J'ai cherché | Zoh

Hiver - Karfias 18:XI
Frontière

Malgré la saison, le soleil avait harcelé la région toute la journée sans interruption au plus grand plaisir d'Elghinn. Cela faisait quelques jours qu'il était à Frontière maintenant et depuis son arrivée, il hantait les alentours de "l'Arène" ce cercle de terre battu entouré de trois gradin fait de planche pourries et de cageots de fruits que les eldéens avaient utilisés pour leur tournois de lutte pendant le drôle de siège. Entouré de tentes de toile et de chariots de bois branlants, l'endroit était devenu le lieu de rencontre de tous les combattants sans foi ni loi qui désiraient se faire un peu d'argent ou avoir du publique pour un duel. Un haut lieu de la culture Frontalienne en somme. Et comme cette culture de mercenaire, de brutes et de tricheurs l'exigeait, tous les coups étaient permis.

Les yeux pleins d'étoiles, le jeune homme s'était donc posé à l'ombre des toiles pour voir passer les différents guerriers et autres challengers qui se succédaient. Il détaillait leur mouvement, retenait leur nom, mais surtout, il cherchait à évaluer leur efficacité pour trouver une perle rare.

Malheureusement, son attention soutenue et son manque d'interaction lui valurent également l'attention de plusieurs adversaires qui finirent par l'obliger à choisir entre un combat et un passage à tabac. Le choix était vite fait, mais comme il ne pouvait ni profiter de la surprise, ni utiliser ses couteaux, ni frapper pour tuer, ni combiner ses mouvements avec ceux de T'Challa pour en finir rapidement, il avait de quoi s'inquiéter. A la fin de la journée, il avait un gros bleu sur le bord de la mâchoire et plusieurs égratignures sur le bras et le dos, mais l'un dans l'autre, il était plutôt content.

Après avoir saluer les habitués de l'endroit, il était rentré avec quelques écus. De quoi passer une nuit dans une chambre sous les toits et manger un morceau de pain pas trop rassi. Un peu plus d'expérience lui aurait appris qu'il s'était fait roulé au gain, comme tout bon débutant dans ce milieu, mais on ne peut pas être doué en tout.

Ses pas dynamiques le conduisirent là ou reposait son maigre sac de voyage : à l'Auberge. La quelle ? La seule, l'unique. Le premier bâtiment en pierre de taille de la ville. L'Auberge qui ne portait d'autre nom que celui-ci puisqu'elle datait d'une époque où il n'y en avait qu'une seule. Neuve et plutôt bien entretenu malgré sa clientèle pour le moins remuante, l'Auberge rassemblait tous les services que les voyageurs les plus aventureux pourraient vouloir. Des hommes et des femmes attentionnés, des receleur, des revendeurs, des drogues variées, des courtiers en informations, des passeurs et bien d'autres. Bien sûr ils étaient bien plus cher qu'ailleurs en ville, mais on avait pas à se déplacer.

Inconscient de la fange ambiante, le jeune homme s'était assit au bar en commandant deux verres d'arak, payant d'avance pour renouveler la possession de sa chambre ne nuit de plus. Il était encore déficitaire. Pour ce que ça lui faisait.

Aussitôt l'eau-de-vie devant lui, il la vida d'un trait. Un trait de chaleur relia sa langue à son estomac. Il secoua la tête, faisant virevolter ses cheveux mi-longs. Ses grand yeux aux iris sanglantes se posèrent distraitement sur un bout de la salle. Il préférait ne pas trop réfléchir ce soir. Sous sa tunique de voyage et son ample pantalon de coton aux couleurs chaudes et à la coupe locale, on devinait une silhouette des plus plaisante mais son visage était d'une beauté presque dérangeante. Sa symétrie parfaite et la finesse de ses traits semblaient savamment sculpter par un artiste de génie. Certains étaient gâtés par la nature au point que s'en était injuste ! C'est sûrement ce que devait penser les deux jeunes gens en armure qui lui faisaient de l’œil. Mais l'attention du drow blanc fut rapidement attiré par une table bien précise, au plus près de l'une des cheminées de la salle.

Une femme d'une quarante d'années aux épaules aussi larges qu'une armoire serramiroise venait de se lever en montant le ton. Sa peau halée était peu caché par son attirail de cuir et ses cheveux noirs commençaient à peine à repousser après un rasage récent. C'était l'une des adversaires les plus âpres qu'il avait eu ce jour là. Le bleu sur sa mâchoire en témoignait. Les deux personnes qui lui faisaient face la regardaient avec condescendance. Le jeune homme tendit l'oreille. Ils était question d'un sabre. La guerrière voulait le récupérer, les autres refusaient. Le barman lorgna sur sa propre hache double en les regardant du coin de l’œil si bien que même Elghinn sentait que cela ne tarderait pas à dégénérer.

Quelques clients et travailleurs passaient mine de rien la porte pour sortir de la bâtisse ou monter vers les chambres. Le jeune homme se leva pour faire de même, passant près de la table incriminé pour monter vers son abri sous les toits. Il était à deux pas lorsque la femme saisit l'un de ses deux adversaires par le col. La lueur d'une lame brilla entre les doigts de l'orgueilleuse cible... Et la main blanche s'abattit sur son poignet la lui faisant lâcher.

L'homme tourna la tête vers lui, aussi surpris que la guerrière dont le visage se tordit en un rictus de colère noire lorsqu'elle avisa l'arme tombée sur le planché. Une ribambelle d'injures fleuries lui vinrent au lèvre et son poing s'abattit sur le visage du gars qui fit deux pas en arrière pour s'écrouler sur la table d'à côté, mêlant ses occupant à la rixe. La suite, à la grande surprise du jeune homme, fut particulièrement rapide. D'un réflexe, il évita un coup de point  qui atteignit un illustre inconnu et en quelques minutes, la folie s'était emparé de tous ceux qui n'avaient pas encore quitter la salle.

Légende:

- Et je vous offre les six repas si vous arrivez à m'arrêter ce massacre ou à les foutre dehors avant qu'ils me cassent une table. " gronda l'homme derrière le bar en se retournant pour commencer à servir. Plus bas, il ajouta de façon à ce que seule une oreille particulièrement fine aurait pu l'entendre. "Ou que je leur mette un coup de hache dans le cul… L'patron va râler… "

Du coin de l'œil, le gardien du bar surveillait toujours la rixe qui ne s'approchait pas de lui. C'était fort curieux d'ailleurs puisqu'elle semblait avoir gagner le reste de la salle. Seule le tiers le plus proche du gérant était calme. La table des six étrangers en faisant partie.

Pourtant, Elghinn ne parvenait pas à gagner le havre tant convoité. Au cœur de la bataille, l'esprit blanc, il se contentait d'esquiver, de parer et de repousser par pur réflexe. Il en était même assez déstabilisé. Pourquoi était-il là ? Comment se faisait-il qu'il se retrouvait à tenter désespérément de ne pas tuer d'agressifs inconnus ? Voilà une question qui restait en filigrane dans son esprit sans qu'il ne parvienne à la poser réellement.

Se baissant prestement, il évita un coup rasant. Un frôlement sur le dessus de son crâne. Un grondement douloureux derrière lui. Il s'empêcha de couler au sol de justesse et fit un pas de côté, bourrant les côtes d'un autre combattant qui d'une vive torsion lui imposa une clef de bras. Le jeune blanc bec ne siffla pas le moindre gémissement de douleur, mais avant qu'il n'ait put essayer de déséquilibrer son geôlier au risque de son articulation, un bruit de choc sourd le libéra. Un bref coup d'œil par dessus son épaule. Il croisa le regard sombre de la guerrière qu'il avait involontairement aidé. Elle lui lança un bref hochement de tête avant de hurler un coup de genoux dans le foie le plus proche.

Elle… Était de son côté ? Comme ça ? Pourquoi ? Parce qu'elle pensait qu'il l'avait aidé exprès ?  C'était… Inattendu. Et agréable. On pouvait donc se retrouver avec des alliés imprévus.

Un sourire féroce sur les lèvres, il se mis avec un peu plus de sérieux au combat, faisant tout de même attention à ne pas placer de coup trop mortel. Son frère lui avait expliquer qu'il y avait des moments pour et d'autres ou l'important était de faire peur. Il espérait que ce serait l'occasion d'apprendre !

Leurs frusques ont-elles l'air si piteuses que les zurthans en feraient pitié, ou bien cela serait une pratique courante ? Le mercenaire n'en est pas certain, quoi qu'il en soit un repas offert est toujours bon à prendre. Cependant, le nomade ne peut s'empêcher une moue indécise sous son masque de tissu : se mêler à ces histoires alors même que lui et ses compagnons souhaitent rester discrets ne l'enchante pas. Son regard croise celui de son compagnon, qui hausse légèrement des épaules.
- J'ai compris offert et table. Ca me paraît bon pour nous, non ?
- Peut-être...
Le regard du zurthan parcoure la salle, s'attardant sur la bagarre toujours en cours. Puis, après un court moment de réflexion, l'attention du mercenaire revient sur le présumé tenancier de l'établissement.
- Offrez nous aussi les boissons, et nous avons un accord.
Le tenancier semble d'abord hésité mais finit par accepter, sans doute un peu à contrecoeur.

Alors le mercenaire et son garde rejoignent la table à laquelle se sont installés leurs deux compagnons.
- Nous aurons à boire et à manger, mais avant nous avons quelque chose à faire.
- Quelque chose d'idiot ?
- En quelques sortes. Nous allons stopper cette bagarre, en faisant aussi peu de dégât que possible.
- Et comment comptes-tu t'y prendre ? Certains on l'air bien ronds.
- Alors nous les inviterons gentiment à sortir. Tu viens avec mois, et Jita aussi.
Le chef se tourne alors vers le dernier.
- Toi, gardes la table et n'intervient que si nécessaire. Et n'utilises pas celles qui sont mortelles, on ne doit pas se créer de problème.
- Comme tu veux.
- Alors je suppose que je ne dois pas utiliser mon cimeterre ?
- En effet.
- Lefã, je ferais aussi sans.
Le zurthan se lève, et tous trois se dirigent alors vers l'échauffourée principale.

Ecartant les gêneurs au passage, les zurthans calment quelques menus ivrognent d'un sombre regard. Pour d'autres, un pression sur leur bras suffit à les dissuader. Sans doute que leur gabarit a aidé, car bien que moins grand qu'un drow ou un elfe ils n'en sont pas moins massif, d'autant que leurs amples vêtements ajoutent à leur volume. Peut-être aussi que le mystère qui les entoure ajoute à l'aura qui les entoure. De quoi intimider les plus impressionnables, en tout cas, mais visiblement sans effet pour les bagarreurs principaux.
- Ils ne nous ont pas remarqué, je crois.
- Ils sont occupés, il faut attirer leur attention.
- Je m'en occupe.
Joignant le geste à la parole le zurthan approchant le mètre quatre-vingt-dix saisit par derrière le poing d'un homme le surplombant d'une tête, bloquent net la frappe qui allait partir. Un coup dans le genou de l'ivrogne force ce dernier à fléchir, le déséquilibrant. C'est ensuite sans ne rien comprendre que le géant se retrouve face sol, dans un fracas suivit d'une audible plainte de douleur, forçant nombre de regards de se tourner vers les trois enturbannés. Alors, d'une voix audible et d'un ton parfaitement calme, le zurthan s'adresse à la foule.
- Merci de nous prêter votre attention, chers clients. Ne pensez-vous pas qu'il serait dommage que le mobilier de ce bel établissement soit détruit, et que le repas qu'il sert soit perdu ? Après tout, il n'y en a pas beaucoup d'autres endroits comme ici, dans cette ville. Alors pourquoi n'iriez-vous pas continuer de vous amuser dehors ?