Qui est sûr de la veille, ne l'est pas du lendemain [Apolline]

Tahiro, 4ième ennéades de Karfias

Miriel s’arrêta un moment pour admirer Thaar. Elle était finalement arrivée, le trajet avait été long et franchement épuisant, mais elle ne se lasserait  jamais de voir la chaotique cité se dresser devant elle. Elle laissa le vent marin caressé son visage et ses cheveux et savoura ce silencieux moment de liberté. Cela faisait plusieurs ennéades qu’elle était partie pour affronter l’Anaëh, mais heureusement la mercenaire avait réussi à s’en sortir sans trop d’égratignure… si on épargnait les quelques jours dans les cellules de Daranovar. Miriel secoua la tête comme pour effacer les souvenirs de sa rencontre avec Serendil. Ce n’était définitivement pas le moment de penser à cela. Elle se remit à marcher et traversa la végétation luxuriante pour finalement traverser les bidonvilles au bout de quelques minutes. Cette partie de Thaar la mettait franchement mal à l’aise. Elle se demandait pourquoi tant de gens vivaient dans de telles conditions. Quelle perte de temps et gâchis! Après tout chaque personne était maîtresse de sa propre destiné, ou du moins c’est ce qu’elle croyait. La mercenaire traversa rapidement le quartier sans avoir un regard pour personne, évitant du regard les orphelins qui jouaient dans les rues ou les femmes qui tentaient désespéramment de quémander  nourritures ou quelques pièces. Non elle n’avait aucune pitié pour eux, une chose qu’elle avait apprise au fil des années était que la seule personne sur laquelle elle pouvait compter était elle-même.

Elle arriva finalement au mûr et se mit en marche vers son auberge préféré. Situé près du marché couvert, la mercenaire en raffolait. Elle adorait l’activité et l’ambiance qui se dégageait de cet endroit. Le bourdonnement des marchés lui convenait, et elle pouvait facilement passé inaperçue si elle le désirait. Elle se doutait bien que certaines personnes voulaient toujours sa peau, même après son absence prolongée… Le trajet lui semblait beaucoup plus long que dans son souvenir. Elle tentait tant bien que mal de se faire un trajet dans la foule en évitant de se faire voler la bourse accrocher a sa ceinture, ou en évitant de se faire trop remarquer. Au bout de ce qui lui sembla des heures elle arriva finalement à l’auberge. Elle ne put s’empêcher de sourire et d’admirer le commerce, Voilà, enfin arriver à la maison! Pensa-t-elle. Elle ouvrit la porte et s’engouffra dans l’auberge bondé en espérant qu’elle y aurait toujours sa chambre attitrée. Cela ne prit que quelques secondes avant que l’aubergiste bedonnant ne crie son nom et se dépêche de la prendre dans ses bras en souriant. Miriel lui retourna son sourire, légèrement inconfortable dans l’étreinte de ce dernier et lui tapota l’épaule pour lui signifier de la redéposer au sol. Ce qu’il fit aussitôt, comprenant qu’il avait été, encore une fois, un peu trop loin. Il retourna derrière le bar et lança une clé à Miriel, qui l’attrapa rapidement de sa main gauche. En voyant le sourire éclatant de l’aubergiste, elle comprit rapidement qu’il n’avait pas loué sa chambre à personne d’autre. Elle sourit en lui faisant un signe de tête et monta rapidement à sa chambre pour déposer son sac de voyage.

Elle déposa rapidement son sac et sortit en verrouillant la porte. Elle se dirigea au premier étage et s’assit au bar. L’auberge était bondé, des mercenaires jouait tranquillement au carte, certains clients tentaient tant bien que mal de courtiser quelques femmes, tandis que d’autres, légèrement enivré grattait la cithare en chantant leur soi-disant exploit. Miriel ne put s’empêcher de sourire en écoutant certaines de leurs chansons. Décidément, elle n’était pas la seule a se retrouver dans des situations hors du commun. Au bout de quelques minutes, elle se fit sortirent de ses rêveries par l’aubergiste qui déposa bruyamment une pinte de cervoise devant elle. Il la regardant en souriant avant de finalement s’exprimer : «  J’ai failli penser que tu y était resté! Herendil est revenus depuis des lustres! Apparemment, la garde de Daranovar n’a pas été très courtoise avec vous? » La mercenaire ne put s’empêcher de sourire en prenant une longue gorgée de boisson. Elle savoura le liquide doré avant de déposer sa chope sur le bar. Elle eut un sourire en coin en regardant l’aubergiste qui la regardait avec des yeux suppliant. Quel phénomène cet homme! Une personne extrêmement généreuse et curieuse mais qui pouvait diriger un établissement de cette ampleur d’une main de fer. Elle soupira avant de reprendre son sourire «  Non en effet, disons que notre rencontre ne s’est pas bien passé… Mais bon, quelques jours en prison et me voilà de nouveau à la maison. » Elle ne put s’empêcher de rire en voyant l’expression suppliante de l’aubergiste. Ce dernier voulait des détails, il vivait carrément ces fantasmes de liberté à travers les voyages et les missions de la mercenaire.

Elle lui raconta sa rencontre a Daranovar, en décrivant en détail la forêt d’Anaëh, la cité de Daranovar, sa rencontre avec l’intendant des ressources de la cité et comment il l’avait carrément mit hors combat. Pendant ce temps, l’aubergiste l’écoutait avec une attention hors du commun et ses yeux brillaient d’une intensité hors du commun. Au bout de ce qui lui sembla une bonne heure, elle finit finalement le récit de sa dernière aventure, en évitant certains détails assez particuliers et ne put s’empêcher de sourire a l’air de l’aubergiste. « Et bien! Disons qu’il ne t’ont pas fait la vie facile! Tu es sacrément chanceuse de t’en être sortit aussi bien! Je crois bien que cet Elfe avait un œil sur toi, sinon je pense pas que tu serais devant moi! » L’aubergiste éclata aussitôt de rire, pendant que Miriel tenta tant bien que mal de camoufler le carmin qui lui venait sur les joues en buvant une gorgée de cervoise. L’aubergiste fit un signe de main à des clients qui venait d’entrer et murmura à Miriel ; «  Je crois bien que tu as de la compagnie » en désignant quelqu’un derrière elle d’un mouvement de tête, avant d’aller accueillir le nouveau groupe de clients qui venaient d’entrer dans l’auberge bondé. La demi-drow se retourna rapidement sur son siège pour faire face à la personne qui l’observait avant de lui lancer : « Je peux t’aider? » en ayant un air légèrement méfiant.

Pour un établissement situé si près du marché couvert, l'auberge était propre. A vrai elle méritait à peine la définition de crasseuse. On était encore loin des lambris brillants des quartiers riches ou encore des soieries des établissements de grande classe. Cependant, on devait au moins féliciter mentalement le gérant pour ne pas sentir ses bottes s'accrocher au plancher à chaque pas. C'était à peine si l'on ressentait une légère résistance toute vineuse. Par ailleurs, l'alcool servi était de qualité, la bière à peine écoeurante et si l'on glissait quelques piécettes en plus on pouvait même recevoir un véritable verre, et non un gobelet de bois, et une bonne bouteille.

Apolline avait cependant misé sur une eau de vie de raisin en cet fin d'après-midi. Elle appréciait tremper ses lèvres dans le nectar ambré et laissé éclater les saveurs florales et fruitées à la fois tout en réchauffant son gosier. La jeune femme était élégamment installée dans un siège, vêtu à la cavalière. Pourpoint marron sur chemise blanche, pantalon noir moulant et bottes étroites et serrées. Un élégant chapeau de monte, décoré d'un panache blanc, reposait sur la table devant elle. Elle était accompagnée de Risha, vêtue à son habitude de sa vesture toute Wandriase et lourdement armée. Enfin Julie n'échappait à ses vêtements tout à fait digne d'une noble - bien qu'elle fusse bâtarde - et jouait avec sa dague, une moue triste sur le visage. La pauvresse aurait souhaité s'acoquiner avec les hautes sphères Thaari.

Mais Apolline en avait décidément autrement. Elle avait simplement envie de se reposer, prendre du recul. Le danger animait sa vie mais un peu de repos et de bon temps en faisait parti. Aller rencontrer les fortunés de la ville signifiait la tentation. S'encanailler avec ses bas-fonds, aux ordres des premiers, était synonyme de défi. Elle ne voulait ni l'un, ni l'autre. Travia était un parfait trait d'union entre elle et ceux qui souhaitait les services de la Noctemain. Ce jour se voulait être faste, reposant. Allégorie même de la farniente.

La cambrioleuse et espionne se nourrissait donc de l'alcool mais surtout des conversations autour d'elle. Tête rejetée en arrière, sa natte rousse reposant sur son épaule, ses oreilles captaient les histoires qui se murmuraient, chuchotaient, criaient voir même chantaient pour quelques malheureux au godet par trop vide. Mais ce qui l'intéressait, c'était leurs accents. Elle les décortiquait, réfléchissait, essayait de comprendre comment les imiter et ce qu'ils signifiaient. L'accent est le déguisement de l'âme aussi sûr qu'un chapeau couvre le visage d'un homme à la sieste !

Enfin les accents l'intéressaient jusqu'à ce qu'elle entende parler d'un sujet quelque peu rêveur. Les elfes. Rien que ça. Son regard se porta discrètement vers une femme qui commença à raconter son histoire. Malgré son air bravache et féroce, elle semblait sincère et revenait vraiment de l'Anaëh. Voilà quelque chose qui méritait bien une écoute plus approfondie. Fermant les yeux, feignant le sommeil Apolline se concentra près d'une heure et sourit au fur et à mesure du conte. Alors que l'histoire s'achevait, elle hésita. La cambrioleuse avait envie de discuter de l'affaire. Prise d'un élan d'impatience, elle se leva et s'avança jusqu'au bar, non sans enfoncer son chapeau sur le crâne plongeant ainsi son visage dans l'ombre. Le gérant la remarqua aussitôt et se détourna du duo nouvellement fermé.

Reître méfiante. Il y'avait de quoi. Avec un léger sourire, elle s'avança jusqu'au comptait et s'y accouda en déposant son son verre. Alors seulement, elle tourna son regard vers son interlocutrice. "Ouais tu peux m'aider". lança t'elle d'une voix grumeleuse et rauque. Elle parlait en desserrant à peine les dents et du fond de la gorge, imitant aisément l'accent rocailleux du Nord de la Péninsule. "C'est qu'on a rarement des elfes par chez nous. Le clan aime pas trop ça. Mais ils m'ont toujours passionné. L'extérieur de manière générale. Du coup, j'ai entendu ta causette. Je me demandais... Ils sont comme dans les légendes ? Ils ont des richesses particulières ? Et la langue ? On dit souvent qu'on peut les comprendre, qu'importe notre origine.."

Miriel resta de marbre devant la femme qui se trouvait devant elle. La mercenaire prit quelques secondes pour observe de haut en bas son interlocutrice. Valait mieux être prudente, on ne savait jamais vraiment à qui on avait à faire dans cette ville. Cette dernière, vêtue d’une façon assez classique, mais élégante tentait tant bien que mal de camoufler son visage à l’aide de son chapeau. Elle s’approcha de la demi-drow et déposa son verre avant de se retourner vers Miriel, en affichant un grand sourire. Elle lui posa alors sa question, ou plutôt des questions. C’était clairement un interrogatoire à ce point. Miriel haussa un sourcil en les entendant, décidément elle avait écouté le récit de sa dernière aventure en Anaëh et son récit semblait avoir chatouillé sa curiosité. Elle se retourna sur son siège pour faire face à son interlocutrice et en ne la quittant pas du regard, prit une gorgée de sa cervoise pour la déposer rapidement sur le bar après sa courte gorgée. « Tout dépend de quelle légende tu as entendu, à t’entendre parler on ne vient carrément du même monde » S’était éloquent, non-seulement la jeune femme en avant d’elle n’avait pas l’accent de Thaar, mais elle ne venait certainement pas du Puy. Miriel soupira, en secouant doucement la tête, l’air désapprobateur. Au Puy, on lui avait décrit les Elfes comme des moins que rien. Il était inutile d’expliquer à qui que ce soit la haine qu’avait les drows pour les Elfes, et la mercenaire s’était vite rendu compte que la haine était réciproque à Daranovar. Après tout, le fait qu’elle soit demi-drow, lui avait mérité un joli en cellule, une cellule confortable, certes, mais toujours une prison et l’exécution lui avait parus inévitable, par chance, quelqu’un avait pu l’épargner. Elle se retourna et fit signe à l’aubergiste pour qu’il lui remplisse sa pinte et le verre de son interlocutrice. Après des ennéades de voyage, elle pouvait bien se permettre de célébrer son retour à la maison ou du moins, célébrer le fait qu’elle soit toujours en vie après cette aventure.

Elle reçut sa pinte rapidement et fit au sourire a l’aubergiste avant de se retourner calmement vers la jeune femme qui lui faisait face. « Pour la langue, non clairement pas, j’ai dû engager un elfe de passage dans la cité pour m’aider. J’ai passé des semaines à étudier la langue et je peux te garantir que je ne connaissais pas tous les mots, mais assez pour les comprendre et assez pour qu’ils me comprennent. Disons que j’ai eu de la chance dans mes aventures. » Elle sourit avant de continuer ; «  Pour ce qui est des richesses, je te dirais que j’en sais aucunement rien.  Les forgerons elfiques, par contre, ils savent ce qu’ils font. » Dit-elle en montrant les cicatrices de ses jointures sur sa main gauche. Preuve d’une mauvaise rencontre entre son poing et un casque rudement solide.  Elle prit une pause avant de continuer « Sinon, honnêtement, j’en ai aucune idée.  Ce n’est pas pour leurs richesses que j’y suis allée. » Elle prit une gorgée de sa boisson et souri en se remémorant la cité de Daranovar. C’était probablement l’endroit le plus extraordinaire qu’elle ait jamais visité. La grande place lui avait littéralement coupé le souffle avec son activité bourdonnante. Le parfum qui embaumait l’air lui avait semblé tellement particulier, et la bonne humeur semblait régner dans ce marché, qui pourtant extrêmement occupée, ne semblait déranger personnes. Quant aux luxuriant jardins qui entourait la place, les mots lui avait manqué. Tout lui avait semblé si différent et si particulier.  Elle avait du même s’avouer que   l’institut militaire l’avait émerveille!  Même si cela avait été sa prison pour quelques jours.

Elle secoua la tête pour sortir de ses rêveries avant de se retourner vers son interlocutrice. « Sinon tu as d’autres question? » Devant le moment d’hésitation de la jeune fille, Miriel ne perdit pas une seconde; « Toi et tes copines vous venez d’où ? » dit-elle en faisant un signe de tête vers les deux autres jeunes femmes qui semblaient suivre la conversation de leur table. Miriel eut un sourire en coin, elle se doutait bien de ce qu'était la jeune femme devant elle.

Une reître peu causante et pourtant ouverte d'esprit. Revêche était le terme le plus approprié à sa façon de se comporter. Bon nombre de femmes guerrières se comportaient de cette manière. C'était une manière comme une autre de se protéger du monde et surtout de l'insatiable appétit des hommes de guerre, bien que cela soit commun à leur genre dans sa globalité. Apolline avait préféré devenir la fausse godiche effrontée, capable de jongler d'un rôle à l'autre mais toujours en cherchant à charmer ou attirer l'attention sur elle. Briller de mille feux pour mieux se cacher dans l'ombre de sa propre lumière.

Une affaire classique en soit. Enfin... Apolline se recentra sur la conversation. Elle accepta avec plaisir son verre et y trempa ses lèvres. Le brandy était bon. Cependant, la prétendue reître préféra le laisser tourner entre ses doigts, lançant des reflets cuivrés sur le comptoir. Pour sûr elle avait grandi avec les légendes bénéfiques des elfes, celles d'êtres gracieux et d'une grande sagesse à la vie immortelle. Bien évidemment, ils étaient également impérieux, arrogants et refusaient le contact avec l'être humain, engoncés dans leur savoir. Mais cela contribuait à les entourer d'une aura de mystère qui passionnait la cambrioleuse.

"On a de nombreuses légendes sur les grandes-oreilles. Apparemment pas les mêmes que toi. Rien que des histoires." grommela Apolline avec une moue déçue. Mais elle écouta avec attention la suite de la conversation. Les elfes semblaient passionnants et si éloignés des mythes qu'on leur avait collé à la peau. Mais au delà de ça, c'était prendre le risque de voler, de jouer avec le feu avec l'élite des êtres foulants la terre qui l'intéressait. Seulement, quelques morceaux de ferrailles et une laitue ou deux n'étaient pas des défis suffisamment excitants pour Apolline. Bien au contraire, elle avait besoin de plus pour sentir sa peau s'hérisser, son corps chamboulé par l'adrénaline. Ce plaisir si intense.

Il était donc temps de parler d'elle ? Evidemment de ses compagnons aussi. "De ci et là. Péninsule principalement. L'emplumée c'est Risha Tête-de-Colibri, une Wandraise, prends pas garde à son air de pigeon, une dague transpercée ta gorge d'un coup d'aile." Apolline ricana avant de désigner Julie. "Elle. Tire-les-Bourses. Je te laisse deviner pour quel domaine... Vient d'Erac. Si tu connais le Skye Coe, j'viens de là. Tu peux m'appeler Laoghaire. Et toi alors ? Qui t'es et pourquoi t'es allé voir les longues-oreilles ?"

Miriel observa attentivement l’air de son interlocutrice durant leur conversation et elle ne put s’empêcher de remarquer son air déçue lorsqu’elle lui dit que cela dépendait des légendes. Elle était curieuse sur les Elfes, mais elle cachait quelque chose. L’hybride se reconnu dans la façon d’agir de la rouquine. Non-seulement elle tentait tant bien que mal de se protéger, mais  elle semblait vouloir défier l’autorité,  faire en sorte de dépasser les limites établis  ou du moins c’était l’impression que Miriel avait. Elle présenta finalement ses copines et Miriel les salua rapidement d’un mouvement de tête. « Contente de te faire ta connaissance Laoghaire. Je me nomme Miriel Navarete. » Elle prit une gorgée de sa cervoise avant de continuer. La mercenaire était bonne actrice, elle savait pertinemment que son interlocutrice lui cachait sa réelle identité, mais Miriel n’avait absolument rien à cacher de son côté. Certes, elle avait une certaine réputation à Thaar, mais peu de personne connaissait son nom. Après tout, la majorité de ses clients étaient beaucoup trop distrait par le fait de rencontrer une demi-drow pour se rappeler de son nom. Quant à l’humain devant elle, c’était son affaire si elle voulait lui décliner ou non son identité, l’hybride n’en fit aucun cas et comprenait les raisons de l’humaine. Elle pencha la tête en attendant la question de Laoghaire, et sourit. Elle replaça discrètement une mèche des cheveux, dévoilant ses oreilles légèrement pointus et répondit à sa question : «  Un contrat. On m’a engagé pour protéger un marchand qui devait traverser l’Anaëh, puisque ce n’est pas la région la plus accueillante. Disons que cela n’a pas fini comme prévu. » Elle s’arrêta un moment, repensant à sa rencontre hors du commun avec un certain elfe et sourit. «  Les Elfes sont très fière, ils croient qu’ils sont sage… Mais ils ne connaissent pas autre chose que ce qui se passe dans leurs régions. » Elle fixa sa cervoise quelques secondes, tentant de trouver la meilleure façon d’aborder le sujet. « Par contre, ils sont énormément curieux et énormément méfiant avec les étrangers. Alors si tu as envie d’aller te frotter à eux. Assure-toi d’être prête.» Dit-elle en fixant de ses yeux gris Laoghaire.

Elle secoua la tête, tentant d’effacer ces souvenirs. Ce n’était pas le moment de rêvasser. Elle se retourna vers Laoghaire et regarda ses compagnons du coin de l’œil. La grande Wandraise la surveillait avec son œil d’aigle. Armée de pied en cap, elle savait ce faire respecter, tandis que la dénommé Julie avait un air un peu plus rêveuse, comme si elle aurait voulu être ailleurs. On pouvait comprendre d’où elle venait, peu de gens semblait apprécier les quartiers libres de Thaar. Pour les hybrides comme Miriel, c’était le seul endroit où ils étaient respectés. Définitivement une ville de laissé pour contre, alors si son but était d’aller se frotter aux richesses, la dénommé Julie n’était définitivement pas au bon endroit. Miriel haussa les épaules en retournant son regard vers la rouquine, ses copines ne semblaient pas très sociales. L’hybride les salua respectueusement d’un mouvement de tête avant de faire face une nouvelle fois à la rouquine. « Malheureusement non, je n’ai jamais eu le plaisir de me rendre dans la péninsule. Disons que certaines histoires m’ont laissé perplexe face à l’accueil que vous réservez a des gens comme moi. » Elle finit rapidement sa pinte avant de la poser sur le bar et de la pousser un peu plus loin. Avant de continuer la conversation; «Sinon, qu’es que vous faites ici? La péninsule, ce n’est pas la porte d’à côté. »

"Un marchand en Anaëh ?" s'exclama Apolline avec surprise. Ses yeux s'écarquillèrent et ses lèvres formèrent un o presque parfait. Il disparut aussitôt alors qu'elle reprenait une mine renfrognée. Elle s'était laissée emporter par son étrange passion pour les elfes.
"Par chez nous, on dit que les Elfes ne vivent qu'entre eux. Qu'ils ont pas b'soin de nous." Apolline fronça les sourcils. Son accent lui échappait, il devenait trop pouilleux, cela détonnait avec sa vêture, de qualité bien que masculine ainsi que la boisson qu'elle buvait. Avec un léger soupir, elle reprit son accent et sa voix naturels.

"Foutue curiosité. Elle m'embrasserait de l'intérieur si elle le faisait." Le timbre de la voleuse était redevenu, moins moqueur et plus innocent que rauque. Apolline lança un long regard de connivence avec la femme. "On raconte souvent que les elfes n'apprécient pas les étrangers. Mais une demi-drow, c'est presque une hérésie pour leurs yeux j'imagine. Sans vouloir t'insulter." ajouta Apolline. Elle n'avait pas envie de prendre un coup d'épée pour un mot mal placé, chose malheureusement courante de part le monde.

La jeune femme s'étira, appréciant la souplesse de son corps. La mercenaire était d'une carrure plus forte, entraînée par la guerre et l'endurance. Cela se voyait à cet air presque masculin. Evidemment son sang Drow l'avait pourvu de belles courbes et d'une solide constitution difficilement égalable par une autre humaine.

"Tu n'as rien raté de la Péninsule, tu peux me croire." lança Apolline en buvant une longue gorgée de son verre. "Ils ont cette manie de se croire supérieurs aux autres. Sans compter le balais qu'ils ont enfoncé dans leur fondement dès leur naissance... Le Sud est plus déluré d'une certaine manière. Mais il y'a toujours plus d'occasion en Estrévent. Ici, tu pourrais conquérir une forteresse ou une ville à la tête d'une petite troupe et te déclarer Duchesse, Princesse voir même Reine ! Que nenni."

"Enfin... Je ne vais pas te mentir je suis d'ici et de là." murmura Apolline en nuançant sa voix d'un accent nain, puis du Sud avant de revenir à un proche parler de l'oliyan. "Risha, je la paie pour rester ici. C'est une bonne compagne. Silencieuse et efficace. Et Julie est une partenaire... Elle a compris les opportunités que pouvaient lui attirer les bourses Thaari." Apolline eut la délicatesse de rougir à cette phrase. "Et toi alors ? Mercenaire pure jus ?"

La surprise qui éclaira le visage de son interlocutrice fit sourire Miriel. En effet, le fait que elle et son acolytes est réussi  à se rendre en Anaëh et à revenir vivant était un miracle en soi. La demi-drow hocha la tête, approuvant ainsi la remarque de son interlocutrice avant de renchérir; « En effet, ils n’ont pas besoins de personnes. Mon ami, a une échoppe près des marchés libres et vendre des herbes d’origine elfique vaut son pesant d’or. Donc, il m’a demandé de l’accompagné à Tethien pour me faire... Disons convaincante pendant qu’ils négociaient  de leurs affaires. » L’humaine ne face d’elle comprendrait rapidement qu’elle avait été engagé pour casser les bras de certaines personnes afin qu’ils puissent s’enrichir. Cette technique, quoique légèrement drastique,  avait étonnement bien marché pour la mercenaire et le marchand Thaari. Lorsque cette dernière lui mentionna qu’être une demi-drow était une hérésie pour les elfes, elle ne put s’empêcher de sourire. Ah! Si cette dernière savait ce qui s’était passé dans les cellules de Daranovar! Elle haussa les épaules et lui lança un sourire amusé; « Disons que j’ai eu de la chance quand j’ai eu la chance de tomber sur des soldats et le conseil de Daranovar… Disons qu’ils ne furent pas nécessairement accueillants! » Elle eut un sourire moqueur, avant de prendre une gorgée de sa cervoise.


Elle remarqua le changement d’accent de son interlocutrice, cette dernière était énormément douée! Ce qui mit un doute dans la tête de Miriel… Elle qui la croyait mercenaire comme elle, maintenant elle lui faisait plus l’impression d’être une voleuse ou une espionne. En tout cas, elle était sacrément douée pour changer sa façon de parler! Elle décriva finalement la péninsule comme un endroit for peu accueillant, comme tout le monde en fait. Il semblait que les personnes qui venaient de l’Ithri ‘Vann ne portaient pas nécessairement les péninsulaires dans leurs cœurs. Trop fermés d’esprit…  alors que l’Ithri’Vann célébrait la diversité et les conquêtes, les péninsulaires se faisaient la guerre entre eux. Ils étaient si pathétiques. «  Je ne vous blâme pas, Thaar ne m’as jamais déçue au niveau argent. C’est le seul endroit que l’on peut devenir quelqu’un sans se faire juger! » Elle déposa rapidement sa chope sur le bar avant de répondre à la question de Laoghaire; « Disons, je roule ma bosse depuis vingt ans… Faisant des petits contrats ici et là!  Pourquoi tu as besoin de plus de bras dans ta troupe? » Dit-elle avec un sourire  moqueur.

"De l'herbe elfique sur le marché libre ? Acheté directement au fournisseur ? Ton... ami est malin !" s'exclama Apolline. Elle laissa même échapper un sifflement de respect. Julie de son côté hocha la tête et Risha eut simplement un haussement de sourcil circonspect. La Wandraise, loin d'être stupide, n'entendait pas grand chose au commerce. Habituée au troc et à la loi du plus fort. Surtout cette dernière à vrai dire. Mais il y'avait de légers soucis dans le trafic de l'employeur de Miriel. Et pas des moindres.

"Tu as déjà réfléchi à savoir si personne ne se penchait sur ce petit commerce. Je ne suis pas sûre qu'un Prince Marchand apprécie tout ça... Ils mettent beaucoup d'argent et d'efforts pour leur commerce." murmura Apolline en se penchant sur son interlocutrice. Elle avait certainement raison. Nombre de marchands achetaient leur herbe sur le marché noir, dominé par les Princes qui eux avaient l'argent et surtout les réseaux pour s'en procurer directement en Anaëh. Qu'un petit poisson tente de gagner la mer des requins risquait de finir en bain de sang. "Mais on peut s'arranger..."

Apolline eut un petit rire en entendant la question de la mercenaire. Cela concordait parfaitement avec ce dont elle allait parler. En effet, la cambrioleuse avait à sa charge un contrebandier de talent, un peu rustre et bien trop charmeur pour son âge. Mais doué. Il était un bon receleur et son réseau en Péninsule permettait une revente facile des fruits des crimes d'Apolline. Mais il était peut être temps de voir plus grand pour la jeune femme.

"Vois-tu, Dante dit la Main Gauche travaille pour moi. Il passe sa vie sur les quais, de Thaar à la Péninsule en passant par Nelen et tous les ports de la côte. Chaque grotte et autres grognes à racailles, il les connaît. On pourrait peut être voir pour y receler de l'herbe, en autres choses. Ton ami y serait gagnant et toi aussi, en restant attaché à lui. Ou non."

Apolline ne prenait aucun risque à parler d'une possible collusion criminelle. Elles étaient presque la norme en Thaar. Elle en profitait même pour proposer à bas mot de détacher Miriel du service de son employeur pour la prendre sous son aile. En tant qu'associée ou non. Cela dépendrait de la décision de la mercenaire et de son pouvoir de marchandage...

Miriel haussa les épaules en entendant la remarque de la rouquine sur Herendil. Le pauvre humain n’était pas nécessairement l’homme le plus brillant en ville, mais il avait du cœur au ventre. S’il avait quelconque idées en tête – bonne ou pas – il s’arrangerait toujours pour la réaliser de façon honnête ou non. Disons que son ami avait un fort penchant pour tout ce qui était déloyal, d’où le fait qu’ils retrouvaient avec les pieds dans les pas dans chaque aventure. L’hybride laissa un sourire éclairer son visage avant de faire délicatement non de la tête;  «Soyons honnête, ce n’est pas le plus malin… Si lui peut y arriver, tout le monde peut le faire » Quant aux princes marchands… C’était bien le dernier de ses soucis, lorsqu’ils n’étaient pas  occupés à se détruire entre eux, ils se concentraient que sur leur propre nombril. Tant que le commerce restait assez petit, il n’en n’avait –honnêtement- rien à faire. Après 20 ans à Thaar, Miriel les avait vus s’entretuer et ne pas se soucier vraiment de leur gens. « Ils sont comme les autres marchands, ils ne font que mordre ou montrer des dents lorsque tu commences à faire vraiment de l’argent. Sinon il te laisse tranquille » L’hybride prit une gorgée de sa cervoise avant de grimace. Conversation fort intéressante, mais qui avait fait en sorte que sa boisson devienne totalement imbuvable. Elle repoussa sa choppe avant de retourner ses yeux gris vers la rouquine.

Laoghaire lui fit finalement part de ses plans. La rouquine était sur le point de mettre en branle un énorme réseau, si elle était bien organisée, elle aurait facilement faire une fortune en passant sous le nez des princes marchands. L’offre était tentante, mais restait à savoir pourquoi elle aurait besoin d’elle. Miriel observa la Wandraise qui la dévisageait, définitivement elle ne l’aurait pas défiée en combat singulier. Cette dernière avait la carrure d’une femme qui pouvait vous fendre le crâne à main nue.  Elle retourna son regard vers la rouquine avant de lui demander carrément; « Et alors, tu as besoins de moi pourquoi? Ce n’est pas comme si je pouvais passez inaperçu en péninsule. Si tu veux qu’on fasse affaire, il faut me donner plus de détails. » En effet, Miriel était prête à aider l’humaine, mais elle aurait besoin de savoir exactement quel serait son rôle. L’hybride était prête à travailler avec Laoghaire, et non pour elle. La demi-drow envoya un regard amusée à la jeune femme avant de lui rétorquer; « En passant, si tu veux commencer à faire des affaires, et ce même à Thaar, vaut mieux avoir la confiance de ton partenaire. » Elle haussa les épaules en souriant; « Cela inclus, donner ton vraie nom et ne pas te cacher derrière multiples accents. »