La vérité révélée ou Dure nuit pour Cassandre... [pv Azhar/Aleth]

Dans une petite suite du Palais de Baaz’Hima, Aleth se tenait debout, attendant avec une impatience non dissimulée que l’artisan ait fini son travail. Elle avait pris ses fonctions en tant que Sublime depuis déjà plusieurs ennéades. Comme elle l’avait souhaité, elle avait commencé par reprendre ses effets personnels dans le dortoir, s’interdisant que quiconque y touche. Les appartements de Suhayl avaient déjà été préparés pour son successeur et elle n’eut qu’à déposer son paquetage sur le lit et, tandis qu’elle attendait que viennent les Grands Sacri et Sacra qu’elle avait fait appeler « sur ordre de la Sublime Akhaban » elle s’installa dans ses nouveaux meubles. Etant donné le peu de biens qu’elle possédait, cela fut vite fait et dut attendre dix bonnes minutes qu’ils arrivent.
Les deux officiers n’avaient pas caché leur étonnement en découvrant leur nouvelle supérieure et Aleth n’en attendait pas moins d’eux. Ils se montrèrent même réticents mais finirent par prêter serment, bien obligés de s’incliner devant une nomination express du Prince. Ils ne purent toutefois pas s’ôter de la tête l’idée qu’il ne s’agissait là que d’un caprice de sa majesté et espérèrent qu’il se reprendrait d’ici moins d’un mois.

Le premier ordre d’Aleth fut de faire remplacer tous les Akhabans par des sacris et sacras durant une heure ou deux, le temps de les rassembler dans les jardins pour les passer en revue. Là encore, tous n’accueillirent pas la nouvelle avec enthousiasme. Certains retroussèrent même les babines. La Sublime se montra ferme et prit en grippe un homme grand et fort qui avait eu le malheur de ronchonner un peu trop fort. Elle le remit alors en place et, voyant que ça ne suffisait pas, elle le fit avancer avant de se placer face à lui, en position de combat. L’homme était confiant, sûr de sa force et donc de sa supériorité. Malheureusement pour lui, sa carrure ne lui fut d’aucune utilité et il finit à terre, sévèrement sonné. La scène eut le mérite d’attirer sur Aleth le respect d’une partie des Akhabans et c’était ce qu’elle cherchait. Elle prit ensuite la parole, intimant l’ordre à ceux qui voulaient encore se frotter à elle d’avancer. Mais personne ne bougea.

-Et maintenant, je vais être franche ! Vous vous croyez une élite ?

Elle montra du doigt la montagne de muscles encore à terre qui peinait à se relever.

-Vous croyez qu’en gonflant les pecs, vous arriverez à remplir votre mission ?

Elle s’avança rapidement vers l’un des Akhabans aligné devant elle et lui hurla dessus.

-Y SERAIT TEMPS DE VOUS REVEILLER !!!

Là, sa politique était claire. Avec Suhayl, l’ex-assassine avait assisté à une déchéance, observant avec consternation les failles qui se dessinait dans ce corps armé qui se voulait pourtant aussi prestigieux qu’efficace. Mais à ses yeux, ils n’étaient pas à la hauteur de l’image qu’elle s’en était fait.
Elle recula enfin de quelques pas et monta sur une ou deux marches afin que tout le monde la voit et commença à annoncer le programme : entraînements doublés, renforcement des rondes et des tours de garde, réorganisation de la sécurité, changement radical des méthodes actuelles… C’était une nouvelle erre qui naissait avec elle. Elle ajouta qu’elle ne tolèrerait aucun écart de conduite qui nuirait à la protection du Prince, de son harem, de sa famille et même du Palais.

-Si y en a parmi encore vous qui ne sont pas d’accord… ou qui font encore allégeance au traître Suhayl… Je ne les retiens pas. Epargnez-moi une chasse aux sorcières.

Voilà qui achevait de poser sa personnalité et son autorité. Quelques Akhabans quittèrent les jardins et furent escortés à la sortie par des Sacris.

Les serments d’obédience se déroulèrent dans un calme presque surnaturel et Aleth dut sacrément prendre sur elle pour ne pas montrer son ennui et son impatience d’en finir avec cette sorte de cérémonie obligatoire.

Dans les jours qui suivirent, d’autres changements s’opérèrent. Sans qu’elle ne le demande, on installa dans sa salle de bain une coiffeuse… Comme si elle allait se maquiller, se coiffer et se pouponner ! Elle fit changer son bureau, encore tâché par le sang laissé par Suhayl lorsqu’elle lui avait cloué les mains dans le bois à l’aide de ses dagues de lancer, et acheter un bureau pour son assistant. Ce dernier d’appelait d’ailleurs Bakrim. C’était un jeune homme au teint hâlé et aux cheveux noirs. Il se tenait droit et lisait sans peine. Il se montra assez dévoué dès les premiers jours et Aleth remercia le ciel de ne pas être tombée sur un imbécile bavard et lèche-botte.
Commencèrent ensuite les joyeusetés… La Sublime devait tout revoir : les tours de gardes, les postes de surveillance, les itinéraires des rondes, le mode de sélection des Akhabans… Et, au milieu de tout ça, elle devait trouver du temps pour s’entraîner, entraîner ses hommes à sa manière, apprendre à lire, améliorer sa garde robe et assister à des entretiens pour lesquelles Azhar réclamait sa présence, pour sa propre protection notamment.

Quelques jours auparavant, Aleth avait eu une vive discussion avec le Prince qui souhaitait désormais sa présence dans un tout autre environnement… Il se préparait en effet à assister à une soirée qui aurait lieu au Palais et il la voulait à ses côtés soit disant pour sa sécurité… avant de préciser que c’était tenue de soirée obligatoire. Dans sa grande générosité, Azhar lui offrit de lui acheter une robe et il fut reçu… Premièrement, l’Akhaban n’avait pas l’intention de se faire entretenir ni de devoir quoi que ce soit au Prince. Ensuite, il était tout simplement hors de question qu’elle porte une robe. Elle trouverait un autre moyen mais ça serait veste et pantalon : point barre ! Aleth était ressorti de là en marmonnant qu’en plus de tout ce qu’elle avait à faire, il fallait maintenant qu’elle se mette aux mondanités…
Voilà donc pourquoi la Sublime attendait en tapotant du pied depuis une heure. Heureusement pour elle, le nouvel intendant du Palais avait pris sur lui de contacter un tailleur pour lui confectionner un genre d’uniforme de cérémonie qui scierait tout à fait à ce genre de situation. Il s’agissait d’une longue tunique orangée brodée d’or dont le col droit était orné de chaque côté de son insigne. Le décolleté était élégant sans être vulgaire, à l’image de a demie-elfe qui se savait belle sans faire d’efforts pour le montrer. En dessous, elle portait un pantalon et des bottes noirs, tranchant avec la couleur vive de son haut et marquant le formalisme et le sérieux dont elle devait faire preuve même en pleine fête. A sa demande, quelques emplacements furent prévus afin de dissimuler une dague ou deux. Dans un petit moment, elle serait fin prête. Toutefois, il lui restait encore quelques détails à régler concernant cette soirée et elle devait s’assurer que tout son dispositif était en place avant de rejoindre Azhar dans sa chambre pour commencer son escorte…

Une fois habillée (et coiffée...), Aleth se rendit sur le terrain. Elle s'assura de la sécurité de la salle, vérifiant que tout le monde était déjà à son poste, comme ile se le devaient depuis plus d'une heure. Certes, les invités n'étaient pas encore là mais ils avaient pour ordre de repérer les serveurs de service et de s'assurer que rien de suspect ne transpirait dans les préparatifs. Elle fit ensuite le point avec les Grands Sacri et Sacra afin de revoir chaque détail de l'organisation qui se tenait dans l'ombre de la soirée. La sécurité avait été renforcée dans tout le palais pour l'occasion et les entrées et sorties étaient contrôlées depuis la veille.
Lorsqu'elle eut terminé, elle prit la direction de l'entrée officielle du Palais. En chemin, elle s'assura que le parcours jusqu'à la salle de réception était bien gardé comme elle l'avait demandé. Pas un recoin ne devait demeurer en dehors du champ de vision d'un garde... Gardes qui avait pour instruction de veiller à ce que tous les invités ne changent pas de destination et ne porte pas une arme cachée sur lui. Les épées de cérémonie, souvent mal affutée et dans tous les cas peu discrètes, ne représentait pas une menace pour la Sublime, estimant l'attaque trop prévisible et donc facile à repousser.

Dans le grand hall, sous le porche donnant sur le couloir, se tenait l'intendant. Son rôle à lui était de s'assurer que tous ceux qui présentaient avaient l'invitation associée et figuraient sur sa liste avant de les laisser entrer. Il ne bougerait ensuite pas de place jusqu'à ce qu'il ait vérifier que tout le monde était bien repassé devant lui pour partir. Aleth ajusta les derniers détails de sa mission avec lui et vérifia qu'il avait bien tout ce dont il avait besoin lorsque les premiers invités se présentèrent. Elle resta alors, le temps de se faire oublier. C'était un bon moyen pour elle de s'assurer que l'intendant appliquait bien ce qu'elle lui avait demandé.
Après un moment, elle revint sur ses pas pour s'enfoncer à nouveau dans le palais. Elle marchait si vite qu'elle dépassait les quelques invités qui avaient franchi le seuil depuis à peine quelques minutes. Elle quitta finalement le chemin tracé par les Akhabans pour se diriger vers les appartements royaux. Arrivée devant la plus belle porte, elle s'arrêta, frappa et entra.

Elle avait demandé à Azhar de ne pas quitter sa chambre sans elle. Puisqu'il voulait qu'elle se charge elle-même de sa sécurité, elle le ferait du début à la fin, c'était-à-dire, depuis le moment où il mettrait le nez hors de ses appartements jusqu'à ce qu'il y soit de retour. En l'absence du souverain, les lieux seraient gardés de l'extérieur ET de l'intérieur.

Elle se posta non loin de la porte, signe qu'elle n'avait pas l'intention de s'attarder. Sans plus de formalités, et pendant que le Prince achevait de se préparer, elle lui fit un rapide état des lieux.

-Les invités ont commencé à arriver. Jahssin s'occupe de vérifier leurs entrées et sorties du Palais et des Akhabans quadrillent le trajet jusqu'à la grande salle. Les gardes sont déjà en place là-bas.

Aleth marqua une pause avant de reprendre.

-En fait, il ne manque plus que vous.

Elle lui passait les détails de la sécurité mise en place autour de la salle de réception et du palais, estimant qu'il n'en avait probablement rien à faire. Après tout, elle était payée pour s'assurer que tout se passe bien à ce niveau-là.
La tunique de la Sublime était faite d'un tissu souple et léger se soulevant au moindre souffle de vent. Toutefois, la partie haute ne risquait pas de bouger et de dévoiler le moindre centimètre carré supplémentaire de peau. Le col droit lui donnait une stature droite et un brin d'élégance qui lui était jusque là encore inconnu. Elle devrait pourtant s'y habituer. Bientôt, toutes ses tenues seraient ainsi car c'était l'un des signes distinctifs de son garde. Afin d'achever l'ensemble de son allure, on l'avait contrainte à troquer son habituelle tresse contre un chignon. Mais pas une vulgaire boule à l'arrière du crâne ! Mais une masse soignée et pleine de voluptes dans laquelle on avait disséminer quelques perles dorées.

-Vous êtes prêt ?

La nomination d’Aleth comme Sublime Akhaban avait fait du bruit les jours suivant sa nomination. L’aristocratie de Baaz’Hima était pourtant habituée aux caprices de son Prince-Marchand, cela n’empêchait pas certains d’émettre à vive voix leurs doutes. Ce qui était compréhensible car devenir Grand ou Sublime Akhaban s’était s’assurer une place au palais, graviter autour du prince, être dans son cercle intime. Plusieurs familles de haut bourgeois de la cité rêvaient de voir l’un de leurs fils ou filles, car possibilité de devenir intime avec le Prince, porter cette remarquable charge. Cela apportait du prestige, et permettait de plaider la cause de la famille auprès du Salougan. Mais au grand désarroi de certains, il avait choisi Aleth. Ceux qui diront qu’il l’avait prise pour ses beaux yeux auront raison. En partie. Mais la vérité était que la semi-elfe avait fait preuve d’une grande efficacité durant son service, sa témérité, mal placée ou pas selon les gens, avait empêcher un assassinat au sein du sérail. Le bâtiment qui était censé être le plus protégé de la cité. Elle était de ces femmes qui peuvent tenir tête à n’importe qui, efficaces et amusantes.

Azhar lui prêtait une attention plus que nécessaire. Il lui avait donné un esclave pour lui apprendre à lire, puis dans un second temps à écrire. Il lui achetait également des tenues de cérémonies, en insistant auprès des tailleurs pour connaitre ses mensurations dans une curiosité qui n’avait rien de professionnelle. Toute cette attention avait attiré celle de sa seconde épouse qui durant l’une de leur chevauchée endiablée lui avait demandé de manière beaucoup moins enjolivée « s’il sautait la jeune mercenaire dans son bureau. » Ce à quoi le Prince n’avait répondu que par un sourire énigmatique et des baisers. S’il lui avait dit la simple vérité, soit « non », Dàlya ne l’aurait pas cru et n’aurait pas compris pourquoi il lui mentait (alors que non), puis se serait posé des questions embarrassantes à propos de son époux qui se ramollissait. Aussi belle que Dàlya l’était, elle ne pouvait pas comprendre que son prince ne profiter pas d’une paire de fesses alors que celle-ci était si appétissante et proche de lui ; elle ne pouvait pas comprendre qu’on lui dise non. Nombreux ne comprendraient pas. Après tout, il était le Serpent des Milles-Sens, Prince Marchand de Thaar, Seigneur de la Très Parfumée Baaz’Hima. On ne lui disait pas non à moins d’être son égal.

Le faste des Princes-Marchands en impressionnait plus d’un. Plus ils étaient riches et plus leurs réceptions étaient grandiose. Celle de l’Himaéens ne dérogeait pas à la règle bien qu’elle était modeste par rapport à d’autres. Des représentants, des princes et princesses de Thaar, Geresh, Mathaora ainsi que des marchands de Sol’Dorn et des Sept-Monts étaient là. Quelques yssois étaient également attendu. La salle du trône servait de salle de réceptions. L’estrade sur laquelle se trouvait les deux trônes était ceinturé par des sacras. Les vitraux diffusaient la lumière du coucher de soleil sur l’audience qui entrait petit à petit. Azhar n’était pas là pour les accueillir bien entendu. Les piquiers akhaban étaient présents dans la grande pièce aux quatre dômes, vêtus élégamment mais sans entrave ; ils encadraient chaque pilier et de temps à autre on pouvait en apercevoir un loucher sur les fesses d’une princesses ou un autre sur des carafes de vins. Mais le fait de savoir que le lendemain ils iront aux bordels de la ville les motiver à rester debout ainsi.

Azhar était dans sa suite à s’habiller. Assise sur un confortable divan, sa deuxième épouse Dàlya. La Prime-Epouse était malade, son prince soupçonnait une autre grossesse. Dàlya était celle qui sera à son bras durant la soirée. Elle portait une robe rouge et noire qui laissait son ventre à l’air libre, avec des manches amples et translucides. Salougan lui était debout tandis qu’une esclave lui colorait une de ses mèches en indigo, la dernière mode.

« En l’honneur de quoi déjà cette célébration ? »
« De mon succès et de mes nouveaux collaborateurs. »

Dàlya répondit par un sourire. Etre une épouse avait ses avantages, elle se rappelait encore de l’heureuse face de son père lorsqu’elle lui avait apprit qu’elle se marierait avec un prince thaari. Ils furent interrompus par des coups à la porte. Surement Aleth qui avait demandé à ce qu’il l’attende avant de sortir, elle prenait son travail très au sérieux. Elle patientait devant la porte, et lui fit un rapide état des lieux. Dàlya continuait de sourire.

« Très jolie décolleté. »
« Très jolie paire. »

Azhar rit et lui fit comprendre qu’il était prêt. Sortant de la suite, il donna son bras à Dàlya pour rejoindre ses illustres invités. Aleth, bien qu'elle n'avait pas mise la robe offerte avait fait un effort sur sa présentation. Ses perles sur son chignon étaient grotesque et sans valeur, le prince se promit de lui offrir quelques bijoux pour qu'elle ne se trompe plus ainsi. Pour animer la soirée, Azhar avait loué les services d'une compagnie de la Princesse Mylinéa. Lors de l'avancée du couple princier dans le couloir menant à la salle, des tambours se mirent à jouer pour rythmer leur avancée. Lorsque les portes s'ouvrirent, des cracheurs de feu à plume annoncèrent leur arrivée d'un jet de flamme. Tout sourire et tout mielleux, mari et femme commencèrent à saluer leurs convives les uns après les autres jusqu'à arriver à leurs trônes sur l'estrade. Aleth sur leurs talons. Dàlya ne s'était encore jamais assise dessus, remplaçant pour la première fois la Prime-Epouse à Baaz'Hima. Lorsqu'Azhar tapa dans ses mains, les festivités purent officiellement commencées et des danseuses du ventre à moitié dénudée rentrèrent dans la salle pour les divertir tandis que certains invités se pressèrent devant l'estrade pour faire part de leurs doléances.

Aleth tourna son regard vers la seconde épouse et haussa un sourcil dans sa direction, l'air de dire : "jalouse ?". Certes, c'était un peu provocateur mais son compliment n'avait rien d'agréable et la Sublime n'était pas du genre à la fermer. Ce n'était pas toujours très approprié mais, après trente ans de répression au service de son maître, elle avait lâché les vannes depuis longtemps.
Contrairement à la Prime-épouse, la semi-elfe n'aimait pas beaucoup Dàlya et n'avait qu'assez peu de respect pour elle... Elle était capricieuse et ne se prenait pas pour n'importe qui. D'accord, elle était l'épouse d'un Prince de Thaar mais le simple fait de l'être aurait dû lui suffire. Le faire ressentir à tout le monde et à tout bout de champ était insupportable pour Aleth qui, d'ailleurs, aimait parfois à lui rappeler qu'elle restait une femme parmi des centaines d'autres... Mais en mettant un peu d'ambiguïté dans ses propos. La seconde épouse était également très possessive avec son mari. Là encore, la Sublime ne comprenait pas comment on pouvait encore avoir ce comportement avec un homme qui partageait légitimement son lit avec quelques centaines de femmes. Elle ne devait pas savoir comment occuper ses journées autrement...

Mais l'échange s'arrêta là et le trio se rendit jusque dans la grande salle pour assister aux festivités. Les cracheurs de feu, les troubadours, les salutations avec toute l'assemblée... Aleth ne cessait de se répéter à quel point elle était bien à sa place. Pour rien au monde elle n'aurait voulu être mise au devant de la scène, à jouer de faux semblants et de coups bas, tout ça pour voir qui aura la plus grosse à la fin. Son poste auprès d'Azhar la rapprochait certes de tout ceci mais en tant que personnage secondaire tout en la mettant à l'abri de son maître Salaztan et de son salopard de fils.
Alors que leurs majestés faisaient le tour de leur convive, la Sublime les suivait toujours, détaillant les visages de chaque invité et s'assurant qu'aucune arme n'avait échappée à la vigilance de ses hommes. Parmi eux, il y en avait quelques uns qu'elle avait déjà croisé lors d'un précédent entretien avec le Prince. Elle avait retenu les noms de chacun d'eux et avait mémorisé leur visage et leur façon de se mouvoir afin d'être en mesure de détecter le moindre changement dans leur comportement.

Alors qu'Azhar attirait sa femme vers les convives suivants, le sang d'Aleth se pétrifia. Le dignitaire de Sol'Dorn qui saluait à présent le Prince était l'un des anciens "amis" de son maître. Il traitait souvent avec lui et connaissait plutôt bien Cassandre... Assez en tout cas pour être en mesure de la reconnaître. Elle en tout cas n'avait pas oublié cet homme en partie drow avec son ventre gras, ses mains râpeuses et ce filet de salive blanche qui ne quittait jamais ses lèvres.
L'excave fit mine de rien et prit soin de l'ignorer, comme si la seule chose qui l'intéressait était sa mission, afin d'être sûre de ne pas croiser son regard et de raviver sa mémoire. Heureusement pour elle, le marchand soldornien ne la vit même pas, trop content qu'il était d'avoir pu échanger quelques mots avec une Prince de Thaar.

Après des salutations interminables, le couple (et leur garde rapprochée) allèrent s'installer au niveau des trônes. Tandis qu'Azhar et sa femme était assis, Aleth restait debout. Cela n'avait pas temps pour but de la tenir éveillée que de lui permettre de réagir rapidement en cas de tentative d'assassinat. D'ailleurs, le Sublime refusait catégoriquement que quiconque s'approche de trop prêt. Elle se tenait d'ailleurs légèrement plus avancée que les altesses afin de matérialiser la barrière à ne pas franchir. C'était d'ailleurs assez dissuasif. Pour l'instant, personne n'avait osé approcher.
Un autre dignitaire saluait le Prince tandis que la Sublime regardait qui était le prochain. Elle dut faire preuve d'une grande maîtrise de soi pour que son visage ne vire pas au blanc en voyant qui approchait... Le marchand sang-mêlé s'inclina et redonna son nom dans l'espoir de finir par marquer l'esprit du souverain. Puis il lui expliqua la raison de sa présence : il voulait lui racheter une de ses maisons closes de Sol'Dorn pour des raisons plus qu'évidentes. Après quelques négociations, Azhar accepta et c'était un gros bonhomme tout content qui saluait une dernière fois les deux altesses.
Mais alors qu'il allait partir, son regard croisa finalement celui de la Sublime qu'il n'avait encore pas remarqué jusque là tant le Prince accaparait son esprit. Si le contexte et l'allure de la demi-elfe était différente, il n'avait pas pu oublier son regard. Prenant un air songeur et sûr d'avoir déjà vu ce visage, il resta les yeux rivés sur elle afin d'aider sa mémoire.

-On se connaît non ?

-J'crois pas.

Les yeux du soldornien s'écarquillèrent et un sourire de satisfaction étira ses lèvres poisseuses (qu'il avait pourtant passé son temps à essuyer pendant toute la durée de son entretien avec Azhar). Si elle avait essayé de paraître aussi sincère et détachée que possible, la peur et la colère avait rendu la voix d'Aleth sèche et lui avait donné une intonation que le marchand lui connaissait bien.

-Siii ! Je me souviens !

Le gros balourd baissant les yeux un instant et agita la main près de sa tête, cherchant visiblement à se rappeler autre chose. Soudain, il releva la tête et pointa la Sublime du doigt.

-Salaztan ! Oui, c'est ça ! C'était lui ton maître ! Ta fuite lui avait coûté cher de mémoire. Il a même pas eu le temps de te vendre !

Au mot "maître", Aleth ne put s'empêcher de ferme les yeux pendant une seconde. En seulement quelques phrases, ce connard de Gayzin Akh'Myr venait de balancer suffisamment d'informations à Azhar pour qu'il comprenne tout. Son statut d'esclave, sa fugue, tout... Elle était d'ailleurs tellement sous le coup de cette chute vertigineuse qu'elle ne pensa pas une seule seconde à la réaction qu'allait avoir le Prince en apprenant la vérité.

Le soldornien se tourna vers le souverian, si heureux de se souvenir de tout ça qu'il en oublia son titre l'espace d'une seconde.

-Alors c'est vous qui l'avez récupérée ?

Couleur de Gayzin:

Lors de réjouissances, parler affaires n’était pas rare. Les princes et marchands ne manquaient jamais une occasion pour saisir une belle opportunité durant l’un des moments où l’interlocuteur est de bonne humeur. Comme à présent, où le semi-sombre essayait de conclure un contrat avec Azhar en rachetant une des maisons closes qu’il avait à Sol’Dorn. Il en possédait quelques unes dans la capitale de l’Orient qui proposaient des services moins cher que ceux de Thaar et qui lui servaient uniquement à rappeler son nom si loin de ses terres. Le lupanar dont parlait Gayzin faisait rentrer un revenu modeste et négligeable devant ceux de la cité portuaire, le céder contre une modique somme pourrait être bénéficiale étant donné que le dornien était le représentant d’une guilde en Outre-Oliya. Il s’en rappellerait d’autant plus que cela semblait lui tenir à cœur, si jamais le himaéen a besoin d’une faveur par là-bas. Azhar lui promit donc de lui vendre la maison et de signer les parchemins actant la propriété dès le lendemain après les festivités. Gayzin inclina la tête et se retira, mais à ce moment là, une drôle de conversation eut lieu entre lui et sa Sublime. Le Prince se redressa sur son siège, montrant qu’il était attentif. Dàlya discutait dans son coin avec des courtisanes.

S’il avait bien suivit, Aleth était une esclave qui s’était enfuit de Sol’Dorn où son maitre était un ami du semi. Azhar se força à ne pas paraitre déconcerté. Il n’avait jamais vu la marque d’Aleth et comprit qu’elle devait être caché par ses habits, d’où peut-être son refus de s’offrir à lui. Ce fût d’ailleurs la première pensée qui lui vint, et son ego trouva cette explication tout à fait acceptable et irréfutable. Pour quelle autre raison une femme se refuserait à lui ? Il sourit.

L’Akhaban lui donnait dos et faisait face à son interlocuteur. Des explications seront demandés mais pas maintenant, hors de question d’en faire une scène et passer pour l’idiot qui s’est fait avoir par une esclave.

« C’est moi. Y-a-t-il un problème ? »
« Non, bien sûr que non. »

Azhar congédia le semi-drow. Posséder l’esclave d’un autre sans qu’elle ai été racheté était problématique. Sans aucun doute le drow ferait remonter l’information jusqu’à son ami et il en entendrait parler. Mais le Prince n’aimait pas qu’on touche ce qui lui appartenait. A l’intention d’Aleth, il dit juste.

« Faut qu’on parle. »

Aleth déployait des efforts surhumains pour conserver un calme apparent mais à l'intérieur, elle bouillait. Plusieurs sentiments étaient soudainement apparus, se mêlant en un flot indomptable d'émotions.
Elle était en colère. Oui, elle rageait d'avoir recroisé ce salopard qui avait été capable de la reconnaître malgré le temps passé, le changement de contexte et le manque d'attention évident que le drow manifestait pourtant toujours envers les sous-fifres.
Elle s'en voulait aussi... D'avoir pris ce poste de garde du corps deux ans auparavant, alléchée par l'argent qu'elle pourrait gagner, et d'avoir ensuite accepté de prendre la tête de la sécurité. Un personnage aussi emblématique que le Prince rencontrait trop de monde venus horizons trop différents. Même si les invités de Sol'Dorn étaient rares, ils existaient malgré tout. C'était un risque qu'elle aurait mieux fait d'éviter.
Et puis, une peur lointaine, enfouie, atténuée par le temps pour ne plus devenir qu'une petite chose redoutée, était subitement remontée à la surface. Celle de se faire rattraper par son passé. Par son maître. Celle de se faire prendre et de retourner au service de Salaztan... ou plutôt de son fils car, s'il était toujours en vie, le paternel devait être un vieil homme aujourd'hui. Si Aleth gardait de mauvais souvenirs de sa vie d'esclave, elle devait reconnaître que son maître, bien qu'exigent, avait été plutôt juste envers elle. Son fils en revanche était un homme capricieux et parfois même violent, ce qui changeait toute la donne.

Tandis qu'elle se démenait, les poings et les dents serrés, pour ne pas laisser s'échapper le tumulte de ses émotions, la Sublime ne manqua pas de remarquer la réaction plutôt détachée d'Azhar. A l'entendre, c'était comme s'il savait... Comme s'il était au courant de sa situation. Mais c'était impossible... Comment aurait-il pu ? Personne au palais (lui y compris) n'avait vu sa marque. Elle avait changé de nom. Elle vivait depuis des années comme mercenaire sur es rives de la mer et n'avait jamais parlé de son passé à qui que ce soit, même pour donner une version inventée. On ignorait même d'où elle venait...
Aleth dut se convaincre qu'il essayait seulement de faire bonne figure. Après tout, il se retrouvait bien malgré lui en possession d'une chose qui revenait à un autre. Même pour un Prince, ce n'était pas une situation enviable. Toutefois, son statut le protégeait de toute question supplémentaire dans l'immédiat. Devant le ton du souverain, Gayzin se rappela bien vite à qui il avait affaire et se dépêcha de prendre congé. Alors qu'il s'éloignait, il lança un dernier regard à la Sublime qui en dit long sur ce à quoi il pensait. En effet, le semi-drow devait être en train de se remémorer la fois où, rejeté par sa femme enceinte qui refusait qu'il la touche, il avait profité d'un arrangement avec Salaztan pour assouvir une de ses envies et jouir de la compagnie de l'esclave pour une nuit. Si lui avait pris son pied, Aleth en était ressortie en se demandant comment son épouse avait pu le laisser la toucher une seule fois...

Alors que ladite femme rappelait son mari à l'ordre en lui demandant de cesser de dévisager l'Akhaban ainsi, la voix d'Azhar se fit entendre derrière elle, aussi grave que la situation. Plus grave encore que le jour où elle avait porté quelques accusations encore infondées contre Suhayl. Il fallut toutefois quelques secondes à Aleth pour finalement tourner légèrement la tête vers lui. Pas assez pour qu'il puisse plonger dans son regard mais suffisamment pour qu'il devine son profil dans l'ombre. C'était tout ce qu'elle était en mesure de lui soumettre étant donné son état...

-Je crois que j'ai plus vraiment le choix. Répondit-elle sur le même ton saupoudrer par la sécheresse d'un brin de colère qui lui échappa.

A quoi bon essayer de lui mentir. Il avait désormais trop d'informations pour ne pas parvenir à obtenir toute la vérité par lui-même. Avouer était sa seule chance de sauver sa peau. Elle ignorait ce qu'il lui réservait mais le fait de vouloir en parler était déjà plutôt bon signe. Au moins il ne la mettait pas dans un cachot en attente pour son renvoi à Sol'Dorn ou du billot.
Toutefois, il était clair que leur échange devrait attendre. Attendre que la soirée se termine, et peut-être même qu'Azhar honore sa femme. Mais pour l'heure, plusieurs personnes attendaient encore de pouvoir s'entretenir avec le Prince et Aleth commençait à étouffer. Après avoir fait le signe convenu, deux Akhabans postés non loin s'approchèrent pour venir se placer de part et d'autre du trône tandis que la Subime s'éclipsait par une porte de service. Un instant plus tard, elle se retrouva seule dans un petit couloir à flanc de mur, ouvert sur les jardins attenants à la salle de réception. Ici, pas de risque de passage de serviteurs et encore moins d'invités. Quand aux gardes, ils étaient postés un peu plus loin.

Adossée à une colonne, Aleth souffla lentement mais le flot d'émotions fit chevroter sa gorge. Elle mit ses mains devant elle et les regarda trembler durant une courte seconde avant de serrer à nouveau les poings. Elle s'efforça de prendre une respiration forte et régulièrement pour tenter d'évacuer tout ce qui bouillait en elle. Elle devait retrouver son calme pour avoir la patience d'achever cette journée. Et mieux valait pour elle qu'elle soit plus sereine au moment de son entrevue avec le Prince sans quoi cela pourrait très mal se passer pour elle... Toutefois, aucune larme ne coula de ses yeux car la Sublime était devenue une femme trop forte pour pleurer sur son sort. Elle avait vu d'autres... et ce n'était sans doute pas la dernière.
Après de longue minutes, Aleth reparut dans la salle et reprit sa place, congédiant par la même occasion les deux Akhabans qui l'avaient remplacée. Elle assista au reste de la soirée avec une seule envie : voir les derniers invités quitter les lieux au plus vite.

HRP:

Lorsqu’Aleth se fit remplacer par deux Akhabans, Azhar craignit un instant qu’elle décide de s’enfuir. Cela aurait été une réaction stupide et totalement irréversible. Le Prince ne supportait pas la trahison et contrairement à un quelconque dignitaire Dornien, il avait le bras long et de nombreuses ressources. Il fût soulagé lorsque la Sublime revint prendre son poste quelques instants plus tard. Le reste de la soirée se passa sans d’autres incidents, on dansait, riait, chantait et buvait. Des hommages furent rendus, des verres levés et des mains embrassées. La fête continua jusqu’à tard dans la nuit, les invités de marque dormaient au Palais. Les autres, occupaient les auberges de la ville. Le ciel étoilé de Baaz’Hima était le témoin de ces amants ivres sur le balcon d’un étage, de cet esclave aux yeux bouffis qui nettoyait les vitres d’une façade ballotait par le sommeil, et de ces hommes bruyants sous les arcades de la cour s’en allant gagner leurs appartements.

Azhar ne tarda pas après ses invités, il en laissa même encore certains dans la salle. Le Prince embrassa son épouse et la fit raccompagner par ses Sacra jusqu’au sérail. Il devait discuter avec sa Sublime et ne pouvait attendre le lendemain. Après ces heures écoulées, de la curiosité mêlé à de l’indignation et à une once de fierté avaient remplacés les mauvaises émotions du prince. Il fit signe à Aleth de le suivre, dans un silence presque religieux. Des Akhabans leur ouvrirent des portes. Un salon privé les attendait au détour d’un couloir. Le semi-elfe prit place entre des coussins, il ne souriait pas mais n’affichait pas une mine en colère.

« Tu m’as menti Aleth. »

Techniquement, elle ne lui avait jamais menti car il n’avait jamais demandé. Mais elle comprenait parfaitement ce qu’il voulait dire. Elle avait un poste important dans sa cour, et son secret aurait pu être utilisé contre elle pour qu’elle accomplisse les desseins malveillants d’autrui.

« Sais-tu que les esclaves en fuite sont condamnés à la mort ? Purement et simplement. »

La société estreventine était construite sur l’esclavage. Si les chaines rompent, la société s’effondre et les puissants l’avaient très bien compris. Chaque esclave retrouvé était pendu, ou démembrer. Les déserteurs étaient rares compte tenu de la punition qui les attendait.

« Tu me mets dans une situation délicate, sais-tu. Mais rien que je ne pourrais régler ne t’inquiètes pas. »

Il n’allait pas la torturer plus longtemps, il ne comptait ni la tuer ni la donner. Il s’était attaché à elle malgré tout. La curiosité finit par l’emporter, et il lui demanda.

« Racontes moi ton histoire, ta vraie histoire. Et montres moi ta marque, je ne l’ai jamais vu. »

La soirée fut interminable dans l'esprit rageur et inquiet de la Sublime. Elle s'occupa comme elle put en accomplissant ce pourquoi elle était la, redoublant d'intérêt pour tous ceux qui approchaient le couple princier, épiant chacun de leur geste, chaque pli de leur tunique, allant même jusqu'à essayer de discerner une quelconque menace dans leur mot. Après tout, même si Azhar connaissait à présent la vérité à son sujet, ce n'était pas le moment pour elle de le voir mourir. Salaztan saurait bientôt où la trouver et le statut de son employeur était sa seule chance de lui échapper. A choisir, elle préférait servir le Prince qui avait su reconnaître ses compétences et les récompenser plutôt que de retourner d'où elle venait. Rétablir sa confiance serait peut-être long mais ça en valait la peine.

Enfin... S'il lui laissait voir la couleur du jour.

Plusieurs heures après l'incident avec Gayzin, Azhar prit enfin la décision de quitter la fête, laissant derrière lui encore quelques invités tardifs. Après avoir salué son épouse, il se tourna vers sa Sublime et n'eut aucun mot à prononcer pour être compris.
Aleth s'arrêta à un pas à peine des portes du salon tandis que les Akhabans les refermaient. Elle resta sans bouger, fixant droit devant elle, tandis que le Prince s'installait à son aise et entamait la conversation.

-Tu m’as menti Aleth.

Elle ne répondit rien, trop sous pression pour parvenir à penser à une de ces petites phrases rêches dont elle avait le secret et qui irritaient ou amusaient ses interlocuteurs. De toute manière, ce n'était pas vraiment le moment d'énerver son unique issue à une situation bien compliquée.

-Sais-tu que les esclaves en fuite sont condamnés à la mort ? Purement et simplement.

La Sublime se contenta de serrer les dents. Bien sûr qu'elle le savait. Qui était le mieux placé pour le savoir que celui qui risquait de perdre sa tête ?

-Tu me mets dans une situation délicate, sais-tu.

Là encore, elle n'avait pas eu besoin de lui pour s'en rendre compte. La situation aurait déjà été tendue du temps où elle était mercenaire mais à présent elle était au service exclusif d'un seul homme. La barrière avec l'esclavage s'était amincie.

-Mais rien que je ne pourrais régler ne t’inquiètes pas.

Ce ne fut pas tant le fait qu'il lui annonce qu'il allait gérer la situation que son souci de la rassurer qui surpris Aleth. Délaissant enfin le mur à l'autre bout de la pièce, elle tourna son regard vers le Prince, ne cachant qu'à moitié son incompréhension. Elle le savait être un maître juste, capable de punir la trahison de la pire des façons comme de rendre sa liberté à un esclave l'ayant mérité. Toutefois, se préoccuper du bien être d'une femme qui ne lui appartenait pas... Cela avait de quoi la surprendre.

-Racontes moi ton histoire, ta vraie histoire. Et montres moi ta marque, je ne l’ai jamais vu.

Ca, ça lui ressemblait déjà plus.
Après une seconde, Aleth s'avança et vint de poser contre une table, face à Azhar. Croisant ses chevilles, elle écarta légèrement le genou gauche et lança un regard en direction de l'intérieur de sa cuisse ainsi dévoilée. C'était là, sous le tissu de son pantalon, que ce trouvait le symbole de sa servitude.
Maintenant qu'elle avait passé ce détail, elle resserra les jambes et croisa les bras. Il restait la plus longue partie. Et, vu la situation, autant ne rien cacher...

-Je viens d'un orphelinat d'Alonna dont le responsable m'a vendue à un esclavagiste le lendemain de mes 10 ans. J'étais déjà trop perspicace à l'époque... Salaztan m'a achetée sur le marché de Thaar pour quelques pièces qu'il a vite rentabilisé dans les années suivantes. C'était un humain de Sol'Dorn qui concluait des affaires plus ou moins louches avec des personnes pas toujours recommandables. Il m'a formée au vol, au cambriolage, à l'espionnage, au combat, à la protection rapprochée, à l'assassinat et aussi à la compagnie des hommes. Après 30 ans de service, son influence a commencé à faiblir, tout comme lui. Il a perdu de l'argent et prévoyait une dernière affaire pour se renflouer avant la retraite : me vendre. L'acheteur était un organisateur de combats qui se finissaient souvent à mort. J'ai choisis entre l'arène et la corde. Pendant ma fuite, j'ai rencontré des mercenaires et la seule chose qu'il m'ont demandée c'est mon nom. La suite vous la connaissez.

Aleth était passé sur les détails comme ce qu'il s'était passé dans la Péninsule et les traitements pas toujours bons de son maître mais elle préférait rester factuel. Par habitude, certes, mais aussi parce qu'Azhar n'avait pas besoin d'en savoir plus pour comprendre comment elle en était arrivé là.

Azhar attentif, jeta un coup d’œil à la marque de sa servitude avant d’écouter son récit. Il devait avouer être un brin déçu, il s’attendait à d’avantage d’épopées et de péripéties. Mais en somme c’était une histoire assez banale d’une femme qui a décidé de reprendre ce que d’autres lui avaient ôté. Le prince allait devoir « rouler un peu des muscles » comme on disait dans les milieux populaires devant le noirelfe lésé dans cette affaire, jouer de son influence à Thaar et lui proposer une coquette somme d’argent pour oublier cette histoire et ne pas en faire toute une affaire. Après tout qui aimerait que tout le monde sache qu’une demi-elfe avait dupé un respectable doeben en s’enfuyant si loin toutes ces années ? Personne. Et c’était cela que comptait le Salougan.

Il se leva de ses coussins pour chercher un papyrus et une plume, sous le regard sans doute questionneur d’Aleth ou Cassandre, ou quelque soit son véritable nom. Il fit couler de la cire qu’il avait au préalable chauffé avec une bougie sur le bas du papier et de sa chevalière y apposa son sceau.

« Dès demain, apportes ce papier à mon intendant. Dis lui d’en faire trois exemplaires, un pour les registres de la principauté, un pour moi et le dernier pour toi. »

Il lui tendit le papyrus, et en reprit un autre. Il y écrivit juste quelques lignes cette fois-ci, des consignes principalement. Encore une fois, il y apposa son sceau afin que personne ne doute de la provenance de celui-ci.

« Ce document également. L’intendant donnera des sous à un homme qui ira t’acheter au drow au plus vite, tu me coûteras cher mais tu m’as prouvé ton utilité Aleth. »

Le premier document était celui attestant de la liberté que Salougan donnait à Aleth. Le personnage de la demi-elfe était quelque peu original dans ce contexte vaani où toutes les femmes qui l’entouraient à Baaz’Hima lui obéissait au doigt et à l’œil. A Thaar c’était différent bien sûr. Ainsi Azhar ne souhaitait pas briser ce personnage qui l’amusait tant et qui égayait certaines de ces journées au palais.

Alors qu'elle avait fini de conter son récit, Azhar se leva sans un mot. Aleth fronça des sourcils en le voyant s'installer à un bureau et tremper sa plume. Qu'était-il en train de lui préparer ? Il n'y avait que peu de solutions possibles, la pire étant qu'il prévienne son maître pour qu'il vienne la récupérer. Certes, il lui avait donné un peu d'espoirs que cela ne se passe pas ainsi mais elle ne pouvait être sûre de rien.
Ce fut donc dans un silence tendu qu'elle attendit qu'il ait fini son travail.

-Dès demain, apportes ce papier à mon intendant. Dis lui d’en faire trois exemplaires, un pour les registres de la principauté, un pour moi et le dernier pour toi.

Aleth s'approcha lentement de la table où la lettre était posée tandis que le Prince se remettait au travail. Bien maigre ouvrage cette fois car, à peine eut-elle saisi le premier parchemin qu'il lui révéla le contenu du second.

-Ce document également. L’intendant donnera des sous à un homme qui ira t’acheter à l'humain au plus vite, tu me coûteras cher mais tu m’as prouvé ton utilité Aleth.

La Sublime prit une respiration forcée, comme si elle s'était retenue de respirer tout ce temps. C'était un soulagement pour elle de savoir qu'elle restait à Baaz'Hima, même si devenir l'esclave de Salougan impliquait qu'il souhaiterait sans doute quelques avantages en nature... Il n'en restait pas moins un meilleur maître.
Mais une pensée traversa la demie-elfe une seconde plus tard. Si la lettre que le Prince tenait était une offre d'achat, que contenait la sienne ? Aleth baissa les yeux et en parcourut les lignes à la vitesse qui était la sienne (puisqu'elle lisait seulement depuis quelques ennéades). Finalement, une expression de surprise se dessina sur son visage et elle dut relire la même phrase à plusieurs reprises pour être sûre d'elle.
Réalisant enfin, elle levant les yeux vers Azhar. Il ne faisait pas que l'acheter. Il l'affranchissait...

Après quelques secondes, la Sublime retrouva enfin l'usage de sa langue.

-Je savais que vous pouviez vous montrer généreux mais je ne savais pas que c'était à ce point.

Après avoir lu une dernière fois la phrase qui lui rendait sa liberté, Aleth regarda à nouveau le Prince-Marchand.

-Je vous ai trompé et, en apprenant que je suis une esclave, vous m'affranchissez alors que vous pourriez vous garantir à vie les services d'une des meilleures dans son domaine. Je ne vois pas votre intérêt là-dedans. Vous avez peur qu'on apprenne ce que j'ai fait et que ça nuise à votre réputation ?

Le parchemin était toujours dans ses mains donc sa liberté n'avait encore rien d'officiel. Mais, esclave ou pas, elle gardait son franc parlé. Après tout, il l'avait toujours connue ainsi et elle soupçonnait qu'il apprécie ce trait de caractère chez elle. Enfin, la plupart du temps.

Azhar sourit de toutes ses dents devant le regard ahuri de la Sublime lorsque ses yeux parcoururent les quelques lignes du parchemin qui l’affranchissait. Elle leva les yeux vers lui pour le complimenter sur sa générosité, du moins c’est ainsi que le prince entendait la chose. Devant sa question, il aurait voulu se rapprocher d’elle et lui tapoter sur la tête avec un petit sourire, mais il se contenta du sourire.

« La meilleure dans son domaine ? Tu es bien prétentieuse Se moqua Azhar avant de reprendre Déjà oui, s’être fait berner par une esclave nuit aux affaires. Mais ce n’est pas que ça. Tu vois Aleth, ce n’est pas ta condition d’esclave qui t’a hissé au rang que tu occupes aujourd’hui. Si tu étais rentrée en tant qu’esclave chez moi, tu n’aurais jamais pu braver l’interdit de ton supérieur et déjouer le complot visant à m’assassiner. Tu ne serais pas devenu Sublime, et je dois admettre que ta langue bien pendue m’amuse et me manquerait si je venais à la couper. »

Sourire aux lèvres, il se rapprocha d’elle attrapa l’une de ses mèches et joua avec un instant puis repris en la relâchant, amusé.

« Je crains qu’en restant esclave, je perde l’intérêt que j’ai pour toi. Tu aurais perdu ton dynamisme, ta répartie et ta fougue et cela se répercuterait sur ton travail. Je te préfère comme tu es ma jolie Sublime. »

Contrairement à ce qu’on aurait pu s’attendre, Azhar était finalement de bonne humeur il s’écarta de la zone de confort d’Aleth et recula jusqu’à un divan empli de coussins sur lequel il s‘affaissa. L’affranchir était une stratégie pour s’assurer de la continuité de son bon travail, sans oublier que cela lui éviterait l’humiliation devant tous de s’être fait duper par une esclave et de ne pas l’avoir puni en conséquent. Parfois les rumeurs et les paroles peuvent être plus tranchantes que les lames dans la Cour des Vipères où toutes les langues sont des poignards.

« A moins bien sûr que tu préfères rester esclave ? Je peux toujours annuler le papyrus si tu le souhaites. » Taquina-t-il.

Lorsqu'Azhar se moqua de sa prétention, Aleth le reprit aussitôt.

-L'une des meilleures.

La Sublime se savait douée mais au point de se croire au dessus des autres. Toutefois, ses compétences et son efficacité n'était plus à prouver et, s'il y avait eu mieux dans les environs, nul doute que le Prince y aurait réfléchi à deux fois avant de la nommer, elle.
Mais Salougan n'y prêta pas plus d'attention et poursuivit son discours.

-Déjà oui, s’être fait berner par une esclave nuit aux affaires. Mais ce n’est pas que ça. Tu vois Aleth, ce n’est pas ta condition d’esclave qui t’a hissé au rang que tu occupes aujourd’hui. Si tu étais rentrée en tant qu’esclave chez moi, tu n’aurais jamais pu braver l’interdit de ton supérieur et déjouer le complot visant à m’assassiner. Tu ne serais pas devenu Sublime, et je dois admettre que ta langue bien pendue m’amuse et me manquerait si je venais à la couper.

Cette dernière phrase était à prendre au sens propre comme au figuré. Toutefois, il était vrai qu'Aleth n'avait pu laisser libre cours à son caractère que parce qu'elle était considérée comme une femme libre. En tant qu'esclave, elle n'avait pas droit à la parole et devait se contenter d'aller là où on le lui disait, même si son maître avait lui aussi compris qu'il fallait laisser faire l'instinct de la demie elfe pour qu'elle soit efficace. Mais elle devait tout de même bien avouer qu'elle saurait sans doute mieux se tenir si elle n'avait pas été asservie. A présent, elle ne faisait que rattraper des années de servitude en ne se donnant pour limites que ses propres envies et intérêts.

Finalement, Azhar se leva et s'approcha. Mais alors qu'il avait atteint la distance habituelle à laquelle il s'arrêtait d'ordinaire, Aleth le vit poursuivre son avancée vers elle. Surprise et un brin méfiante, elle ne put retenir un réflexe. Celui de se redresser à mesure qu'il progressait dans sa direction. Lorsqu'il s'arrêta tout près d'elle, la respiration de la Sublime s'était suspendue. Elle avait depuis longtemps identifiée son attirance pour lui. Une attirance physique... Comme un aimant était attiré par du métal. Elle avait donc toujours fait en sorte de se tenir à bonne distance pour éviter toute tentation. De part son statut caché d'esclave mais aussi par pure conscience professionnelle et pour son honneur, elle ne voulait pas coucher avec son employeur.
Heureusement, Salougan ne resta là que le temps de quelques phrases avant de s'éloigner. Elle avait cru percevoir une légère variation de ton, ou bien était-ce ses entrailles qui lui jouaient des tours ?

-A moins bien sûr que tu préfères rester esclave ? Je peux toujours annuler le papyrus si tu le souhaites.

Aleth plia le parchemin et le glissa dans sa veste.

-Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. J'avais seulement besoin de connaître vos raisons.

Peu importait ce qu'elle avait cru percevoir tandis qu'il se tenait tout près d'elle. Elle avait la réponse à sa question. Il la voulait au meilleur de son art et jouir du divertissement qu'elle lui apportait tout en conservant sa réputation. Sur ce deuxième point, elle se sentait un peu vexée... Après avoir saisit la seconde lettre, elle se retourna vers le Prince.

-Et je ne suis pas le bouffon du roi. Je ne suis pas là pour vous amuser. Ni pour vous plaire. Vous me payez pour vous protéger.

Et lui dire ce qu'il ne voulait pas entendre faisait simplement partie de son travail.
Ayant récupéré tous les documents, elle marqua une pause avant de reprendre.

-Si on a fini, j'ai encore du travail qui m'attend.

Non, effectivement. Son bouffon s’appelait Hilarius VI, il les nommait toujours d’après le nom du bouffon de son père qu’il appréciait bien, et l’actuel était le numéro six car les quatre précédent avaient été soit assassiné soit condamné à mort. L’un avait bu du verre d’Azhar qui avait été empoisonné pour le maitre, le deuxième tué pour avoir mimer un acte sexuel avec l’une des épouses du prince, le troisième a été retrouvé pendu sur un arbre et le quatrième mort pour avoir touché les nibards d’une des femmes du palais. Sans doute l’alcool de la soirée faisait encore de l’effet, car malgré sa volonté de se montrer sérieux et consterné par toute cette affaire, le prince affichait un sourire empli de désinvolture qui devait sans doute agacé l’Akhaban toujours sobre.

« Si si, tu es aussi là pour me plaire. Tu ne mériterais pas ton titre de Sublime autrement. »

Il la taquinait. Elle avait prise toutes les lettres, normalement le problème était réglé et il ne suffisait plus que de quelques signatures pour que tout cela devienne réellement officiel. Salougan était un prince marchand qui n’avait pas bâti sa fortune sur de la charité, ils savaient tous les deux qu’à présent la semi-elfe lui en devait une. Ils avaient fini et si Aleth avait encore du travail, Azhar lui ne souhaitait que retrouver son plumard et sombrer dans le sommeil jusqu’à l’après-midi du lendemain.

« Avant que tu ne partes, comment préfères-tu que je t’appelle dorénavant ? »

En fait, peu importe, il continuerait de l’appeler Aleth, il ne l’avait connu qu’avec ce nom et lui trouvait une agréable consonance. Les Akhabans devront déloger les derniers retardataires des festivités qui trainaient encore dans le palais, et empêcher les curieux de se rendre dans le sérail. Azhar était d’ailleurs catégorique là-dessus, quiconque s’en approcher encourait d’être puni selon la loi de Baaz’Hima.

Aleth ne fut pas très réceptive à l'humour du Prince, comme son regard le laissa entendre. Il plaisantait alors qu'ils parlaient de la vie d'une femme. Elle n'aurait pas su dire si c'était l'alcool qui parlait ou s'il était réellement insensible aux sorts des autres. Elle ne le saurait d'ailleurs jamais. Tout ce qu'elle voulait, c'était sortir de ce salon.
Même si elle avait les documents en poche et qu'ils seraient traités bien assez vite, elle avait conscience que son sort restait malgré tout en suspend jusqu'à ce que Salaztan ne retourne l'accord de vente signé. Il était loin d'être idiot et ne jouerait pas au plus malin avec un Prince-Marchand, il n'y aurait donc sans doute aucun problème. Toutefois, elle ne serait pas tranquille jusqu'à ce que le messager soit de retour, ce qui allait prendre plusieurs jours.

-Avant que tu ne partes, comment préfères-tu que je t’appelle dorénavant ?

La Sublime ne fut que brièvement surprise par sa question, se rendant vite compte qu'elle était légitime. Evidemment, elle n'y avait jamais réfléchi, cela aurait voulu dire qu'elle envisageait pouvoir être prise un jour. Non pas qu'elle se voilait la face mais elle préférait ne pas songer à cette éventualité. Elle aurait sans doute moins profité de sa liberté si elle avait passé son temps à regarder pendre cette épée de Damoclès au dessus de sa tête.
Après un moment, elle finit par lui répondre.

-Aleth. On dira que c'est pour le travail.

Depuis sa fuite de Sol'Dorn, c'était le seul nom qu'elle ait donné. Et, depuis sa fuite, elle n'avait fait que travailler. Alors ce fut celui avec lequel elle souhaitait qu'il l'appelle car elle n'envisageait évidemment pas sa relation avec Azhar autrement que professionnelle. Elle se demandait toutefois qui pourrait bien l'appeler Cassandre un jour puisqu'elle ne parvenait à se lier à personne. Parce qu'elle ne faisait confiance à personne. Pas même à son employeur qui l'avait à la bonne tant qu'elle faisait bien son travail. Mais, si elle mourait, il se contenterait de la remplacer et ce n'était pas les postulants qui manquaient...
Ayant répondu à sa question, Aleth se redressa et se dirigea vers la porte. La main sur la poignée, elle s'apprêtait à sortir lorsqu'elle y renonça momentanément. Elle se retourna vers Azhar pour lui soumettre ce qui la taraudait.

-On est d'accord que tout ce que vous attendez en contre-partie de mon affranchissement, c'est que je fasse mon travail ? Ou tout du moins, rien qui ne sorte de mes compétences professionnelles ?

Effectivement, la Sublime savait bien que le geste du Prince n'était pas de la charité et qu'il lui demanderait de lui rendre la pareille un jour. Elle savait qu'il l'avait toujours désirée mais qu'il ne forcerait jamais la main d'une femme qui se refusait à lui. Il avait bien assez de prétendantes plus que ravies de se jeter dans ses bras pour ne pas avoir à se préoccuper d'une qui lui disait non. Toutefois, elle préférait de savoir dans quoi elle s'embarquait.

Azhar en quelques enjambées arriva à la hauteur d’Aleth, tout sourire, à nouveau il avait réduit la distance les séparant. Dans ce genre de moment le temps semblait ralentir et les secondes s’éternisaient, il avait remarqué la première fois que sa Sublime semblait s’être tendu à son approche et il misait sur la même réaction. Plus grand qu’elle, son nez environ à la hauteur de son crâne, il fut surpris de ne sentir aucun effluve de parfum. Généralement, les femmes qu’il côtoyait étaient épate et coquette, se présentant toujours sous leurs plus beaux atours. Le prince eut envi de le lui faire remarquer, après tout les agréables odeurs valaient mieux que les mauvaises senteurs du quotidien. Mais il devinait aisément la réaction qu’aurait la Sublime « Je ne suis pas là pour égayer votre Royal Nez, Votre Excellence ! ». Bon d’accord, peut-être pas aussi joliment et poliment dit, mais l’idée était là. Il posa une main sur celle qui tenait la poignée.

« Tu sais très bien ce que j’attends de toi Aleth. »

Mais l’ambigüité demeurait. Azhar pouvait être un homme d’affaires très professionnel ou un courtisan enhardi selon les circonstances. La situation actuelle l’amusait car au-delà de la position de force dans laquelle il se trouvait vis-à-vis d’Aleth, il avait également un moyen de pression sur elle que la Sublime souhaitait voir disparaitre. Le Prince ne comptait pas s’en servir, outre s’assurer la loyauté de sa meilleure Akhaban, mais cela elle n’avait pas besoin de le savoir. Les liqueurs ingurgitées durant la soirée rendaient la situation amusante et non déplacée, ce qui en temps normal n’aurait jamais eu lieu.

« C’est drôle, j’imaginais ton dos de main moins doux que ça. »

Murmura-t-il pour ne pas réveiller les morts. Puis avec un clin d’œil poussa la poignée par le biais de sa main à elle pour ouvrir la porte et la laisser s’en aller. Quant à lui, son lit l’attendait depuis quelques heures déjà.

La rapidité avec laquelle Azhar l'avait rejoint ne lui avait pas laissé le temps de réagir. Lorsqu'elle comprit qu'il venait jusqu'à elle, il était déjà trop tard et la main posée sur la sienne l'empêchait de s'éloigner. Enfin... Elle aurait pu. Mais s'il avait compris que sa proximité la mettait en émoi, il n'avait pas besoin de savoir jusqu'à quel point. Aussi briser ce contact n'aurait fait que la desservir en dévoilant son attirance pour lui. Il lui avait déjà fait des avances qu'elle avait refusée. S'il avait su ça, il ne l'aurait plus lâchée
Elle se retrouvait donc contrainte et forcée de supporter non seulement la proximité du Prince mais aussi le contact de sa main sur la sienne. Cette main qui caressait la sienne, discrètement mais pas assez pour que quelqu'un comme elle, entraînée au vol à la tire, ne le remarque pas. Entre ça et la réponse ambiguë qu'il venait de lui fournir, elle avait toutes les raisons de s'inquiéter. D'autant qu'il ne s'arrêta pas là.

-C’est drôle, j’imaginais ton dos de main moins doux que ça.

Aleth fit de gros efforts pour rester aussi impassible que possible. Elle qui était toujours en quête de l'extase qu'aucun homme n'avait jamais pu lui donner s'était toujours demandé si lui y arriverait. De part le nombre de ses compagnes et son âge, il était sans aucun doute le plus expérimenté de tout Itrh'Vaan, et peut-être même de Miradelphia. Ça plus son attirance physique, ça pourrait faire un cocktail assez détonnant... Mais elle devait résister. Alors, elle releva la tête et prit enfin une inspiration qui était resté en suspend durant plusieurs secondes avant de lui répondre.

-Pour vous en revanche, je n'en attendais pas moins.

Elle soutint son regard une seconde et passa par la porte qu'il avait ouverte pour elle. Passant devant une porte encadrée de deux Akhabans, elle leur indiqua du pouce la pièce qu'elle venait de quitter.

-Raccompagnez-le.

Aleth avança d'un pas rapide, se rendant au hall d'entrée pour faire le point avec l'intendant sur les départs des invités qui ne dormaient pas sur place. En chemin, elle prit sa main avec la seconde pour faire passer la sensation persistante des caresses d'Azhar. Elle voulait s'en défaire au plus vite pour ne pas jouer avec la tentation qui la tenaillait. Vu l'heure et avec le travail qu'il lui restait encore à accomplir, il ne lui serait pas possible de se trouver quelque compagnie pour la soirée. Elle devrait s'occuper l'esprit autrement... Autrement dit, après s'être assurée que tout était en ordre, elle irait se changer et passerait la nuit dans la salle d'entraînement pour attendre que le jour vienne et que cette soirée ne soit plus qu'un mauvais souvenir.

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