En présence de Néera ( PV: JEna)

« - Je n’aime pas cette femme…. Elle vient hurler sa colère et sa soif de combat devant les murs de la Cathédrale, et la voilà à présent, en train de prier la Damedieu. »
« - Il parait qu’elle vient tous les jours s’entraîner aux armes avec les Boucliers de Néera… »
« - Après un tel comportement elle ne devrait pas être autorisée à s’asseoir ici. »
« - Chacun est libre de venir prier la Déesse en paix. Qui vous met dans cet état Sœur Eloïse ? »

Visiblement personne dans le petit groupe de Prêtresses ne s’était attendu à me voir apparaître. Pourtant je n’étais pas du genre à me faire discrète. Mais trop occupé à se montrer médisantes au sujet d’une âme en prière, elles ne m’avaient pas entendu approcher.
Il y eu quelques secondes de flottement, le temps nécessaire pour masquer leur étonnement et m’adresser une courbette que je ne pouvais pas voir. Je restais silencieuse, un léger sourire suspendu à mes lèvres. La dénommée Eloïse finit bientôt par m’expliquer qu’une femme, du Culte d’Othar, s’était présentée quelques jours plus tôt en hurlant sa haine et sa rage sur le parvis de la Cathédrale. Elle avait lancé des défis à qui voulait bien l’entendre parmi les membres des Boucliers de Néera. Je n’avais pas vu mon époux depuis plusieurs jours aussi n’étais-je pas au courant de cet événement.
Je fronçais légèrement les sourcils et fixais mon regard voilé sur la prêtresse.

« - Nous ne sommes personne pour juger cette femme. Elle a le droit de venir prier la Déesse Mère comme n’importe quel fidèle. Vos propos ne sont pas dignes de notre Culte qui se veut ouvert et pacifiste. Vous irez vous occupez de cette femme, vous prierez avec elle et vous lui serez le plus agréable possible. »

Tournant les talons, je quittais les couloirs et pénétrais dans la cathédrale. Je me dirigeais lentement, écoutant le son régulier que faisait mon bâton sur le sol dallé.
Mais je remarquais aussitôt que quelque chose n’allait pas. La quiétude et le calme que je percevais généralement ici était troublé. Je ressentais les émotions de l’un des fidèles avec tant de force que je me retrouvais à balayer la pièce du regard pour en trouver la source.
Malgré ma cécité il ne me fut pas très difficile de me diriger vers le nuage noir, encore plus noir que le monde qui m’entourait. Je m’installais près de la personne et sans un mot je laissais mon don agir.
Je ne le touchais pas, je ne savais même pas s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme. La seule chose que je pouvais ressentir s’était toute la violence de sa colère, sa haine et derrière tout ça, une douleur bien plus profonde. Une blessure physique et psychologique.
J’étais surprise de pouvoir ressentir autant de chose sans le moindre contact, et je fus encore plus surprise lorsque j’entendis le son de sa voix. Agressive.

« - Je suis désolée de vous importunée. Je ne voulais pas interrompre vos réflexions et vos prières. »

Je n’avais pas la même tenue que mes Frères et Sœurs, mais ma robe blanche, ma ceinture dorée et surtout mon pendentif orné de la Plume ne laissaient aucun doute sur mon appartenance au Culte de Néera.
Je sentais sans la voir qu’elle se tenait sur la défensive, prête à se lever et à quitter la salle. Peut-être était-ce cette posture qui m’apporta quelques éclairages sur la personne que j’avais en face de moi. Une tellement âme torturée, une telle rage contenue, ne pouvait appartenir qu’à cette femme guerrière qu’évoquaient les Prêtresses quelques minutes plus tôt.

« - Je sais que nous ne nous connaissons pas, mais il se trouve que nous avons une connaissance en commun ! Hanegard a toujours été bon professeur, j’espère que vous appréciez les passes d’armes que vous échangez avec lui. J’ai entendu dire que vos combats à tous les deux sont impressionnants. »

Je lui parlais comme j’aurai fait la conversation avec n’importe qui. Cela pouvait lui paraître surprenant venant d’une inconnue. Mon ton était apaisant et je tâchais de me montrer souriante et aimable.

« - Je ne veux pas vous importuner et encore moins vous paraître offensante, mais je n’ai pas pu m’empêcher de vous approcher … vous semblez si tourmentée. Il y a tellement de colère en vous que je vous ai trouvé là sans même vous voir ! »

Un petit sourire vint ponctuer ma dernière phrase. Il était peu probable qu’elle n’ait pas remarqué mes yeux morts, après tout c’était la première chose que les gens voyaient chez moi à présent. Ici je ne portais pas de bandeau, les Prêtres et Prêtresse avaient l’habitude de me voir, mais je devais reconnaître que j’appréhendais toujours un peu la réaction des fidèles qui me voyaient pour la première fois.

Il ne fallut que quelques minutes pour que l’agressivité que je sentais directement braquée sur moi ne disparaisse. A la place, je pouvais sentir toute sa détresse, son inquiétude et sa souffrance. Que lui était-il arrivé pour qu’elle soit aussi perdue ? Et cette colère que je sentais bouillir en elle, n’était-elle pas épuisée de vivre ainsi ? Je l’écoutais patiemment, cherchant à saisir tous les sous-entendus qu’il pouvait y avoir, puis je me levais lentement.

« - Venez avec moi. J’aimerai vous montrer quelque chose. »

Je savais qu’elle pouvait refuser mon invitation, pourtant je lui adressais tout de même un sourire avant de tourner les talons et d’avancer lentement dans la vaste salle. Je m’approchais d’une petite porte que j’ouvris. J’attendis quelques secondes, le temps d’entendre le son de ses pas derrière moi puis je poursuivis mon chemin en silence.
Je la guidais quelques minutes à travers les couloirs de la Cathédrale avant de pousser la porte de la chapelle dans laquelle je venais prier tous les jours. Ici, on ne venait me déranger que rarement, nous serions mieux, loin des oreilles indiscrètes et du bruit.

La pièce n’était pas très grande, il y avait quelques bancs alignés en face d’un mur. Là se trouvait une statue de Néera enfant. Les yeux fermés et les paumes de main tournées vers le ciel. Je ne pouvais pas la voir mais l’on m’avait vanté la beauté de cette sculpture. L’endroit était fleurie ce qui embaumait l’endroit d’une douce odeur très agréable.

« - Asseyez-vous avec moi quelques instants. Je pense que nous serons mieux ici pour discuter. Puis-je prendre votre main ? »

J’avais tendu la mienne et attendit qu’elle m’accorde un peu plus sa confiance.
Je m’étais préparée à son contact mais j’avais été loin de m’attendre à un tel raz de marée, jamais jusqu’à présent, je n’avais ressenti une telle chose. Mon cœur s’était serré, mes yeux s’étaient remplis de larmes et je voyais des images confuses défiler devant mes yeux. Cette femme était un livre ouvert.
Passé la surprise, je me concentrais pour utiliser mon Don. Une douce lumière entoura nos mains jointe tandis que la chaleur et la douceur de ma magie coulait de mes veines pour se répandre dans les siennes. Par ce contact je voulais lui rappeler l’Amour de la Déesse. Je voulais qu’elle sente combien la Damedieu aimait chacun de ses Enfants. Je voulais qu’elle sache qu’elle pouvait retrouver sa foi en Néera, car, en tant que Déesse Mère, elle pardonne toujours à ses enfants lorsque ceci décide de reprendre le droit chemin.

« - J’ai vu la raison de votre colère… j’ai vu son visage et ce qu’il vous a fait. Je comprends votre blessure. J’ai moi-même vécu quelque chose de traumatisant il y a plusieurs années. Mais vous devez cesser de vivre dans le passé et vous tourner vers l’avenir. La colère est mauvaise conseillère. Vous êtes une femme forte et courageuse. Cela aussi je l’ai vu en vous. »

A mesure que je parlais, je laissais ma magie agir. J’espérais qu’à travers mon contact, elle puisse ressentir à quel point elle était important pour Néera, que son destin n’appartenait qu’à elle et qu’elle était la seule à pouvoir le contrôler.

« - Votre âme de guerrière fait honneur à Othar. Mais se battre juste pour se battre… cela n’a aucun intérêt, même pour le Dieu Guerrier. Vous pourriez rejoindre les membres des Boucliers de Néera si vous le souhaitiez, vous pourriez continuer vos entraînements avec Hanegard, et nous pourrions nous revoir. Je vous aiderai à retrouver la paix qui vous fait tant défaut. Cela ne remettra pas en cause votre attachement ni votre dévotion à Othar.»

Je ne voulais pas la rebuter, ni lui laisser penser que je voulais la faire entrer dans les ordres de Néera. Ce n’était pas mon intention, seulement je me sentais capable de l’aider, de l’apaiser comme l’avait fait la Damedieu avec moi des années plus tôt.

« - Et vous n’êtes pas une mauvaise mère, vous êtes seulement une femme très en colère qui ne sait pas comment aimer son enfant. Vous voyez chez elle tout le mal que vous avez subi au lieu d’y voir le merveilleux don de Vie que Néera a insufflé en elle.»