Douloureuse découverte et curieuse rencontre. [PV Nakor]

Il est des sentiments que le commun des vivants ne saurait éprouver, celui qu’à chaque pas, le monde s’est agrandi, encore et toujours plus vaste à chaque instant d’une marche paisible, non… Ce sentiment tant l’ignore, car on enseigne l’immensité d’un continent et bientôt, l’inconnu ne l’est plus, il n’y a plus aucune surprise, rien qui ne perde les regards, si ce n’est quelques paysages enchanteurs et profondément beau, merveilleux.
Pour celle qui ignore tout, chaque petite chose, la plus vulgaire des découvertes, des curiosités étaient une source d’épanouissement intarissable à ses yeux enfantins, car oui, elle n’était qu’une enfant, la fille d’une Déesse qui l’avait gardé dans ses bras protecteurs bien plus longtemps que bien des êtres, la coupant des curiosités d’au-delà du Jardin dans lequel elle grandit… Aujourd’hui, autorisée à partir, elle va de surprise en surprise, s’intéressant à tout ce qu’elle ignore, et à regret, dans ce monde où le temps semble défiler plus vite, où les choses ne durent qu’un instant, elle ne peut se concentrer sur tout, perdant de nombreuses occasions d’en apprendre sur tout ce qui l’entoure…

Seule, elle prit la décision d’aller marcher un peu… Quittant la protection de Vioron et de la Capitale, refusant même la moindre compagnie, que celle de ses amis reptiliens, éprouvant le besoin de faire cette balade en solitaire, pour ne pas déranger le Duc et ses obligations de Protecteur, et Mère la réclamait quelque part, voulant lui montrer quelque chose, l’amener à un nouvel endroit afin de mieux comprendre les logiques et les rouages d’une société qu’elle ne comprenait pas.
Elle partit sans provision, vêtue seulement d’une élégante robe faite sur mesure pourtant épaisse, adaptée à des températures plus basse, aux teintes olive, s’accordant de manière grandiose à sa compagne, Farli, mettant en valeur sa beauté d’après son hôte, mais rien de plus… Elle avait foi en sa Mère qui lui offrira ce dont elle avait besoin sur la route, comme toujours.

Ainsi, pendant quelques jours, elle marcha vers le Sud, s’arrêtant, parlant avec ceux qu’elle croisait mais étrangement, elle n’était pas des plus intéressées cette fois ci, en tête, sa destination finale la rongeait et poussée par la Déesse, elle progressa plus rapidement, consciente qu’elle aurait le temps de tout découvrir, de tout apprendre après cette requête.
Elle en vint finalement à sa destination… A la lisière des Terres Stériles.

Quand elle découvrit la désolation au-delà des bois, elle manqua d’étouffer, mise à mal par ce qui se découvrait sous son regard, elle affola ses deux compagnons, une main sur la poitrine, cherchant de l’air, elle tomba à genoux, restant ainsi quelques minutes, ses deux amis pialant, inquiet devant une telle réaction qu’ils ne comprenaient pas. Ici s’arrêtait le domaine de sa Mère, au-delà, il n’y avait qu’une vie abandonnée et presque absente, partout la solitude, nulle part le réconfort de l’ombre d’un arbre, les rafraichissants courants d’airs apportant les senteurs boisées et délicates de la forêt… Le monde s’étendait mais lui était interdit, Mère voulait sans doute lui montrer la limite à ne pas franchir, car au-delà, rien ne pouvait l’attendre… Au-delà, Elle ne serait plus là pour l’accompagner, la protéger… En ces terres désolées, Kÿria n’avait pas la moindre influence, pas la moindre existence et elle venait de l’enseigner à sa fille…

Elle calma son souffle, restant à genoux, caressant la tête de ses deux dräkes pour les rassurer, ajoutant un sourire mal assuré mais tendre pour les apaiser. Elle releva les yeux vers ces terres inhospitalières… La curiosité avait une limite, celle imposée par la nature même… Elle ne pouvait découvrir que ce que Mère consentait à lui montrer, uniquement ce sur quoi elle imposait son règne.

Nakor était retourné en Nisetia, il y avait passé plusieurs jours, avait combattu la reine des drows, la prime sorcière et n'avait remporté le combat que de peu de chose ... ne parvenant même pas à la tuer! C'est donc satisfait de ses rencontres au possible que le vieux fou quitta une fois de plus sa maison dans les anciennes ruines mortes des terres stériles et décida de rentrer à Diantra à pied, en remontant vers le nord, pour gagne la forêt d'Aduram. Nakor n'était pas du genre à s'inquiéter d'être remarqué ou autre, il marchait ouvertement bâton à la main et chapeau en tête, dans le vent, comme il aimait tant faire. Nakor devenait de plus en plus heureux de tout cela, il y avait pas mal de vent ce jour ci et donc le vieux fou était tout simplement content. Tellement d'ailleurs qu'il se mit à chantonner puis fut emporté par son propre entrain et se mit à sautiller puis carrément à danser avançant son chemin tout en sautant, en donnant des coups de pieds et en chantant et riant à souhait. Plus il faisait cela plus il riait tant est si bien qu'il finit par arriver aux abords de la forêt, lorsque les terres stériles rencontrent les bois et que la vie remplace fièrement la mort. Comme une barrière dressée pour faire halte à la faucheuse et à la destruction qu'amène le chaos. Cela ne pouvait que renforcer la joie et la bonne humeur de Nakor qui finit tout de même par revenir sur terre en tombant presque nez à nez avec une jeune elfe fort étrangement mal à l'aise. Nakor cessa subitement ses pitreries et plongea son regard dans celui de l'elfe. Il mit sa main gauche sur la hanche, la droite tenant son vieux bâton, et se décida étrangement à parler elfe, aprés tout, en six cents vingt trois ans de vie, il avait sufisament mit son gros nez partout pour savoir parler les langues de ce monde. Et quelque chose lui disait de parler elfe, la magie, le destin, il n'en savait rien, en tout cas il dit en elfe trés simplement lorsque la jeune étrangère fut debout

"Allons allons jeune elfe, il n'est guère utile de s'émouvoir si fortement face à tant de beauté!"

Nakor se tourna alors vers le paysage macabre que la jeune elfe observait et ne trouva rien d'autre que d'exploser de rire comme un dément en chatonnant encore et toujours le même air enjoué et fiévreux qu'il chantait depuis plus de six cents ans.

Au-delà des limites imposées par la Mère apparut une nouvelle créature, alertant et mettant sur leurs gardes la petite verte et le jeune bronze, ressemblant aux elfes mais pourtant différente, elle savait distinguer les différences et sut qu’il n’était pas l’un d’eux… Il était étrange qu’au-delà, dans ces terres abandonnées, il y ait un être semblant si joyeux, épanouit et cela, elle ne le comprit pas… Mais Mère lui avait interdit, et le malaise que provoquaient ces terres lui suffisait à ne pas s’interroger sur la réalité de cette limite tracée par les doigts maternels.
Pourtant, cet être à l’étrange chevelure s’égarant sur le visage, ce qu’elle n’avait jamais vu chez les enfants des bois, parlait ce qu’elle pouvait comprendre, pas comme elle, pas comme Vioron, pas comme les autres… Mais il savait parler un langage qu’elle comprenait… Ces points communs, les ressemblances suffisaient apparemment à laisser une langue commune malgré le fossé qu’elle ressentait entre elle et lui.
Elle ne comprit pas non plus quand, regardant la désolation, il se mit à rire… Le rire était source de joie et ce décor ne faisait naître qu’un sentiment de peine et de profonde tristesse, une douleur qu’elle n’avait jamais connu jusque là. Presque blessée, elle ne laissait pourtant rien transparaitre, c’était sans doute normal, un être venant d’en dehors des terres de sa Mère se riant de ce territoire qui lui serait parfaitement familier, c’était son chez lui, autant que les bois étaient le sien.
Elle prit néanmoins la parole, ne voulant pas rester ainsi, silencieuse et surprise…

« Pourquoi riez vous.. ? Ces terres où Mère n’a plus d’influence vous inspireraient-elles de la joie ? »

Il n’y avait aucune accusation, aucun sentiment de gêne, c’était une interrogation dans la forme la plus pure, curiosité demandant à être satisfaite… Mais la crainte des terres au-delà était bien visible, le fait même que Mère n’y ait aucun pouvoir la troublait.
Elle le fixa avec attention, ses deux dräkes se nichant sur ses épaules, posant un regard bleuté nuancé d'un rouge qu'on pouvait voir comme une légère agression, un avertissement de ces petites créatures pour qu'il ne la touche pas

Nakor écouta les propos de la jeune elfe et passa sa main sur son visage. Il souffla un peu puis sourit ouvertement à la nouvelle compagne momentanée qu'il avait trouvé sur sa route et il respira comme s'il allait parler puis bloqua net sa respiration, décidant qu'il était mieux de se taire et de faire quelque chose avant de parler. Nakor se tourna un peu, leva le bras gauche et le fit tourner au dessus de sa tête lentement trois fois, en faisant des cercles de plus en plus grand puis tendit sa main fortement vers le sol. Un éclair de magie vert partit en direction du sol. Assez lumineux pour forcer les gens à froncer des sourcils, Nakor maintint le rayon durant quelques secondes. Puis il ouvrit la main et le rayon cessa! Alors, sous les yeux de l'elfe, au beau milieu des terres stériles, là où soit disant Mère n'avait plus d'influence, une fleur poussa. Une fleur violette qui poussa rapidement, qui s'ouvrit et déploya plusieurs pétale resplendissant de cette belle couleur violette et jaune. La fleur resta donc là, pleine de vie, dans un sol dit mort. Alors Nakor se tourna vers la jeune elfe et prit la parole

"Voyez mon enfant ... Mère comme vous dites, n'est en aucun cas partit de ces terres! La destruction et le chaos qui se sont répandu ici bas il y a si longtemps ... on permit à la terre de se reposer. Au sol de devenir fertile. Et à la vie de reprendre ses droits! Mais rien ne pousse ici ... parce que, comme tout Homme qui a mené une longue vie de combat, la nature a finit par comprendre que la paix et le repos n'ont pas de prix. Sous cette forme sombre et dévasté, la nature dort en paix, elle se repose mais la vie est là, forte et prête à refaire surface un jour ma chère. Tout comme les cendres sont un engrais extraordinaire pour des plantes, le chaos et la destruction permettent à la nature de reprendre vie de plus belle! Il faut seulement laisser le temps au temps! Mère comme vous dites, ne perds jamais ses droits, sur aucun lieux de ce monde. Alors quand vous voyez ici la dévastation, la destruction et le chaos, et bien j'avoue y voir moi, un calme qui n'a pas de prix, un silence reposant et une tranquillité sans faille! Quiconque à mené des guerres voit en cela la beauté de la paix et le prix à payer pour!"

Nakor cessa alors de parler, admirant les doux reflets du soleil sur la plante qu'il avait fait pousser en utilisant uniquement les forces de la terre. En effet, Nakor ne trouvait pas cet endroit dévasté, il le trouvait en paix. Et la paix avait un prix, celui de l'apparence désagréable était le moindre! Au cours de ses longues années de vie et de combat contre le mal il en avait déjà lui même payé le prix, par la douleur, par la souffrance, le supplice et bien d'autre encore. Alors un semblant de dévastation n'était pas non plus une horreur sans nom. Cela ne signifiait pas que Nakor aimait le chaos, mais qu’il savait que, s’il était par exemple acharné à reconstruire une forêt ici, des peuples seraient venu s’y battre pour s’arracher la domination des Terres ! Alors quand le mal était fait, il fallait savoir en apprécier les très rares avantages que cela pouvait présenter. Le vieux fou se demanda alors si la jeune elfe comprendrait ce que voulait dire la longue barbe blanche.

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