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 Sur les chemins de Serramire

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Arnaud de Brochant
Humain
Arnaud de Brochant


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MessageSujet: Sur les chemins de Serramire   Sur les chemins de Serramire I_icon_minitimeMar 29 Oct 2019 - 16:43


La 17ème année du 11ème cycle,
Première ennéade de Favrius - automne,
Le premier jour...


Arnaud de Brochant, Duc de Serramire, remontait de la crypte de Castel-Tobioc où il s'était recueilli devant les restes de sa mère. Aujourd'hui plus que jamais, le souvenir de la matinée pluvieuse où s'étaient tenues les funérailles de Mahaut d'Avaugour restait vivace. Le grand-prêtre Manfred avait prononcé l'oraison funèbre devant une cour clairsemée ; Mère avait eu le bon goût de rendre l'âme en pleine guerre du Médian, alors que toute la fine fleur de la noblesse serramiroise, et notamment son propre époux, était en campagne. Arnaud revoyait encore ses frères et sœurs, les yeux embués de pluie et de larmes, pendant que lui-même, en bon fils aîné, suppléant son père absent, s'efforçait de rester digne de son rang.

Sept ans après avoir pleuré sa mère, Arnaud se trouvait orphelin de père. Tyra la Voilée s'était montrée cruelle. Des années durant, Aymeric de Brochant, Régent du Royaume, avait prié son fils aîné de le rejoindre à Diantra. Il était alors au sommet de sa gloire, le vainqueur du Médian, fort d'une existence hors normes qui l'avait vu s'extraire des geôles des Bastylle, restaurer la grandeur de Serramire et atteindre la plus haute marche du royaume. Adoncques, à présent qu'il gouvernait au nom du roi, le Régent désirait trouver une place pour son fils aîné, pour-lequel il nourrissait de grands projets. Las, Arnaud avait ignoré tous ces appels ; il était demeuré à Serramire où il jugeait être sa place.

Que le coeur du jeune homme était alors amer ! Il n'avait pas su pardonner à son père la sécheresse de ses sentiments, sa rigidité, et l'indifférence qu'il avait toujours témoignée à leur mère, aussi bien de son vivant qu'à sa mort. Cette rancune, il semblait être le seul à l'éprouver si violemment ; ses frères et soeurs, loin de s'en faire l'écho, avaient rejoint leur père à Diantra depuis bien longtemps.

Oui, Tyra la Voilée s'était montrée cruelle. Arnaud avait tant reproché à Père son absence à la mort de Mère - et voilà qu'aujourd'hui, l'absent, c'était lui. Il avait appris la nouvelle d'une lettre de son frère Aristide, et il avait su, plein d'amertume, qu'il ne ferait pas la paix avec son père de son vivant. Le coup du sort était doublement rude : la mort de Père intervenait quand Arnaud envisageait enfin de le rejoindre. N'eussent été la recrudescence des pillages wandrais et l'étrange silence de Fort Norkan, Arnaud aurait déjà pris la route de Diantra depuis plusieurs ennéades.

Adoncques, le trépas de son paternel, dont il ignorait pour l'heure les circonstances, reléguait au second plan les inquiétudes susmentionnées. Quelques jours plus tôt, le jeune Duc s'en était ouvert à son conseil.

« J'ai trop tardé à gagner Diantra. » Son coeur s'était serré à l'idée que sa présence à la cour, peut-être, aurait changé le cours des choses, même de manière infime ; cela aurait-il suffi à éviter le pire ? « Je ne peux demeurer céans, alors que j'ignore encore de quoi est mort mon père. Je prendrais la route dès la prochaine ennéade. »

Le ton était sans appel. Ce minot de vingt-trois ans, duc depuis seulement deux ennéades, nul ne se risquerait à le regarder de haut. Alors que son père présidait aux destinées du royaume depuis le trône de Diantra, Arnaud gouvernait le pays de Serramire depuis sept ans - fortement aidé, il est vrai, des fins conseillers de la maison de Brochant : le père Bréguet, qui officiait depuis si longtemps comme chapelain, archiviste et cartographe ; Adèlphe le Scylléen, l'argentier ; le chancelier Geoffrey de Clairséant, gardien du sceau ducal ; Otto Vanhardt, qui commandait la garde de Castel Tobioc ; et bien sûr l'intrépide oncle Evrard, le chevalier au cimeterre, vétéran de campagnes comme oncques ne vit, sénéchal de Serramire.

« Peut-être pourriez-vous, avant cela, considérer la question du renouvellement des serments de vassalité, avait hasardé le père Bréguet.
- Je recevrais le serment de mes vassaux à mon retour, assura Arnaud. La longueur des préparatifs d'une telle cérémonie me laissera bien le temps de rentrer. Il me faut, de toute façon, rendre moi-même l'hommage à Sa Majesté. »

Les membres de l'assemblée hochèrent la tête en signe d'approbation, et la chose fut entendue. L'argentier Adèlphe jugea bon d'embrayer sur un sujet plus épineux :

« Les incursions des pillards wandrais n'arrêtent pas, en ce moment. Il faut faire quelque chose.
- Les incursions des pillards wandrais sont notre lot depuis la nuit des temps
, trancha Evrard. Serramire sait lutter contre ces avanies. Qu'Arnaud parte pour Diantra, s'il le souhaite ; je m'occuperais de ces barbares, ainsi que nous l'avons toujours fait. »

A ces mots, le jeune duc haussa les sourcils, et considéra son oncle avec étonnement.

« J'aurais cru que tu m'accompagnerais à Diantra, dit-il.
- Il faut bien qu'un Brochant reste à Serramire, pas vrai ? Va à Diantra, Arnaud. Les Cinq savent que j'ai aimé mon frère, mais veiller un mort ne m'apportera nul réconfort. Peut-être en ira-t-il autrement pour toi.
- Il reste le problème de Fort Norkan
, releva Otto Vanhardt. Voilà bien un mois que nous ne recevons aucune nouvelle de la garnison. »

Ah, Fort Norkan. Sous l'impulsion du Boucher du Médian, l'avide Nimmio de Velteroc, les Velteriens s'étaient saignés pour faire sortir de terre un avant-poste à l'embouchure de l'Elbre, au sud des montagnes du Sigolsheim. Protégé par son fortin, le comptoir jouissait d'un emplacement de choix pour le commerce dans l'Eris, et pour quiconque voulait accéder aux anciennes routes maritimes de la Nanie. Las, les tribus wandraises des environs lorgnaient d'un oeil méfiant ce furoncle pentien ; une importante armée de ces barbares avait déjà tenté de s'en emparer il y a longtemps, sans succès. Finalement, après la chute du Boucher et la réunification du royaume, Aymeric de Brochant avait revendiqué Fort Norkan pour Serramire, s'offrant un débouché sur l'océan - et les précieux revenus qui allaient de pair.

« Le fortin n'a pas pu tomber, assurait Evrard. Les Wandrais s'y sont déjà cassés les dents, et il y a de quoi. J'y suis allé il y a quelques années ; Otto était avec moi, d'ailleurs. Croyez-moi, je sais de quoi je parle. Il faudrait des engins de siège pour prendre la place, et les tribus des Wandres n'en ont pas.
- Il n'en demeure pas moins que nous sommes sans nouvelles
, dit le chancelier Geoffrey de Clairséant.
- Alors, il faut aller voir ce qui s'y passe ! répliqua Evrard. Avec une centaine d'hommes aguerris, je me fais fort de...
- J'aimerais savoir ce qui s'y trame avant d'y envoyer nos hommes
, coupa Arnaud. Et je ne tiens pas à dégarnir nos frontières en ce moment. Et il se trouve que j'ai eu une autre idée. »

Tous les regards se tournèrent vers le jeune duc.

« J'ai écrit à Geoffroy Falkenberg il y a quelques jours, et je lui ai parlé de la situation de Fort Norkan.
- Le lionceau de Sgarde »
, persifla Evrard.

L'oncle ne manquait jamais une occasion de railler le jeune héritier de Goar le Fol, baron d'Oësgard en son temps, qui s'était autoproclamé roi de son bled. La guerre d'Oësgardie qui en avait résulté avait vu triompher le père d'Arnaud. Ce dernier, en matant les rebelles et en ramenant l'Oësgardie dans le giron du royaume - et dans la vassalité de Serramire - avait récolté les premiers lauriers de sa gloire naissante, lui ouvrant les portes du Sénéchalat, avant qu'une autre guerre ne le propulse à la Régence du Royaume.

« Geoffroy est un ami, rappela Arnaud. Je le connais fort bien, depuis l'époque où il était l'hôte de mon père. Et j'ai confiance en lui.
- Geoffroy était l'otage de ton père, corrigea Evrard. S'il ne faisait pas la distinction à l'époque, il la fait peut-être aujourd'hui, maintenant qu'il est de retour en son pays.
- Évidemment qu'il la fait, la distinction ; il n'est dupe de rien. Il n'en demeure pas moins que de l'eau a coulé sous les ponts.
- Vous étiez des enfants, tous les deux. Aujourd'hui, c'est un baron - et tu es son suzerain. Quelle que soit votre affection mutuelle, ça change un peu les perspectives.
- Il n'en est pas moins un vassal loyal. Lorsqu'il a appris la situation du fort, il m'a généreusement proposé son aide. Geoffroy est prêt à m'envoyer son propre sénéchal, avec des hommes aguerris, afin de mener une expédition dans les Wandres et découvrir ce qui se trame à Fort Norkan. »


Otto Vanhardt s'éclaircit la gorge.

« Envoyer Oësgard reprendre le fort à notre place ne me paraît pas des plus sages, sire. Fort Norkan est votre bien, non celui de Geoffroy Falkenberg. Vous lui seriez redevable.
- J'entends bien, et je ne compte pas seulement faire appel aux Oësgardiens. Il ne s'agit pas de réunir un ost de guerre, mais d'organiser une expédition. Nous ne savons pas ce qui s'y trame, pas vrai ? Ce sera une reconnaissance, rien de plus. Une expédition à laquelle je souhaitais moi-même prendre part ; malheureusement, la mort de Père m'oblige à...
- Renonce à cette expédition, en ce cas
, dit Evrard. Nous enverrons des hommes bien à nous. Je m'en chargerais en ton absence.
- J'ai déjà dit à Geoffroy que j'acceptais son aide, et ce serait l'offenser que de la refuser maintenant. Oncques mais, n'ayez crainte ; je ferais appel à tous les volontaires, chez mes vassaux comme chez mes voisins. Cette expédition restera l'entreprise de Serramire, nul ne saurait en douter. »


La réunion n'avait pas dissipé les doutes d'Evrard, qui voyait d'un mauvais œil une expédition menée au détriment de la logique. Compagnon d'armes de son illustre frère aîné, Evrard partageait l'attachement de ce dernier aux coutumes et au respect de la hiérarchie féodale. Le problème de Fort Norkan devait être celui de Serramire ; que le duché en appelle ainsi à l'aide extérieure sonnait comme un aveu de faiblesse. Las, Arnaud coupa court à la discussion ; l'expédition aurait lieu, et il aviserait, en fonction de ce qu'on apprendrait, des suites à y donner. Pour l'heure, le jeune duc était trop accaparé par le décès de son père et les préparatifs de son voyage à Diantra pour s'inquiéter d'un problème dont on ne savait rien.

Les doutes d'Evrard, toutefois, n'avaient pas totalement épargné Arnaud, qui ressassait le déroulement de l'entrevue au moment de quitter Castel-Tobioc. Les cheveux dans le vent, le duc de Serramire montait un grand étalon blanc, et emmenait avec lui une trentaine d'hommes. Son regard se perdit dans l'horizon, en direction du sud, par-delà les chemins de Serramire, comme s'il tentait de discerner, à des centaines de lieues de là, la ville maudite que son père avait un jour restituée au roi - cette même ville où il venait de rencontrer son destin.

Le roi Bohémond devait beaucoup à feu son régent ; Arnaud songeait à cela au moment de quitter le fief ducal. Il nous doit beaucoup - à commencer par des explications.
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MessageSujet: Re: Sur les chemins de Serramire   Sur les chemins de Serramire I_icon_minitimeJeu 31 Oct 2019 - 15:20


On eût dit qu'en quittant Serramire, Arnaud de Brochant avait entraîné les beaux jours dans son sillage. Avec la venue de l'automne, un vent fort s'était mis à souffler sur le pays. Empruntant les routes parsemées de feuilles mortes, la nouvelle de la mort du bon duc Aymeric achevait de gagner les villages les plus reculés. Dans chaque chapelle de cour seigneuriale, dans chaque temple pentien, l'hommage religieux fut rendu à l'homme qui avait restauré la grandeur de Serramire. La nature elle-même semblait porter son deuil : les arbres troquaient leur beau vert pour des nuances plus sombres, le ciel se chargeait de nuages gris. C'était une langueur morose qui gagnait tout le pays, et que rien ne semblait vouloir égayer.

La vie ne s'arrêtait pas pour autant ; dans les champs, à peine achevées les dernières moissons, l'heure était aux semailles du blé d'automne qu'on récolterait au retour de la belle saison. Chez les gens de peu qui trimaient aux champs, l'on se sentait bien peu concerné par le deuil d'un grand seigneur ; lui ou un autre, ça ne changerait rien à leur labeur. Ne pas mourir de faim l'hiver prochain, voilà tout ce qui préoccupait la gueusaille. Elle n'était pas la seule, du reste ; suivant une méthode bien rodée mais néanmoins fastidieuse, Ignace Bréguet et Geoffrey de Clairséant veillaient à la bonne répartition des réserves de grain en prévision de l'hiver. Pour sûr, à Castel-Tobioc, on ne manquerait de rien ; mais le bon remplissage des greniers faisait l'affaire du duché tout entier.

Dans le même temps, conformément aux instructions d'Arnaud, appel fut lancé aux volontaires dans toutes les places du pays et au-delà, en vue de mener une expédition vers Fort Norkan. Las, en-dehors des hommes promis par le bon baron d'Oësgard, les volontaires ne se pressaient guère ; les mystérieuses Wandres n'attisaient plus tellement la flamme des preux depuis la désastreuse équipée des Benjamins, quelques années plus tôt. On se résignait à prospecter des mercenaires et des aventuriers d'horizons divers ; des malandrins, des croquants, des vauriens pour la plupart, mais baste ! Si les choses tournaient mal, nul n'aurait à pleurer le sort de cette racaille.

C'est que Serramire, pour l'heure, avait déjà de quoi occuper ses permanents. Devant la recrudescence des incursions sigoles, l'impétueux Evrard s'était fait fort de faire changer la terreur de camp. Face à un problème vieux comme le monde, le sénéchal ne manquait pas d'armes ; la grande réforme du ban d'Aymeric ne trouvait-elle pas sa cause dans la sécurité des frontières ? Conduisant une partie des hommes de Castel Tobioc et des fortins avoisinants, Evrard s'en était allé vers le nord y renforcer les garnisons locales. Las, les fameux pillards se déplaçaient par petits groupes très mobiles, rendant leur traque ardue. Evrard n'aurait d'autre choix que d'organiser des patrouilles régulières, mais il pouvait compter sur une aide précieuse : les guetteurs, perchés dans les tours d'alarme dont son frère avait ordonné la construction quelque huit ans plus tôt, signalaient la plupart des incursions.

Adoncques, Arnaud pouvait partir en confiance. La maison était sous bonne garde, ce qui apaisait au moins son esprit de ce côté-là. Le jeune homme, pour autant, n'était pas des plus sereins ; alors qu'il suivait la route de Versmilia, n'écoutant que d'une oreille les bavardages du brave lieutenant Heinrich, Arnaud songeait à ce qui l'attendait à la capitale. Il se figurait Diantra tel un nid de serpents, une cour de traîtres et de menteurs ; l'histoire récente du royaume avait montré plus d'une fois la vilenie des courtisans du roi, si prompts à ployer le genou devant des chefs rebelles. Avec la mort du Régent, et le roi encore jeune, le pouvoir était à prendre ; et il ne devait pas manquer de candidats. Autant de hyènes occupées à se disputer la même proie, et qui ne manqueraient pas de lorgner, de leurs museaux hideux et de leurs yeux assassins, le Corbin qui s'invitait au festin.
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