Assistance publique [libre]

Barkios 11:XI

Na'ri arriva dans la cours les bras chargés d'un plateau en bois. On y retrouvait quelques fruits, un piles de biscuits secs qui s'était déjà effondrée, une boisson chaude et un livre.
Le lieu était calme, elle était seule… enfin si on laisse de côté tous les protégés de Leetha.

Au Puy, il n'y avait pas vraiment de matin, de zénith ou de clair de lune.
Le temps était rythmé par les affûts de patients, d'étudiants et le sommeil.
Sommeil… encore une chose à rajouter dans les listes de Na'ri : dans celles des choses à faire et dans celle des choses à fuir.
Le problème du sommeil était qu'il ne venait pas seul. Dans son sillage, il y avait ces cauchemars. Ce n'était jamais tout à fait le même, ni tout à fait un autre. Des morts partout, un patchwork de cuirs humanoïdes et animaux, des cris de douleur se mêlant à ceux des charges…
Le réveil était épuisant. Alors, la médecin se réfugiait dans le travail.

Au Puy, il existait mille et un moyen de se blesser, de s'estropier, de se mutiler.
Il y avait une salle commune attenant au sanctuaire, qui était réservée aux esclaves. Ils pouvaient ainsi bénéficier des soins sans pour autant souiller les lieux sacrés. Par contre, ils avaient la plus part du temps les jeunes apprentis comme soignants. Une erreur y était plus facilement pardonnée.
Na'ri aimait bien les esclaves… pas tant par leur statut mais parce les soins à apporter étaient plus variés et parce qu'ils hurlaient un peu moins de douleur. Alors, après s'être occupée des cas eldéens les plus urgents, elle était là bas.
De plus, ces patients étaient plus reconnaissant aussi.

Alors dans ce moment de pause, Na'ri aimait prendre sa collation dehors.
Il y avait peu de monde pour la déranger… Elle savait qu'il y avait bien des bruits qui courraient à son sujet. Comme toujours et tant que cela portait sur la quantité de gâteaux qu'elle pouvait manger, cela lui convenait.
Et puis… elle était curieuse de la vie qui l'entourait. Qu'elles étaient ces créatures qui se réfugiaient dans cette cours, coincée entre le sanctuaire et le dispensaire ?

Assise sur une pierre, l'Eldéenne posa le plateau sur ses genoux et commença à émietter un biscuit à ses côtés.

Les jeunes drows se révèlent dans le dépassement de soi et rivalisent chaque jour d'audace en accomplissant les actes les plus braves dans l'espoir d'impressionner les dieux, mais aussi plus prosaïquement leurs ainés. Au plus grand regret des professeurs et encadrants de l'étude noire, cette audace n'était aucunement affectée par les responsabilités que confèrent une maitrise approximative des arts magiques les plus dangereux.

Ainsi donc, ce matin de Barkios, un étudiant avait décidé de réveler à tous son talent et son contrôle sans faille, comme cela arrive trop régulièrement dans l'institution. Nul ne sait encore ni quel était son objectif, ni si il y était parvenu, mais, au bruit sourd qui fit brièvement vibrer les murs épais du bâtiment, plusieurs membres de l'équipe interrompirent quelques seconde leur activité pour soupirer. La selection par le mérite était à l'oeuvre.

A l'épicentre, une professeur se tenait devant un étudiant à l'air perdu, son corps tendu arrêté dans son mouvement, le cœur battant et le souffle court. Son épée tremblante semblait avoir tout juste paré un coup invisible. Autour des deux drows, une multitude d'éclats de pierre s'étaient logés dans les murs, le sol et le plafond.

Shyn'tae observait le nuage de poussière devant eux en reprenant son souffle, nauséeuse. La sorcière était arrivée sur les lieux tard, et avait eu bien du mal à limiter les dégâts du sort. Par bonheur, les motifs semblaient avoir finalement repris leur stabilité… Le sortilège était sous contrôle. Et au moins l'étudiant semblait indemne. Il irait loin, pensa-t-elle.

Le bras de la drow retomba, en un soupir de soulagement. Autour d'eux, un mélange d'étudiants et de serviteurs s'agitaient en évaluant les dégâts lorsque soudain, un esclave surgit soudain du nuage, avec dans ces bras ce qui ressemblait à une elfe. Elle était inconsciente, et sa robe de lin maculée de sang. La sorcière la reconnut aussitôt, et son visage déjà sévère se ferma un peu plus.

D'un pas vif, elle s'était approchée des deux individus et tata le pouls de l'elfe pour découvrir avec soulagement qu'elle était encore vivante. Les possessions de l'académie avaient plus ou moins de valeur, mais la professeur aurait préféré ne pas perdre celle-là dans des circonstances aussi navrantes. C'était étonnant la quantité d'informations et de savoir faire que l'experience avait stocké dans cette petite tête. Que Shyn'tae ait au fil des années appris à apprécier cette assistante était un détail qui ne fit qu'ajouter à l'agacement qu'un mal de crâne de plus en plus prenant nourrissait graduellement.

- Vous, suivez-moi, lança-t-elle fermement à l'esclave qui portait la blessée. Elle adressa un regard à un assistant, lequel hocha la tête en prenant le contrôle des operations, et rengaina sa lame lisse comme un miroir d'argent.

***

Conduire une elfe au temple de Kirian était peut-être dans la liste des choses les plus étranges qu'elle ait entrepris ces dernières années. Shyn'tae n'aurait pas voulu confier cette tâche à un assistant, ou pire à un esclave, les chances auraient été trop grandes qu'il se fasse refouler à l'entrée. Un étudiant se serait peut-être perdu en route se dit-elle, avant de reconnaitre que cette opinion était peut-être excessive. Maintenant que l'adrénaline de l'instant l'abandonnait, elle reconnut qu'elle l'avait échappé belle, et que son action aurait pu être qualifiée d'audacieuse. Elle se sentait vidée et ses muscles endoloris. Rien qu'elle ne puisse facilement cacher, estima-t-elle.

En pénétrant dans la cours du temple, suivie par l'étrange attelage, Shyn'tae aperçut une prêtresse occupée à … émietter des biscuits? Elle ignora le gargouillis qui agita son ventre et vint directement la trouve, s'inclinant souplement.

- Mes respects, Je requiers l'aide du temple de Kirian pour cette esclave. Elle a été blessée lors.. d'un incident magique. Des éclats de roche, probablement. La drow préférait éviter de s'étendre plus que necessaire sur le sujet, et posa un doigt sur sa joue. A sa plus grande surprise, il en revint humide d'une substance poisseuse qu'elle connaissait fort bien: du sang, et selon toute vraisemblance le sien. Cela expliquait des choses. Oh. Chouette, ca m'apprendra à jouer les héros, pensa-t-elle.

Pour un esclave, il était plutôt libre.

Bien entendu, jamais il ne l’aurait dit à qui que ce soit. Et encore moins à sa maîtresse, L’Renor Crysto, une belle drow aux longs cheveux blancs, dont le physique avantageux ne masquait pas ce que Grayle qualifiait poliment « d’instabilité mentale ». Il avait rapidement appris à ne pas dire quoi que ce soit en sa présence, tant elle avait la capacité d’interpréter quasiment tout comme une bonne raison ou mauvaise excuse de le martyriser.

Régulièrement, il était convoqué à des « séances » mélangeant sévices physiques et un érotisme qui chamboulait l’esprit du jeune adolescent de 17 ans. Elle en retirait beaucoup de plaisir. Lui, beaucoup de douleur et de nombreuses cicatrices. Elles n’était pas profondes et restaient superficielles, mais se multipliaient à un rythme alarmant.

Il se retenait de pleurer à chaque fois, avec plus ou moins de succès. Mais, en dehors de ce rôle de souffre-douleur, Grayle était aussi l’homme de ménage, plus ou moins, celui de serviteur à tout faire. Lorsqu’on ne trouvait plus de tâche à lui donner… il pouvait sortir.

Et oui, comme ca. Au début, le paysan n’en avait pas cru ses yeux. Mais il s’était vite rendu compte que de un, s’enfuir de la ville était plus ou moins impossible, de deux, qu’y arriver signifiait devoir retraverser le désert, et que de trois, plus il restait en ville longtemps, plus les risques que les ennuis lui tombent dessus augmentaient.

Et dans le cas présent… les ennuis avaient explosés à la gueule de Grayle.

Le jeune esclave était allé à l’Académie magique, enfin, l’étude noire, ou l’école d’archimage, il ne savait plus… le nom était en drow, et il n’avait pas encore appris tous les mots.

La magie intéressait Grayle. Elle le fascinait. Elle le terrifiait. Mais il voulait en savoir plus. Il n’avait jamais pu en pratiquer, ni même essayer. On lui avait dit qu’il ne pouvait pas l’utiliser.
Mais, dans sa tête, une petite voix lui disait que peut-être, peut-être…
Alors, il était entré.

A ses risques et périls ? Il s’en était retrouvé que non. Grayle avait remarqué une chose. C’est que personne ne faisait attention aux esclaves comme lui. Il n’était qu’une jeune humain, plus costaud que la moyenne, mais parfaitement banal par rapport aux drows et autres esclaves féminines. Aussi était-il entré dans une pièce où une démonstration de magie allait se faire.

La démonstration avait soufflé Grayle contre un mur. Tout s’était déroulé au ralenti. Le souffle de vent magique, la poussière, les gravats dans toutes les directions, la fille fragile aux longs cheveux blonds projetée contre le mur. Il s’était jeté vers elle, et s’était retrouvé soufflé contre le mur, la tenant dans ses bras.

Elle était inconsciente, pleine de sang.

*Oh non…*

Si elle mourrait entre ses mains… OH NON ! IL ALLAIT ETRE ACCUSE !

Il se leva avec précipitation, la tenant dans ses bras comme une princesse. Elle était légèrement. Mal nourrie ? Il toussa, et sorti du nuage de poussière.

On vint directement vers lui. Enfin, vers la jeune fille. Une elfe. UNE ELFE ! C’était la première fois qu’il en touchait une ! Il se sentait sale. Lui, simple esclave humain, était en train de toucher une elfe, bien supérieure à lui ! Il la déposa légèrement au sol, pour qu’une drow vienne l’examiner. C’était une belle femme. Grayle ne remarquait pas ce genre de choses avant. Mais maintenant, après avoir dû murir à toute vitesse, il s’était découvert une attirance enfiévrée pour le sexe faible.

Ses hormones le torturait en permanence, et il maudissait le fait que les drows étaient aussi belles,aussi tentantes, aussi… peu habillées, généralement, mais cachaient derrière cette apparence une psychée complètement inhumaine. Cette drow, plus petite et fine que lui, était probablement aussi horrible que sa maîtresse. Il ne dit rien, se contentant de la regarder.

Lorsqu’elle lui dit de la suivre, il hésita. Etait-ce une bonne idée ? S’il s’éloignait trop longtemps de la demeure de L’renor… il était son esclave, et lui avait fait comprendre qu’elle tenait à lui, mais comme on tient à sa robe ou son mouchoir, pas un humain. Il était apparemment précieux, et ne voulait pas que d’autres… l’ « utilise ».

Il avait le choix : encourir l’ire de cette drow, ici et maintenant, ou celle de L’renor.

* Oh, flute. Je ne peux pas désobéir de toute facon. Je verrais plus tard. Et puis, ca sera sûrement entre elle et L’Renor. Pas mon problème.*

Sans dire un mot, il la suivit donc, transportant l’elfe sur son dos. Cette dernière était encore inconsciente, mais ses jours n’étaient pas en danger. Son visage fermé était posé contre l’épaule de Grayle, ses bras pendant de chaque coté de son visage, et ses deux pieds nus battant dans le vide.

Etrangement, la drow semblait plus fatigué que Grayle. Il la suivit gentiment, comme un toutou. A un moment, elle l’avait regardé pour vérifier s’il transportait la blessée sans difficulté. Il essaya de lui rendre un sourire rassurant. Lui-même saignait et avec mal ici et là.

Son cœur battait à toute allure. Et s’il était en train de s’attirer de gros ennuis en suivant cette drow inconnue ? Quoi qu’il en soit, ils se retrouvèrent en face d’une autre drow, qui était en train de…

*C’est des biscuits ?*

Ils avaient l’air appétissant… Son visage alla des biscuits à la drow, puis aux alentours. Il regardait ces derniers d’un air émerveillé, presque inconscient, comme s’il n’était qu’un touriste de passage. Il reporta son attention sur sa maîtresse temporaire, qui venait de se rendre compte qu’elle saignait. Elle semblait même nauséeuse.

Grayle, comme un con, cru bon de parler, en drow, et de s’inquiéter pour un être qui, probablement, le considérait comme à peine digne de respirer.

- Vous aller bien ?

Toute à sa curiosité, Na'ri ne vit pas immédiatement les trois arrivants.
Mais à l'évocation d'un blessé, la drow releva la tête. Son regard se porta immédiatement sur la pauvre hère gisant dans les bras du jeune homme. L'arcaniste devint alors transparente jusqu'au moment où elle se retrouva le plateau dans ses mains.

- Suivez moi ! Des éclats de roche, vous dites ?

Une question brûlait les lèvres de la médecin. Comment est ce qu'ils sont arrivés là… Mais en n'étant pas certaine de vouloir la réponse, elle guida ses hôtes d'un pas décidés.
C'est ainsi qu'elle les fit pénétrer dans le bâtiment et ordonna aux deux novices de préparer une couche.

A défaut d'être belle, la pièce était fonctionnelle, sobre et propre. De chaque côtés des lits étaient alignés, plus ou moins occupés. Des paravents mobiles permettaient d'avoir un semblant d'intimité.

Une fois la patiente installée, la guide revient avec une desserte couverte de pots, de linges et d'ustensiles métalliques en tout genre. Son regard se porta sur la blessée puis s'adressa à ses acolytes.

- Put'Xinel, qu'avons-nous là ?
- Une elfe blessée.
- Mais encore ?
- Un larbin de Kerhel

D'agacement, elle claqua les doigts et pointa la porte. Sans un mot, le novice boudeur, certainement habitué, prit sa pause. La medecin donna des conseils pour découper les vêtements de l'elfe en évitant autant que possible de lui faire mal… Tâche ardue.
Enfin, elle se tourna vers Shyn'tae. Dans le visage ensanglanté, elle crut reconnaitre un visage. Un visage qu'elle n'avait pas vu depuis tant de temps ! Celui d'une amie, d'une compagne, d'une amante occasionnelle. Le sourire qui se dessina sur ses lèvres s'emblait l'illuminer.

- La'dae ? C'est toi ?

La magicienne fronça un sourcil. Ce médecin était étrange, décida-t-elle. Mais les prêtres l'étaient parfois avait-elle appris au fil du temps. Il valait mieux éviter de les brusquer.

- Heu… Je ne suis pas sûre que..

En effet, les traits changèrent et le feu mourut. Comment avez t'elle pu les confondre à ce point ? Son amie était morte depuis… trop longtemps déjà.
Elle tendit à la mage un linge humide en tentant de reprendre contenance.

- Excusez moi… Installez vous à côté, sur ce lit... Rincez vous le visage avec ceci... Si vous voulez vous pouvez vous servir… Prenez la tisane cela pourra vous requinquer. Je vais en avoir pour un peu de temps, profitez qu'elle soit encore chaude.

Puis elle se tourna vers le jeune homme et lui mis dans les mains un lourd mortier et un pilon. Visiblement elle était encore troublée.

- Savez vous moudre ?

Elle mima le geste pour se faire comprendre, ne connaissant pas grand chose aux humains, si ce n'était leur composition fragile.

Le plateau qui se retrouva entre ses mains aurait tout aussi bien surgir du néant, étant donné la rapidité à laquelle la prêtresse l'avait donné à Shyn'tae. Peut-être avait-elle rêvassé? En tout cas, la médecin avait pris les choses en mains, et avait pris en main son esclave. Était-ce d'ailleurs le sien? Alors que ce dernier, portant sa charge, suivait sans broncher l'autorité médicale, l'arcaniste le suivit des yeux. Maintenant que le déroulement des évènements n'était plus totalement de sa responsabilité, elle remarquait des détails qui lui avaient mystérieusement échappé, à moins qu'elle ait choisi de les ignorer sur le coup. Elle n'était pas très certaine.

L'esclave ne portait pas la tenue qu'elle aurait attendu d'un serviteur de l'académie. Elle ne pensait pas l'avoir déjà vu dans le bâtiment, même s'il était vrai qu'elle n'était pas la plus physionomiste des sombres. Mais qui était-il, au juste?

Shyn'tae les avait suivi à l'interieur, et lorgnait sur le contenu du plateau avec envie, appuyée contre un mur. Ce n'était pas le moment d'avoir une fringale. Qui sait ce que contenait ces biscuits. De bonne choses, lui souffla quelque chose d'obscur tout au fond de son âme. Soudain, la médecin s'adressa à elle, la faisant sursauter

- La'dae ? C'est toi ?
- Heu… Je ne suis pas sûre que.. Shyn'tae n'avait su quoi répondre d'autre. C'était inadmissible, où étaient passé ses répliques!

- Excusez moi… Installez vous à côté, sur ce lit... Rincez vous le visage avec ceci... Si vous voulez vous pouvez vous servir… Prenez la tisane cela pourra vous requinquer. Je vais en avoir pour un peu de temps, profitez qu'elle soit encore chaude. Le linge était bienvenu, la suggestion beaucoup moins. La mage n'était pas ici pour qu'on traite son cas, et, par Uriz, elle n'allait pas se faire plaindre. Certes ce sortilège l'avait peut-être affectée, mais ce n'était rien que quelques biscuits ne pouvait arranger. Les biscuits pouvaient tout arranger. Oh, il y avait également un livre sur le plateau. Un livre de cuisine. C'était intéressant! Enfin non, il fallait qu'elle se concentre. C'est donc d'une voix assurée qu'elle répondit.

- Ce ne sera pas necessaire, prêtresse. Merci. Je me sens parfaitement bien. Quand on est professeur, donner le change est important. Et elle était forte pour ca.

Alors qu'elle passait le linge sur son visage, le plateau, toujours dans son autre main, se mit à basculer, avec biscuits, théière et livre de cuisine.

- Savez vous moudre ?

Grayle, jeune garçon calme généralement doué pour masquer ses émotions, la regarda comme si elle avait glissé sur une merde de chien.

- Oui. répondit-il simplement en drow.

Il se saisit du mortier et du pilon, et se mit à moudre le contenu avec vitesse et une expertise manifeste. Le pilon semblait glisser entre ses doigts, écrasant les herbes et fruits avec vitesse sans que même un simple grain ne soit expulsé à l'extérieur. Petit à petit, les produits devenaient une sorte de pâte à l'odeur douteuse et à l'apparence franchement inquiétante.

Pendant qu'il s'affairait à sa tâche, Grayle regardait les deux drows. Apparemment, elles semblaient se connaître... ou non ? Il ne connaissait pas leurs noms, et les identifiaient mentalement par "la soigneuse" et "la magicienne". Il n'arrivait pas à saisir tous les mots, mais il compris que la première expliquait à la seconde qu'elle pouvait se laver afin de soigner ses blessures.

Grayle, qui avait été légèrement blessé par le sortilège, fut proprement ignoré, mais son caractère généralement calme, et son statut d'esclave fit qu'il jugea bon de rester discret et de ne pas trop protester.

Puis, tout fut au ralenti.

Le plateau que tenait la magicienne se mit à tomber.

*Oh. Tous ces biscuits...*

Il vit distinctement le plateau se renverser, son contenu désormais en chute libre vers le sol.

*Ca va en foutre partout.*

Petit à petit, le tout continuait de chuter. Le visage de la magicienne tourna au ralenti, alors qu'elle se rendait compte de sa maladresse. Le contenu de la theière était à deux doigts de ruiner définitivement le livre.

*Hum, je devrais faire quelque chose...*

Il ne pouvait pas tout rattraper. Qu'est ce qui était le plus important ? se demanda t-il alors qu'il plongeait en avant, son pied droit glissant sur le sol dans une magnifique fente. Le biscuit ? le thé ? Le livre ? Sûrement le livre. On pouvait refaire du thé ou des biscuits... mais un livre...

Il choisit le livre.

La main de Grayle se saisit du livre, le retirant prestement du thé, qui s'écrasa au sol, suivi des biscuits, de la théière, et du plateau, dans un fracas de tonnerre. Le monde fut suspendu, et Grayle sentit les regards sur lui. Il n'aimait pas ca. Fendu en avant, le livre sec dans sa main droite, le mortier dans la gauche, ses jambes faisant presque le grand écart, il leva son visage et regarda les deux femmes.

- Moi avoir sauvé livre.

- Moi avoir sauvé livre.

La drow regardait l'esclave avec des yeux ronds. Ce dernier avait en effet le livre à la main. C'était un livre de cuisine, nota confusément Shyn'tae, bien que ce détail n'ait pas vraiment d'importance. Par terre, une tasse brisée répandait son contenu -quel gâchis-, et, tout autour, nageant dans la tisane, une armada de biscuits avait entamé une impressionnante bataille navale. Doublement fut la pensée qui tourna au ralentit dans l'esprit de l'arcaniste, alors qu'elle se faisait la remarque qu'elle n'avait jamais eu la chance de voir de tels combats. Est-ce que cela ressemblerait vraiment à ces biscuits? Peu probable, il s'agissait probablement plus d'une métaphore.

Qui se rapprochait d'ailleurs, remarqua-t-elle, absence. Non, pas la métaphore, mais plutôt la bataille navale. A moins que ce ne soit l'esclave, ou bien le livre. Quelque chose, au fond de son crâne, lui souffla que ses reflexions n'avaient aucun sens, et que ce n'était pas très encourageant. Ce devait être la voix de la raison, admit-elle dans un instant de lucidité qui s'acheva trop vite.

Moins d'une seconde plus tard, Grayle, bien qu'ayant spectaculairement sauvé le mortier et le livre, reçut sa récompense sous la forme d'une arcaniste en pleine poire.

Ha ! Il avait compris ! Qu'il était appliqué, efficace, qu'il mettait du cœur à l'ouvrage. La medecin espéra que son novice y prendrait de la graine. Novice qui était toujours absorbé dans la contemplation de la roche enfoncée dans les chaires pâles et délicates.
Na'ri s'apprêtait à inspecter la blessure à son tour quand le bruit si caractéristique de la céramique s'écrasant au sol.

- Qu'est ce qu'il se passe ? Chuchota t'elle pour elle-même.

Quelle vision lui offrit les deux accompagnateurs ! L'humain était tiraillé de toute part entre le livre de cuisine et le mortier. Genou fléchi, le corps porté vers l'avant, les bras tendus, il évoquait un escrimeur qui allait droit dans les ennuis. Mais déjà Shyntae tombait lentement sur le côté.
Professionnelle, Na'ri récupéra le mortier, à moins qu'elle ne l'arracha des main de l'esclave.

- Rattrape la ! Ordonna-t'elle d'une voix forte.

Encore une fois, le jeune homme eut l'occasion de se retrouver avec une elfe dans les bras. Sombre cette fois. La chevelure de neige caressa délicatement le visage juvénile tandis que la gorge s'offrait au regard.
Jour de chance ou jour de poisse ?

- Math'urain ! Va les aider ! Ordonna à nouveau la medecin, mais cette fois ci au novice qui lui faisait face.

Lequel était encore absorbé par la blessure inhabituelle, même pour le Puy. Après avoir été bousculé physiquement, il alla aider Grayle avec toute la flegme de la jeunesse.
Celle que l'on croyait être une étudiante fut installée sur le lit adjacent. Ses légères blessures furent prises en charge rapidement pour que le novice puisse reprendre ses tâches, ô combien plus intéressantes.

Pendant ce temps, Na'ri avait donné de la mouture obtenue à l'elfe. Peu après, le visage s'apaisa légèrement. Une fois encore, la pretresse bascula dans son monde de magie quand elle posa sa main sur la blessure.

Après quelque temps, quelques points et surtout un cailloux en moins, Na'ri se tourna vers le second lit dans lequel Shyn'tae reposait.

- Où qu'ils soient les étudiants sont tous les même… soupira t'elle en examinant les soins apportés à la sombre mage.

Puis elle se tourna vers Grayle.

Et toi, as-tu mal quelque part ? Qu'est il arrivé à l'étude noire pour en arriver là ?

Toucher. C'était quelque chose que Grayle avait l'habitude de faire, avant. Toucher la terre, le bois, le métal, les plantes, les céréales, la viande. Enfant de la terre, enfant du soleil, il pouvait, devait, toucher à tout. Il n'était pas particulièrement intelligent, et encore moins cultivé. Trop jeune pour être sage. Alors, il devait savoir travailler de ses mains. Sa survie en dépendait.

Depuis qu'il était au Puy, il ne touchait plus grand chose. Il n'en avait pas le droit. Surtout, il ne touchait plus personne. Plus de petit frère avec qui se battre gentiment, de petite soeur à caliner le soir. Plus de contact humain. Aussi, lorsqu'il avait du ramasser la jeune elfe et la traîner ici, il avait savouré le fait de sentir, contre lui, un autre être vivant, et pas le sol froid du Puy.

Et là, voilà qu'il tenait une autre femme dans ses mains. Mais cette fois, c'était une drow. Il n'aimait pas les drows. Il en avait peur. Les femmes surtout, semblaient plus cruelles que les hommes. Et pourtant...

Lorsqu'il la tint dans ses bras, lorsqu'il sentit ses longs cheveux contre lui, lorsque ses yeux se portèrent sur ses lèvres, son cou, sa gorge vulnérable, sa poitrine légèrement compactée par son haut léger, la chaleur de sa belle peau noire, il ne vit pas une drow, mais une femme en détresse.

Et il s'en voulait beaucoup de voir une femme là où il ne voulait voir qu'une drow.

Aidé par l'apprenti drow, qui le regardait avec un mépris teinté d'hostilité, ils installèrent Shyn'Tae sur le lit principal. Prudent, grayle s'écarta, mains derrière son dos, caressant d'un air absent ses propres doigts. Il fixa ses yeux gris acier sur la guérisseuse, la regardant opérer en notant bien ses gestes et ce qu'elle utilisait.

Il s'attendait à avoir de suite été ignoré, comme un simple objet qu'on laisse ici. Aussi, il fut surpris lorsqu'elle lui adresse la parole, et sursauta, la fixant avec embarras. Il répondit en drow, les mots prononcés lentement mais avec application.

- Mal... mal tête. Et épaule. Et un peu jambe. il pointa sa jambe gauche, qui saignait, le pantalon un peu déchiré par des dizaines de gravas qui avaient écorchés sa peau.

- Je... pas connaître magie. Juste ici, regarder. Et puis, boum ! cailloux partout, et elfe dans mes bras ! Pourquoi elle s'évanouir ? demanda t-il en pointant du doigt Shyn'tae

La medecin écouta le jeune homme. Il ne devait pas venir du Puy et cela attisait sa curiosité, mais elle devait d'abord s'occuper de ses maux.
Quand il pointa le doigt vers Shyntae, Na'ri sourit.

- Elle dort, maintenant. Il faudra que l'on discute avec elle pour vraiment déterminer le pourquoi. La magie peut blesser si elle n'est pas maitrisée.

La dernière phrase pouvait tout et rien dire à la fois. Na'ri attira doucement vers un lit Grayle pour qu'elle puisse l'examiner.

- Il faudrait que je te déshabille, installe toi. A ses mots, elle souleva la tunique du jeune homme qui s'était assis. Mais instinctivement il mit son bras valide à travers sa poitrine pour l'en empêcher.

- Je vais faire attention à ton épaule, n'est crainte. Laisse moi faire. La medecin passa ses mains sous la tunique pour la soulever à nouveau. Elle lui caressait ses flans du bout des doigts en remontant doucement l'étoffe. Il ne s'aurait dire si c'était fait exprès ou non. Soudain, Grayle se mit à trembler. Trembler ou frissonner ? La dow ne le savait pas.

- C'est mes mains qui sont froides ? Désolée. Mais elle poursuivit l'ascension sans avoir remarquer les joues écarlates de l'éphèbe.

Arrivée à l'épaule, elle lui ôta d'abord la manche de son membre valide, puis l'autre en le faisant bouger le moins possible. Mais elle fut surprise par sa découverte. Il y avait sur le torse une belle collection d'écorchures. Dans un sens ou dans l'autre, selon un goût artistique qui n'était pas le sien. Ce n'était pas des ornements, ou alors l'artiste était un peut trop avant-gardiste.
D'un raclement de gorge, la drow se concentra sur l'épaule.

- Est-ce que tu as mal quand je fais ça ?

Elle écoutait surtout le langage corporel du jeune homme. Elle avait supposé qu'il avait les sens d'un très jeune drow, n'ayant pas encore enduré les morsures de Kiev. Et quand elle diagnostiqua une luxure, elle s'attela à la soulager en partie. Puis elle tartina les plaies récentes d'une pommade assez odorante qu'elle trouva sur la desserte de l'elfe.

- Il faudra éviter de trop bouger le bras pendant quelques jours. Bon maintenant, la jambe !

D'un doigt sur le plexus, elle allongea Grayle qui paniquait ostensiblement.

- Ne t'appuie pas sur ton épaule, tu vas te faire mal encore… Laisse toi faire.

Et quand il fut enfin allongé, elle défit les liens des braies. Celles-ci quittèrent son propriétaire de la même façon que la tunique. Tout en douceur et en effleurement. Ici et là, encore les mêmes écorchures d'âges différents en vu de leur cicatrisation. Et bien sûr, les excoriations dû aux gravats.
Après avoir laver les plaies, elles aussi furent repommadées.

- Et voilà pour toi ! Dis, moi, tu n'es pas né au Puy… Comment c'était pour toi la vie au soleil ? Qu'est ce qui t'emplissait de bonheur ?

Toute à sa curiosité la medecin, s'assise au bord du lit, ne remarqua pas le moindre du monde la gène du jeune homme.

Grayle ne comprenait pas tous les mots que prononçait la guérisseuse, mais arrivait à saisir le sens général de ses phrases. Elle voulait le déshabiller pour l'examiner ? Il se mit à paniquer un peu. Déjà, car, merci Pavlov, être nu devant un ou une drow se terminait souvent mal et dans le sang pour Grayle. L'autre raison est qu'il n'avait pas spécifiquement envie que la drow puisse voir les nombreuses entailles que L'Renor avait tracée sur tout son corps, certaines cicatricées depuis longtemps, d'autre encore en cours.

C'était stupide de le penser. Il suffisait de voir ses bras nus, la femme ayant retroussée ses manches, pour apercevoir sur elle aussi, de nombreuses abalafres et cicatrices. Mais, aux yeux du jeune homme, ca donnait plus de caractère à la guérisseuse.

Elle se racla la gorge en voyant l'aspect du torse du jeune homme, légèrement amaigri et couturé ici et là d'une bonne vingtaine de petites balafres. Elle appuya sur son épaule et il sursauta, faisant la grimace en geignant. Grayle faisait de son mieux pour résister à la douleur et, comme le font tous les hommes, à en faire le moins possible. Mais son épaule, qui arborait une douce teinte violette, parlait pour lui, et elle se mit à soulager ses blessures, avant de lui appliquer une pommade froide et puante.

Il aimait le contact de ses mains contre sa peau. Il se mordit les lèvres en réalisant encore qu'il n'avait pas eu le moindre contact physique depuis des mois. Dans cette ville surpeuplée, il crevait de solitude. Et c'est une drow n'ayant rien à faire de lui qui lui apportait cette douce sensation de chaleur et de soulagement. Un comble !

Puis, elle parla de sa jambe et l'allongea contre le lit.

- Hein ?

Elle lui dit de se laisser faire, tout en détachant ses braies.

- Hein ?

Il se retrouva entièrement nu devant la drow, qui ne semblait absolument pas y prêter attention. Professionnelle, elle ne s'occupait que de ses blessures, massant la peau et les muscles avec un doigté et une douceur inhumaine. Bien loin des soins crus et brutaux qu'il recevait dans son petit village natal. L'esprit de Grayle était entièrement focalisé sur le fait qu'il était entièrement nu devant ce qu'il devinait être une belle femme sous sa robe gonflante, et toute tentative de penser à autre chose se concluait en un échec cuisant.

Elle passait la pommade sur ses jambes, ne prêtant pas attention au jeune homme effrayé, et donc excité, et donc encore plus effrayé. Elle lui posa ensuite une question. A quoi ressemblait la vie à la maison ? Un léger silence emplit la pièce, avant d'être brisé par l'assistant, qui pointa du doigt le bassin de Grayle.

- Haha ! Il bande.

Grayle sentit son coeur s'enfoncer un peu alors qu'il croisa le regard de la guérisseuse, dont les yeux glissèrent jusqu'à l'entrejambe, puis Grayle. Qui fit de même, regardant son membre fièrement gonflé, avant de revenir à la guérisseuse. Il se mit à rougir, puis pâlir, avant de rougir encore, et décida de se retourner sur le ventre afin de cacher le coupable. Il tourna sa tête vers le mur afin d'éviter tout contact visuel avec la jeune femme, entendant le ricanement hilare du jeune apprenti.

Il n'avait jamais autant eu envie de disparaître, honteux qu'il était. Afin de vite changer de sujet, il rebondit sur la question qu'elle avait posé auparavant. Il s'exprimait en drow, lentement et doucement, sa voix devenant plus chaude et mélancolique à chaque mot.

- Chez moi, le soleil est toujours là. Mais il brûle pas comme ici. Il réchauffe et rassure.

Il se mit à sourire, repensant aux champs de céréales à perte de vue, aux rivières forestières, aux arbres verts et immenses du bois voisin.

- J'aimais les animaux notre ferme. Mes frères et mes soeurs. Les céréales champs. Ici, drows méchants, cruels. Soleil brûlant. Pas de végétation, noir et humidité partout.

Il ne put s'empêcher de parler en péninsulaire.

- Je déteste cet endroit.

- Haha ! Il bande.

L'acolyte moqueur fut foudroyé du regard par la médecin. En effet, elle réalisa que le jeune homme était nu.

- En effet, il lui faut des bandes… Merci Put'Xinel. Est ce que tu peux aller voir les autres malades ?

L'esclave s'était recroquevillé. Aurait il froid ? Na'ri se leva pour aller chercher une couverture mais il se remit à parler. Il parlait presque pour lui-même.

Le soleil.
Il est vrai qu'elle avait toujours du mal à s'adapter aux ardeurs de l'astre. Mais, elle n'avait jamais pensé à ce qu'il puisse être une source de bonheur. C'est vrai qu'ici le soleil était abrutissant, brulant. Il avait raison. Tellement brulant qu'il n'y avait pas de végétation…

Les animaux.
Ça elle comprenait l'attachement que l'on pouvait avoir pour les petites créatures. Certains prêtres de Leetha partagés tellement de choses avec leur protégé. Cependant de ferme, elle avait déjà un peu plus de mal à imaginer toutes les espèces que cela représenté exactement.

La famille.
Encore un concept avec lequel avait du mal… Elle qui avait été élevée que dans les temples, c'est ainsi qu'elle voyait les autres drows comme des frères et sœurs. Bon, plutôt dissipés et fourbes. Mais elle les aimait quand même.

Les céréales.
Alors, oui, elle savait à quoi ressembler une céréales, mais des champs de céréales… pas trop.

Les arbres.
Non, là définitivement, Grayle était un drôle de personnage. Les arbres évoquait un peu trop le danger… qu'il vienne de la végétation en elle-même que de ceux qui peuvent vivre dedans.

Drows méchants.
Le jeune homme était devenu esclave. Les drows lui avaient ôter sa liberté. Elle ne pouvait lui en vouloir de ne voir que la noirceur de son peuple… sans compter les entailles infligées.

Na'ri écouta jusqu'au bout le témoignage du jeune homme. Elle éprouvait de la compassion pour lui. Puis elle alla chercher une bande.

- J'ai besoin de te maintenir l'épaule et ta jambe aussi, est ce que tu veux bien te remettre sur le dos ? C'est comment un champs de céréales ?

La sombre attendait une réponse de Grayle que cela pour les soins ou satisfaire sa curiosité.

Dernière édition par Grayle Gardair le Sam 9 Mar 2019 - 10:54, édité 1 fois

Un champ de céréales ? Elle n'en avais jamais vu ?

Le coeur compatissant de Grayle ne put s'empêcher d'exprimer de la pitié pour cette pauvre femme qui n'était jamais sorti de chez elle. Lui aussi avait été dans cette situation. Mais son pays d'origine n'avait rien à votre avec le Puy. Certes, il y avait la guerre et la misère, comme partout ailleurs. Mais il était plein de vie et de beauté. Elle ? Des décennies, des siècles à rester dans un endroit impropre à la vie. Pauvre âme.

Toujours aussi sereine et neutre, elle lui demanda de se remettre sur le dos. N'avait-elle donc pas compris qu'il ne voulait pas qu'elle voit son...sa... enfin bref ? Ceci dit, elle n'avait pas réagi.

* Après tout, elle me voit probablement au mieux comme un chien... elle s'en fiche. *

Il se retourna, et, soudainement, son esprit devint plus léger. Il bandait. Et alors ? C'était naturel. Il la regarda. C'était une guérisseuse. Elle avait sans doute vu pire. C'était une drow. Elle avait définitivement vu pire. Lui n'était qu'un gosse, un humain en plus. Il doutait lui faire ressentir quoi que ce soit.

Pour le prude garçon, ca sonnait comme une révélation divine. Il en fallait peu, certes. Il n'avait plus à cacher ses états d'âme, ou ici, de corps, à tout le monde. Une petite délivrance pour le puceau. Il se tint bien droit, bien immobile, afin qu'elle appose les bandages. Ses yeux gris étaient posés sur la drow, aussi bien pour déchiffrer ses émotions qu'étudier ses gestes.

- Hum, c'est un peu comme la mer.

Il se rendit compte un instant après de la connerie de son propos. Il se frappa le front mentalement.

- Ou... des... ?

Comment on dit roseau en drow ?

- C'est... aie ! Elle l'avait sérré fort pour apposer le bandage. Comme une tige. Dorée. Sur très longue distance. Des milliers de pas large et long. Plein plein plein plein de tiges, toutes dorées. Et le vent les fait bouger.

Il dressa un bras vers le ciel et le fit doucement onduler.

- Champs à perte de vue. Pour cultiver. Faire du pain. Galettes. Biscuits. Ou vêtements.

L'insouciance du jeune garçon à qui son foyer manquait commençait à poindre sous la carapace de passivité qu'il s'était forgée pour supporter son sort.

- Je peux vous dessiner ca. Je suis bon.

Le jeune homme s'était relevé. La medecin vu cela comme un signe d'ouverture et lui sourit en retour. Une fois qu'il fut installé, elle entreprit de bander son épaule tout en l'écoutant.

La mer.
Elle avait de très vagues souvenirs de la mer… cela remonté à plusieurs siècles. Elle l'avait vu lors d'une campagne. Et elle se souvenait surtout que cela représenter beaucoup d'eau.

Perdue dans ses souvenirs, elle serra un peu trop le bandage de l'épaule.

- Pardon, je suis vraiment désolée…

Puis elle se reconcentra sur son œuvre. Quand Grayle leva le bras valide, elle le suivit des yeux et sourit au mouvement. Cela ressemblait un peu à un serpent qui dansait.

- Champs à perte de vue. Pour cultiver. Faire du pain. Galettes. Biscuits. Ou vêtements.

- Je ne comprend pas, vous faites des vêtements avec de la farine ? Demanda la Sombre avec étonnement. Les humains étaient des êtres très surprenant.

- Je peux vous dessiner ca. Je suis bon.

- Je vais vous chercher une tablette. En attendant, est ce que vous pouvez vous rhabillez ? Si c'est difficile, on le fera à mon retour. A ces mots, la drow s'en alla dans un coin de la pièce.

Elle s'arrêta un instant près de ses novices pour corriger leurs gestes et pour leur donner quelques directives. Quand elle revient, elle avait en plus d'un pot, une tablette en cire et un stylet. Il arrivait de temps en temps des patients dont la langue avait été sectionnée et qui, par miracle, savaient écrire. Mais le vélin était trop précieux pour juste communiquer.

- Et voici ! Dessine moi un champ et après un vêtement de céréale. Etrangement, la voix était presque enfantine.

Sujet: Re: Assistance publique [libre] Lun 4 Mar 2019 - 10:27

Cette drow était décidément bien étrange. Elle s'adressait à lui hgentiment, presque comme une enfant. Grayle se sentait un peu désemparé, ne sachant pas si elle était sincère où s'il s'agissait juste d'une autre manipulation sortie d'un esprit malade.

Elle s'en alla lui chercher une tablette. Apparemment, elle voulait VRAIMENT qu'il lui dessine son pays d'origine. Il n'en croyait ni ses yeux, ni ses oreilles, ni son coeur. Bougeant lentement son bras puis sa jambe, encore engourdis par les produits et les bandages, il décida de se rhabiller, ne voulant pas rester nu une minute de plus près de ces drows, alors que l'apprenti lui lancait un regard goguenard.

Il l'énervait au plus haut point. S'il n'était pas un esclave, Grayle l'aurait tabassé juste pour se défouler. Toute guillerette, la drow revint après, en donnant une tablette, lui demandant de dessiner un vêtement de céréales.

Il se mit à rire, avant de se maudire de rire. Il n'avait pas DU TOUT envie qu'une drow puisse penser qu'il se moque de lui.

- Vêtements en lin. Se cultive comme céréales, mais pas céréales.

Il prit le stylet et ferma les yeux, se remémorrant la ferme familiale, les vallées et les champs alentours. Il ne dessinait pas aussi bien que son petit-frère Callagh, mais il se débrouillait.

Lentement, il commença à ébaucher un ciel, puis des vallées, avant de gratter pour dessiner les épis de blé qui formaient le champs, s'étalant à perte de vue, même s'il ne maîtrisait pas aussi bien la perspective qu'il n'aurait voulu. Dans le ciel, il dessina quelques oiseaux, en V. Puis, près du champs, il dessina une petite maison, avec quelques personnes.

- Ça ma famille. Papa, maman, Andréa, Callagh et moi.

Il dessina une petite rivière, avec un poisson dedans, et quelques arbres. Le dessin était tout sauf artistique, mais il suffisait d'un peu d'imagination pour remplacer les dessins par ce qu'ils étaient sensés représenter pour visualiser le paysage bucolique et presque paradisiaque de son enfance. En haut, il dessina un soleil dont les rayons illuminaient le champs. Il pointa chaque élément du décor.

- Soleil doré. Champ doré. Herbe verte. Ciel et rivière bleus. Nous cultiver blé, lin, chasser cerf et garder mouton.

Il lui montra le tableau, puis l'efface, avant de dessiner des vêtements, assez grossiers. Il n'était pas doué pour ca. IL essaya de dessiner la prêtresse Nessala avec ses vêtements de religieuse, mais le dessin était assez laid. Il n'était pas doué pour dessiner les gens, alors, il se contentat de dessiner un grossier haut.

- Nous pas riche, alors vêtements simples. Travailler la terre c'est sale. dit-il toujours dans un drow un peu hésitant.

Il la regarda, lui tendant la tablette.

- Et vous, comment était l'enfance ?

Sujet: Re: Assistance publique [libre] Lun 4 Mar 2019 - 23:20

Le lin. Le jeune humain parlait de fibre et non de farine… La drow ne releva pas son erreur de compréhension. Elle se disait bien qu'un habit en farine, ce ne devait pas être très pratique. Au rire, la medecin se dit que cet esclave n'allait pas dépérir immédiatement. C'était toujours agréable d'entendre rire dans cette pièce parce que c'était tellement rare. Alors elle sourit.

Mais déjà l'esclave se donnait à cœur joie dans le dessin. La sombre regarda l'esquisse qui se formait petit à petit sur la tablette. Il y avait beaucoup de petits détails, d'éléments encore enfantins comme les rayons du soleil.
Elle nota une première chose, que le blé correspondait à un grand trait et qu'au bout il y avait des points, ou des traits plus petits. Une tige et des graines. Mais des vagues pas trop… à moins que les tiges par moment devaient être plus hautes que d'autre. Et la seconde que Grayle prenait véritablement plaisir à dessiner et à raconter la première partie de sa vie.

- Et vous, comment était l'enfance ?

- Mon enfance ?

La question la pris complètement au dépourvu. Cela faisait tellement longtemps ! Avec le temps les souvenirs s'estompent…

- Mon enfance… c'était beaucoup d'apprentissage ! Il y avait le sable des terrains d'entraiment et le son des armes qui s'entre choquent. Il y avait l'étude de l'anatomie et l'odeur de la cire des tablettes. Il y avait la joie de la vie en collectivité et ses affres également.

Rêveuse, elle se plongea dans ses brides de souvenirs.

- Il y avait une histoire de draps qui pliaient d'une certaine façon dans le lit, nous empêcher d'y rentrer. C'était une farce assez commune au dortoir. Et c'était gentil.

Ça y est, maintenant, elle chercha comment il fallait plier les draps pour que cela ne se voit pas de l'extérieur.

- Désolée, je ne m'en souviens plus très bien, c'était il y a 600 ans… Mais mon enfance ne fut pas malheureuse ! De ça j'en suis certaine !

Elle sourit chaleureusement au jeune homme. Puis elle lui remis un récipient. Celui-ci était somme tout très basique, de petite taille. Ce n'était pas qu'une question d'avarice, les ingrédients étaient payés directement par la prétresse. L'avantage de la petitesse était que le pot pouvait également être facile à cacher.

- Dans ce pot, il y a de la crème pour tes prochaines petites blessures. Tu en mets un petit peu, du bout des doigt et tu étales. Tu le fais pendant un ou deux jours. Par contre, si les blessures sont plus profondes, viens ici. Je sais que ce n'est pas toujours facile, mais n'hésite pas. Tout comme tes comparses. Tu peux les emmener aussi. Ce lieu est fait pour vous accueillir. Et la crème ne se mange pas ! Ce n'est pas bon du tout !

Pendant ce temps, les acolytes s'étaient penchés sur Shyn'tae pour vérifier son état.

Sujet: Re: Assistance publique [libre] Jeu 7 Mar 2019 - 21:08

Les effets d'une utilisation mal maitrisée de l'Art étaient nombreux. Une série de cours détaillés et particulièrement explicites étaient d'ailleurs dédiée au sujet, et, en bonne apprentie, Shyn'tae les avait appris par cœur. Alors qu'elle reprenait peu à peu ses esprits et compta ses membres, la magicienne constata qu'elle s'en sortait plutôt bien. Son mal de crâne commençait à se résorber, et tâtant son focalisateur, elle appela un tout petit peu de magie avant de la laisser s'écouler…

Tout se passa exactement comme prévu. Rien de cassé en apparence. Elle s'était évanoui certes. Vu que seuls l'esclave et les prêtres l'avaient vue, son amour propre y survivrait certainement. S'il n'y avait d'autres séquelles, ce ne serait qu'un avertissement qu'elle ne travaillait pas assez.

Des éclats de voix finirent de la ramener à la réalité. Ca parlait… de champs de blés? La drow eut un doute et tourna la tête le plus lentement possible. C'était bien l'esclave inconnu et la prêtresse de Kirian, qui discutaient gaiement de leurs enfances heureuses.

La drow en resta incrédule. C'était surréaliste. Inattendu, et fascinant à la fois. Evidemment que les esclaves avaient eu aussi une enfance, avec de bons moments, et aussi… des moins bons. Une boule se forma dans la gorge de la magicienne, qui se transforma en colère. C'était injuste, pensa-t-elle, car ces deux là n'étaient responsables de rien. Mais les emotions ne sont jamais rationnelles… Sans y penser, elle serra machinalement la poignée d'éveil.

Elle se redressa lentement, et repoussa doucement les acolytes, d'un bras tremblant Son regard rouge allèrent entre Grayle et Na'ri.

- Comment va Miliwen? Le ton de la daedhelle oscillait entre inquiétude et agacement. C'est très aimable à vous de vous être aussi bien occupé de cet esclave… La magicienne pointa du doigt le jeune homme qui venait de se rhabiller. J'espère qu'il n'a pas été trop blessé dans l'accident. Ceci dit, nous prenons assez soin de nos propriétés pour qu'il ne soit pas necessaire de leur suggérer de venir ici d'elles-mêmes.

Non, ca n'allait pas du tout, elle allait passer pour la rabat joie de service. Toutefois, suggérer qu'ils ne s'occupaient pas bien de leurs esclaves étaient réellement agaçant. Shyn'tae hocha la tête en signe de respect et tenta de faire la paix avant qu'il ne soit trop tard.

- Merci beaucoup de votre aide, c'était généreux. Un gargouillement d'estomac conclut sa réplique, à son grand désespoir.

Sujet: Re: Assistance publique [libre] Sam 9 Mar 2019 - 12:29

Grayle écoutait la drow attentivement, se concentrant pour être sûr de comprendre le moindre de ses mots.

Ainsi, elle avait plus de 600 ans... il comprenait d'autant mieux pourquoi les drows étaient si... détachés vis à vis de la condition humaine. Sa vie et son existence ne seraient guère plus qu'un flash aux yeux de cette dame. T'sisras ne lui avait précisé son âge, et il avait réussi à se sentir un peu proche d'elle. Mais en révélant le sien, Na'ri venait de créer entre eux une barrière quasiment infranchissable aux yeux du jeune homme, qui ne parvint pas à cacher tristesse et mélancolie sur son visage.

Elle semblait avoir eu une enfance normale, voir heureuse. Il s'attendait à ce qu'eelle ait été pleine de coups, de brimades, de cette sorte de pression qui rend les drows cruels et méchants. Apparemment ce n'était pas le cas. Alors quoi ? Etait-elle une exception ? Les drows naissaient-ils comme les humains, neutres et capables de bien comme de mal, avec leur humour, leurs loisirs, leurs rires ? Et si oui, qu'est ce qui les rendaient tous aussi cruels et violents, encore plus que les pires déchets d'humains que Grayle avait croisé dans sa vie ?

Était-ce l'immortalité ? S'il vieillissait sans jamais mourir, que deviendrait-il ? Apèrs 100, 200, 300 ans d'existence, arriverait-il à rester un jeune homme bon -car il en était un, il en était persuadé- ou sombrerait-il dans le cynisme et le mépris des autres ?

Elle interrompit les rêveries du jeune homme en lui donnant un pot. Un pot de soin. Pour lui, et lui seul. Il la regarda avec gratitude.

- C'est le premier cadeau que je reçois depuis 2 ans. Merci maîtresse dit-il en inclinant la tête respectueusement, envers la seule drow ayant fait preuve d'humanité à son égard.

La drow le laissa ensuite pour s'occuper de celle qui s'était évanouie. Shyn'tae était en train de se réveiller, et, une fois redressée, fixa Grayle, puis la guérisseuse. Elle parla d'une certaine Miliwen, qui devait être l'elfe que Grayle avait récupéré. Puis, les deux drows se mirent à discuter. Cordialement au début, puis, de manière plus froide. Elles enchaînèrent les paroles de plus en plus vite, et si Grayle avait du mal à suivre leur conversation, il devenait évident qu'elles étaient en train de se disputer.

Les apprentis drow s'étaient écartés, alors que Grayle continuait de suivre la dispute. Ca parlait d'esclave, de traitement. De comparaison aussi ? On pointa Grayle régulièrement du doigt, avant que le sujet ne revienne sur le traitement des esclaves de l'Etude Noire. La guérisseuse, d'habitude si calme et gentille, se mit à hausser le ton avant de carrément engueuler la malade, qui, si l'on pouvait croire ses gargouillements d'estomac, était en plus affamée.

Les poings de Grayle commencèrent à trembler. Ce n'était "que" des drows, des ennemis, des esclavagistes. Qu'ils se disputent ne devrait pas l'ennuyer. Ça devrait lui faire ni chaud ni froid... mais voilà, Grayle détestait les disputes. Voir les deux femmes s'invectiver lui rappelait ses parents, son père frappant sa mère, et lui, qui n'avait rien fait pour arranger les choses entre eux.

Il devait faire quelque chose. Esclave ou pas. Aussi, jetants ses précautions à la rue, il se leva, et s'interposa entre les deux femmes. C'était la première fois qu'il était réellement debout face à elles, sans porter l'elfe en fardeau, ni courbé servilement vers l'avant, allongé ou assis. Il dépassait les deux d'une bonne demi-tête. Il avait compris le sujet de la dispute.

- Assez ! Je moi pas être esclave Etude Noire ! dit-il d'un ton très assuré pour quelqu'un massacrant la grammaire drow. Il posa ses mains sur chacune de leurs épaules. La droite sur celle de Shyn, la gauche à quatre doigts sur celle de Na'ri, avant de les repousser, gentiment, lentement, presque tendrement, avec ses deux bras couturés d'entailles et de cicatrices.

- Regarderz

Il leur tourna le dos, profitant du fait qu'il avait acquis leur attention et qu'il allait leur falloir au moins quelques secondes avant de décider de punir l'esclave pour avoir osé les toucher sans permission. Il releva son haut, montrant une seconde fois son dos, martyrisé par les traces de coup, de fouet, et même l'énorme cicatrice de griffes de loup. On pouvait aussi distinctement voir la vilaine blessure de son oreille jusqu'à l'arrière de son crâne, un sillon sur lequel ses cheveux ne poussaient plus vraiment, signe du combat où son père avait essayé de le scalper avec sa faucille.

Et aussi, la marque ronde, claire et brûlée, presque violacée, de sa maîtresse, sur son omoplate droite.

- Ca marque esclave. Pas Etude Noire. Maitresse moi L'renor Crysto !

Sujet: Re: Assistance publique [libre] Lun 11 Mar 2019 - 22:09

Les remerciements de Grayle étonnèrent la pretresse. Lui qui parlait l'eldéen de façon si haché, là, les remerciements étaient très bien formulés. Mais la sombre mage se réveillait enfin.

- Comment va Miliwen? Miliwen. C'est donc ainsi que se nommait l'elfe. Na'ri essaya de le mémoriser pour pouvoir le noter dans le registre.
Elle est encore endormie. Les… commença à répondre la pretresse. Mais déjà l'étudiante ne semblait ne plus l'écouter.

Ceci dit, nous prenons assez soin de nos propriétés pour qu'il ne soit pas necessaire de leur suggérer de venir ici d'elles-mêmes. La pretresse haussa un sourcil. Et ce fut légèrement agacée qu'elle répondit.
Un maitre maltraitant ne va jamais accompagner un esclave se faire soigner. C'est tout le principe de la maltraitance. Les novices s'écartaient progressivement du lit. Ils connaissaient les colères de la soignante. Non pas qu'elles soient très nombreuses, mais qu'elles étaient aussi froides et tranchantes que l'acier. Et c'est le cas de ce jeune homme. Je ne vous félicite pas pour les scarifications. Enfin si. Elles sont précises. Nombreuses. Et faites pour saigner. Beaucoup. Trop. Progressivement la voix charriait de plus en plus de glaçons. Elles sont… gratuites.

Merci beaucoup de votre aide, c'était généreux. Shyntae avait tenté de faire la paix. Mais la pretresse non, et elle continua ainsi.
Non. Non ce n'est PAS généreux. C'est être RESPECTUEUX. La soignante insista particulièrement sur ce mot. Vous êtres encore jeune. Vous êtes encore une étudiante mais ce n'est pas une raison pour ignorer le travail et le bien être des esclaves. Oui il est vrai que les humains ne vivent pas longtemps mais ce n'est pas une raison pour l'écourter. Vous ne vivrez qu'une partie de votre existence avec eux mais pour eux, c'est toute leur vie. Respectez les !

Soudainement le visage de Shyntae changea. Ni pour le mieux, ni pour le mal, mais pour l'épaule de Grayle. L'étonnement rendit la sombre muette. Mais que se passait-il ? Mais en tout cas, le jeune homme avait réussi a détourné l'attention. Rapidement, le jeune homme se retourna et révéla son dos.

… Maitresse moi L'renor Crysto !

L'renor Crysto.
Le nom eut l'effet d'un couperet pour l'ancienne médecin militaire. Elle la connaissait. Pas personnellement mais de réputation… et quelle réputation. La seconde du C'noros était… unique.
En effet, parmi les multiples cicatrices, c'était bien la marque du C'noros qui se trouvait là. Pourquoi ne l'avait elle pas vu avant ?

Désolée. Je vous ai jugé trop hâtivement, Mademoiselle. Les oreilles rabattues, les mains croisées sur le ventre, Na'ri était repentante. Cela allait encore jaser dans le réfectoire.

Sujet: Re: Assistance publique [libre] Jeu 14 Mar 2019 - 18:15

Encore sonnée, la drow avait levé la main, avait tenté d'élever la voix, de rétorquer, et à mesure de ses vaines tentatives qui ne parvenaient à franchir la barrière des flots de paroles que la prêtresse lui assénait, son visage s'était coloré. Non pas de honte, mais de colère. Etudiante? C'était certes une mauvaise blague qu'elle subissait parfois à l'étude noire, mais c'était surtout une rude manière de revenir à la réalité. Ses oreilles tendues, le regard dur, elle tenta à nouveau d'en placer une, mais fut aussitôt rabrouée.

De quoi parlait-elle en plus? Elle ne connaissait même pas cet esclave. Son esprit tiqua. C'était vrai, elle l'avait réquisitionné, mais elle ne pensait pas avoir vu le jeune humain costaud comme un boeuf auparavant. Sur l'instant, elle n'y avait pas prêté garde, car l'étude noire était bien trop grande pour qu'elle en connaisse le personnel…

Et pourquoi se posait-elle de pareilles questions d'ailleurs? Elle n'avait pas abimé cet esclave, on l'humiliait en public. Son regard carmin aussi dur que celui son ainée, la jeune éldéenne se leva , agressive.

- Oh, mais bien sûr. J'ai l'air jeune, donc je suis une étudiante un peu idiote. Peut-être que si j'avais de plus gros seins, je serais plus crédible? La daedhelle ponctua sa phrase en soupesant ses atouts somme toute modestes comparés à d'autres. Et si cet humain est avec moi, évidemment, cela signifie que c'est le mien? Qu'est..

Le crétin d'esclave qui était en train de finir de gâcher cette journée déjà detestable s'était interposé. Et venait-il de poser sa main sur son épaule? C'était.. difficile de trouver les mots. Voulait-il vraiment être puni? Qui l'avait élevé ainsi? Tant de questions qui allaient bientôt trouver une réponse, la magicienne comptait bien s'en assurer.

Shyn'tae leva vivement les yeux vers lui, hésitant entre colère et incrédulité, et allait saisir cette main paternaliste lorsque l'esclave débita quelques mots dans un éldéen qui lui aurait fait crissé des dents si le contenu n'avait pas été aussi perturbant.

Elle se leva d'un bond, ignora le vertige qui la saisit pour observer la marque sur le dos de l'humain aux cotés de Na'ri. Oui, c'était la marque du Ch'nros. Shyn'tae en resta quelques instants interdite, pendant que la prêtresse murmurait des excuses.

La sorciere toussota. L'Renor avait une petite réputation au sein de l'étude noire, et si elle en croyait les scarifications, cette réputation semblait méritée. Une petite voix souffla intérieurement à Shyn'tae que si elle voulait intégrer la branche magique militaire, la propriétaire de l'esclave aurait probablement son mot à dire. Mieux valait ne pas abuser de ce qui lui appartenait.

- Je… pas d'offense. Enfin si, mais tout le monde fait l'erreur apparemment. La daedhelle offrit un geste d'apaisement à la prêtresse. Il était vrai que Grayle était couvert d'amusants dessins, et le doigt doux de la magicienne les effleura. En fait.. vous pouvez vous faire pardonner facilement… Mes excuses pour le plateau, mais auriez-vous d'autres biscuits? La drow semblait contrite.. Peut-être était-il possible d'en profiter? Elle mourrait de faim.

D'un mouvement vif, elle se retrouva devant Grayle, l'effleurant, et appuya un doigt sur son torse.

- Quant à toi… Comment t'appelles-tu? Que faisais-tu dans l'étude noire? Est-ce que ta maitresse t'attend? L'humain avait beau dépasser la daedhelle d'une tête, cette dernière compensait par un regard glaçant. Il se trouvait qu'elle ne comptait pas attenter à l'intégrité physique de l'esclave, mais ca, il n'en savait rien supposa-t-elle. Elle espérait surtout que la réponse à sa dernière question soit négative.

Sujet: Re: Assistance publique [libre] Jeu 21 Mar 2019 - 7:56

Son geste de bravoure passé, Grayle se sentait un peu idiot et avait maintenant une furieuse envie de disparaître sous le premier rocher à portée. Hélas, aucun rocher en vue. Il allait donc devoi affronter les reproches de la drow. Cette dernière, toutefois, ne l'intimidait guère. Il l'avait senti dans son silence, sa voix et ses gestes qu'elle craignait sa maîtresse, ou au moins, n'avait pas envie de se la mettre sur le dos. Elle s'était calmé d'un seul coup, et pas uniquement parce que l'esclave avait montré que le sujet de leur dispute était nul et non avenu.

Intérieurement, il était content d'avoir mis fin à la dispute entre les deux femmes aussi vite qu'elle avait commencé. Aucune reconnaissance ceci dit... on était déjà reparti à l'interrogatoire ! Sans lui demander s'il voulait des biscuits.

- Moi Grayle. J'avoir une course à faire dans étude Noire, donc prix par l'explosion.

Il tiqua à la demande de si sa maîtresse l'attendait. Craignait-elle de mettre L'Renor en colère en s'étant accaparé l'esclave ? En réalité, L'Renor ne l'attendait pas vraiment, ne portant qu'une attention très modérée à sa présence où à ses activités, délaissant la tâche de surveiller l'humain aux autres esclaves "mieux classés". Ces derniers, autrefois particulièrement attentifs, relâchaient plus ou moins la surveillance de Grayle, étant donné que ce dernier n'avait causé aucun soucis jusque là, et obéissait servilement aux ordres.

Il n'avait même pas essayé de s'échapper !

- Pas trop non. Pourquoi ?

Sujet: Re: Assistance publique [libre] Mar 26 Mar 2019 - 22:29

- Pas trop? La drow avait eu un bref mouvement de recul, et ses oreilles s'étaient tendues sous l'effet de la surprise. Cet esclave était particulier, la sombre inclina la tête en tentant de comprendre.

- Elle ne t'attend pas trop. Le sourire de la demoiselle s'élargit et elle posa un doigt fin sur son torse. Elle avait l'air de s'amuser énormément à cet instant, sans qu'elle même fut capable de déterminer si cette impression était sincère ou la conséquence d'une tension excessive. "C'est amusant, parce que ce n'est pas vraiment l'idée que je me faisait de dame L'Renor Crysto. "

Lorsque Na'ri revint avec de nouveaux biscuits, la magicienne en prit deux, l'un trouva immédiatement ses lèvres, elle présenta l'autre à celles de Grayle. Ils étaient excellents quoiqu'un peu humides réalisa-t-elle, car elle les préférait plus craquants. "Goûte, ils sont excellents." Une idée lui vint à mesure qu'elle reprenait des biscuits et des couleurs. Après tout, pourquoi pas, il y avait peu de chances qu'on lui reproche d'avoir pris son temps. Et tomber sur un esclave de la fameuse numéro deux du C'rnos avait de l'intérêt.

- J'en déduis qu'elle te laisse plus ou moins libre de vaquer à ta guise… Quelle genre de Maitresse est-ce? Qu'aime-t-elle? L'éldéenne entamait son troisième biscuit et lui en tendait un autre, comme pour l'encourager à parler. Il y avait des rumeurs autour de la drow. Et Shyn'tae n'aimait pas les rumeurs.

Sujet: Re: Assistance publique [libre] Ven 29 Mar 2019 - 17:25

En fait.. vous pouvez vous faire pardonner facilement… Mes excuses pour le plateau, mais auriez-vous d'autres biscuits ?

Intérieurement, la pretresse remercia l'archaniste de lui donner l'opportunité de prendre l'air et par la même occasion du recul sur les évènements. En effet, elle s'était emportée. Ce n'était pas du tout dans ses habitudes et encore moins professionnelle. Et en cela la pretresse de Kiran s'en voulait.
En cuisine, on lui reprocha de ne pas avoir rapporté le plateau ni la vaisselle et sa gloutonnerie. Mais la sombre en avait cure. Elle pris sans ciller les reproches. Ce n'était pas le jour pour argumenter, elle avait déjà perdu.
Quand elle revint en trottinant, elle trouva Grayle et Shyn'taë en grande conversation. Elle posa sur le lit le nouveau plateau de biscuits et les laissa, non sans avoir entendu le prénom de l'humain. En effet, maintenant que les soins avaient été réalisés, la pretresse devait les consigner sur le registre. Elle commença par le jeune homme. Cependant, elle se demanda s'il était très judicieux que le temple aille réclamer un don au C'noros… Bon faudra qu'elle en parle avec la professeur…
D'ailleurs, comment s'appelle t'elle ? se demanda la sombre. Puis elle écarta la nouvelle question en laissant la colonne temporairement vide. Elle n'avait pas encore prit l'habitude de récupérer les noms des patients. Les soins de la drow avait été limités. Ceux de la l'esclave fut par contre plus nombreux et détaillés.

Ses travaux d'écriture finis, la pretresse se leva et rejoignit les blessés.

- Excusez moi… La sobre était visiblement gênée de les interrompre Grayle, vous pouvez partir quand vous le souhaitez. Par contre, vous Professeur, pourrions parler un peu avant votre départ ? Milliwën restera en observation tant qu'elle ne se sera pas réveillée. Et nous aurions encore quelques soins à réaliser. Mais je vous en prie, vous pouvez encore un peu profiter tant qu'il n'y a pas de nouveaux patients.

A ces mots, la sombre s'inclina et repartie vaquer à ses malades et surtout vérifier les travaux de ses deux novices.

Quel genre de maîtresse était L'Renor ?

Grayle leva les yeux vers le plafond, plongé dans une réflexion apparente et sincère. Le biscuit croquait sous ses dents. Il était bon.

Comment était L'Renor ? Elle était...

Il s'interrompit d'un seul coup, avant de regarder Shyn, comme saisi par une révélation, avant que son visage ne reprenne sa neutralité habituelle, sans masquer pour autant son outrage, sourcils légèrements froncés et regard foudroyant. Elle essayait de le manipuler ! C'était une drow, et lui un esclave, et cette bonne humeur, ce petit sourire, cette voix enchanteresse, appartenait à celle qui avait trouvé quelqu'un de candide. Et Grayle, qui savait pertinemment qu'il n'était pas de taille face aux machinations mentales des drows, éprouvait une paranoïa -souvent justifiée- face aux intentions de ces derniers.

Et cette drow, aussi séduisante et avenante soit-elle, en lui demandant des informations sur sa maîtresse... il s'en méfiait. Si ca se trouve, elle ne faisait que le tester !

Il la regarda en souriant d'un air candide, mais faussement candide. Le genre qu'on pouvait deviner hypocrite, mais sans aucune preuve solide et concrète à avancer.

- Pourquoi vous pas lui demander ? Moi lui dire votre nom, que vous posez questions sur elle, et elle vous répondre par elle même !

Pendant qu'elle enregistrait la proposition risquée de Grayle, il vola un autre biscuit. Quand la guérisseuse intervint, il se retourna, et s'inclina respectueusement devant elle, avant qu'elle reparte.

- Merci beaucoup pour votre générosité. Je ne l'oublierais jamais ! dit-il avec émotion, avant de la voir partir avec regret. Il l'aimait bien. La magicienne... il ne savait pas encore. Alliée ou ennemie.

Lorsque la prêtresse avait expliqué ce qui allait advenir de Mililwen, la professeur avait hoché la tête avant de s'incliner profondément. Elle se sentait déjà mieux, le malaise semblait n'avoir été que passager. Un signe de sa faiblesse et de l'insuffisance de sa maitriser les difficiles arts arcaniques. Un échec de plus. Il lui faudrait travailler plus.

-Merci de toute votre aide. Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Je ferai en sorte que l'étude noire fasse un don à la hauteur de votre abnégation. Il y eut une pause, puis elle ajouta quelques mots supplémentaires J'y ajouterai quelque chose à titre personnel.

Puis la prêtresse les avait laissés. Le rire cristallin de la daedhelle retentit dans la pièce à la réponse de Grayle. Ce n'était pas un rire très puissant, ni particulièrement maléfique, il était même plutôt léger. Elle inclina doucement la tête en regardant l'esclave dans les yeux. Il était amusant. Elle aurait pu lui dire oui, et voir comment il se débrouillait. Nul doute qu'il n'avait aucune envie de se retrouver au milieu de disputes entre éldéens. Personne de censé n'en avait envie. Donc il était raisonnable de penser qu'il bluffer. Et si ce n'était pas le cas, cela pourrait générer de nouvelles opportunités.

- Si je te disais oui, tu le ferais? Mais non, je préfèrerais ne pas être introduite par un esclave mal élevé. Cela ferait très mauvais genre.

Shyn'tae observa quelques instant sa domestique. Elle donnait l'impression de dormir sur le lit. Elle posa la main sur ses cheveux sombre, puis, la retira, la mine pensive.

- Allons-y, rentrons, Grayle. L'esclave était amusant et extrêmement serviable, mais combien de temps allait-il survivre ainsi? Manifestement L'Renor devait l'apprécier ainsi, mais nul doute qu'il risquait à tout moment de commettre un impair avec quelqu'un qui le lui ferait regretter. Ceci Elle lui donnait quelques années, quelques décennies tout au plus. Le temps que L'Renor se lasse ou qu'il donne la mauvaise réponse à la mauvaise personne.

La magicienne frissonna et ses doigts caressèrent machinalement la poignet de son amie, pendue à son coté.

- Tu sais, tu devrais faire attention à ce que tu dis. Quand je te demandais quel genre de Maitresse était L'Renor, je demandais ton avis, mais tu as eu probablement raison de ne pas répondre. Ou plutôt, il aurait mieux valu que tu ne répondes rien plutôt que de me provoquer. Même si en l'occurrence c'était bien trouvé, je dois le reconnaitre. La drow toisa Grayle de haut en bas avant de continuer.
- Tu es peut-être chanceux, mais ca ne durera pas toujours. Viens, j'ai des choses à te montrer.

Et elle quitta le dispensaire de son pas félin, laissant à l'esclave le loisir de la suivre s'il le désirait. Après tout, ce n'était pas le sien.

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