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Sujet: Le Livre des Justes [solo] Ven 10 Avr 2020 - 15:12
Durant le mois de Verimios, l'année 17 du XIe Cycle
Les ruines du château d'Abyssea n'avaient jamais aussi bien porté leur nom que depuis la destruction du Nœud magique qui trônait jusqu'à récemment en haut de la tour principale. L'énergie dégagée durant le rituel visant à se débarrasser du construct devenu dangereusement instable avait causé des dommages irrémédiables à la structure, obligeant les chaotiques à déplacer dans d'autres parties de la vaste structure ou dans des bâtiments alentours les différentes installations nécessaires tant à leur survie qu'au maintien de l'activité du culte. Régulièrement les adeptes venaient observer les traces du cataclysme déclenché par leur Dieu, se demandant intérieurement pourquoi "Il" avait choisi de faire sauter sa propre tour plutôt que celles de Diantra ou d'Alëandir, ces vils lieux de perdition où tant d'hérétiques refusaient encore de vénérer les Six au lieu des Cinq. Puis ils se souvenaient que rechercher une logique dans le Chaos comportait encore moins de cohérence que vouloir écrire une odeur ou écouter une couleur, et ils s'en retournaient alors d'un pas morne à leurs activités quotidiennes. Les mystères de la foi n'appartenant pas au profane et douter des raisons d'une volonté supérieure constituant déjà en soi un péché qu'il convenait de châtier par des mortifications de la chair, le port de cilices et l'autoflagellation avaient connu une multiplication exponentielle ces dernières ennéades à Abyssea.
Si la cité abandonnée n'avait pas été aussi vaste, sans doute les chaotiques auraient-ils du la quitter, mais certaines zones se révélaient moindrement endommagées malgré deux décennies d'abandons et pouvaient servir à les héberger en attendant de voir si un jour les hautes tours du château se dresseraient de nouveau fièrement au cœur des marais de Faélia. Ce chantier titanesque enflammait certes quelques esprits ardents, toutefois les hiérarques firent fort justement valoir auprès de leurs adeptes que cela reviendrait à cacher le miracle divin dont ils avaient été les spectateurs ébahis et que les fonds financiers assez limités du culte pouvaient se voir plus intelligemment affectés dans des projets de prosélytisme en Ithri'Vaan ou en Péninsule. Faisant suite à cette décision, le nouveau temple se situait désormais à mi-chemin entre les ruines du château et l'ancienne porte Nord d'Abyssea, dans ce qui avait du être lors du Cycle précédent un arsenal pour les armes de siège que les armées du Chaos espéraient utiliser dans leurs vastes plans de conquêtes jamais réalisés. Vaste et bien soutenue par de massifs piliers, la salle convenait à l'organisation des cérémonies religieuses une fois correctement aménagée. Des tapisseries aux motifs sombres furent pendues au mur, entrecoupées de rares torches devenant plus nombreuses au fur et à mesure que le fidèle s'avançait vers l'autel qui se trouvait toujours installé au pied d'une série de marches menant jusqu'à la vaste coupe où dansait éternellement le feu noir.
Conscient lui aussi du trouble qui parcourait les fidèles, Haldren avait décidé d'y répondre en se mettant à l'écriture des textes sacrés qui constituaient le ciment de toute doctrine religieuse. Quelques fouilles dans l'ancienne bibliothèque de la Voix lui avait certes permis de trouver des textes mystiques écrits par ses prédécesseurs, mais la malveillance qui en exsudait à chaque ligne ne convenait pas au projet qu'il avait formé une dizaine d'années auparavant en reprenant à sa main le culte du Chaos. Ces anciens textes reposaient de nouveau dans de lourds coffres de ses appartements privés et devaient se voir remplacés par des versions plus en phase avec la modernité nécessaire à un Chaos se projetant dans le XIème cycle. Entouré de trois scribes, Haldren se tenait assis en tailleur sur l'autel et narrait la création du monde telle que les adeptes devraient l'apprendre dans une version que nous qualifierons prudemment de "complétée" par rapport à la cosmogonie pentienne standard. Deux scribes prenaient en notes son récit, tandis que le troisième l'écoutait et choisirait celle des deux versions qui lui paraîtrait la mieux retranscrire ses propos. Cette version serait celle retenue dans le "Livre des Justes", un recueil destiné à porter aux fidèles la parole du Chaos.
Genèse, versets 1 à 16 - la naissance des Dieux et la création du monde
***
1Au commencement était le Néant, et le Néant était au commencement. Il n'existait alors ni le temps ni l'espace, ni la lumière ni l'obscurité, ni le chaud ni le froid, ni le haut ni le bas. Seul existait le chant d'Ilwuthan qui constituait le Tout. 2Mais Ilwuthan se sentait seul et il décida de créer deux Êtres avec lesquels partager la beauté de son chant. Ainsi naquirent Iben et Alm, les Dieux aînés qui représentaient les forces antagonistes de la création et de la destruction. 3Le premier se saisit du chant d'Ilwuthan et l'utilisa pour façonner un monde de terre nue et lisse, froid et terne dans sa perfection glacée. Furieux, Alm plongea alors ses doigts dans ce jeune monde pour briser cette uniformité et ainsi naquirent les vallées et les montagnes qui parsèment toujours Miradelphia.
4Mais Ilwuthan se sentait toujours seul car ni Iben ni Alm ne savaient apprécier la beauté de son chant, enfermés dans leur lutte éternelle dont ils ne pouvaient ni ne souhaitaient sortir. 5Déçu, il repoussa Iben et Alm loin de Miradelphia en leur ôtant leur pouvoir et entreprit de l'utiliser afin de créer d'autres entités qui sauraient rendre ce jeune monde digne de son chant. Les Divinités cadettes ainsi créées furent les Cinq, issus exclusivement du pouvoir d'Iben le Créateur et c'est pourquoi on les appelle "Iben'mirroanwi", ceux qui se sont incarnés d'Iben. 6Se saisissant de la création encore inerte des Dieux aînés, ils entreprirent de le rendre digne du chant d'Ilwuthan. A leur passage, le monde fut recouvert d'épaisses forêts, les souterrains s'emplirent de richesses, le vent se mit à bruisser et les rivières à se déverser dans les océans.
7Tel fut forgé le monde que nous connaissons mais Ilwuthan se sentait toujours seul car les Cinq façonnaient un monde certes parfait mais aussi morne que la sphère primordiale d'Iben. 8Alors il entama un nouveau chant plein d'une force vitale dont se saisirent les Cinq pour créer les différentes formes de vies qui le parcourent encore aujourd'hui ou le parcoururent autrefois, et à chacune ils définirent les règles devant être suivies. Immuables, ces règles permettaient d'assurer la survie éternelle de chaque espèce car les Iben'mirroanwi disposaient de fines balances dans lesquelles rechercher l'équilibre autrefois rêvé par Iben. 9Ainsi le renard sut-il qu'il lui fallait chasser le lapin, l'albatros sut qu'il lui faudrait s'accoupler sur l'île perdue au delà de l'Eris, l'abeille sut qu'elle n'aurait nul repos dans sa quête de butinage.
10Ainsi naquirent la plupart des êtres vivants mais Ilwuthan se sentait toujours seul car aucune des créatures qui le peuplait ne cherchait à l'améliorer ni à le changer, tous se complaisaient dans ce que les Cinq pensaient être la perfection mais qui n'était que de l'immobilisme. 11Comprenant que l'entropie constituerait la clé de voûte de son oeuvre, Ilwuthan utilisa le pouvoir d'Alm le Destructeur pour créer le Sixième Dieu et c'est pourquoi on l'appelle "Alm'mirroanwë", celui qui s'est incarné d'Alm. 12Et à destination de ce Sixième Dieu, Ilwuthan entama son dernier chant, le chant du changement et du renouveau, le chant du désir et de l'envie, le chant qui permettrait au monde d'évoluer et d'être enfin le véritable reflet de la beauté à laquelle Ilwuthan aspirait depuis l'aube des temps.
13Alors le Sixième Dieu descendit à son tour sur le monde et se saisit du chant d'Ilwuthan pour créer de nouvelles créatures auxquelles il insuffla la soif insatiable de la vie, la flamme qui brûle en chaque cœur et que rien ne peut jamais satisfaire. 14Ainsi naquirent les elfes qui sentirent pousser en leur cœur l'envie de s'élever au-dessus des autres races ; ainsi naquirent les nains qui se mirent à rêver de profondes galeries où trouver encore plus des précieux minerais ; ainsi naquirent les humains qui se disputèrent bien vite chaque nouveauté découverte dans un égoïsme exacerbé ; ainsi naquirent les drows qui furent aiguillés par le désir d'explorer chaque facette du plaisir jusqu'à n'en plus pouvoir. 15Et ces nouveaux êtres envahirent chaque région de Miradelphia, se multipliant et amenant à la création des Iben'mirroanwi l'étincelle de l'entropie.
16Et Ilwuthan se sentit heureux car le monde existait tel qu'il le chantait au commencement.
Dernière édition par Haldren Alm'mirroanwë le Lun 27 Avr 2020 - 13:54, édité 2 fois
Haldren
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Sujet: Re: Le Livre des Justes [solo] Lun 13 Avr 2020 - 19:02
La nuit était tombée depuis de longues heures déjà sur la cité des marais et seuls les appels des sentinelles en patrouille brisaient le silence du dehors, mais dans le temple les trois scribes continuaient à se chamailler sur certains termes à choisir pour le texte qu'ils devaient présenter le lendemain aux hiérarques. Tâche ingrate et épuisante que de retranscrire sur du vélin les paroles parfois hachées, parfois décousues, parfois métaphoriques, de celui qui trônait devant la flamme noire. Tous savaient bien qu'un texte sacré se verrait au fil des ans modifié, complété, parfois même trahi, mais les scribes se sentaient néanmoins investis d'une mission unique qui les gonflait d'orgueil : rédiger la première version du Livre des Justes, celle qui porterait la Bonne Nouvelle aux croyants. Le soleil commençait à darder ses premiers rayons lorsque enfin ils mirent la touche finale aux versets du Livre sur lesquels ils avaient travaillé et ils s'en furent quérir un repos bien mérité avec la satisfaction du devoir accompli.
La Guerre des Divins, versets 1 à 15 - le temps du tourment
***
1Ainsi fut créé le monde telle que cela est relaté dans la Genèse. L'oeuvre d'Ilwuthan semblait accomplie et les Six foulaient ce monde de leurs pas puissants, suscitant effroi et admiration parmi les êtres qui le peuplaient. 2Peu à peu, chacun des immortels acquérait la personnalité qui lui serait propre par la suite : Kÿria se rapprochait de la nature et des elfes, Othar appréciait la violence des races guerrières, Néera pleurait sur les courtes vies des humains, Arcam encourageait à la beauté fusse dans ses formes les plus incongrues, et Tyra accompagnait les défunts auprès d'Ilwuthan pour que leur Souffle rejoigne le chant du Père d'où ils étaient originellement issus. 3Le Chaos quant à lui demeurait immuable dans son désordre, encourageant et alimentant l'insatisfaction de tous, tel le fouet du laboureur qui cingle le flanc des bœufs au travail.
4Mais telle avait été la puissance du dernier chant d'Ilwuthan que le flamme du désir brûlait tout autant dans le cœur des mortels que dans celui des éternels. 5Au fur et à mesure que la personnalité des Divins devenait plus affirmée, ils ressentaient également au plus profond de leur être un besoin tenace d'adoration, ils savouraient le doux nectar de voir des fidèles trembler et s'agenouiller devant des autels encore primitifs élevés à leur Gloire. Ces êtres éminemment complexes, elfes, drows, nains, humains, fascinaient tout particulièrement les Iben'mirroanwi qui commencèrent alors à répandre parmi eux de mauvaises pensées au détriment de leurs frères et sœurs, dans l'espoir qu'un plus grand nombre de mortels viendraient les vénérer pour trouver dans leurs temples force et réconfort.
6De cet âge datent les premiers conflits opposants les différentes races peuplant Miradelphia. Les drows et les elfes, qui à l'époque parcouraient encore côte à côte l'Anaëh primordiale, s'éloignèrent et de violentes tensions locales apparurent. Les nains se replièrent dans leurs montagnes du Nord pour y cacher leurs richesses et les humains envièrent haineusement les longues-vies qui traversaient les siècles comme la brise de printemps. 7Voyant cela et comprenant quel risque ce désir débridé d'adorateurs faisait courir aux temps futurs, Alm'mirroanwë réunit ses frères et sœurs sur l'île du Sanctuaire afin de les persuader d'abandonner ces querelles stériles. 8Prenant la parole, il leur dit : "S'il est sain que les mortels nous adorent et nous craignent, il est malvenu de tenter de se les arracher. Il nous appartient tous ensemble de maintenir l'équilibre tel que l'a voulu notre Père. Tous ici, nous représentons les forces fondatrices de ce monde, qu'un de ces piliers vienne à manquer et l"oeuvre d'Ilwuthan dépérira".
9Troublé par ces mots et hésitant quant à la conduite à suivre, les autres Divins décidèrent alors de se tourner vers leur Père pour qu'il les guide. S'agenouillant en cercle, ils levèrent leurs esprits vers les cieux et supplièrent durant six jours et six nuits leur Créateur de les guider, de leur donner une direction claire qu'il serait possible de suivre. 10Dans les méandres de leur cœur toutefois, chacun espérait s'entendre confirmer ce qu'il croyait déjà et leur prière n'en fut que plus cacophonique, imparfaite car déjà les germes de la zizanie trouvaient un terreau fertile. 11Les nuages qui surmontaient l'île s'écartèrent finalement au septième jour et la lumière de l'aube leur apparut alors qu'Ilwuthan parlait : "Le Chaos existe dans l'Ordre, et l'Ordre dans le Chaos. Telle est ma loi". 12Mais cette réponse sibylline d'Ilwuthan ne calma pas les tensions, chacun l’interprétant à sa façon et les Six se séparèrent sans avoir pu conclure d'accord.
13De l'incompréhension naquit la déception, de la déception naquit l'amertume, de l’amertume naquirent les amers fruits de la rancune. Les Iben'mirroanwi jalousaient depuis toujours leur frère, n'acceptant pas au fond de leur cœur la beauté de l'entropie qu'il avait apporté et dont eux-mêmes se trouvaient dépourvus. Cette jalousie s'amplifia suite à l'échec de leur rencontre sur l'île du Sanctuaire et, oublieux des actes d'Ilwuthan, ils en vinrent à considérer que l'oeuvre d'Alm ne devait pas perdurer en ce monde, qu'elle dénaturait le rêve d'Iben. 14Se réunissant de nouveau dans le plus grand des secrets, ils conspirèrent et mirent temporairement de côté leurs différents pour s'allier contre leur jeune frère et régner en seuls maîtres sur ce monde. Othar en particulier fut particulièrement virulent dans ses propos, son éloquence brutale arrachant l'adhésion de ceux qui doutaient de la justesse d'une telle cause.
15Ce pacte maudit et contre-nature des Iben'mirroanwi contre Alm'mirroanwë fut scellé au plus profond des cavernes de l'Elda, et depuis ce jour funeste tous ceux qui vivent en ce lieu se révèlent peu fiables en paroles comme en actes.
Dernière édition par Haldren Alm'mirroanwë le Ven 1 Mai 2020 - 13:32, édité 1 fois
Haldren
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Sujet: Re: Le Livre des Justes [solo] Dim 26 Avr 2020 - 15:30
Chaque matin dès l'aube, le rituel se répétait avec la minutie d'une horlogerie bien réglée. Quittant les dortoirs communs ou leurs quartiers personnels, les chaotiques se rendaient en longues files silencieuses jusqu'au temple pour s'agenouiller et prier devant la flamme noire, tandis qu'un hiérarque leur faisait lecture du texte sacré ou déclamait quelque sermons afin d'en tester l'effet sur un auditoire déjà conquis. Si le résultat se trouvait à la hauteur des attentes ces mots seraient ensuite repris par les prêcheurs qui parcouraient le monde, si à l'inverse ils généraient incompréhension ou doute ils se voyaient férocement ôtés du dogme officiel pour laisser place à une nouvelle version. Ce jour-là, le hiérarque lut aux fidèles la suite de la guerre des Divins, récemment écrite et dont l'encre se trouvait tout juste sèche sur le parchemin.
La Guerre des Divins, versets 16 à 34 - le temps de la trahison
***
16Ainsi fut fait, et les Iben'mirroanwi entreprirent d'écarter Alm'mirroanwë du cercle des divins afin d’assouvir leurs propres pulsions de pouvoir au lieu de respecter les lois d'Ilwuthan. 17Mais il gardaient ce sombre secret profondément enfoui en leurs cœurs et jusqu'au jour de la trahison ils continuèrent à appeler "frère" celui qui était né d'Alm, à lui sourire et à baiser son visage avec toute les apparence du plus grand amour. Et si celui-ci perçut parfois dans leurs regards de braise une trace de félonie, il ne put ou ne voulut pas croire que les Iben'mirroanwi pouvaient conspirer contre lui. 18C'est ainsi sans crainte qu'il se rendit l'année d'après sur l'île du Sanctuaire une réunion comme il en arrivait régulièrement afin de permettre aux Six de coordonner leur oeuvre.
19Nul ne sait lequel des Iben'mirroanwi frappa le premier car aucun n'admit par la suite être le félon, mais tous avaient accepté l'outrage. 20Devant les yeux épouvantés des elfes qui observaient l'île depuis le continent, les cieux se déchirèrent et des nuées d'orage emplirent l'horizon à perte de vue. Des tremblements de terre se déclenchèrent de l'Elda jusqu'au Septentrion, des volcans brisèrent l'écorce terrestre en Anaëh, l'eau des rivières devint aussi putride que celle des marais et des incendies ravagèrent les contrées d'Est en Ouest, du Nord au Sud. 21Le combat dura cinq longues journées pendant lesquelles les divins s'affrontèrent dans les cieux, sous la terre, dans les steppes arides ou les plages léchées par les flots. Partout où ils passaient, Miradelphia souffrait sous le poids de leur furie, les mortels succombaient par millions et les rares survivants se voyaient condamnés à errer sans but dans un monde dévasté.
22Lorsqu'enfin Alm'mirroanwë tomba mort à leurs pieds, les Cinq reposèrent leurs armes et contemplèrent le désastre : du monde glorieux et vert chanté par Ilwuthan, il ne restait qu'une ombre morne et vide, emplie des mânes innombrables de leurs victimes qui hurlaient sans fin leur désespoir. Nul oiseau ne chantait plus dans les arbres, nul poisson ne glissait plus son corps écaillé dans les remous, nulle famille ne se blottissait plus au coin de l'âtre, le soleil lui-même ne brillait plus dans le ciel et seules les ténèbres régnaient en maître. 23Comprenant trop tard la folie de leurs actes, les Iben'mirroanwi se jetèrent face contre terre en suppliant leur Père de les pardonner.
24Terrible fut la colère d'Ilwuthan lorsqu'il descendit dans ce monde désolé digne d'Alm lui-même. Et lorsque sa voix s'éleva telle le tonnerre, elle se trouvait emplie autant de colère que de douleur. 25"Entendez ma parole, Ô Iben'mirroanwi ! Entendez ma parole ! Par vos actes infâmes, par votre égoïsme forcené et votre incapacité à retenir vos pulsions, ce monde autrefois verdoyant n'est plus qu'ombres et ténèbres !". 26Terrifiés, les Cinq supplièrent leur Père de les pardonner, d'utiliser son Chant pour défaire leur folie et réparer le mal qu'ils avaient causés. [27Mais lorsque Ilwuthan reprit la parole, une tristesse infinie emplit sa voix "Ô Iben'mirroanwi, je peux guérir la terre et l'eau, la chair et la forêt, le feu et l'air, mais même à Moi il m'est impossible de ramener votre frère. Seul le temps soignera ses blessures et lui permettra de chanter de nouveau avec Moi".
28Et alors que des larmes coulaient de ses yeux qui avaient contemplé l'aube de la création et en contempleraient la fin, Ilwuthan se mit à chanter. Il chanta le temps qui détruit les corps et les empires, le temps qui tel un gouffre sans fin avale tout sans jamais rien relâcher. Pour cette unique fois toutefois ce maelstrom éternel dut lâcher sa prise et sous le regard émerveillé des Iben'mirroanwi le futur devint le passé, le passé devint le futur. 29Mais grand fut leur étonnement de constater que désormais deux mondes coexistaient : l'un bleu et vert, tel qu'ils l'avaient toujours connu : l'autre empli de ténèbres, tel qu'il se trouvait à la fin de leur affrontement contre Alm'mirroanwë . Ne comprenant pas ce qui arrivait, ils tournèrent leurs faces vers l’Éternel et l'interrogèrent : pourquoi désormais deux univers alors qu'il n'en avait toujours existé qu'un seul ?
30"Ce monde détruit par votre folie ne peut disparaître, car les actes d'un divin ne seront jamais totalement effacés. Désormais il sera nommé les Ombres et le corps de votre frère y reposera jusqu'à sa résurrection. Vous n'y entrerez jamais, et même sur Miradelphia votre venue sera limitée à une journée toutes les milles années". 31Et les Cinq pleurèrent amèrement sur cette perte, car désormais ils ne pourraient plus agir qu'à travers des vecteurs mortels que bien plus tard on nommerait Gardiens ou Avatars. 32Mais au fond de leurs cœurs ils ne pouvaient s'empêcher de se réjouir à l'idée de pouvoir désormais régner sans contraintes sur Miradelphia. Et si le regret poignait certains, il se mêlait à un plaisir malsain dont eux-mêmes prirent peur.
33Alors Ilwuthan leur jeta un regard sévère et parla ainsi : : "Retenez bien mes paroles, Ô Iben'mirroanwi ! Lorsque mon Fils Bien-Aimé Alm'mirroanwë renaîtra, il foulera de nouveau Miradelphia et alors s'accomplira le Temps du Jugement : une dernière fois je descendrai sur ce monde et séparerait les Justes des Mécréants, qu'ils soient mortels ou divins, vivants ou morts ! Les Justes m'accompagneront lorsque j'entonnerai l'Ultime Chant et les félicités éternelles leur appartiendront, alors que les Mécréants seront bannis dans les Ombres". 34Et sur ces paroles prophétiques Ilwuthan quitta Miradelphia. Ainsi s'acheva la Guerre des Dieux, dont nul mortel n'eut jamais souvenance et dont les Cinq refusèrent depuis de parler. Peu après les Noss créèrent le calendrier tel que nous le connaissons encore et les premières chroniques historiques furent rédigées.
Haldren
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Sujet: Re: Le Livre des Justes [solo] Sam 20 Juin 2020 - 15:52
Quelques ennéades s’étaient écoulées depuis leur dernière séance, mais ce matin-là les trois scribes se rendirent à nouveau au temple pour coucher sur le vélin la suite de la parole divine. Tous s’interrogeaient en leur for intérieur : ils avaient achevé la narration des temps antiques dont seuls se souvenaient les immortels et pénétraient désormais dans l’Histoire connue. Pour autant dix longs millénaires les séparaient encore du présent et ce fut avec avidité qu’ils écoutèrent les paroles sortir de la bouche de l’Élu. Son récit s’était achevé lors du bannissement des Iben'mirroanwi, condamnés par Ilwuthan à ne plus fouler le sol de Miradelphia qu’une fois par Cycle, et il leur tardait d’en apprendre plus sur les événements ayant découlé de ce châtiment.
Les actes des prophètes, versets 1 à 18 – Deldúwath, le Premier Juste
***
1Bannis de la surface du monde, les Iben'mirroanwi ne restèrent pas longtemps inactifs et entreprirent de reconquérir le cœur perdu des fidèles qui erraient de par le monde tels des enfants ayant tout oublié de leur passé. Grâce à des songes et autres miracles, ils eurent tôt fait de susciter de nouvelles vocations, d’attirer de nouveaux adeptes et de leur faire rebâtir des temples à leur gloire. Car si les Iben'mirroanwi demeuraient enfermés dans leurs royaumes célestes, ils n’en demeuraient pas moins toujours aussi avides d’être vénérés par les mortels dont ils méprisaient pourtant la faiblesse et la crédulité. 2Mais au fond de leurs cœurs résonnaient les derniers mots d'Ilwuthan et ils craignaient l’advenue du Temps du Jugement, le retour de leur frère et le châtiment de leur trahison envers lui. 3Alors ils s’entendirent et veillèrent à ordonner que nul ne croit jamais en d’autres qu’eux Cinq sous peine d’être taxé d’hérésie, espérant ainsi retarder l’accomplissement de cette prophétie qu’ils redoutaient plus que tout.
4De la Péninsule à l’Elda, du Septentrion à Nelen, maintes peuplades acceptèrent leur culte et s’agenouillèrent devant les autels pour les prier. Mais désormais l’alliance des Iben'mirroanwi se trouvait brisée et chacun d’entre eux jalousait les autres en tentant de conserver pour soi-même autant d’adorateurs que possibles. 5Conscients de ne pouvoir représenter l’ensemble des forces qu’un mortel chercherait à vénérer, ils créèrent alors des panthéons de demi-dieux ou de divinités mineures qui tournoyaient autour de leurs augustes présences. Ces entités s’appelèrent Ëalas, Premiers Fils, Dieux Alliés ou Saints, et se trouvaient issues du Souffle Primordial de leurs Iben'mirroanwi respectifs. 6Ainsi naquirent les cultes tels qu’ils existent encore aujourd’hui, basés sur une unique fondation que chaque Divin modela ensuite selon ses convenances ou ses caprices.
7Othar fut de nouveau le plus virulent dans ses actions car il avait interdit à ses fidèles de partager leur dévotion à d’autres que lui, ni de se reproduire avec les races issues de la vénération de ses frères et sœurs. 8Les plus fidèles de ses séides se trouvaient parmi les dawis du Septentrion et les elfes du Linion. Ceux du Septentrion vivaient loin des autres races et ne subissaient guère leur influence, mais les fidèles du Linion se trouvaient au contact direct de leurs cousins adorateurs de Kÿria et une sourde rivalité naquit entre eux pour leur possession. 9Parmi les habitants de Linion se trouvait un dénommé Deldúwath, fils puîné du clan des Umbarion qui jouait un rôle majeur dans la région tant sur le plan politique que religieux. La dissension existait jusqu’au sein de son clan entre adorateurs d’Othar et adeptes de Kÿria, mais Deldúwath ne n’arrivait pas à choisir et préférait se plonger dans ses études. Mage de grand talent dans l’immatériel, il étudiait ce qui existait au-delà des limites du monde et y trouvait un bien plus grand plaisir qu’aux débats théologiques dont on l’assommait depuis sa naissance.
10Bien que respectueux des divins, Haven n’en demeurait pas moins frustré par les chaines dont ils accablaient leurs fidèles et osait exprimer ouvertement des doutes sur l'utilité de leur enseignement, arguant que les prêtres demeuraient ancrés dans un immobilisme néfaste. 11Cela lui valut les foudres des autorités religieuses qui l’accusèrent d’hérésie et demandèrent à son encontre un châtiment exemplaire. 12Les prêtres de Kÿria et d’Othar, pour une fois d’accord entre eux, excitèrent la foule et vinrent se saisir du jeune mage qu’ils jetèrent dans un cachot en attendant de le brûler au petit matin en guise d’avertissement pour tous ceux qui oseraient suivre ses traces. 13Deldúwath passa une interminable nuit d’angoisse avant de se résoudre à un plan désespéré. Durant ses recherches, il avait acquis la certitude qu’un autre monde existait par-delà les limites de Miradelphia et qu’il s’avérait possible d’y entrer pour ceux qui oseraient courir le risque de s'y retrouver enfermés. Acculé à un choix impossible, le mage tenta sa chance et passa les dernières heures nocturnes à préparer son rituel de portail par lequel il s’échappa peu avant que ses geôliers ne viennent l'emmener au supplice.
14Lorsque Deldúwath traversa le portail, il fut projeté dans un monde de ténèbres absolues où régnait un froid glacial qui le saisit jusqu’aux tréfonds de ses os. Au loin des montagnes déchiquetées se voyaient brutalement martelées par des éclairs épais comme des arbres, des formes grotesques hantaient une plaine désertique en hurlant leur rage aux cieux indifférents et le sol se trouvait recouvert de cendres comme si mille volcans avaient déchaîné leur furie. 15Terrifié, le jeune elfe se réfugia dans un édifice en ruine et s'accroupit sous une massive statue à moitié démolie, maudissant à haute voix les Iben'mirroanwi dont l'enseignement pervers l'avait amené à cette situation. 16"Ô Cinq dont l'avidité n'a d'égal que l'indifférence, je vous renie ! Par ma chair et mon âme, nul Dieu n'aura plus mes prières qui ne m'aimera comme un père aime son fils". Et sur ces paroles, des larmes de rage coulant sur ses joues, le jeune elfe s'évanouit de fatigue.
17Après un sommeil troublé, Deldúwath ouvrit l’œil et sursauta en voyant une forme diaphane devant lui, semblable à un elfe d'une beauté tellement inhumaine qu'elle en devenait presque douloureuse. L'inconnu le fixait d'un regard sans âge où brillait un bonté qui lui réchauffa le cœur et lui ôta un poids des épaules comme si un ami cher l'aidait à porter son fardeau. 18Souriant, le Divin tendit la main au jeune égaré en disant : "Lève-toi mon Fils, lève-toi et viens à Moi".
Haldren
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Sujet: Re: Le Livre des Justes [solo] Lun 3 Aoû 2020 - 10:50
Le nom du Premier Juste bruissait partout en Abyssea, et maints adeptes enviaient les scribes qui en premier disposeraient de la suite des paroles divines. L'histoire de Deldúwath dévoilait maints mystères et confirmait ce que tous déjà soupçonnaient : les Cinq craignaient la prophétie d'Ilwuthan depuis bien des Cycles. Rien d'étonnant dès lors à ce que le Chaos soit considéré comme une secte par les dogmes emplis de mensonges ou de vérités camouflées qu'imposaient les Pentiens. Depuis ses appartements, Haldren souriait en voyant que les adeptes trouvaient du réconfort dans la certitude de posséder une vérité soigneusement cachée par les cultes majeurs de Miradelphia. Le syndrome de victimisation, associé à des concepts de mystères millénaires, constituerait de solides fondations pour un ancrage théologique pérenne.
Les actes des prophètes, versets 19 à 33 – Le Fils du Chaos
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19Et ainsi Deldúwath accompagna le Divin, quittant son refuge pour s'en remettre à Sa Volonté avec la confiance d'un nouveau-né. 20Ils marchèrent longtemps parmi les Ombres et le jeune elfe apprit maintes choses en écoutant son guide, se voyant révéler l'origine du monde et la trahison de la Guerre des Dieux. Grande fut sa stupéfaction en comprenant que l'Être auprès duquel il avançait n'était fait ni de chair ni d'os, mais de l'essence divine conçue d'Alm lui-même à l'aube des temps. 21La terreur aurait du l'emplir de se trouver ainsi en telle compagnie, mais nulle crainte ne le saisissait car le regard divin avait la douceur de celui d'un père aimant. Jamais une telle sensation ne l'avait envahi auparavant, et des larmes de gratitude coulaient sur ses joues car il savait désormais avoir trouvé Celui à qui confier ses tourments.
22Au terme d'un long voyage apparut une immense montagne à l'horizon, plus massive que le Puy d'Elda, plus haute que les monts du Septentrion. "Où sommes-nous, Seigneur ?" demanda Deldúwath. "Ce lieu est connu sous le nom de Nírnaethadar, ce qui signifie les larmes du Père dans l'antique langue. C'est là que je repose, c'est là qu'un jour je m'éveillerai à nouveau". 23En s'approchant, le jeune elfe constata qu'à même le flanc de la montagne se trouvaient enchâssées des portes dont le sommet se perdait dans les nuages. Ciselées à la perfection avec une minutie que les meilleurs artisans dawis ne sauraient égaler, elles se voyaient couvertes d'inscriptions dans une langue que Deldúwath ne reconnut pas. 24Sentant son trouble, l'esprit divin reprit la parole : "Ces portes furent bâties puis scellées par Ilwuthan lui-même, et ni mortel ni divin ne peut les traverser sans son accord. Ici tu demeureras, ici tu apprendras, ici tu vénéreras". 25Et sur ces mots l'esprit divin s'enfonça dans la montagne, là où nul ne pouvait le suivre.
26Les mois et les années passèrent, tout du moins est-ce ainsi que Deldúwath les ressentit car le temps demeurait bien trop instable en ces lieux tourmentés pour lui permettre de tenir une datation fiable. 27Mais l'ennui ne l'atteignait jamais car régulièrement l'esprit divin quittait son tombeau pour venir converser avec lui, et le reste du temps le jeune elfe pouvait prier ou méditer sur ce qu'il venait d'apprendre. Théologie, science, philosophie, astronomie, arcanes, les sujets ne manquaient pas et la soif d'apprendre de Deldúwath ne s'éteignait jamais alors que son Seigneur partageait avec lui les mystères de l'univers. 28A d'autres moments ils conversaient simplement sans sujet précis et même ces instants de repos permettaient de façonner l'âme du jeune elfe afin de lui permettre de s'extraire des mensonges des Cinq et de lui ouvrir l'esprit à la seule vérité qui soit.
29Deldúwath demeura auprès du Divin jusqu'à ce que ce dernier estima qu'il en savait suffisamment pour s'en retourner sur Miradelphia. 30Alors l'esprit émergea une dernière fois du Nírnaethadar et s'adressa à lui en ces termes : "Mon Fils, l'heure est venue pour toi d'apporter la bonne parole et de rétablir l'équilibre d'Ilwuthan. Va, rentre chez toi et endurcis ton cœur face aux épreuves. Ta tâche est immense mais chaque fidèle qui me priera hâtera le Temps du Jugement. Sache aussi ceci : d'autres viendront en ce lieu après toi recueillir mes paroles. Voilà pourquoi tu dois organiser un culte et leur enseigner la magie des portails afin que les témoignages ne se perdent pas à ta mort." 31Un grand trouble envahit le cœur du jeune elfe à l'idée de quitter Celui qu'il aimait désormais plus que lui-même "Combien de temps, Seigneur ? Combien de fidèles, combien de prières pour que ces portes s'ouvrent et que vous nous reveniez ?".
32Le regard du Chaos s'emplit de sévérité car maintes fois il avait répété à son jeune disciple de ne point laisser le doute l'envahir. "Ilwuthan seul le sait, mon Fils, et il n'a pas jugé bon de me le révéler. Aie foi en Moi, comme j'ai foi en Lui.". 33Alors Deldúwath quitta le sanctuaire au pied du Nírnaethadar et utilisa son art mystique pour rouvrir un portail qui le ramènerait sur la terre l'ayant vu naître.
Haldren
Ancien
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Sujet: Re: Le Livre des Justes [solo] Sam 3 Oct 2020 - 15:50
Combien de centaines étaient-ils devant lui ? se demanda intérieurement le doyen des hiérarques alors que les Chaotiques emplissaient l'immense temple pour l'écouter lire la parole divine, boire les paroles du Très Saint et apprendre. Les travaux entreprit suite à la destruction du Nœud magique quelques années auparavant avaient au moins eu un effet bénéfique : en forçant ses habitants à la reconstruction d'Abyssea, ils pouvaient désormais profiter d'un temple plus logeable que l'ancien dont l'emplacement à même les murs de la citadelle avait empêché tout agrandissement. "Rien n'est éternel" affirmait le dogme, et le vieux hiérarque comprenait désormais que la catastrophe du Nœud leur permettrait finalement un nouveau départ. Mais l'heure se prêtait mal à l'introspection philosophique, aussi se racla-t-il discrètement la gorge avant de commencer sa lecture tandis que l'assemblée l'écoutait religieusement (en l’occurrence ce terme est pour une fois parfaitement adapté).
Les actes des prophètes, versets 34 à 53 – Le martyr de Deldúwath
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34Lorsque Deldúwath quitta le Père et que son pied se posa de nouveau sur la terre nourricière de Miradelphia, une profonde nostalgie l'envahit. Comment pouvait-il vivre ainsi, séparé de Celui qui l'avait guidé sur la Voie des Justes, qui lui avait ouvert les yeux et apprit tant de choses ? 35Mais les dernières paroles du Chaos demeuraient gravées en lui et l'elfe s'en remettait à Sa volonté ainsi qu'à Celle d'Ilwuthan. 36Le cœur armé par sa foi, il entreprit alors de découvrir l'évolution du monde durant son absence et grande fut sa surprise d'apprendre que la race elfique s'était trouvé divisée en deux branches rivales à la suite d'un schisme politoco-religieux. L'invasion du Linoïn par les humains et la trahison des suzerains d'Alëandir le firent vaciller, moins cependant que de réaliser les longs siècles écoulés depuis son exil. 37Peu de ceux qu'il avait connu, aimé ou haï, se trouvaient encore vivants et aucun ne le reconnut ou n'accepta de le reconnaître tant leur yeux se trouvaient voilés par les mensonges.
38Laissant ses pas le guider vers l'inconnu, Deldúwath entreprit son périple à travers l'Anaëh, prêchant à chaque halte la parole du Chaos et le Temps du jugement. 39Son verbe était brillant comme l'or, ses paroles coulaient naturellement comme le ruissellement de l'eau, et nombre de ceux qui l'écoutaient se sentaient touchés au fond de leur être. Maints doctes prêtres des Iben'mirroanwi vinrent débattre avec lui pour prouver que sa croyance était erronée, mais ils repartaient couverts de honte et pleuraient amèrement dans leurs sanctuaires. 40Troublés et inquiets de la naissance d'un phénomène qu'ils ne contrôlaient pas, les Hauts-Prêtres et les conseillers royaux intriguèrent dans l'ombre pour maintenir leur prééminence acquise non par le talent mais par leur lignage. Décidés à perdre celui qui s'opposait à eux, ils prirent alors prétexte du couronnement d'un nouveau suzerain pour inviter Deldúwath et le perdre.
41Lorsque le Fils reçu une courtoise invitation émanant du palais, il en fut troublé et maints de ses adeptes l'encouragèrent à ne pas s'y rendre par crainte d'un piège. Déjà des rafles commençaient à s'organiser sous les épaisses frondaisons de l'Anaëh et la rumeur qu'un massacre s'annonçait comme une nuée d'orage surplombant une prairie verdoyante. 42Réunissant les plus fidèles de ses adeptes, Deldúwath leur annonça sa décision d'accepter l'invitation et face à leurs appels à la prudence, il prononça ces mots : 43"En vérité je vous le dis, ne craignez ni la souffrance ni la mort ! Notre passage sur ce monde n'est qu'une étape vers l'illumination. Si vous tombez sous les coups de nos ennemis, alors votre Souffle rejoindra le Nírnaethadar pour en rejaillir auréolé de gloire lorsque le Temps du Jugement s'abattra sur les incroyants !"
44Mais les adeptes lui demandèrent comment survivre sans sa guidance, car ils tremblaient de se retrouver seuls sans l'auréole protectrice du prophète qui éclairait leurs journées et réchauffait les sombres heures nocturnes. 45Alors Deldúwath tendit la main et ouvrit un portail entre les Univers, par lequel apparut une créature faite d'Ombres pures, terrifiante et splendide à la fois. Et il reprit la parole 46"Cette nuit même, réunissez tous ceux dont le cœur est juste et suivez ce guide que je vous offre. Là où il ira, vous irez. Là où il s'arrêtera, vous vous arrêterez." 47Ainsi fut fait, et tandis que le Premier des Justes s'avançait vers son destin sans courroux ni crainte, nombre de chaotiques se rejoignirent et partirent en direction du Sud à la suite du messager d'Alm'mirroanwë
48Tandis que les adeptes quittaient l'Anaëh, Deldúwath s'était rendu au palais où il fut reçu par d'hypocrites salutations. 49L'esplanade brillait d'or sous le soleil naissant alors qu'il s'avançait entre deux rangées de gardes armés jusqu'aux dents, mais déjà le regard du prophète ne voyait plus le monde qui l'entourait, s'étant perdu dans le souvenir extatique du Divin. 50Nul texte ne garde trace du nom de celui qui porta le premier coup, du premier elfe dont la lame fut rougie par le sang du martyr. 51Et tandis que les lames acérées entaillaient sa chair, Deldúwath eut un sourire satisfait mais nulle parole ne vint à ses lèvres car il savait que sa tâche se trouvait déjà accomplie et que le repos du Juste l'attendait. En se concentrant sur lui, les incroyants en avaient oublié ses fidèles et peu d'entre eux furent pris cette nuit-là. 52Le corps du martyr fut brûlé mais son sang avait imprégné le dallage d'or et nul ne put l'en ôter. Plus tard, les suzerains firent détruire l'esplanade d'or et ils en reconstruisirent une d'une blancheur immaculée dans l'espoir d'oublier à jamais leur félonie.
53Ainsi tomba Deldúwath, Premier des Justes et Fils Adoré du Divin.
Haldren
Ancien
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Sujet: Re: Le Livre des Justes [solo] Dim 15 Nov 2020 - 13:58
Le grand corbeau ténébreux le fixait de son œil mordoré, attentif au moindre des mouvements de son maître, patient comme seules les créatures telles que lui pouvait l'être, intrigué par les marmonements qui s'échappaient des lèvres du drow autant que par le bruit de la plume biffant le velin. Remuant ses ailes, le volatile laissa échapper un croassement agacé de se voir ainsi délaissé au profit d'un vulgaire parchemin.
Là, du calme ma beauté, du calme.
Et tout en caressant le plumage de l'oiseau pour l'apaiser, l'archimage reprit sa lecture des versets du Livre des Justes que venait de lui apporter un scribe pour en obtenir son approbation avant qu'ils ne soient lus aux fidèles..
Les actes des prophètes, versets 54 à 69 – La Grande Purge
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54Lourd était le cœur des exilés alors qu'ils quittaient leurs frondaisons natales, fuyant comme les drows avant eux la malignité du trône d'Alëandir face auquel nulle contestation ne pouvait perdurer sans subir les foudres de l'anathème. 55Portant les enfants, soutenant les vieillards, les chaotiques suivirent l'envoyé du Divin qui marchait vers l'Est et de nouveaux territoires plein de promesses. 56Déjouant habilement les poursuites et sans jamais se retourner, les disciples de Deldúwath s'éloignèrent de l'Anaëh, traversèrent l'Annon puis avancèrent toujours plus loin en direction du soleil levant. Arrivés aux limites de l'immense marécage de Faélia, la créature d'Ombres tendit une dernière fois son bras en direction de l'Est puis disparut, laissant la horde des chaotiques face à son destin.
57Comprenant que par cet ultime geste leur guide indiquait qu'il fallait pénétrer dans cette vaste étendue hostile s'étendant bien au-delà de l'horizon et dont nul ne ressortait vivant, les Justes endurcirent leurs cœurs et leurs âmes afin de s'apprêter à surmonter l'épreuve. 58Mais parmi les exilés, plusieurs craignaient d'affronter les marais où le danger rôdait à chaque instant et menaçait d'engloutir le faible ou l'imprudent. 59Ceux-là plaidaient bruyamment pour ne pas continuer et reprendre la route vers des cieux plus cléments au Sud. Dans leur audace, ils osèrent remettre en doute la fiabilité de leur guide et proposèrent de se rendre en Ithri'Vaan où les multiples principautés leur offriraient surement un refuge plus apaisé.
60Un guerrier reconnu du nom de Feöndir, qui avait été l'un des plus proches du défunt Deldúwath, s'avança alors et dit : "Frères et soeurs, ces marais sont une épreuve pour notre foi ! En ce monde le fort survit et le faible cède, telle est la loi du Chaos, telle est la leçon d'Alm'mirroanwë ! Laissez les opulentes cités d'Ithri'Vaan à la décadence des adorateurs des Iben'mirroanwi, ici nous forgerons une nation de prédateurs que nul n'osera affronter !". 61Mais si certains furent convaincus par ses paroles, nombre des hésitants n'osaient pas encore avancer et la tension devenait palpable entre les deux camps qui décidèrent alors de remettre le choix entre les mains de leurs champions respectifs qui s'affronteraient dans un duel à mort sous l’œil divin.
62Feöndir fut nommé le champion des Justes, l'histoire n'ayant pas retenu le patronyme de son adversaire car le nommer pourrait éveiller la colère d'Alm'mirroanwë. 63Durant un jour et une nuit les deux combattants s'affrontèrent sans relâche, usant de tout leur art martial, de toutes les bottes secrètes apprises auprès de leurs maîtres, s'infligeant maintes blessures non décisives jusqu'à ce qu'à l'aube la lame de Feöndir ne transperce enfin le poitrail ennemi. 64Convaincus et revigorés dans leur foi, plusieurs de ceux qui auparavant souhaitaient partir en Ithri'Vaan avancèrent dans le marais.
65Mais certains rechignaient encore malgré l'ordalie et refusaient d'obéir, persuadés dans leur audace de mieux comprendre les désirs divins que nul autre et refusant d'admettre que le jugement divin s'était exprimé par les lames. 66Alors Feöndir tira de nouveau son glaive hors du fourreau et ordonna : "Tuez-les, car leur faiblesse est une insulte à la face d'AlmAlm'mirroanwë". 67Et tous les Justes dégainèrent leur glaive et pourfendirent leurs anciens frères sans l'once d'un regret ni d'une hésitation. 68Un grand bûcher fut érigé pour purifier les lieux et une stèle fut érigée, qui délimite aujourd'hui encore le début d'une des routes menant à Abyssea. 69Ainsi les rangs des Justes furent purgés de toute faiblesse avant qu'ils n'affrontent l'épreuve de Faélia.
Haldren
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Sujet: Re: Le Livre des Justes [solo] Mer 9 Déc 2020 - 10:18
Le scribe s'inclina cérémonieusement devant le seigneur d'Abyssea et prit avec respect les rouleaux de parchemins avant de quitter les lieux pour les amener jusqu'aux hiérarques réunis dans le temple qui en donneraient lecture lors de l'office du matin. Après la Genèse, après la Guerre des Divins, ces feuillets annotés de l'écriture élégante de l'archimage viendraient compléter le troisième ouvrage constituant le Livre des Justes et retraçant les exploits des prophètes. Haldren savait que d'autres récits suivraient car un dogme religieux ne peut aller qu'en augmentant mais il venait déjà de donner aux chaotiques le récit de leur histoire, celle qui s'enracinait dans la création du monde pour rejoindre les murailles en partie effondrées de la cité des marais. Un récit simple et manichéen, dont les adeptes pourraient apprendre des versets afin de soutenir leur foi dans les épreuves.
Les actes des prophètes, versets 70 à 80 – Abyssea, la cité sacrée
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70Lourds étaient leurs pas dans la boue gluante du marais qui se collait traitreusement à leurs chausses, mais le cœur des Justes débordait d'allégresse alors qu'ils s'enfonçaient dans le domaine où régnait une nature sauvage et à jamais indisciplinée. Nulle route ne pouvait longtemps perdurer dans ce labyrinthe végétal, nulle construction ne pouvait demeurer intacte sans d'incessantes réparations. 71Le Royaume du Chaos, tel fut le premier nom de Faélia à l'aube des temps et les Justes en comprenaient désormais la raison. 72Purifiés de toute faiblesse ou de toute trahison, ils marchaient sans peur derrière Feöndir qui ouvrait le chemin de sa puissante épée. Pourtant le danger rôdait à chaque instant et plusieurs furent happés par des sables mouvants, mordus par des bêtes venimeuses ou avalés par des prédateurs féroces mais jamais la horde des Justes ne ralentit ni ne s'arrêta. 73Cette ultime épreuve, ils l'acceptaient et l'embrassaient avec l'ardeur d'un amant, fiers de montrer à Alm'mirroanwë qu'ils seraient dignes de lui.
74La première nuit après leur entrée dans le marais, un jeune enfant remarqua une étoile qu'il ne connaissait pas dans le ciel et tous levèrent les yeux. Tantôt rougeoyante comme les flammes, tantôt aussi bleue que l'océan, l'étoile semblait veiller sur eux et nuit après nuit ils prirent l'habitude de lui adresser une prière dans l'espoir d'attirer sa bienveillance, persuadés que l'œil de Alm'mirroanwë veillait ainsi sur eux. 75Mais un soir, l'étoile n'apparut pas et le doute les saisit car ils ne savaient pas comment interpréter ce signe. Le Divin les abandonnait-il à leur sort ? S'étaient-ils montré indignes ? Les esprits s'échauffèrent rapidement et les Justes sentirent les germes de la division renaître telle une germe maléfique pour briser leurs efforts.
76Mais tel le chef de meute ralliant les siens, Feöndir intervint. Raillant toute peur, le puissant guerrier qui les menait depuis plusieurs ennéades désormais ordonna que tous s'affairent à créer un immense bûcher. 77Ainsi fut fait et bientôt les marécages s'illuminèrent des flammes qui repoussaient l'obscurité. S'agenouillant dans le limon, Feöndir s'abima en prières et tous l'imitèrent en implorant un signe qu'ils puissent suivre, puisant dans leurs cœur toute la foi possible. 78Alors les flammes prirent une teinte noirâtre, une voix s'éleva qu'aucune oreille ne pouvait entendre mais que nul cœur ne pouvait ignorer. 79"Ici vous demeurerez, ici vous construirez, ici vous prospèrerez. Ce lieu sera votre abri et votre épreuve."
80Et Feöndir planta sa lame à même le sol marquant le lieu où s'élèverait un jour la cité du Chaos que tous à travers Miradelphia nommeraient Abyssea. Ainsi s'acheva l'exode des Justes et depuis lors Alm'mirroanwë veille avec amour sur ceux qui résident dans la cité sacrée.