La roue neige ça existe [Libre]

Panahos, 2ème ennéade de Karfias, plein hiver, an 22.

La capitale naine regagnée de sa valeur par le nombre de nains y grouillant tels de petites fourmis. Thôrumm et Barkrutha y ont fait leur temps, il fallait désormais qu’il retourne en leur demeure dans la grande d’Almis. La caravane pleine de leurs affaires roulait le long des routes du Kirgion en direction de Brissazlif. Grosse plaque tournante naine, ce haut lieu était une zone obligatoire, elle pouvait donner une direction dans n’importe qu’elle ville du Zagazorn. Les deux nains trônaient fièrement en haut de leur véhicule, adossait à ce dernier tenant les rênes de leurs montures. Le blondinet portrait sa magnifique armure aux bords dorés, typique des Thanes BranBolg, il avait laissé sa pioche dans la caravane, bien trop imposante à son goût pour un si long voyage. La naine, quant-à-elle, avait son armure de plaque qu’elle aimait tant, sa hache sur le côté et son bouclier dans le dos. Ils avaient bien fier allure et se montraient dignes et fiers de leurs accoutrements. Les montures étaient de grands béliers blancs aux cornes en forme de spirale.

Les montagnes étaient belles et se recouvraient de neiges, comme les routes sur lesquelles déambulait une caravane. La route était très peu fréquentée et pas grand monde faisait le trajet entre les deux points, à la vue, il n’y avait que le nain pour l’instant qui dirigeait ce village passerelle. La route allait être longue, trente trois jours pour être exacte, ce qui faisait assez long. Au nord on percevait encore Kirgan la belle au loin, il n’y avait que des montagnes à perte de vue et un fort où la caravane passait vraiment à proximité. Le fort grouillait d'activités et le nombre de soldats présents en son sein semblait être astronomique. Quand les nains parlaient, de la brume sortait de leurs bouches tellement le froid était présent.

La caravane roula tranquillement, passant le long des portes du fort. Nos chers compatriotes lisaient une carte, n'observant pas la route, ce qui, par bien des malheurs, fit qu'ils se trompèrent de route, la roue s'enlisa et se bloqua dans la neige.

“Ah bah Vindiou ! Je crois qu’on a la roue qu’est un peu Trousse-pet ! S’exclama Barkrutha descendant lourdement dans la neige. Va falloir tirer la caravane de là … N’aurait bien b’soin d’un coup de main de la Kazad là-bas … Le problème c’est que ça va être ça tout du long !”

Thôrumm descendit de sa charette, se jetant comme un sac. Sa chevelure et sa barbe blonde flottait au vent, si on avait un doute on aurait dit que c’était le Narundi en personne c’est sûr.

“J’m’en vais voir si y peuvent nous aider, reste là. Le nain s’approcha d’un pas lourd près de la porte, enfonçant ces pieds de cinq centimètres à chaque pas. Eh ! Y a quelqu’un ? On aurait besoin d’un coup de main ! hurla-t-il.”

Sa bien aimée, quant-à-elle, essaya plusieurs méthodes, en hurlant au bête de tirer bon gré mal gré. elle tenta de soulever la roue avec la pioche de son lié, mais rien n’y fait, cette dernière préférant rester bloquée. C’est ça quand on regarde la carte plutôt que sa route, et oui, il ne faut pas regarder sa carte qu’on a les rênes, ne l’oubliait pas.

C’est une troupe d’une vingtaine de barbes qui parvint après un rapide périple à travers les plaines enneigées du Brissalion, en passant par la frontière de la Virnée, jusqu’aux sommets glacés de Fort Garmin.
Officiellement, c’était une pure visite de courtoisie, entre vieux amis du clan poing de fer, mais peu seraient dupe de cette arrivée au cœur de l’hiver. Ca devait cacher d’autres raisons, des problèmes peut-être ? ou des questions qui méritaient d’être posées, à des barbes, un en particulier qui Fran l’espérait aurait les réponses à ses questions.

Les béliers arrivèrent ainsi à fond de train, jusqu’aux portes du fort, soufflant et entourés d'un halo de vapeur dû à leur respirations réchauffant l'air glacé. Et très vite retentit la corne de Lante annonçant d’emblée l’origine de cette délégation ainsi que l’étendard bleu aux armes lantaises qu’un des soldats portait.

Mais parvenus devant l’une des hautes portes du fort, les montures durent piler net devant une charrette qui obstruait le passage. Il y avait ainsi tout une caravane qui suivait et qu’ils avaient évité, chacun se déportant sur le bord du chemin pour atteindre la porte, flirtant méchamment avec le bord d'un précipice, jusqu’à ce dernier obstacle. La charrette s’était mise de travers, la roue bien embourbée. Et désormais il y avait un drôle d'encombrement aux portes du fort Garmin, le tout tintant des renâclements épuisés des béliers, des protestations de barbes et de quelques jurons émanant de sa troupe.

Ce n’était qu’un contretemps pour l’ongaraz, mais après avoir fait route nuit et jour sans quasiment s’arrêter, il y avait de quoi contrarier Fran.
- Qu’est-ce qui se passe ? lança-t-elle à Brigg ou à tous ceux qui pouvaient voir ce qui se passait devant.
- La roue du chariot est embourbée.

Un souffle blanc et glacé s’échappa dans l’air, l’expression contrariée, Fran ordonna à ses compagnons d’arme d’aider la conductrice du chariot à remettre ce dernier en route afin de libérer le passage.

La porte commença alors à s’ouvrir tandis que Fran avisa le responsable de ce contretemps. Elle le jaugea depuis sa hauteur, juchée sur son énorme bélier.
- Vous êtes le chef de cette caravane ? lança-t-elle avec son autorité naturelle.

Le ton était neutre, un rien rude peut-être mais comme l'étaient la plupart des dawis. Ce qui était sûr c'est que tant que ce chariot serait coincé là, ils le seraient aussi, puisqu'il barrait l'accès à la porte. Il y eut des échanges entre les gardes responsables des portes et ceux qui attendaient en bas qu'on les laissât enfin entrer.

Barkrutha était affalée à terre, tentant vainement de trouver une solution à ce problème. Elle tentait de mettre des pierres sous la roue pour que cette dernière puisse avoir un point d’appui pour se remettre sur la bonne voie, les pierres étaient plates et rondes, elle tentait de faire vite afin de libérer la voie au vu des râlements de barbes qu’elles pouvaient subir. Sa longue tignasse traînait dans la neige ce qui la mouilla, elle jura plus d’une fois le temps de faire sa manoeuvre, Quand elle se vit être interrompue par la corne des nains des nains qui la fit sursauter et heurter la charrette, assommant quelques instants. Après cela elle toisa les écussons du nain qui semblait venir de Lante. Elle leva la tête, admirant le cortège qui s’offrait à elle, puis afficha un large rictus à la demande d’aider la charrette. La naine était sacrément emmerdée et c’est très peu dire.

“Baruk l’lantais, Ah bah ! S’vous m’aidez ! J’vous paye une bière ! On part à Almis avec m’lié ! J’avoue qu’un coup d’pattes s’rait pas d’refus ! C’t’elgram de b’lier nous a foutu dans le tarbac, pas foutu d’réfléchir d’sa cervelle mal foutu ! S’exclama-t-elle énervait qu’elle était devant sa charrette qui refusait d’avancer. Qui qu’s’est qui vint donc m’parler ? Moi c’est Barkrutha MasseDur. J’vous r’mercie bin pas’que là vin diou ! J’savais pas comment faire avec c’merdier !”

La naine se remit à la tâche, plaçant ses cailloux comme elle le pouvait pour faire une rampe qui permettra sans doute au caillou de faire évacuer la charrette. Pendant ce temps, Thôrumm remarquant l’aide apportée par d’autres nains se détourna de la porte et partit à la rencontre des nains. Toisant les écussons présents, il se présenta à son tour, de sa voix impatiente, comme il sait très bien le faire. Il se tient droit, fier de lui.

“Baruk, Thôrumm BranBolg, il se tenait droit, appuyant sur son torse comme pour se présenter. Je vous remercie pour la coup de main, c’est un plaisir de vous rencontrer. J’espère que nous vous causons pas trop de gênes, on ne sait pas comment se dépatouiller de ce problème, la charrette s’est coincé dans le talus et depuis nous sommes totalement coincé. Le jeune nain embrassa la pioche de Lirgan. J’espère que le restant de la route nous sera d’une meilleure aide.”

Le jeune nain admira quelques instants les blasons lantais et la magnifique corne qui venait de souffler, puis se retourna vers la naine qui venait de parler.

La proposition de Barkrutha MasseDur fut accueillie par un air goguenard de Brigg qui se tourna vers Bruenor et celui-ci se contenta de maugréer dans sa barbe, ignorant les déblatérations de la tresse, pour chercher du regard quelque chose qui les aiderait dans cette entreprise.
- N’vous inquiétez pas pour la bière m’dame, on doit sans doute déjà nous attendre avec tout c’qu’il faut derrière ces remparts. Enfin si vous n’restez pas, peut-être qu’on aura l’occasion un d’ces quatre de s’voir à Almis.

Soudain Bru avisa non loin de la route un piquet assez large et solide pour lui être utile. Il s’approcha pour l’arracher à sa terre glacée d’une poigne que beaucoup enviaient contrairement à son caractère.
- On me nomme Brigg, Cœur de Leomnis, se présenta à son tour le nain à la crinière blonde, aussi fournie et longue que celle d'un léomnis, devant le faciès curieux de la tresse.

Et tandis que Brigg faisait la causette, Bru lui se contentait d’agir, aussitôt aidé par les autres compagnons de la petite troupe sous le regard de leur ongaraz. Sans un mot, il cala la roue du chariot en plantant le pieux de bois le plus profondément possible sous la roue, puis après un seul regard, et dans un parfait ensemble avec les autres barbes, il mit tout son effort sur le pieux pour faire levier avec le chariot.

Dans le même temps, les autres poussèrent de leur côté le chariot, chacun dans le même sens, pour le soulever, l’obligeant dans cette force concentrée à se dégager de son trou. Ce qu’il fit brusquement dans un concert de grognements et jurons satisfaits.
Les barbes se frappèrent les épaules, parfois le ventre et parfois les casques en guise de félicitations, heureux de leur besogne commune.

Fran n’avait rien manqué de tout cela, son oreille elle, se prêtant aux paroles du dawis qui la salua à son tour et se présenta. Elle lui accorda un très bref sourire en réponse et un signe de tête.
- Frandir Vengryn, ongaraz de lante. Puis elle ajouta balayant les excuses et les remerciements de Thôrumm BranBolg. Y’a pas de mal. Vous n’êtes pas responsable de ce sale temps.  Et l’union fait toujours la force n’est-ce pas ? conclut-elle d’un air entendu avant de saluer d’un signe de tête ses compagnons qui avaient réussi à extirper le chariot de cette vilaine ornière.

Le convoi allait pouvoir reprendre. Fran s’enquit avant de rejoindre les siens.
- Vous allez continuer à tracer ? Ou vous restez quelques jours à Fort Garmin ? Les routes et le temps sont mauvais, surtout avec autant de chariots. ajouta-t-elle avec un regard pour ceux qui accompagnaient Thôrumm BranBolg.

Les béliers commençaient à s’impatienter,  ainsi que celui de Fran qui piétina le sol de frustration, sentant que l’heure était venue de bouger. Un garde à l’entrée fit un signe, donnant la permission aux arrivants de pénétrer dans l’enceinte de Fort Garmin.
- Nous pourrions échanger quelques mots devant une cheminée et la chope pleine, suggéra-t-elle. Il était toujours bon d’avoir des nouvelles des autres coins de ce monde. Vous venez d’où ? S’enquit-elle encore avant de le laisser à ses barbes.

De toute façon, s’ils restaient un peu, ils allaient si ce n’était boire quelques chopes de bière ensemble, échanger encore quelques mots une fois dans l’enceinte du fort. De quoi au moins découvrir ce que ce barbe et son expédition étaient venus faire ici.