Le retour d'une élève | Lómion

4ème jour de la 9ème ennéade de Barkios de l'an 17:XI
Wyslena.
Aurore.

Le repos aura été de courte durée. L'elfe ne tenait plus en place, au grand damne d'Hûlion. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'arrivait plus à dormir plus d'une demie douzaine d'heures consécutives de toute manière. Avancer, il lui fallait avancer, plus elle s'approchait de son but et plus elle brûlait d'impatience. Lui inculquer des choses devenait rapidement une tâche insurmontable pour son chaperon, même quand elle paraissait calme, son esprit était simplement trop occupée pour s'ouvrir à l'apprentissage. Hûlion percevait cependant qu'elle n'y mettait pas de mauvaise volonté, alors il se montrait compréhensif pour le moment.

La garder dans cette forteresse une journée de plus serait une corvée inutile. Il était temps de partir. A la seconde où Hûlion le lui dit, la jeune Morna sauta sur son cheval avec un enthousiasme éblouissant, à peine eut-il le temps de lever le petit doigt qu'elle avait déjà apprêté son cheval, Abbil, parée pour repartir en voyage.

- Pourrais-je te demander de te séparer de ces affreuses lames ?
- Vous pouvez... mais je préfère garder toutes les chances de mon côté d'arriver entière. Une fois à la capitale, je reconsidérais votre proposition.

Sa liberté lui était précieuse. Même si les enseignements et la dévotion d'Hûlion étaient plus que bienvenue, il lui était compliqué de se retrouver sous tutelle ainsi. Ses réponses pouvaient être parfois très sèches. En général, un froncement de sourcil suffisait pour qu'elle s'excuse d'elle-même. La distance entre les deux personnages se réduisait, mais cela prendrait du temps. Pour l'heure, elle n'était guère réceptive, préoccupé oui, mais pas que.

-...est-ce que c'est toujours aussi... bruyant ?
- Bruyant ?
- Je sais pas, le bruissement des feuilles... et... je me sens constamment observée. Un petit moment de silence, de manière presque imperceptible, les oreilles de Morna se réorientent dans une direction, puis une autre, et ainsi de suite. Oubliez ça. Finit-elle par lâcher en secouant la tête.

La seconde partie du voyage se fit à bord d'une embarcation sur l'Elorëa. La fatigue se lisait à sa manière de bouger, installée sur le bateau, elle s'endormie sans s'en rendre compte. Dans ses derniers instant de conscience, elle aurait jurée avoir entendu quelqu'un lui murmurer quelque chose avant de sombrer dans ses rêves... ses rêves... ce rêve... ce cauchemar. Elle faisait souvent le même, encore et encore. Dans un petit sursaut, elle sortait de son sommeil, non sans avoir été remarquée par son chaperon, mais il n'allait pas lui en parler, pas tout de suite, il était encore trop tôt.

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2ème jour de la 1ère ennéade de Verimios de l'an 17:XI
Entrée de l'Académie d'Alëandir.
Milieu de l'après-midi.

Grandiose.

C'est le premier mot qui se présenta sur ses lèvres lorsqu'elle arriva à la capitale. A nouveau, son entrain surpassait la fatigue qui l'alourdissait. Le cheval fut débarqué et portait avec lui les quelques affaires de l'elfe, y compris ses épées noires jumelles, soigneusement enveloppées dans un tissu qui les masquaient aux yeux de tous. Elle comprenait bien que la simple vue de ces armes pouvait en terrifier plus d'un. C'est ainsi que non armée, hormis une paire de couteau, elle s'approcha d'Hûlion.

- Je vois que tu as tenu ta parole.
- Toujours.

Le binôme se déplaçait à présent en ville, direction l'académie de magie d'Alëandir. C'était très certainement l'endroit qui avait le plus de chance de pouvoir leur donner les informations qu'ils cherchaient. Mais là encore, il lui faudrait faire preuve de patience.

Maintenant elle est était sûre. Plus que jamais auparavant, le chœur des murmures qu'elle percevait chantait avec puissance. Elle peinait à comprendre ce que cela signifiait, mais elle entendait des choses par intermittence. Elle essayait de les ignorer, se demandant parfois si elle ne devenait pas juste folle. Ce n'était pas désagréable à écouter pourtant, mais ça lui faisait peur d'une certaine manière. Y faire abstraction, elle s'en contenterait pour le moment, un seul problème à la fois.

- Morna, tu m'écoutes ?... Morna ? Il se rapproche, un air inquiet à peine perceptible sur sa mine sévère- Morna ?
- Heu... Oui ?
- Nous allons demander une audience au doyen de l'académie. S'il y a bien une personne qui pourra t'aider, c'est lui, il va sans dire que je te demanderai de faire preuve de tenue, jeune fille.
- Bien sûr... ne me prenez pas pour une sauvage, j'ai été au service du Triumvirat... inutile de vous dire ce qu'une impolitesse peut amener.

C'est Hûlion qui se chargea de demander audience, il ne s'attendait pas à être reçu le jour même, mais on est jamais à l'abri d'un coup de chance. Il présenta brièvement les raisons de sa venue ici, sans rentrer dans les détails. Le retour d'une potentielle élève, disparue depuis plus d'un siècle, de quoi attiser les curiosités... et les méfiances. Il était préférable, en attendant le retour du messager, de tenir Morna éloignée des élèves. Elle faisait les cent pas. Cet endroit avait un goût de déjà vu, clairement, elle avait le sentiment d'être déjà venue ici. L'entrée de l'académie provoquait en elle comme un écho lointain, très lointain. L'émerveillement de la découverte s'était aussi vite effacé. Celui de la redécouverte essayant tant bien que mal de se faire une place parmi les pensées douces amers qui se bousculaient dans son esprit.

D'abord ses sabres, puis ses dagues... Sous un regard insistant de son tuteur, l'elfe se résigna a détacher la ceinture qui portait ses dernières armes, non avoir levé les yeux au ciel dans un soupire. Elle se sentait vulnérable sans une lame, elle se sentait de nouveau esclave. Ses muscles se crispaient, ses poings, sa poitrine et sa mâchoire se serraient à cette simple pensée, redevenir esclave. Un bref moment d'hésitation, puis elle laissa partir ces derniers morceaux d'acier acérés. Une paire de dagues de facture humaine qui sentaient encore un peu le sable de l'Ithri'Vaan. Du milieu de gamme, efficace, solide et sobre. Mais de vulgaires bouts de métal arïn aux yeux de tout autre elfe.

-... je vais finir toute nue si ça continue. marmonna-t-elle.
- As-tu quelque chose à ajouter ? On aurait presque pu percevoir un sourire derrière son ton réprobateur.
- Rien du tout ♪ Allons-y, faire attendre le Doyen serait impoli.

C'est Hûlion qui roula les yeux aux ciel cette fois-ci, tandis que l'elfe s'avançait dans l'académie avec une légèreté toute simulée. Sa désinvolture ne manqua pas de surprendre l'accueillante guide, dont les regards interrogateurs ne cessaient de se succéder vers le chaperon. Puis bien d'autres regards suivaient ensuite cette mystérieuse figure noire aux cheveux de feu quand celle-ci arpentait de nouveau les couloirs de l'académie. Les discussions s'interrompaient et des yeux curieux suivaient ses pas, mais ça ne l'affectait pas le moins du monde. Elle avait l'habitude, esclave au Puy, d'être une étrangeté qui attire les regards.

Pénétrant dans le bureau la première, elle offrit une révérence d'une grâce surprenante.

- Bonjour Heru mimant admirablement la prononciation dont elle avait pu être témoin. Merci de nous recevoir si vite. Les traits d'Hûlion venaient de s'apaiser. Il salua à son tour.

- Heru Assaila, Je suis le père Hûlion, et cette jeune fille répond au pseudonyme de Morna. Il s'assoie, puis Morna fait de même. La personne qui m'accompagne nous revient d'un long périple. Atteinte du fléau de l'oubli, nous requérons votre aide afin de retrouver son identité, dans un premier temps. Tout me porte à croire qu'elle fut autrefois élève de cette académie avant de disparaître... il y a "un peu plus d'un siècle" pour reprendre ses mots. Navré de ne pouvoir être plus précis.

Morna restait silencieus, laissant Hûlion exposer la situation. Elle ne pouvait s'empêcher, dans son attente, d'analyser sommairement le bureau du Doyen. La dernière qu'elle avait été dans un bureau comparable... c'était celui de Krish Al'Serat en personne. Autant les souvenirs du Puy était douloureux, autant celui-ci l'était encore plus que les autres. Un coupe-papier, un porte-manteaux, un tabouret ou le coin pointu d'une table, tout ce qui pouvait servir de près où de loin à une arme accaparait une brève attention de ses yeux. Sans pour autant avoir d'intentions hostiles, c'était un réflexe mue par un instinct de survie fort aiguisé.

Elle baissa les yeux, affichant un sourire navré. Découvrant son avant-bras, révélant la sinistre marque des esclaves qui déforme sa chair.

- Ça, je crois que je risque de m'en souvenir longtemps. Toujours aussi désagréable à regarder, mais l'habitude de la voir à sa place ne constituait plus une intrusion sur sa peau. Un cadeau de bienvenue pour tout les invités du Puy d'Elda. Surenchérit-elle avec détachement. Hûlion lui fit discrètement signe de recouvrir son bras et Morna s'exécute. Ce n'est pas aussi douloureux que ça en a l'air... j'ai connu bien pire. On y sentait là comme un brin de fierté. Y avait-il seulement de quoi en être fier ? Survivre au Puy était certes un exploit en soit, mais ses cicatrices étaient profondes, et, elles, ne lui feront jamais le cadeau de sombrer dans l'oubli.

- Loin de moi l'idée de vous presser... mais je... j'ai besoin de votre aide. Sa voix était empreinte d'une humilité sincère. Le père Hûlion souhaiterait la voir ainsi plus souvent. La voir ouvrir, même un tout petit peu, sa carapace était un déjà un pas en avant considérable. J'ai besoin de savoir qui je suis, qui j'étais, et je n'y arriverai pas seule. L'oiseau rouge cherchait son nid. Il sentait qu'il n'était pas loin, il n'en a jamais été aussi proche, mais il ne le voyait pas encore.

L'elfe expira doucement avant de reprendre une profonde inspiration. Fixant le Doyen droit dans les yeux, son regard avait une quelque chose d'inhabituel, une cruauté héritée de ses gardiens, une cruauté universelle qui se déversait sur le monde entier, mais une cruauté davantage tournée vers elle-même que vers quiconque d'autre.

- Ma vie n'a pas été prise. Je me suis battu pour la garder... j'ai... tout fais pour la conserver.

Elle restait assise sans bouger, incapable de saisir cette main tendue.

- C'est votre aide que je requière, pas votre pitié. Je n'en ai pas besoin, pas plus que je la mérite.

Son regard se détourna de celui du maître de l'académie. Hûlion quant à lui ne savait guère s'il devait la réprimander pour son attitude ou essayer de la réconforter.

- Je suis plus vivante que jamais, beaucoup n'ont plus la chance de pouvoir en dire autant... et dans ce beaucoup, je comprends aussi ceux que j'ai tué de mes propres mains.

Un souffle sec par les narines et un sourire navré plus tard, elle reprend.

- La torture et le désespoir nous amène à accepter bien des choses. Sachant cela, me tendrez-vous toujours la main, ou me regarderez-vous comme le... monstre que je suis ?

La bienveillance du doyen, à supposer qu'elle soit sincère, ne manqua pas de surprendre l'étrangère à sa propre terre que Morna était à ce moment là. Elle se senti comme gênée par cette espèce de mur de bonté qu'elle venait de percuter de plein fouet. Peut-être un peu idiote aussi. Ne sachant plus sur quel pieds danser, elle se contenta de ne pas répondre. Sa main droite se souleva puis fut rappelée contre sont torse dans une brève hésitation, puis enfin le bras s'étendit en avant. Les doigts s'ouvrirent ensuite pour venir se poser sur la paume du sage, et le reste de la main s'affaissa ensuite sur la sienne.

Si les sombres avaient joué avec sa mémoire, cela ne faisait aucun doute, et au stade où elle en était aujourd'hui, elle le savait pertinemment. La réalité derrière ça était bien pire encore.

Son reconditionnement fut un processus long et douloureux qui brillait d'une malveillance pernicieuse. La jeune elfe fut brisée psychologiquement, puis amenée à se reconstruire d'elle même, subtilement guidée par un manipulateur talentueux avant d'être brisée à nouveau, répétant ainsi un cycle de déconstruction. Après chaque cassure, elle devenait un être toujours un peu plus loin de la jeune elfe qu'elle fut à l'origine, reniant progressivement sa volonté, ses idéaux, son savoir, ses dieux, sa morale, et à terme, son identité. L'ironie du sort, c'est que l'architecte ne pu jamais contempler l'achèvement de sa création, car c'est lui qui fut achevé avant, les drows n'était visiblement pas plus clément envers les leurs qu'envers les esclaves parfois. Ce jour fatidique, celui où tout les esclaves furent jeté dans la plus minable des arènes, jouets cassés à la valeur marchande presque nulle, que l'elfe termina sans le savoir l'oeuvre de son maître. Ce jour, qui revenait la hanter ces derniers temps dans ses nuits. Ce jour où pour la première fois, elle pris une vie de son plein gré, pour elle, pour sa survie. Ce jour qui marqua la naissance de l'oiseau rouge... Cirincë. Ce jour était le souvenir le plus ancien qu'elle avait. Elle se voyait, une épée médiocre en main, mettre à mort un individu agenouillé devant elle, plantant la pointe de l'arme au niveau de la clavicule et enfonçant la lame de tout son long dans le torse de cet homme... De cet homme, elle ne voyait qu'un visage entièrement lisse, gommé par les affres du temps, aucun nom ne lui correspondait. Seul son cri, son râle d'agonie étranglé par le sang, perçait le brouhaha étouffé que sa mémoire avait gardé de la scène. Des larmes sur les joues, du sang sur les mains, ce n'est pas seulement un de ses pair qu'elle venait de terrasser...

...elle venait de se terrasser elle-même. De la parodie de vie qui était à présent la sienne, elle en était l'ultime artisane. Celle qui apporte la clé de voûte, consolidant toute la structure. Sans remord, ni doute, ni passé, l'oiseau rouge continua de voler ainsi pendant de longue décennies, embrassant sa nouvelle nature. Jusqu'au jour où le sadisme sans borne d'un maître plus sévère qu'un autre décida d'abattre l'oiseau en plein vol... et de le briser à nouveau. Tel fut sa grande maladresse, car l'effondrement de son mental venait de créer une brèche dans la parois qui la coupait de son passé. Une minuscule fissure qui ne tarderait à se faire remarquer. Pas assez grande pour voir ce qu'il y a de l'autre côté, mais bien assez pour y ressentir comme un courant d'air. Quelques années plus tard, Cirincë se posait de plus en plus de questions, et de fil en aiguille, se confronta à une évidence, qui deviendra ensuite une obsession. Il y avait un avant l'Elda, et l'appel de ses origines se fit chaque jour un peu plus fort, jusqu'à ce qu'elle se trouve ici.

Elle ne comprenait pas vraiment ce que le Doyen était en train de faire, ni avec ses doigts, ni avec cette ambre qu'il avait posé entre eux deux. Bien sûr, elle se doutait que tôt ou tard, son esprit serait exploré. Ce n'était jamais quelque chose d'agréable à subir, quelque soient les moyens ou les ambitions derrière cette tâche. Qui voudrait dévoiler l'intégralité de ses souvenirs et pensées à une autre personne, aussi amicale soit-elle ? Mais elle était déterminée à faire ce sacrifice, une gêne bien maigre comparée a ce qu'elle cherchait à obtenir, ce que ça pouvait lui apporter.

Aucun signe de protestation donc, ce qui en était presque étonnant. Sa main de nouveau libre rejoignit lentement sa paire, emmêlant leur fins doigts les uns dans les autres dans une étreinte anxieuse. Il était temps de partir, comme le Doyen les y invitait.

De nouveau dans les couloirs en compagnie de ses deux guides du moment, une nouvelle vagues de regards interrogateurs et curieux ne tarderont pas à se tourner vers eux. Morna n'y avait pas plus de considération que tout à l'heure, mais elle paraissait un brin plus sereine malgré tout.

- Où allons-nous exactement ?

Les couloirs se succédèrent à des couloirs, ce n'était pas la plus grande académie pour rien. Du peu qu'elle en aura vu, elle était déjà bien heureuse d'avoir quelqu'un pour la guider sans quoi elle aurait peur de se retrouver à errer pour l'éternité dans ces lieux. Les trois elfes débouchèrent sur les jardins, curieux endroit en lequel la Nature semble reprendre ses droits même si en vérité elle y était juste tolérée, ou plutôt invitée. Morna n'alla pas jusqu'à comparer ce coin de végétations à des esclaves en cage, mais l'idée lui traversa brièvement l'esprit. Au moins, ces arbres n'étaient pas déracinés.

Elle entendit des élèves échanger des demi-mots au cœur verdoyant blanchi par la saison. Juste des murmures incompréhensibles qui s'envolent comme des feuilles mortes sous la brise. Tournant la tête instinctivement vers l'origine de ces sons, son pas se ralenti d'un coup. Il n'y avait personne. Sa main droite passa sur son front puis glissait vers l'extérieur, réajustant sommairement une mèche de cheveux. Le léger soupir qui s'échappa de ses narines trahissait une fatigue croissante. Combien d'heures avait-elle dormi ces dernières semaines ? Elle avait comme l'impression que son esprit lui jouait des tours depuis sons arrivée en Anaëh. Avant qu'Hûlion ne le lui demande, elle rattrapa sont maigre retard sur le groupe en deux souples et silencieuses enjambées.

Une fois arrivée, l'elfe observa l'étrangeté de la pièce en haussant les sourcils. Des bibliothèques, elle en avait déjà vu, mais là, c'était tout autre chose. Son regard détailla les rayons, la hauteur, les alentours et enfin cet homme aux cheveux de neige dont elle n'avait pas bien saisi le nom qui venait de terminer ses salutations au Doyen. Les présentations furent brèves, et déjà ils étaient repartis dans une annexe. Les scribes, imperturbables dans leurs exercices ne prêtèrent guère attention à leur arrivée. Un des elfes récupéra des livres qu'il déposa devant les deux invités. Morna resta figée dans le temps une seconde, la bouche entre-ouverte.

- Oh... ce sont... de très gros livres... Voilà un tout nouveau genre de supplice auquel elle n'avait jamais eu à faire. Les traits de son visage laissaient apparaître une expression de détresse.

- Vous savez quoi chercher j’imagine…
- Heum... le profile d'une élève, disparue après un raid Daedhel il y a à peu près cent ans... elle... étudiait la magie vitale... Une grande expiration s'échappa de ses poumons alors que son attention jonglait d'un grimoire à un autre, continuant de donner désespérément des informations supplémentaires. Si maître Arin Telieth n'avait toujours pas fait le rapprochement entre ce elle et Morna, cela ne saurait tarder. Rousse.. foncée, les yeux bleus, un parent militaire peut-être... Ses doigts soulevèrent délicatement la couverture d'un des recueil et la jeune elfe s'efforce d'entamer laborieusement ses fouilles.

Les recherchent prirent un moment. La jeune elfe ne se découragea pas, pas si près du but, et après avoir feuilleté le premier registre hasardeusement, elle prit le taureau par les cornes et retourna à la première page. Les unes après les autres, elle les tournait avec une vitesse croissante à mesure qu'elle comprenait la façon dont elles étaient mises en page. Les élèves dont le cursus a été interrompu prématurément, c'était la meilleure manière de dégrossir dans un premier temps ces innombrables entrées. Mais comment pouvait-elle être certaine qu'elle ait été annotée comme défunte ? Bien qu'elle fut capturée, jamais personne n'a pu confirmer sa mort. Il lui faudrait donc aussi porter attention aux élèves qui n'ont aucune entrée depuis un siècle, comme des examens qui n'ont pas été passé.

Un certain nombre d'identité ressortaient de ce premier philtre, des élèves décédés mais aussi ceux qui s'étaient réorientés ou qui avaient abandonné pour une quelconque raison. Ensuite, il restait à l'elfe une petit série de critères simples. Sortir de la liste les hommes, puis éliminer les candidates restantes en fonction de leur discipline magique, ne garder que celles qui ont étudié la vie.

Après un long moment passé à fouiner, à lutter par moment pour garder sa concentration, à faire quelques petites pauses et à se replonger dedans, il ne restait plus qu'une seule et unique élève...

- Que pouvez-vous me dire à propos d'une certaine... Ellaïn Lamanórë ? Poser cette question avait quelque chose d'idiot sachant que la plus part des informations qu'elle obtiendrait seraient sûrement les mêmes qui se trouvaient juste sous ses yeux. Des débuts encourageants à l'académie avec des résultats d'examens prometteurs, tout semble indiquer qu'elle était une bonne élève. Disparue il y a très précisément cent quatre ans, présumée morte. Bien que la sonorité du nom ne fasse pas spécialement écho dans sa tête pour le moment, il y avait quelque chose qui la perturbait. Il lui fallait en avoir le cœur net.

Déroulant sa carte de l'Ithri Vaan, celle-là même qui lui avait permis de trouver son chemin jusqu'à l'Anaëh, la jeune elfe s'empara d'un encrier inoccupé et commença a écrire le nom sur le dos de la carte. Une première fois, puis une seconde, plus rapide. Le doute s'évanoui rapidement. Tout comme elle avait déjà pu le constater autrefois au Puy, la mémoire gestuelle est comme indélébile, les sévices psychiques n'ont jamais pu l'enrayer malgré tout, et ce nom... elle l'avais déjà écris.

La plume quitta sa main pour rejoindre son encrier. L'elfe se leva calmement et se dirigea vers la sortie de la pièce.

- J'ai besoin de prendre un peu l'air. Elle avait l'air exténuée, mais ses traits semblaient s'être apaisés néanmoins, un peu plus de légèreté dans la voix. Non loin de la porte, elle s'arrêta un bref moment et rajouta, par dessus son épaule. - Merci, académiciens, mais avec tout le respect que je vous dois, il me semble que ce registre comporte une erreur. Poussant la porte, elle sort - Je n'en ai pas pour long.

- Je vous prie de bien vouloir l'excuser. Dit Hûlion, s'inclinant devant Arin et Lómion. Il regardait sa protégée s'éloignée et poussa un profond soupire, puis il ne tarderait pas à la suivre, ne sachant guère ce qui pouvait bien se passer dans sa tête.

Une fois dehors, l'allure de l'elfe diminua jusqu'à s'arrêter. La clarté déjà déclinante de ce soleil d'hiver caressait son visage au travers des feuillages de la haute végétation du jardin tandis qu'une brise infime, étouffée par les bâtiments de l'académie qui entouraient ce jardin, glissait sur sa peau, n'ayant guère la force de soulever plus que quelques fines mèches de cheveux. Comme épuisée, elle s'avança sur la verdure blanchie. Ses jambes s'écroulèrent comme un château de cartes et en un instant, l'elfe se posa là, assise à-même le sol.

- Comment te sens-tu ?

Hûlion venait de la rejoindre, bien que celui-ci ne s'aventura pas outre mesure dans la flore. Il garda à la fois une proximité tout en conservant une distance. Ne tournant la tête que d'une vingtaine de degré pour écouter la voix qui venait d'apparaître derrière elle, la jeune elfe laissa son corps tout entier basculer vers l'arrière, allongeant son dos tout entier sans le brutaliser, puis venir mettre sa tête en appuie sur l'herbe. Sa longue chevelure détachée se mêlant alors aux brins givrés, elle se sentait bien en dépit de la fraîcheur et de l'humidité qui te tarderait pas à pénétrer ses habits mal adaptés pour résister à l'eau.

- Je ne sais pas... j'imaginais que retrouver un nom raviverais... nombre de souvenirs... que... j'allais d'un coup, comme ça, retrouver la mémoire... mais... je ne me sens pas si différente... Un bref silence s'installa, puis elle repris, un amusement dans sa voix qui était contrasté d'un ton doux amer. Après tout ce que j'ai enduré, comment se fait-il que je crois encore aux contes de fées...

- Tu ne dois pas être trop dure avec toi-même, et surtout, surtout, te montrer patiente, Morna... ou plutôt devrais-je t'appeler Ellaïn, à partir de maintenant ? Il sourit chaleureusement, ce qui était une chose rare chez cet homme.

- Hm. Acquiesce-t-elle. Ce serait un bon début je suppose... mais... porter son nom ne veut pas dire que je suis véritablement elle.

Ellaïn♪ chantent les arbres, Ellaïn est revenue ♪

- Accorde toi le répit qu'il te sera nécessaire. Tu es ici chez toi, et personne ne te demande de remplacer qui que ce soit. Ellaïn souriait en fermant les yeux, cette bienveillance la surprenait encore. Cela étant établi, tu devrais te montrer plus respectueuse, notamment envers les personnes qui ont pour intention de t'aider, et je ne parle pas que de moi.

- Vous avez raison. Avec une vivacité surprenante, même pour un elfe, Ellaïn fléchit une jambe, pousse sur le sol avec son pied tandis que ses mains, posées de part et d'autre de sa tête, firent de même. Son corps se souleva du sol, les jambes tendues tournaient comme les ailes d'un moulin à vent et ses pieds vinrent se poser délicatement sur le sol après avoir réalisé un propre demi cercle aérien. Elle se redressa, réarrangeant sa chevelure derrière sa tête, puis fila de suite retourner dans la chambre des archives.

- Je vous prie de bien vouloir pardonner mon attitude. A peine eut-elle franchi la porte qu'elle s'excusa prestement, s'inclinant par la même occasion. Quoi qu'est pu être l'élève d'antan, c'est une jeune elfe bien retorse qui s'essayait à se réintégrer aujourd'hui. Votre aide m'a été précieuse, je vous en remercie. Après une petite pause, elle jeta un regard en coin vers son chaperon, sans dire mot, puis vers le Doyen. Cela se devinait assez aisément à son expression qu'elle ne savait plus trop que faire à partir de maintenant.