d’huis lorsque le brave Alcazar s’était risqué à héberger des potentiels disgraciés.  

Mais le sort en avait décidé autrement. Ou du moins, le procès. La duchesse Tibéria était désormais déchue et privée de ses titres pour elle et sa famille. C’était une lignée toute entière qui avait chuté et Francesco n’aurait su dire s’il y avait de quoi se réjouir. Le duc, quant à lui, serait définitivement considéré comme un homme mort en plus d’être déchu. C’était, pour ainsi dire, une victoire à plate couture. Et pourtant, Francesco faisait grise mine, chose que son frère Félipé ne tarda pas à percevoir. L’Amiral du Royaume était assis dans le patio verdoyant se trouvant dans la cour de l’hôtel. L’endroit était vu comme un véritable havre de paix à l’écart du bourdonnement perpétuel de la cité toujours en mouvement. A bien des égards, ce patio lui rappelait aussi la jungle luxuriante de Nelen. Indubitablement, cela lui rappelait aussi son fils Massimo, qui devait encore se trouver en convalescence à Port-Cinglant.

-Puis-je m’asseoir à tes côtés, mon frère ?

Félipé était arrivé à ses côtés, deux verres de vin à la main. Il lui en tendit un et vint prendre place sur un divan non loin du sien. L’on eut dit deux marchands prêts à fêter des négociations abouties. La réalité, elle, était tout autre.

-Ce soir, nous célébrons une grande victoire pour le soltaar tout entier. Et pourtant, j’ai le sentiment que tu n’as pas le cœur à la fête.

Son frère le connaissait suffisamment bien pour savoir lorsqu’une chose n’allait pas chez lui. Et il visait juste.

-Je ne saurai dire, Félipé… souffla-t-il doucement en trempant ses lèvres dans le vin. Je ne m’attendais sans-doute pas à cela.

-Aurais-tu préféré que la duchesse reste à sa place et continue à mener notre duché à sa perte ? Nous avons désormais le moyen de redonner au soltaar sa place dans le Royaume, n’est-ce pas pour cette raison que nous nous sommes lancés dans une telle odyssée ?  

-C’est pour la justice que nous nous sommes battus. Mais de toi à moi, nous savons très bien que la duchesse Tibéria n’était qu’une pauvre fille…

-Une pauvre fille suffisamment dangereuse pour mener son duché à sa perte sans même s’en rendre compte. Ce que nous avons fait était juste, n’aies pas de remords où de regrets, eux n’en auraient eu aucuns envers nous. Demain encore, il nous faudra nous battre contre ces loups vengeurs. Mais nous savons tous deux que le soltaar est maintenant en sécurité.

-Eux ? Tu veux sans-doute parler des Beronti et de leur projet d’union avec Erac ? C’était encore une fois une belle bourde de la part de la duchesse. Dévoiler ainsi un projet d’alliance qui n’aurait pas manqué de diviser le nord et le sud de la péninsule… Quelle erreur.

-Sûrement une chose qui a joué en notre faveur, c’est certain. Même si je doute que l’Eracien épousera vraiment la petite Béronti, il a révélé à tous ce qu’il comptait faire devant ses anciens alliés. Soltariel, n’a pour le moment, plus rien à craindre de ce… jeune homme. Cela arrive lorsqu’on a les yeux plus gros que le ventre.

-Il est certain, maintenant, que nous n’irons certainement pas du côté d’Erac pour un projet d’alliance, lança Francesco qui recouvrait des couleurs. Mais avant de parler d’alliances extérieures, il faudra te concentrer sur l’unité du soltaar. Bientôt, la chancellerie et la régence demanderont à vous voir pour parler de cela justement.

-Je m’y emploierais, rassure-toi.

-Tu ne pourras pas compter sur mon aide, tu le sais ?

-Soltariel réussira bien à survivre sans toi, répondit Félipé en levant son verre. Nous verrons bien ce que l’avenir en dira.