une auberge où on ne s'amuse pas[pv Brok]

L’ambiance n’était pas à la fête dans l’auberge. Elle était entrée quelques heures plus tôt. Et elle, elle avait très mauvaise réputation. C’était une assassine fourbe et traître, une femme en qui on ne peut pas avoir confiance. Les regards qu’on lui jetait étaient, pour la plupart, mesquins et haineux. Seuls quelques uns semblaient porter un peu d’intérêt, soit pour un assassinat ou encore pour tenter d’apprendre son art. Mais ça, jamais elle n’avait voulu le montrer à quelqu’un.

Zulica était venue ici dans l’espoir de se reposer, de trouver un peu de confort entre deux destinations de son voyage sans fin. Elle osait même espérer trouver un contrat, si seulement on pouvait cesser ces mauvaises rumeurs sur elle. Non elle ne mangeait pas les enfants. Non, elle ne faisait pas d’étranges incantations pendant que ses victimes dormaient pour annihiler leur volonté. Non, elle ne mangeait pas les âmes des morts. Elle était une simple hybride, créature des dieux, sans pouvoirs magiques. Elle était psychopompe, mais pas surnaturelle. Elle ne faisait que manipuler l’esprit des gens. Rien de plus.

L’aubergiste, heureusement, était un de ses anciens clients. Elle n’avait donc aucun mal à se trouver une chambre ici. Enfin, normalement. Parce que ce soir il lui avait dit qu’elle devrait désormais se trouver un nouveau toit où se reposer quand elle serait à Diantra. Elle faisait fuir sa clientèle. Et c’était très mauvais pour le chiffre d’affaire. Pour se faire pardonner, il lui offrait gratuitement la bière, le repas et la chambre pour ce soir. Ensuite, elle ne remettrait jamais plus les pieds ici.

Était-elle en rage ou triste? Difficile de déterminer. Chose sûr, à fixer sa énième bière, elle ne devait pas paraître bien amicale. Comme toujours, on faisait des paris, dans un coin, pour voir qui irait lui parler. Elle n’était pas laide, certains plus téméraire pariaient sur celui qui se retrouverait dans son lit et en reviendrait vivant. Autrefois elle en aurait ri et aurait joué le jeu. Mais ce soir, elle en aurait pleuré et aurait assassiné sans pitié le premier qui se serait directement moqué d’elle.

Comme à son habitude, après chaque journée de travail, Brok allait faire un tour à l'auberge. Aussitôt qu'il passa la massive porte de bois, une douce effluve de bière vint lui chatouiller les narines. Enfin, un endroit où il se sentait chez lui. Comme à son habitude, notre garde prit place à une table dans le coin de la salle où viendrait le rejoindre quelques collègues de travail. Déjà, le soleil se couchait et ils étaient maintenant une demi-douzaine de gardes, pinte à la main, en train de jouer à divers jeux de cartes. La soirée commençait bien, jusqu'à temps qu'un évènement vint perturber l'atmosphère de cette petite auberge. Cet élément perturbateur était en fait une femme au long cheveux blanc et apparemment âgé d'une trentaine d'année. Pour une raison qui était inconnue à Brok, un silence s'imposa dans toute la salle. Quelques-uns décidèrent même de quitter l'établissement alors que la femme en question s'installa au comptoir.

Intrigué, Brok questionna ses compatriotes sur l'identité de cette mystérieuse femme. Certains affirmaient que c'était une assassine, sorcière, voire nécromancienne selon d'autre. On prétendait qu'il y avait une bonne dizaine de meurtres à son actifs mais aucunes preuves pour l'inculper. Les rumeurs racontaient qu'un garde avait déjà essayé de l'arrêter ,mais on l'avait retrouvé mort deux jours plus tard, suicidé. Des histoires sans queue ni tête s'enchaînaient une après l'autre et Brok commençait sérieusement à douter de la véracité de certaine d'entre elles. Bien décidé à leur prouver que toutes ces rumeurs n'étaient que des contes pour faire peur aux enfants, Brok se leva et se dirigea d'un pas décidé vers le bar. Il posa son gros derrière sur un tabouret et commanda un whisky. Les bouteilles vides enlignées devant la femme en disait long sur son état. Tout naturellement, le garde se retourna vers elle et lui adressa la parole.

-Bonsoir, euh, sans vouloir être indiscret, mes collègues racontent plein de rumeurs à ton sujet, et hum...j'voulais juste savoir si c'était vrai...

Nul besoin de spécifier la nature des rumeurs, lui demander directement si elle était réellement une sorcière n'aurait sûrement pas été la bonne approche.

Elle aurait répondu oui à cette satanée question que pour avoir la paix. Mais si elle répondait oui, on la chasserait probablement. Elle observa l’homme de la tête aux pieds, l’air impassible, calculant ses mots pour ne pas répondre la mauvaise chose.

« Une rumeur a toujours un fond de vérité. »

Elle réfléchit un peu, tentant de ne pas laisser les brumes de l’alcool engourdir ses pensées. Elle n’était pas sûre si elle devait démentir toutes les rumeurs et passer pour une femme de rien ou si, au contraire, elle devait renforcir celle où on parlait de ses meurtres. De toute façon, elle en avait l’impression, ce soir, même l’aubergiste ne pourrait pas empêcher les gens de la mettre dehors. Au moins, elle aurait eu un bon repas…

« Je ne fais pas de magie, je ne m’attaque pas aux enfants. Je ne porte pas malheur, je ne sème pas la mort à mon passage. Je suis simplement une hybride qui demande à avoir un peu de paix. Ce n’est pas de ma faute si j’ai accepté quelques contrats d’assassinats pour me sortir de la misère quelque fois. Et si mes méthodes ne sont pas conventionnelles, je ne suis pas une sorcière pour autant. »

Elle se retint de ne pas rajouter autre chose à propos de ce qu’elle était. Non, les gens ne sont pas prêts à entendre parler de ce qu’elle est. C’est plutôt dérangeant de découvrir qu’il est facile de se faire manipuler. Vaut mieux garder cela dans le silence.

Elle replongea son regard dans le fond de son verre, l’ambre du whisky dansant dans les lumières. Elle s’y laissa aller pendant quelques instants, puis cala le fond du verre, comme elle l’avait tant fait durant la soirée. Elle reposa finalement son regard sur celui qui était venu lui parler, le seul qui en avait eu le courage de la soirée. Avec un sourire triste elle lui lança :

« Alors, combien ils ont parié? Tu gagnes quoi en venant me parler? »

C’était toujours ainsi. Les gens ne lui parlaient que parce qu’ils pouvaient en tirer quelque chose. Et si ce n’étaient pas pour ses services, c’était pour un pari. Heureusement qu’elle s’était endurcie avec les années.

S'il y a une chose que Brok avait retenue au fil des années alors qu'il traînait dans les tavernes, c'est que lorsque l'alcool rentre, la vérité sort. Ce que venait de dire cette femme confirmait justement la véracité de ce dicton. Rien ne portait à croire qu'elle mentait, elle voulait juste avoir la paix et cela Brok pouvait le comprendre. Il était cependant assez étonnant de l'entendre avouer qu'elle avait déjà effectué des assassinats. Savait-elle qu'elle s'adressait à un garde de la cité? Enfin, cela était sûrement dû à la grande quantité de bières et de whisky qu'elle avait bue. À en juger par la frêle carrure de la femme, il n'était pas surprenant qu'elle ne tolère pas bien l'alcool. Alors que Brok était sur le point de caler son propre verre de whisky, la femme lui posa une question à savoir quelle était le montant du pari. Posant son verre toujours plein, le garde pris cette remarque à la légère. Il n'avait pas fait de pari, mais l'idée était bonne. Peut-être qu'il aurait pu profiter de l'occasion pour se faire quelques pièces d'or.

- J'ai rien parié. J'aurais dû, je suis sûr que j'aurais pu me ramasser une petite fortune. Mais en venant te parler, j'ai quand même gagné quelque chose... j'ai eu un aveu et c'est assez pour te mettre en tôle pour le restant de tes jours ou te faire rôtir sur un bûché...mais si tu as de bons arguments, il est possible que je change d'avis...

Le garde restait sévère et impassible. Il était confiant et avait calculé son coup. Il y avait dans l'auberge cinq gardes prêt à venir lui prêter main forte alors que la femme était seule et dans un état d'ébriété avancé. Théoriquement, Brok avait fini son quart de travail et il n'avait pas envie de retourner au château pour mettre cette femme aux cachots. Il espérait seulement qu'elle lui donnerait de bons arguments, ce qui se résumait généralement par une bourse remplie de pièces d'or. Se retournant, il aperçut ses collègues qui avaient repris leur partie de jeu cartes. De temps à autre, certain d'entre eux lui lançaient un regard interrogateur, surpris de voir Brok aussi calme. Il reporta son attention vers la femme en attendant sa réponse.

(fairplay demandé…. Mon perso est sensé avoir un très fort charisme et être habile manipulatrice…)

Ce fut comme une gifle l’atteignant de plein fouet. Aussitôt, l’ivresse sembla se dissiper quelque peu. Elle venait de faire une grave erreur… mais c’était bien la première fois qu’elle croisait un homme de loi dans cette auberge, et bien la première fois qu’un homme de loi se donnait la peine de lui parler. Enfin, presque. Elle s’était toujours efforcée de se tenir loin d’eux, mais là, elle était prise au piège. Seule façon de s’en sortir : acheter son silence. Et de l’or, elle n’en avait pas.

Un aveu…. Quel faible aveu, d’autant plus stupide. De toute façon, soûle comme elle l’était, elle se demandait bien si l’aveu était recevable. Mais bon, son témoignage serait probablement irrecevable vu son rang et celui du garde. Zulica ferma les yeux pour se concentrer. C’était le temps d’utiliser son art pour se sauver. Elle plongea son regard dans celui de l’homme, un sourire mystérieux flottant sur ses lèvres.

« Tu t’attends à quel genre d’argument? C’est pas parce que j’ai tué il y a 20 ou 30 ans que je suis en mesure de te payer ma liberté. Et puis, si tu me mets en tôle, tu n’y gagnes strictement rien… alors, que veux-tu avoir de moi? »

Il pouvait tout aussi bien la mettre immédiatement en prison. Mais il pouvait tout aussi bien négocier. Et là, elle pourrait le manipuler. Ou du moins, tourner la situation en son avantage. Et sinon, elle avait encore la force de fuir, de se défendre, elle n’était pas trop vieille pour ça. Elle avait encore l’air assez jeune pour avoir un certain charme, et elle pouvait toujours, si tout virait au plus mal, lui offrir ses services.

Intérieurement, elle se maudissait bien d’avoir été si imprudente avec cet homme…

Il était étonnant de voire que la femme restait toujours aussi calme après ce que Brok lui avait dit. Peut-être ne se rendait-elle pas compte dans quelle pétrin elle s'était fourrée. On se demandait comment elle avait pu exercer son métier de meurtrière durant tant d'années sans se faire coincer. C'était facile, un peu trop même. Mais Brok n'allait pas reculer. Rien que pour le prestige, pour le respect qu'il aurait imposé à ses collègues, il fut tenté de la mettre à l'instant aux arrêts après ce qu'il venait d'entendre. Mais le sourire qui pendait aux lèvres de cette dame lui disait qu'il y avait peut-être quelque chose d'autre à obtenir. Il pouvait s'amuser un peu avec elle et ensuite rien ne l'empêcherait de faire ce qu'il voulait. C'était dur à admettre ,mais mettre au bûcher une si jolie femme était un réel gaspillage. Dire qu'elle aurait pu être encore plus belle si elle avait été humaine et non une bâtarde.

Pensif, Brok revint rapidement à la réalité et se concentra sur ce qu'elle lui avait demandé. Ce qu'il voulait avoir d'elle? Le garde réfléchi un moment avant de donner sa réponse. Évidemment, tout salopard dans son genre aurait pu exiger des faveurs sexuelles et il aurait été tout-à-fait naturel que Brok opte pour cette option. Il était cependant peu intelligent de coucher dans le même lit qu'une assassine; cela était littéralement du suicide. Que demander alors? La réponse ne se fit pas attendre plus longtemps.

-Tu dis que tes méthodes étaient peu conventionnelles. Qu'est-ce que ça veut dire au juste? De quelles méthodes tu parles? En général, si les gens pensent qu'une femme est une sorcière, c'est simplement parce qu'elle est laide, et ce n'est pas ton cas. Donc, c'est qu'il y a sûrement une autre raison... Lança-t-il tout en essayant de masquer sa curiosité.

Puis, il but son verre de whisky d'un trait et commanda immédiatement un autre. Il fallait pas qu'il boive trop. Tant que cette femme était plus saoule que lui, il avait un certain avantage. En plus il devait se lever tôt le lendemain pour aller travailler. La dernière fois qu'il s'était retrouvé devant son supérieur avec une gueule de bois, il l'avait amèrement regretté.

Elle devait rester calme. Même si son coeur battait à une vitesse folle et qu'elle craignait que le jour de sa perte soit arrivé. Elle avait encore de nombreuses façons de s'en sortir. Mais il lui faudrait beaucoup de calme et d'intelligence. Il ne fallait pas prendre peur. Elle semblait etre pleine d'assurance, en aparence, mais jamais encore elle n'avait du faire face à une telle situation. Pourtant elle l'avait toujorus imaginée et prévue, consciente qu'un jour ou l'autre, elel risquerait sa liberté.

Il lui posa une question intéressante. Pour se donner confiance, elle se força à paraître tout à fait à l'aise, osant même rire un peu. Même si au fond d'elle, elle angoissait.

"tu veux que je te donnes mes méthodes? C'est ingénieux de ta part. Comme ça, tu as les accusations et je t'offre les preuves du crime. Je ne suis pas à ce point idiote"

Elle laissa planer le silence quelques moments avant d'oser rajouter:

"La seule chose que je peux te dire c'est que jamais on ne pourrait m'accuser. Parce que je n'ai jamais tué personne"

Drôle de façon de décrire ce qu'elle faisait. Mais la subtilité était là: oui elle avait fait des assassinats, mais jamais elle n'avait directement tué quelqu'un. Elle se l'était toujours interdit. Elle était coupable de la mort de quelques personnes. Mais seulement dans la mesure où on découvrait son jeu.

"Maintenant... si tu veux en savoir plus... eh bien je devrai avoir soit ta parole que tu n'en parleras jamais et que tu ne t'en serviras pas pour m'accuser... soit m'assurer que tu ne pourras jamais en parler. Je ne suis pas sorcière, mais je peux devenir bien pire si mon secret est en danger."

Autrement dit, le tuer. Il avait donc le choix entre satisfaire sa curiosité et la laisser partir, ou ne jamais rien savoir sur elle.

À mesure que la discussion avançait, l'impatience du garde augmentait. Cette femme voulait négocier alors que tout ce qu'elle avait à offrir n'était que quelques informations que Brok aurait pu facilement obtenir avec la torture, très utilisé par les gardes en général. Salissant ,mais assez efficace comme méthode. Dommage que Brok n'ait pas un tisonnier ou une bonne lame de rasoir sous la main. Peut-importe, il allait obtenir ce qu'il voulait, c'était l'essentiel. D'une oreille attentive, il écouta les paroles de la femme. Selon ses dires, elle n'avait jamais tué personne. Croyait-elle vraiment qu'il était assez con pour gober cette histoire alors qu'il y a peine quelques instants, elle avouait avoir commis des assassinats? C'était vraiment insultant pour le garde. Il avait le gros bout du bâton, c'est lui qui avait le dessus. Elle le menaçait de le tuer s'il révélait son secret alors que lui n'avait besoin d'aucune raison pour la tuer une fois qu'il aurait entendu ce qu'il voulait. À moins que toute cette mise en scène ne soit qu'une manipulation pour faire gagner à cette femme un peu plus de temps.

-Ma parole contre ton secret? Ton offre est intéressante, mais j'ai quelque chose de mieux à te proposer. Tu me dis ton secret à l'instant ou bien j'te paye un séjour en tôle et ce, pour le restant de tes jours. Si je juge que c'est assez intéressant, j'te laisserais partir sans histoire. C'est un marché honnête, à ta place, j'accepterais. Tu ne veux pas savoir ce qui t'attend en prison, crois moi.

Si cette femme avait été plus aimable et n'avait pas menacé Brok, peut-être que ce dernier aurait été plus indulgent. Il n'avait plus le goût de rire et bien que cette femme était très belle, elle commençait à l'énerver. Cependant, le garde était resté calme, ce qui était chose rare dans ce genre de situation. Elle n'avait pas l'air de comprendre toute la gravité de sa situation. Une chance pour elle que Brok était un garde aisément corruptible, car dans le cas contraire, la discussion aurait été de courte durée.

-Et si tu crois que j'ai besoin de preuves pour te mettre en état d'arrestation, tu connais mal la justice de Diantra...

Une preuve, cela pouvait aisément être inventée. D'après la réputation de cette femme, il ne serait pas difficile de trouver quelques personnes volontaires pour faire de faux témoignages.

Le pari était risqué. Elle avait mal calculé et maintenant elle se retrouvait avec un garde de Diantra sur le dos. Fuir? Quelle idiotie. Elle devait faire face au danger, sinon… sinon elle irait vraiment en tôle. Et il était à douter que ce garde se chargerait qu’elle y reste. Elle n’aurait peut-être pas du trop s’amuser. Là, elle savait bien qu’elle ne le manipulerait pas. Elle détestait s'avouer vaincu, mais force était de constater qu'elle ne pouvait pas essayer de vaincre maintenant. Ca y est, un de plus qui allait savoir son secret. En espérant qu’il devienne un bon client. Elle ferma les yeux, poussa un profond soupir, pour être prête à faire ses aveux. Elle détestait devoir les faire. Elle regarda l’homme droit dans les yeux, avec un air sans émotion, et lui dit :


« Je n’ai jamais assassiné personne. Mais j’ai souvent poussé des gens au suicide. »

C’était bien simple, bien clair. C’était la stricte vérité. Et pour cela, difficile de l’accuser. Pour ne pas laisser le garde sur sa faim et du coup se le mettre encore plus à dos, elle continua :


« Je n’assassine pas avec un couteau ou une quelconque arme. Je ne fais que convaincre les gens que leur vie ne sert à rien. Que la mort vaut mieux. Et parfois, je ne fais que les manipuler un peu pour tirer une information, ou une signature sur un document… je ne suis pas une assassine au sens propre du terme. Mais il faudrait des preuves très solides pour me mettre en tôle. Parce qu’il ne reste jamais aucune preuve de ce que j’ai fait »

Bon, là, elle avait fait ses aveux et elle pouvait fort bien imaginé qu’il la mettrait en tôle. À moins qu’il ne veuille se servir personnellement d’elle. Elle était prise au piège. À sa merci. Et il serait difficile de tenter de le persuader à quelque chose. Elle regarda les quelques verres vides traînant autour d’elle. Décidément, elle n’aurait pas du boire autant. Ni même venir dans cette auberge. Elle aurait du rester quelque part dans les bois. Là, au moins, sa vie aurait été moins à risque qu’avec ce garde.

Toujours avec cet air absent d’émotion, elle lui lança :

« Alors, qu’est-ce que tu veux faire de moi maintenant? Me mettre en tôle? Te servir de moi? »

Au point où elle en était, elle ne pouvait que subir. Du moins, c’est ce qu’elle s’imaginait pour le moment.

Enfin, une réponse directe à sa question. Le garde s'accouda sur le comptoir et buvait chacune des paroles de la femme devant lui. Sa déclaration le surpris, légèrement déstabilisé par le calme de son interlocutrice. Elle lui avoua alors que techniquement, elle n'avait jamais tué quelqu'un, qu'elle ne faisait que pousser au suicide. Un peu comme un criminel qui réfute un meurtre en disant que c'est sa dague qui a causé la mort et non lui. Il n'empêche que la méthode soi-disant utilisée par cette femme était tout-à-fait hors du commun. Il était évident que cette femme était soit très convaincante et charismatique, ou bien juste très chiante. Enfin, à la lumière de ce qu'il venait d'apprendre, toutes les rumeurs avaient un certain sens à présent. Brok se repositionna sur le tabouret et regarda le verre de whisky devant lui. Sa curiosité avait disparue, Brok n'était plus en colère, ni amusé, il était simplement dégouté. À bien y penser, si elle disait la vérité, alors pourquoi ne pas avoir essayer d'utiliser sa méthode sur lui? S'il y avait quelqu'un qui pouvait aisément être convaincu que sa vie ne servait à rien, c'était bien Brok. Après tant d'années passées à faire toujours le même travail, en plus de la peste, la guerre qui s'annonçait...Une chance qu'il y avait toujours un bon vieux whisky prêt à lui redonner ne serait-ce qu'un semblant de courage. D'ailleurs, il était temps pour Brok de finir son verre qui attendait depuis trop longtemps.

-Ça doit être efficace comme méthode, mais c'est sûrement la façon la plus horrible de tuer quelqu'un. Il faut vraiment avoir un esprit dérangé pour faire ce que tu dis. J'me demande bien comment est-ce que...

Le garde ne finit pas sa phrase. Il ne pouvait plus supporter le regard sans émotion de cette femme. Elle lui parlait de cela, comme si de rien n'était, même pas une once de remord. Pour être franc, il avait cru qu'elle lui révèlerait quelque chose de plus original, mais pas à ça. Comment quelqu'un de sain d'esprit pouvait corrompre une personne à un point tel qu'elle se suicide? Le garde n'était pas sûr de vouloir une réponse à une cette question. Si cette femme était réellement capable de faire ce qu'elle prétendait, alors Brok avait intérêt à finir cette conversation au plus vite.

-J'vais rien faire, il n'y a rien à faire avec quelqu'un comme toi. Que Néera ait pitié de toi.

Le pire dans tout ça, c'est qu'il ne pouvait même pas dire qu'elle méritait de mourir. Elle méritait pire. C'était dommage, une si belle femme, les apparences étaient pourtant trompeuses. Elle ne valait pas mieux que tous ses malfaiteurs qui pourrissaient en prison ou qui flânaient dans les ruelles sombres de la cité. Sans même attendre une réplique de cette femme, Brok se leva et retourna s'asseoir avec ses collègues. Sans aucun doute, ils allaient le bombarder de questions, mais lui préférait seulement oublier la rencontre qu'il venait de faire. L'air morose, il jeta un dernier regard vers la femme assise au bar avant de prendre place à la table. Une femme qui peut tuer seulement en contrôlant l'esprit, il y avait de-quoi avoir peur.

Miria en avait eut assez de la compagnie de Thomas Fabius. Ce dragueur inélégant avait réussi à avoir raison de sa patience, et la jeune femme décida de retourner dans la taverne.
Elle avait soif d'alcool, désirant s'ennivrer pour mieux oublier son ennui latent.
Cette journée n'avait définitivement pas été à la hauteur de ses espérances.

Miria claqua lourdement la porte d'entrée de la taverne derrière elle, et se dirigea d'un pas engagé au coin du bar, sa place fétiche. Elle ne prit comme à son habitude même pas la peine de jeter un regard aux autres clients de l'établissement. Elle n'avait guère la préoccupation des gens, sauf si ceux-ci pouvaient se montrer d'un quelconque intérêt à ses yeux.

C'est sans regarder autour qu'elle s'engagea dans la taverne et c'est toujours sans regarder autour d'elle que Miria cogna nonchalemment l'épaule d'un homme qu'on pourrait presque deviner rondouillard, à la calvitie très prononcé et portant visiblement un uniforme.

Miria ne s'excusa même pas et gagna sa place, dans un coin du comptoir. Elle commanda au tavernier une bonne chope de bière et resta là, perdu dans ses pensées. Elle avait déjà oubliée le soldat qu'elle venait de bousculer grossièrement.

La soirée continuait avec son lot de conversations et d'alcool. Brok était en ce moment en pleine discussion avec un autre garde au moment où une personne lui accrocha l'épaule et ne prit même pas le temps de s'excuser. Franchement, la population de cette ville n'avait vraiment aucune politesse. Brok se fit un devoir d'aller montrer à cette blondasse ce qu'il arrivait lorsqu'on importune un membre de la gendarmerie. La brute se leva et se dirigea vers le comptoir. La salle était remplie à craquer et étant corpulant, Brok avait de la difficulté à se faufiler parmi tout ce monde. Par simple malchance, il accrocha un homme qui, sous le choc, renversa sa bière. Brok n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche que déjà, l'homme enragé lui sauta littéralement dessus. Les deux hommes perdirent l'équilibre, tombèrent sur une table, défonçant celle-ci. La demi-douzaine de client qui était attablé à la table en question décidèrent de donner à ce soulon une bonne leçon. Pour couronner le tout, les gardes de l'autre bout de la salle décidèrent de calmer la situation à leurs manière c'est-à-dire en ruant de coups un peu n'importe qui. Des personnes originalement n'ont impliquées dans cette bagarre décidèrent tout-de-même d'y participer et en moins de temps qu'il n'en faut pour dire bagarre générale, c'était le chaos total dans la taverne. Des bouteilles se brisaient en éclats ici et là, des chaises volaient de toutes part et les tables se fracassaient au gré de la bagarre. Heureusement, la soirée était déjà avancée et la plupart avaient un taux d'alcool assez élevé. La moitié des personnes étaient trop saoul pour donner un coup-de-poing efficace et l'autre moitié était aussi trop saoul pour ressentir une quelconque forme de douleur. En ce qui concernait Brok, il était plaqué au sol en train de lutter contre l'ivrogne qu'il avait eu la malheur d'accrocher il y a peine quelques secondes. Écrasé contre le sol et se faisant ruer de coups, notre garde tentait aussi bien que mal de se déprendre. Il ne pouvait qu'espérer se sortir de ce merdier le plus rapidement possible.

Miria ne compris pas ce qui venait de se passer. En seulement quelques secondes, la totalité des clients de la taverne était en train de se taper dessus.
La jeune femme n'avait la moindre idée de ce qui avait put provoquer un tel chaos, maismalgré son intention de ne pas y prendre part, un idiot totalement ivre lui rentra dedans et l'envoya bouler à même le sol.

D'une nature pourtant calme, Miria ne sentit son sang ne faire qu'un tour et se fraya un chemin tant bien que mal, parmi la foule en bagarre, pour atteindre le saoulard et lui flanquer une bonne correction.
Malheureusement, elle se prit les pieds dans quelque chose et tomba par terre. Elle se retrouva nez à nez avec un homme très moche portant un uniforme, et aux prises avec une autre homme qui le ruait de coup.

"Besoin d'un coup de main l'ami ?" demanda Miria d'un ton presque amusé.

Toujours plaqué contre le plancher de l’auberge, Brok encaissait coups après coups n’ayant aucun moyen de se déprendre des attaques de cet ivrogne en furie. Par simple coïncidence seulement, la femme qui avait malencontreusement accroché le garde un peu plutôt, était désormais elle aussi étendu sur le sol, nez à nez avec lui. Malgré tout le brouhaha qui régnait dans la taverne, le garde pu entendre ce que cette inconnue lui disait et il du admettre qu’un peu d’aide ne serait pas de refus. Seulement, l’égo du garde ne pouvait concevoir se faire aider par une femme et donc, il se contenta de pousser un grognement qu’on pouvait interpréter comme étant un ‘non’. L’autre alcoolique paraissait maintenant avoir perdu l’intérêt à frapper Brok qui, de toute façon, ne réagissait plus aux coups. Profitant de cette occasion, le garde agrippa le collet de l’homme, le frappa brutalement au visage et le projeta sur la personne couchée à côté de lui. D’un geste de la main, il s’essuya le sang qui coulait le long de sa bouche et se releva. Ce court moment de répit permis à notre garde ventripotent de dégainer sa bonne vieille matraque. Ainsi armé, il s’en donna à cœur joie, frappant tout ce qui entrait dans son champ de vision. Ceux qui avaient le malheur de mettre leur tête dans la trajectoire de sa matraque en subissait les conséquences. Quelques gerbes de sang venaient tacher le plancher de bois déjà à moitié recouvert de corps piétinés. Le garde pivota, prêt à abattre tout ce qui se trouvait dans son champ d’action. Pour le moment, il épargnait les personnes déjà au sol, tant qu’elles ne représentaient pas une menace. À l’autre bout de la salle, l’aubergiste criait à plein poumon en essayant tant bien que mal de stopper cette pagaille. Déjà, il y avait un peu moins de monde dans la bagarre. Certains était tout simplement partit alors que d’autres étaient allongé sur le sol, incapable de poursuivre la bataille. Avec l’intervention des gardes, il y avait de forte chance que cette bagarre soit terminée bientôt.