[correspondance]L'herboriste et la Chatelaine (Louise)

3e jour de la 9e ennéade de Barkios.

Mademoiselle Louise.

                             Comme promis, je me permet de vous écrire. J'espère que l'entretien avec votre duc s'est bien passée. Je vous espère en santé, sereine et aussi souriante qu'à la fin de notre brève rencontre. Pour ma part, j'ai attrapé un petit virus comme quoi, nous, herboristes, ne sommes pas plus à l'abrit de la maladie que les autres.

Je prend le temps de me refaire une santé et je vais aller directement à Diantra. Je calcule que fin première ennéade prochain, j'y serai. Pourrais je avois de vos nouvelles? Votre entreprise est elle fructueuse? Etes vous en sûreté? Je passerai à la volière locale aussitôt arrivé.

Que votre DameDieu vous garde.

Claude.

Après un bain quasi bouillant payé à prix d'or, ce qui a eu au moins l'ultime mérite de lui réchauffer les sang, C'est un Dante remis qui prend possession du pli. Il est un peu surprit en fait. Il ne s'attendait réellement pas à recevoir du courrier de cette nature. Manifestement il y a de quoi faire.  

Le fait de recevoir une réponse si prompte lui semble positif. Mais on ne refait pas son homme, la lettre de la donzelle est analysée avec tout le professionnalisme requis pour s'assurer que ce n'est pas une mauvaise surprise qui l'attend. Une fois les vérifications faites et note homme rassuré qu'il procède enfin, décachetant précautionnieusement le sceau de cire pour ne pas le briser, avant de lire.

La première phrase indique à l'homme qu'il a bien fait de disparaitre mystérieusement. Il ne voulait pas partager sa route, et il a finit par ferrer une grosse truite semblerait t'il… Les prunelles dépareillées se plissent tandis que l'assassin se concentre sur la suite.

Mais c'est un mot, un seul, qui attire son attention de prime abord.

Vôtre…

Dubitatif, il relit la missive… S'assied au petit bureau de sa chambre avant de regarder de nouveau le pli et le sceau.

L'Ombre brûlerait cette lettre
Dante milles fois plutôt qu'une.
Halewyn en aurait rien à foutre
Arun ne s'intéresserait qu'à une seule missive… Il l'attend d'ailleurs. Et il la brûlerait aussi.

Mais Claude, le vieux Claude, est une fleur bleue… De plus, garder cette lettre pourrait faire croire en des sentiments qui pourraient lui servir à long terme, quand il sera temps de semer le chaos. De plus, il y aurait moyen de forger un double de ce sceau à partir de l'image imprégnée dans la cire… Avec du temps de la minutie et de la patience, qualités qu'il a en masse. Qui sait, ca pourrait servir un jour.

Repliant méticuleusement le message, l'assassin l'insère dans une enveloppe de papier ciré avant de la cacher dans le double fond de sa cassette d'herboriste. Alors s'assied t'il au bureau et commence t'il à écrire ce qu'il enverra avant de partir, le lendemain matin.

6e jour de la 1ere Enneade de Verimios


Mademoiselle Louise.

En premier lieu, sachez que je suis arrivé à Diantra sans encombre malgré les tempêtes hivernales qui se sont succédées.

               Ensuite, Je vous offre mes plus sincères condoléances quand à la perte tragique de Dame Votre mère. Je ne la connais pas, mais je suis sensible à la douleur que je perçois dans vos écrits. J'ose espérer que vos voisins ont le plus élémentaire savoir vivre que de celui de vous respecter dans ce deuil.

Je pourrais remplis milles pages de mots creux, mais aucun ne saurait alléger votre peine j'en suis navré, Dame de Fernel, mais je tiens à ce que vous sachiez que mes pensées les plus sincères vous accompagnent en ces temps sombres.  

Pour ma part, j'ai pris une petite chambre à l'ennéade, mon sang Estreventin rechignant à pousser mes voyages plus avant par ce climat. Je ne suis pas en peine ni en besoin, il y a beaucoup à apprendre et de gens à aider en cette cité. J'en profite pour faire un peu de tourisme dans la régon.  Voudriez-vous me laisser un message à la Volière publique de Diantra je vous prie?  J'ai loué une case à la volière pour recevoir de vos futures nouvelles.

N'oubliez pas qu'en ces temps sombres, vous n'êtes pas seule. Gardez espoir.

Que votre DameDieu vous garde.


                                                                                     

Claude.

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Le courrier que recevra Claude est plus épais que d’habitude. Une épaisseur annonciatrice de courrier important. Et de fait...Ce qu'il reçoit est écrit à la hâte, d'une écriture incurvée et féminine mais quelque peu hâtive et bien moins ordonnée que d'ordinaire, en plus d'être non daté. Probablement un oubli du à l'anxiété dont il pourra mesurer l'ampleur à la lecture de ce qui suit.

Cher Claude,

Je sais que nous ne nous connaissons pas assez, peut-être trouverez-vous même cette initiative totalement déplacée, auquel cas vous m’en voyez bien navrée.

Claude, je suis perdue. Vous qui avez eu d’excellents conseils et de si gentilles manières à mon égard, vous voilà devenu le récipiendaire de pensées que je n’ose confier à quiconque. Trop de personnes que j’aime sont impliquées, j’ai besoin d’un avis neutre, un avis qui ne sera perturbé par aucune distraction d’ordre sentimental ou d’intérêt économique.

Comment peut-on démêler le vrai du faux ?

Comment savoir si la personne qui me fait face est honnête avec moi ?

Comment puis-je créer mon propre chemin dans ce monde hostile et si plein de perfidies ?

Claude, les gens que j’ai toujours connus se révèlent être de fourbes manipulateurs et ceux que je ne connais pas encore très bien d’éminents membres de ma vie. L’un d’entre eux se révèle être le plus brillant soleil qui ait pu luire sur ma vie et je n’ose me confier à lui, de peur de le faire fuir. J’ai tellement peur de le perdre…

Je n’ose transcrire mes vérités sur le parchemin, de peur qu’il ne tombe entre de mauvaises mains en cours de route, mais, mon ami lointain, sachez que la jeune femme que vous avez rencontrée sur la route de Serramire et qui vous a privé d’un bon lit n’est pas ce qu’elle semble être en réalité et qu’elle ne méritait probablement pas autant d’égards de votre part. De terribles nouvelles me sont parvenues à mon retour à Fernel, des révélations qui me troublent tout autant qu’elles m’affolent.

J’ai peur, Claude. Peur de ce que je veux et de ce qu’on attend de moi.

J’ai peur de devenir autre chose, une autre femme, une personne nouvelle diamétralement opposée à celle que je suis aujourd’hui. Parce que je sens que c’est ce qui est en train de se produire, à l’instant même où je pose ces mots sur le parchemin.

Claude, aujourd’hui j’ai regardé un homme souffrir sous mes yeux sans que je ne dise un mot pour arrêter cela. Cela fait-il de moi une femme mauvaise ?

Cet homme a assassiné ma mère, je suis le centre d’un complot qui me dépasse, et j’essaye de garder la tête froide, de rester concentrée, focalisée sur mes objectifs mais…je ne suis plus certaine de rien ou presque. J’ai l’impression d’être devenue le jouet de forces supérieures, un jouet sur le point de se briser, irréparable.

Je me pose tant de questions.

Je suis perdue au milieu de tous ces événements. J’ai besoin de toutes les lumières possibles afin de dissiper les ombres qui m’ont possédées de toutes parts.

Mon ami lointain, pourriez-vous être, le temps d’une missive, une petite lumière de plus parmi les ténèbres ?

Suis-je mauvaise ?

Pourquoi ai-je peur, continuellement ?

Recevoir une de vos lettres m’apporterait un peu de réconfort provenant de ce monde qui me veut du mal. Peut-être pourrais-je y voir un espoir…un espoir que tout n’est pas que ténèbres et malveillance au-delà des murs de Fernel…

Pardonnez cette brouillonne rédaction, elle est le reflet de pensées tumultueuses et de mon esprit troublé.

Où que vous soyez, je souhaite que vous soyez en santé et que tout se déroule agréablement dans votre vie.

Mes pensées les plus amicales accompagnent cette lettre qui je l’espère vous trouvera heureux et apte à me prodiguer quelques conseils.

Prenez soin de vous, cher Claude.

Vôtre,


Louise