Jour de lessive [Nessys]

Fin de la seconde ennéade de Karfias, an 17, cycle XI
Pendant la période qui précède la décision de l'Ordalie entre Shyn'tae et Kerath
Camp Nord

Suite du RP : La grande braderie

C'était un jour de repos pour la prêtresse. Concrètement cela voulait dire que c'était un jour où elle n'était pas la bienvenue parmi les rares patients du temple. Déjà qu'il n'y avait pas de travail pour tous les tenir occuper alors, le prêtre l'avait désigné comme persona non grata. Alors sur ses temps de repos, elle s'entrainait au combat.

Avec le temps, elle avait appris à lutter un peu contre elle-même, contre cette peur presque viscérale qui la prenait et qui la paralysait. Mais au bout de quelques heures sous les rayons ardents et dans la poussière, elle en avait suffisamment fait.  Il était temps qu'elle fasse une pause.
Une toilette, puis une pause.

Pensive, elle observa le linge avec lequel elle s'était essuyée. Le blanc lui sembla douteux. C'était elle ou une légère négligence ? Puis, tel un automate, elle se dirigea vers la lingerie du temple et inspecta son contenu. Au bout de 5 min, la pièce fut vidée d'une partie de son contenu qui gisait au sol.
Puis, sur la pointe des pieds, la sombre se faufila dans la tente de soin. Sous les gros yeux de son responsable qui suspectait de la malice, elle récupéra le linge souillé ou sale. Il n'y en avait pas tant que cela, mais suffisamment pour s'occuper une paire d'heure. Il faisait chaud, si chaud.

Après avoir proposé aux rares esclaves inoccupés du temple, la sombre partit avec les presque volontaires, fière de sa trouvaille, vers le lavoir.

Si ce n'est pas propre, frotte.
Du linge trempait dans une bassine dont la couleur de l'eau était indéterminée. D'autres étaient en train de bouillir. Les draps était déjà étendus et séchaient au soleil. Torse nu, mis à part la bande de soutien, la sombre était à genou pour frotter un bandage. Visiblement elle frottait une tâche invisible et s'en donnait à cœur joie en s'éclaboussant. Les deux autres esclaves n'étaient pas en reste.

Il faisait chaud, si chaud… qu'elle jouait avec l'eau.

Après s'être occupé des plis comme du livre, comme l'avait ordonné la Vaen're, Nessys avait fait le chemin jusqu'au camp nord... Sur le dos de Noisette, récoltant quelques bleus au passage. En avait-il le droit ? Il n'en était pas convaincu, mais cela l'aidait à remplir ses obligations dans les plus brefs délais. De plus, sa maîtresse eut été satisfaite : il parvenait à faire avancer le canasson. A peu près. Sans tomber. Dans un certain inconfort. Non pas que ce dernier point eut la moindre importance.

Pénétrant dans l'enceinte fortifiée non sans un frisson, tenant à présent la bride au cheval, il traversa le camp à la recherche de la prêtresse Na'ri. A l'infirmerie, il demeura imperturbable en sentant le déplaisir du supérieur, qui le renvoya dans une direction incongrue avec des mots peu flatteurs. La bride en main, les papiers le cédant à une nouvelle maîtresse, dans son vêtement, il avançait au milieu des drows libres avec une drôle de sensation. Elle lui avait proposé de l'affranchir... Non sans un mince rictus, il repoussa cette pensée, guettant plutôt celle qu'il cherchait parmi les femmes drows l'entourant, du coin de l'oeil, sans jamais les regarder tout à fait directement.

Il dut bien passer trois fois près du groupe occupé avec le linge avant réaliser.

Ayant posé la question, son attention fut dirigée, finalement, vers la sombre en partie torse-nue, qui s'acharnait sur un linge à la propreté - Nessys tendit un peu le cou - appréciable. De profil, il la reconnut davantage. Puis il se rendit compte de l'aberration de la situation, et cligna des yeux. Était-ce un test des Dieux ? Ou le jeu de l'un d'eux ?... Il eut été orgueilleux que d'espérer une réponse claire. Sans chercher à être discret, le grand demi-sang agenouilla son mètre quatre-vingt douze, tout en membres longs portant des cicatrices, auprès de la prêtresse, tête basse et épaules courbées, gardant les rênes de Noisette dans la main. Tâchant de faire ce qui lui avait été demandé, sans davantage s'interroger sur le comportement atypique des deux drows. Il était un esclave. Il ne questionnait pas, il obéissait. Et quand il questionnait, c'était pour être plus efficace au moment d'obéir... Nessys aurait soupiré à ces pensées, s'il n'était pas concentré sur sa tâche.

"Maîtresse Na'ri ? appela-t-il, d'une voix qui se voulait calme. Maîtresse Shyn'rae souhaite vous transmettre ceci... De son autre dextre, il lui tendit le pli attestant sa cession à sa personne... Curieux moment. Ainsi que sa monture, Noisette. Espérant qu'il avait bien son attention, il ajouta, chaque mot laissant apercevoir ses dents plus pointues que la normale. Elle prépare une ordalie, et requiert votre présence."

Les gouttes d'eau étincelaient sous le soleil. C'était beau, c'était rafraichissant.
Concentrer sur le changement de couleur d'une bulle de savon, Na'ri n'avait pas vu le demi-drow  contrairement aux deux esclaves qui s'avaient commencé à minauder.

"Maîtresse Na'ri?"
La bulle de savon éclata. La prêtresse leva les yeux pour chercher à voir le visage de son interlocuteur. Il était grand. Très grand. Elle avait le sentiment d'être redevenu une enfant à le contempler d'en bas. Cette dernière pensée la fit sourire.

Maîtresse Shyn'rae souhaite vous transmettre ceci…

Le ceci en question était un pli… Alors, elle sortit un peu à contre cœur ses mains de l'eau et les agitèrent pour profiter jusqu'au bout de la fraicheur des dernières gouttelettes.
Même en se relevant, le presque noirelfe était toujours aussi grand. Elle prit le papier après s'être essuyée les mains dans sa jupe.

Ainsi que sa monture, Noisette.

En effet, il tenait le cheval par la longe.

- Donner lui à boire, s'il le souhaite. Articula t'elle, absorbée par le texte étrange qui portait le sceau de son amie. Mille et une questions se bousculèrent dans la petite caboche de la soignante. Puis elle reporta son attention sur sa nouvelle acquisition. Elle aurait préféré un livre de cuisine, ou des ingrédients, mais par tout les Dieux, qu'allait elle faire d'un esclave ?

Elle prépare une ordalie, et requiert votre présence.

Toute une gamme d'émotions passa sur le visage de la sombre, de la surprise à l'angoisse, de la colère à l'extrême concentration. Ses rides étaient plus marquées, sa voix se fit plus dirigiste.

- Merci et reprenez ceci. Elle lui rendit le bout de papier. Je partage ma tente avec d'autres prêtres, mais vous êtes le bienvenu. Ces deux demoiselles vous guideront. Elle se tourna vers les esclaves, sa voix se radoucie. Je suis désolée de vous laisser ma part de travail. Prenez soin de Neserys. Il le mérite ! La soignante reporta son attention sur le drow et lui sourit avant que l'attention ne se porte vers le canasson.
- Noisette ! Elle tendit sa main à plat devant les naseaux du cheval et quand il l'eut reniflé, elle les lui caressa.
- Noisette. Allons retrouver ta fougueuse amie, il se pourrait qu'elle soit dans un sérieux pétrin.
Avait il compris la situation ? Peut-être, car il laissa la servante de Kiran le monter.

Il faisait chaud, si chaud… pourtant il fallait garder la tête froide. Pourquoi celle de la Phor'dur s'était elle échauffée ? Contre qui ? Elle refusa catégoriquement de croire la seule possibilité que lui martelait son esprit. Cela ne pouvait être possible.
Na'ri fit une courte halte au temple pour récupérer son matériel et signaler aux gros yeux qu'une ordalie aurait court. Il sembla vouloir lui dire ou demander des choses, mais elle ne l'entendit pas. Elle était déjà partie.

Au lavoir, les esclaves étaient perplexes. Ce grand mâle se comportait à la perfection comme un subordonné, et pourtant la prêtresse ne leur avait pas présenté comme tel… Mais elle était étrange. Comme à son habitude. La plus jeune, une demi drow également se releva et alla vers le mâle. Les yeux rivés vers le sol, comme le voulait sa condition, elle invita le nouvel hôte à la suivre. Dans le doute, elle avait préféré ne pas lui manquer de respect. Et cela lui permettait d'arrêter la lessive.
Il faisait chaud, si chaud…

A vrai dire l'esclave demeure aussi perplexe que les autres alors que la prêtresse disparaissait au loin, sur le dos du canasson. Elle avait dit 'reprendre' ? Lui demandait-elle de garder le papier pour elle ? Le refusait-elle ? La confusion lui fit les yeux plus que d'ordinaire, lui faisant croiser le regard aussi perdu que le sien des deux autres esclaves. Il était le 'bienvenu' ? Et... L'empressement avait mené la sombre à écorcher son nom, vraisemblablement. Non pas que le choix de son nom lui appartienne, après-tout. Je...

Laissé derrière sans réelle directive, le demi-sang regarda la poussière retomber, dans l'indifférence des sombres alentours. Quelque chose lui disait qu'il pouvait rester les bras ballants que la dénommée Na'ri ne s'en offusquerait pas à son retour. Ce qui était une supposition on ne peut plus aberrante. La Vaen're, maintenant cette prêtresse... Ses repères s'étaient définitivement brouillés suite à la disparition de son maître.

Du moins les femelles esclaves savaient, elles, quoi faire. Il répondit avec docilité à leurs indications, et les suivit sans se faire prier, tout en songeant à ce qui pouvait se jouer, actuellement, dans l'autre camp : une ordalie entre la Vaen're et... Qui ? Je ne le lui ai pas demandé. Silencieux, la tête basse, il avançait.