Qui voilà? (solo)

7ème jour de la 8ème ennéade de Favriüs de l'an 17:XI
Dans les profondeurs, demeure de Ven'Oren
22 heures

Le son de la clepsydre se fait entendre dans la petite demeure du maître de l'Esprit. Doucement, le mâle tourne une page de son grimoire d'ivoire, avant de continuer à annoter quelques observations en pattes de mouches sur son client du jour. Sujet bien assis au milieu du cercle de rituel tarabiscoté, devant le bol vide de la mixture psychotrope. Ils avancent… Ca va bien.

Mais penchons nous sur le mâle. Pour les besoins de la cause, nous devons vous le présenter.  Ven'Oren dit le silencieux. Grand, un mètre quatre vingt cinq, délicat et délié, arborant une coiffure fantasque alternant cheveux extrêmement longs et courts, Les yeux carmins comme tout ceux de sa race. Peut-être un peu trop frêle pour être considéré séduisant, il arbore la stature ascétique de ceux qui passent plus de temps dans l'introspection que dans l'action.

Son esclave demi sang vient lui porter un pli savamment plié sans un mot et, pour cause, il n'a plus de langue. Le Sombre a toujours aimé sa tranquillité d'esprit. Le prenant avec des doigts efféminés, le mâle le congédie d'un geste avant de lire la missive une première fois, puis une deuxième. Son air narquois reste un moment, avant de disparaitre.

Iblith, ramène-le chez lui et annonce lui qu'il est guérit… Et fait préparer La Chambre, nous allons avoir une invitée de marque quelques temps. Elle arrive ce soir.  

Ainsi donc Viconia se rappelle de lui. Après tout ce temps, ca l'étonne. Il se qualifie lui même comme un médecin de la psychée… Un psychiatre ésotérique. Il avait essayé de recruter Viconia comme apprentie voilà bien une centaine d'années en la courtisant assidûment (professionnellement parlant) mais le culte de Valas la lui avait sucrée sous le nez, l'ayant séduite avec de belles promesses, il penait qu'elle était resté dans l'illusionisme en fait. Il en a entendu parler quelque fois, suivant avec un intérêt lointain les péripéties de la jeune drow. La voyant tenir là où le célèbre Urgoll'Ven avait flanché.

Finalement, les nouvelles qui ébranlent le Puy sont vraies, elle a tombé. Et salement s'il devine bien ce qu'il y a d'écrit.  Pour que cette orgueilleuse demande de l'aide, ça doit être grave. Le maître se frotte les mains, réjouit cérébralement par le défi qui s'en vient. Tranquillement, il nettoie les lieux, range ses objets rituels. Hors la politique et tout cela, choses dont il se tient extrêmement loin, il ne peut s'empêcher de s'émoustiller à l'idée de soigner une de ses pairs.

Enrichir son savoir et ses technique. Ce n'est que très rare qu'il puisse soigner un autre mage de l'esprit, surtout un avec un parcourt aussi atypique. Un grand sourire plein de dents blanches éclaire le sombre visage.  Guilleret, Ven'Oren ouvre un nouveau grimoire d'ivoire. Trempant sa plume dans de l'encre, il commence le nouveau dossier.  

Viconia marque une pause, son joli visage étant tellement habitué à ne montrer aucune émotion qu'il ne se plisse même pas. Un moment, seule le bruit de la clepsydre se fait entendre dans le bureau. Patient, le thérapeute la laisse reprendre contenance.

Seule sa voix si agréable d'ordinaire laisse indiquer son trouble. D'ailleurs, incapable de tenir l'émotion, elle arrête carrément de parler un moment, moment qu'il lui accorde volontiers d'ailleurs, avant de reprendre faiblement.

Je ne sais pas si je suis claire, ce ne l'est pas, même pour moi. J'ai toujours su où j'allais, mes plans sur des siècles étaient planifiés... avant... Maintenant, je suis dans le noir total. Tout est flou devant, autour, et derrière.... On m'a dit que nos essences se sont frôlées. On n'a pas voulu me dire si ma Flamme était altérée.

Elle pose son regard directement dans le carmin.

Et il est hors de question de devenir comme Malag'Eye. Plutôt mourir... Je suis instable et inapte... Je suis un casse-tête emmêlé... Je n'arrive pas à rien dans cet état... Je ne peux ni ne veux me présenter devant les autres prêtres de Valas Talberith ainsi diminuée, sans savoir... Je sais... Qu'il y aura du boulot... s'il reste quelque chose à sauver... . J'ai essayé de faire comme toi, de me réparer. Ma force est ma faiblesse, je suis trop compartimentée. … Je te demande ton aide pour que le don que Teiweon m'a octroyée ne soit pas gaspillé si c'est possible, parce qu'il m'est impossible de vivre comme ça. Ton prix sera le mien.

Le mâle écoute et note. Son visage reste de marbre tandis que la plume s'agite et crisse sur le papier. Toute les histoires commencent par une situation qui ne peut plus durer. Ce n'est pas pour rien qu'elles commencent par "Il était une fois". Puis il y a un évènement déclencheur et là, tout bascule. Il aime les histoires. C'est son petit plaisir. Et fouiller ce qui avait été l'autrefois et retrouver l'évènement déclenchant, c'est sa passion… avec le silence. Le seul hic avec les gens, c'est qu'en venant le voir, ils voulaient revenir à ce passé irrémédiablement perdu. Viconia, elle… elle lui a apporté l'évènement sur un plateau. Mais il est tellement gros, qu'il avait du mal à y croire. Surtout qu'elle s'était par la suite lancée dans des hypothèses.

" Reprends. Raconte moi depuis le début tes souvenirs, même flous de cette fameuse journée où tu es morte. Je veux des faits, des impressions, des sentiments. Pas d'interprétations. "

Il se repositionne sur son fauteuil.

" Je t'écoute. "

Dans un pouf sonore, Varg finit par se coucher tout à fait. La jeune drow se retrouve à essayer de se souvenir et sous l'effort, elle ferme les yeux, pour se concentrer. Elle ne veut rien cacher à Ven'Oren, sauf les secrets qui ne sont pas les siens…

C'était une belle matinée, l'air frais de ce début de journée passait dans le filigrane de mon masque rituel. La cérémonie avant la conquête de Sol'Dorn s'était bien déroulée, même si Valsrik'Hrae et son concubin me dardaient de leur… Vibrations négatives. Je me rappelle que ca me heurtait mine de rien, parce que je suis tributaire d'un serment que j'ai fait à mon dieu, alors que La Chimère étaient apparue au dessus de lui… Mais c'est une autre histoire… Bon… Il y a eu Maitre Ranaghar, le maître façonneur qui s'est présenté, je l'ai accueilli comme la bienséance le requérait. Il… m'intriguait, autant par son savoir que pour la raison qui l'amenait ici, où il savait pertinemment qu'il ne serait pas bien accueilli. Un messager est arrivé alors, porté par deux militaires… Il lui manquait un bras et il agonisait… Il fallait réfléchir vite. Je n'avais pas le temps et l'Obok Senger du deuxième s'était détourné. J'ai voulu… Sauver des vies, récolter le plus d'informations possibles avant son trépas. C'était risqué. Il fallait faire vite.

Elle essaye de sourire, les yeux fermés, sans y parvenir tout à fait.

Un beau travail de boucher que j'ai fait… Tu n'en n'aurais pas été fier. Je ne me rappelle pas trop ici, un cri, une course… Du froid et de la Terreur.

Sa voix agréable, de velours, se met à trembler.

Et une noyade… Un souffle coupé. Un combat. Il s'est accroché à moi avec désespoir. Il avait tenu le coup pour ma… Sa fille… Ce n'est pas ma fille, c'est la sienne… Je me suis débattue avec désespoir avant que le calme ne m'emporte. J'ai senti le souffle glacé de Teiweon sur ma nuque, avant que son Voile ne me caresse la joue. J'ai senti ses bras… Je m'en rappelle nettement … Avant de reprendre conscience devant un prêtre de Kiran.

Ici, ca commence à devenir flou. Je l'ai vu lui, au sol, la tête tranchée, la robe profanée… Et La colère… et… autre chose… voile le reste. On m'a dit que j'ai voulu faire exécuter Kerath'Elghinn. Je me rappelle vaguement l'avoir vu à genoux… et il me semble réfléchir à comment lui faire comprendre de ne pas recommencer. On m'a dit que Krish m'avait renvoyée dans ma tente…. Je me rappelle ensuite d'avoir eu un message à délivrer, pour sauver des Flammes… Je ne sais pas si j'ai réussis. Je ne connais pas le nombre de perte militaires lors de la prise de Sol'Dorn. Je me rappelle être restée dans ma tente et personne en m'a rien dit à ce sujet. On m'a dit que j'ai blasphémé durant l'après midi. Que j'étais instable et inapte. Que ma Flamme pouvait avoir été altérée… Je ne me rappelle pas de ce que j'ai fait. Je ne me rappelle pas non plus de mes recherches… Mais, par contre, j'ai le souvenir très net d'une jeune doeb aux cheveux de blés dans mes bras de mâle et qui me sourit, fière. Ce n'est pas MA fille… Ce souvenir n'est pas mien. Et l'Autre souvenir, celui du message, je ne m'en rappelle pas. Juste qu’il fallait absolument le délivrer.

Viconia se tait, ouvre les yeux. Toussote un peu, discrètement, la gorge sèche.

… Pourrais je avoir un peu d'eau ou de thé s'il te plait?

Le sombre lâche sa plume pour claquer des doigts, ce qui fait venir son esclave.

" Une infusion pour notre hôte. Sitôt que le muet a tourné le dos, les longs doigts fins se retrouvent en cloche, masquant la moitié du visage. " Ôte moi d'un doute Viconia, tu n'as pas utilisé ta magie sur un mourant ?

La réponse met un moment à venir et tient en un mot murmuré du bout des lèvres :

Oui.

Nulle justification, nulle excuse, nulle défilade. La réponse est simple, oui, elle l'a fait. Connaissait t'elle les risques? Oui.  

" D'accord. " Il reprend sa plume qui crisse quelque temps sur le papier. Le praticien laisse le silence s'installer entre eux.

Le silence. Enfin presque. Ils perçoivent encore les bruits de la bâtisse, ceux de la rue, le ronflement léger du chien-ours qui somnole, l'égouttement lent de la clepsydre. Sa patiente ne semble pas vouloir briser ce silence teinté de milles bruits, semble plutôt y trouver un certain réconfort. Avec une patience d'ange, immobile, elle attend qu'il en ait terminé avec ses observations. Il peut se sentir regarder et, d'ailleurs, elle ne s'en cache pas.

Loin de s'arrêter à des considérations somme toute purement physiques, Viconia essaye plutôt de lire la face imperturbable de son thérapeute. C'est plus fort qu'elle, instinctif. Et aussi sourde puisse t'elle être, c'est toujours aussi fascinant essayer de comprendre la mécanique derrière.  

Ça va ?

Demande t'elle naturellement après un long moment de silence. Il n'est pas dans ses habitudes de se complaindre. Mais essayer de détourner la conversation… pourquoi pas? Se fait il seulement souvent demander comment il va s'interroge t'elle. Un peu d'intérêt réciproque ne peut pas faire de mal, elle n'a pas été élevée chez les nains.

Je ne suis pas fatiguée mais je sais qu'il est tard pour avoir cette conversation.  

Le daëdhel relève les yeux des notes qu'il relisait et sourit à la jeune sombre. Il ouvre la bouche en même temps que la porte du bureau. L'esclave est enfin de retour avec sur son plateau de bois précieux, une tasse et un coupelle avec un assortiment de biscuits qu'il présente immédiatement à Viconia. Cependant, le maitre ne prononce aucuns mots. Il attend qu'elle soit servie. Il attend que le muet parte et fasse quelque pas dans le couloir pour enfin parler.

Oui et je t'en remercie. Prends ton temps. Pour une fois, prends le vraiment.

Le sombre s'adosse contre son fauteuil, tout en observant son vis-à-vis. Ce n'est pas qu'il ne souhaite pas parler, c'est juste qu'il a tout dit. Il va bien. Très bien même : il est en compagnie d'une histoire fascinante. Alors il veut la savourer autant qu'elle son infusion. Il la regarde, la détaille. Autant qu'elle le fait. C'est une situation exceptionnelle, unique en elle-même. Le silence se pose encore une fois entre un, mais aucun des deux Eldéens ne semblent en souffrir.

Prends ton temps?

C'est quoi, prendre son temps? Quand elle pouvait se perdre des heures, des ennéades de temps dans ses recherches, dans sa routine religieuse… Le temps alors n'avait plus de durée définie. Il n'y avait que la plénitude et le contentement. Tant à lire, tant à tester et à découvrir encore et encore. Une hypothèse à tester, à réfuter ou à infirmer…

Et ensuite c'est arrivé. L'appel, l'offre… La course… Du temps… C'est quoi maintenant, avoir du temps? Du temps pour reculer, se poser et réfléchir? Pour étudier? Il fallait écouter, agir, avancer, tomber et se relever… Voir le danger arriver. Obéir sans se poser de question, sachant pertinemment…

Sachant pertinemment quoi ? Que c'était du temps perdu ? C'est quoi, perdre son temps ? A avancer, à succomber. A danser entre un et l'autre… Écouter encore et encore et encore… Couper la poire en deux et en quatre. A épargner des vies et des egos. A trier le bon grain de l'ivraie…  A danser sur un rythme qui n'est pas sien.

Pourquoi ? Pour gagner du temps ? C'est quoi, gagner du temps ? Pour qui ? Pour quoi ? Quel but ? Pour son peuple, elle n'en a aucun doute. Son peuple ? Elle avait un projet. Un projet grandiose pour faire gagner un temps fou à l'Eda Vengeur tout en minimisant les pertes. Son cadeau à Krish… Qui ne l'aura jamais.

Tuer le temps…. Une éternité devant elle… C'est quoi tuer le temps ? Essayer de meubler chaque seconde une à la foi s? Les prunelles d'émeraudes rougeoyantes se posent dans le carmin de son thérapeute. Il peut la voir ciller même de façon infinitésimale sous ce masque imperturbablement lisse d'amabilité.

Rester immobile c'est la pourriture et la mort. Rester immobile, c'est les P'leiks. Puisse Teiweon lui pardonner alors. Il faut combattre. Elle n'a pas le corps pour combattre. Elle n'a que son esprit. Son intelligence. Se hâter ?

Est-ce que je te donne l'impression de vouloir me hâter Ven'Oren?  

Elle ne dit rien de plus. Barricadant par réflexe ses pensées en elle.  Viconia plisse légèrement les yeux, méfiante. La voix par contre est toujours exquise et aimable.

Je ne veux que ne pas te faire perdre ton temps, parce que moi, j'ai tout le mien. Quel pan te serait utile? Et tu ne m'a pas dit ce que tu pensais du risque que j'ai pris.

Ses pensées, ses impressions, sont biens cachées derrière le masque de son visage. Et elle ne les donne pas, contrairement à la majorité des patients venus s'épancher en ce domaine cossu.  

Patiemment, elle se met à raconter son histoire encore. Sans se mettre en valeur, juste ce qu'elle considère une vision objective des faits. Avec un calme et la patience qui la caractérise, elle pourra raconter la même histoire 2-3 ou 4 fois. Elle répondra avec un calme… Non, un détachement flagrant aux questions du mâle. Comme si c'était quelqu'un d'autre qui avait vécu tout cela. Mine de rien, il l'amène exactement là où il veut l'amener. Et elle le laisse la mener là où il pense devoir la mener. Elle est ici pour guérir, rechigner devant le traitement ne donnera rien de bon. Peu importe si le goût en est amer ou non.

Dans cette conversations meublée de nombreux silences et grattement de plume sur le vélin du grimoire…. Le temps file inexorablement sous le rythme de la clepsydre.

Alors maître Silencieux,  finit par dire Viconia après un énième silence ponctué du grattement de la plume avec une pointe d'humour piquante qui transparaît dans le léger sourire en coin qu'elle a.
Est-ce grave docteur ?

7ème jour de la 1ère ennéade de Barkios de l'an 17:XI
Dans les profondeurs, demeure de Ven'Oren
18 heures

Durant leurs séances, il y a un échange. Deux personnes conversant de sujets divers, sur beaucoup de silences ponctués par le grattement de la plume sur le papier du grimoire d'ivoire qui se remplit doucement, page par page. La progression de la drow est palpable au fil du temp.

Hors de leur séances cependant, l'arcaniste parle peu, semblant soit réfléchir à ce qui a été posé comme divers sujets de réflexions, soit étudier quelques nouveaux problèmes pointus. Si elle est naturellement agréable à côtoyer, Viconia ne se force pas à être parfaite en présence de Ven'Oren et leurs rencontres, intenses et régulières n'occupent pas non plus l'entièreté de leur emploi du temps respectifs.

Une fois la thérapie bien entamée et ses progrès débutés, la prêtresse reprend enfin contact avec le clergé de Valas, se présente et discute plusieurs fois avec le nouvel intérimaire. Si les échanges sont cordiaux et de bonne intelligence, aucun secret de ceux que maître Lah'Zarr lui a confié ne traverse ses lèvres. Se borne t'elle seulement à révéler les instructions données pour la bonne marche du culte en l'absence de leur tête dirigeante.  Ven'Oren reçoit d'ailleurs, pendant les sorties de sa patientes, quelques visites du dirigeant intérimaire qui s'intéresse beaucoup à la guérison de Viconia. Quand il en informe la jeune femelle, ca la laisse de glace d'ailleurs, se contentant d'hausser les épaules.  Elle ne réclame rien à son culte, tout simplement parce qu'elle n'en a pas envie. Si… Enfin… L'Œil, elle aimerait pouvoir se replonger dans sa magie mais ca impliquerait d'autres choses dans lesquelles elle ne veut pas s'embarquer… pour le moment du moins, peut-être jamais. S'ils veulent qu'elle reprenne son étude, ils lui feront savoir. Elle ne s'en fait pas avec ca en particulier.

La spiritiste écrit beaucoup dans son grimoire d'ébène et étudie tout son saoul, ce qui lui est un retour agréable en arrière. De nouveau,  elle peut concentrer ses énergies en une chose à la fois. Au fil du temps, la jeune drow va visiter la bibliothèque d'Eda, emprunte, copie des bouts et achète des livres  le plus qu'elle peut. En quantité astronomique même. Certains concernant son domaine finissent dans sa malle. D'autres, des livres de théorie magique pour les profanes, des plus poussés… Des receuils sur les ruines de Nisétis, d'autres de poésie nimbelfiques… Bref, tout ce qu'il faut pour monter une belle bibliothèque de base, trouvent d'autres malles qu'elle remplit pour envoyer à Esion. Elle s'absente aussi incognito pour se promener seule, retâter de l'atmosphère du Puy. Envahie sans remord de son matériel et de nouveaux achats le petit logis de Shyn'Tae. Si l'esclave s'occupant de la maison a manifesté quelque réticences que ce soit, il n'en a pas fait part.

Il devient manifeste pour le thérapeute que sa patiente n'est pas une femelle à se complaire dans l'inactivité et si certaine de ses sorties lui sont relatées, elle garde le silence sur d'autres.  
Viconia sort bien dans un bordel ou deux, mais l'envie n'y est manifestement pas et elle ne fait rien d'autre que de se faire masser pendant qu'elle compile et écrit sur des tablettes des calculs sans fins apparentes. Si au début c'était simplement pour garder son intellect actif, Viconia se prend au jeu et s'y met de plus en plus activement.  

La Drow va aussi voir l'état et la prospérité de son élevage qui ne semble pas avoir souffert de ses déboires, discute avec La Gérante, Ssin'Urn et Veldryn. Sort à l'extérieur du Puy pour une expédition dont elle en revient enchantée. Parfois elle est plus sombre et ne pipe mot, dressant sur une tablette des lignes et des lignes de calculs mystérieux. Ca n'empêche pas que le petit logis de la gagnante des jeux de Thaar continue de se remplir à outrance, un esclave demi-Zurthan y élisant domicile temporairement.  


**************************************



Tout est calme dans la maison. Une bonne odeur de viande, de piments et de champignons embaument l'air.  Dans la cuisine, un livre à la main, Viconia s'adonne à la nouvelle passion qu'elle s'est découverte parce qu'elle a "le temps". Cuisiner. Et si ses prouesses en pâtisseries continuent d'être aléatoires, pour le reste elle ne se débrouille somme toute pas trop mal. En tout cas, elle n'a cassé ni carrelage, ni causé d'empoisonnement.  A défaut d'être un cordon bleu, ce qu'elle cuisine est comestible.

Alors que la préparation du plat du jour est encore en préparation, le sombre entre dans la cuisine sans un mot. Il s'y assoit dans un coin, cherchant visiblement ni à aider, ni à gêner. Il observe. Il a devant lui une histoire qui s'écrit en même temps quelle se réécrivait. Cela est comme la découverte d'une nouvelle épice, on n'en est pas encore lassé. Pourtant, il sait que le bout d'histoire va bientôt toucher à sa fin. Il le sait, alors, il profite, pour ne pas avoir de regret. Pour la laisser partir. Et pour retrouver, enfin, le silence, son silence.

Sans un mot elle continue son travail, Viconia respectant et appréciant le silencieux dans sa sagacité, elle prend le temps de terminer avant de les servir et de prendre place à la petite table. Le vert se pose dans le carmin en même temps qu'elle que son fessier prend contact avec la chaise faisant face au thérapeute. Etrangement, Varg n'est pas présent en cette pièce en ce jour.

Viconia sait que c'est terminé. Elle se sent prête… Plus prête qu'elle ne l'a jamais été en fait. Son avenir s'ouvre sur des horizons infinis… Elle a hâte. Peu importe si la Flamme qui brûle en son sein est la sienne propre ou… Ce n'est pas l'important. Ce n'est plus important. Ce qui l'est est l'avenir tel qu'il se présente.

Avec un naturel désarmant, Viconia prend son ustensile et commence à manger. C'est…très passable… Mais c'est elle qui l'a fait.
Pendant un moment, les deux drows chipotent dans leur assiette. La voix mélodieuse finit par percer cette bulle de silence réconfortant.

Je crois, à moins que tu ne sois d'un autre avis, qu'il est temps que je prenne mon envol n'est ce pas?
Qu'as-tu appris Viconia ? Répond il placidement.

Elle a un sourire en mâchant lentement, d'avaler sa bouchée qu'elle finit de faire passer avec une gorgée de thé. Avant de reprendre la parole.

A prendre mon temps… Et à goûter les silences… A me hâter lentement. Que j'ai le droit à l'erreur… Que j'ai le droit de ne pas être parfaite, d'échouer.  A m'amuser…  Et à vivre, tout simplement. A apprécier sans trop chercher… Entre autre chose.

Viconia pointe son ustensile sur son thérapeute. Et, pour la première fois depuis son arrivée, elle lui retourne sa question avec un léger air malicieux.

Ton tour… Qu'as-tu appris?
J'ai appris à ne pas tout apprécier. J'ai appris à apprécier certains de tes plats. J'espère que tu as retenu la leçon. Pas de précipitation sur l'usage de ta magie sur des mourants…

Viconia a un rire un léger rire de gorge, rauque.

Ven’Oren… je suis une cuisinière exécrable, je n’ai aucune honte à l’admettre. Mais ça m’amuse. Pour la leçon, elle est belle et bien acquise.

Les deux mages se regardent, un respect réciproque émanant d'eux. Le mâle acquiesce.

Alors, oui. Envoles toi. Il est temps.

Viconia ne se lève pas, pas tout de suite. La jeune drow se contente plutôt de le regarder attentivement, les prunelles de velours rougeoyant amusés de laisser durer le suspense. Après un moment où elle continue de s'amuser à le voir piocher dans son repas, la femelle finit par se lever silencieusement de table, prends les deux assiettes et va les déposer sur le comptoir avant d’en sortir une autre du chauffe plat. Il s’agit du plat favori de Ven’Oren. Et elle dépose le plat devant lui, avec un peu de thé et un bretzel, chose qu’elle réussit à la perfection. Un léger parfum de lys parvient aux narines du maître pendant qu’elle pose de nouveau ses jolis yeux dans ceux du mâle avec un sourire satisfait et heureux.

Pour te remercier, j’ai fait préparer cela pour t'épargner cette dernière torture. Je te laisse maintenant à ton silence si bien mérité cher ami. Avec ma sincère et éternelle gratitude…

Merci. Et, la prochaine fois, passe en tant que pair et non en tant que patiente. Tu pourras me raconter tes avancées. Il la regarde avec enfin un vrai sourire d'amitié. Avec un sentiment réciproque, Viconia se penche alors et l’embrasse sur la bouche, baiser auquel il répond volontiers. C'est calme et doux, la jeune drow en profite, fermant même brièvement les yeux. Leurs lèvres se séparent alors… Et elle se redresse, droite et fière, souriant toujours

Je n’y manquerai pas Ven’Oren. La réciproque est aussi  vraie… Prends bien soin de toi.

Passant une main légère sur l’épaule du maître, Viconia quitte la cuisine et la demeure… Le laissant seul avec son silence si chéri, accompagné du bruit de la clepsydre et du sentiment du devoir accompli                                                                                                                        .
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