préparatifs et expédition en Zurthanie [Zohael]

9ème énéade
Favrius, premier mois du printemps
An18, 11ème cycle.

- Et à présent qu’est-ce qu’on fait ?

J’étais un peu distrait pour tous ces étalages, ces millions de parfums, d’objets dont pour certains je n’étais pas sûr d’en comprendre l’utilité. C’est du reste devant l’un de ces étals remplis de sortes de lampes brillantes que je m’étais arrêté pour en examiner l’un d’eux sous le regard acéré du marchand.

- Quel étrange objet ! dis-je si peu attentif aux pourtant rares paroles de Lorgan. A quoi cela peut-il bien servir ?

Mais Lorgan interrompit mes observations pour revenir à la charge :

- Que fait-on maintenant ?
- Comme tu peux le voir, j’examine cet objet. Je me demande à quoi il peut servir.

Un grognement agacé se fit entendre, ramenant alors complètement mon attention vers mon ami qui s’impatientait.

- Tu devrais en profiter toi aussi pour admirer un peu toutes ces merveilles qu’on peut trouver dans ce surprenant marché. Ou peut-être devrais-je dire bazar, c’est ainsi qu’on le nomme, même si la finalité est la même. Sais-tu quelle est la différence entre un marché et un bazar mon ami ?
- NON, et je n’ai pas envie de savoir !

Déçu j’haussai les épaules, revenant à sa question première.

- Nous cherchons un moyen de locomotion plus rapide que la marche. Et…. Je ne suis pas sûr que le cheval soit la meilleure idée. Après tout nous devons nous rendre dans une région sauvage et aride, où la sécheresse et la chaleur sont de rigueur et peut-être qu’un cheval serait moins endurant qu’un animal natif du désert. Le chameau ou le dromadaire, ou encore, que sais-je ? Il y a aussi des animaux plus étranges comme le morgal ou le païm, et…..

Je me tournais pour me retrouver face à un type d’allure malingre qui me regardait en souriant, révélant de fait les trois ou quatre dents qui devaient encore lui rester et qui acquiesçait à chacun de mes mots. Je cessai aussitôt mes explications sur les montures locales.

- Vous n’êtes pas Lorgan, constatais-je platement, avant d’entendre un léger couinement sur ma droite. Je baissai les yeux sur Alca qui inclinait la tête comme si elle cherchait à comprendre pourquoi je parlais à cet inconnu. Bien que je doutasse que ce type ait compris une seule de mes paroles.

Je cherchai donc mon interlocuteur habituel du regard, même si ses réponses consistaient le plus souvent en un simple grognement, pour le repérer à une vingtaine de mètres de là. Il s’adressait à un type vêtu à la mode des gens du pays. Je fis un sourire un peu crispé à mon auditeur édenté, et m’empressai de rejoindre Lorgan.

- Qu’est-ce que tu fais ?
- Je demandais à cet homme s’il sait où nous pourrons trouver un guide pour nous mener dans le désert Zurthan.
- Un guide, pourquoi faire ? Nous n’avons pas besoin de guide !
- Bien sûr que si, à moins que tu ne sois déjà allé dans cette région ?

Je dus bien me plier à ses arguments.

- Qui plus est, ça nous fera gagner du temps, non seulement à toi et à moi, mais à Alca aussi.

Je baissai en même temps que mon compagnon, les yeux sur la jeune louve qui devait se demander pourquoi soudain elle était le sujet de tant d’attention. Du coup, elle glissa sa tête sous ma main pour me mendier une caresse.

- Alca s’adaptera très bien à ce climat et puis les nuits sont bien plus froides que les journées. Et nous veilleront à prendre tout le nécessaire avec nous.
- Dont un guide.

Je cédai dans un soupire :

- Dont un guide. Bon alors est-ce que ce monsieur sait-il où nous pouvons trouver ce genre de personne ?

Je me tournai vers le principal intéressé et m’adressai à lui dans un oliyan impeccable, contrairement à mon ami qui lui n’en maîtrisait pour le moment que quelques mots.

- Savez-vous où nous pouvons trouver quelqu’un pour nous guider jusque dans le désert Zurthan ?

J’observai l’olibrius qui nous faisait face d’un regard acéré, détaillant sa tenue, ses bijoux et les traits de son visage. Assurément celui-là, ne venait pas d’ici, peut-être venait-il de ce fameux désert que nous cherchions à rejoindre, Lorgan, Alca et moi. Oui logique, sinon pourquoi nous aurait-il abordé ? Sauf si c’était Lorgan qui l’avait abordé le premier. Dans ce cas la méfiance devait rester de mise, même si l’homme semblait incontestablement connaître son sujet.

- C’est en effet le but de cette démarche, répondis-je prenant le relais de mon ami.

Et à sa question étrange, je répondis avec un léger froncement de sourcil.

- Oui bien sûr, c’est un désert !

J’échangeai un regard avec Lorgan devant l’évidence de cette réponse.  Soit l’homme était un idiot, soit …. Il nous prenait pour des idiots. Et ce qu’il finit par ajouter, m’arracha une moue ennuyée.

- Hmm chanceux, soit ! Cependant vous pourriez vous-même, faire partie de ces gens sans éthique ni morale qui dépouillent les voyageurs sous prétexte de les guider, pour mieux les abandonner ensuite au beau milieu du désert, hm ?

Oui qu’est-ce qui nous prouvait que ce type était bien intentionné ? Je connaissais la réponse à cette question : Absolument rien pour le moment. Il allait donc nous falloir nous fier à sa parole, et nous aviserions ensuite. De toute façon, je ne craignais pas du tout de me perdre au milieu du désert, parce qu’une telle chose ne pourrait arriver. Quant à nous dépouiller, il faudrait d’abord affronter Lorgan et Alca.
Sa présence ne servait pas à faire de la figuration, elle avait elle aussi son rôle à jouer, un rôle qu’elle avait elle-même choisi. D’où cette volonté de ne jamais nous lâcher d’une semelle.

Je répondis alors à mon tour à la question de l’inconnu zurthan.

- Je suis envoyé en mission de sauvetage. Il s’agirait avant tout de retrouver une plante, particulière que l’on nomme communément, le buisson d’excellence, ou peut-être le connaitriez-vous plus sous son second nom : le Tussa Quanta Andnassa ? Je sais qu’il en pousse facilement dans le désert, mais en fait, je ne cherche pas n’importe lequel de ces buissons. J’ai entendu dire qu’au Zurthan, il en existerait un en particulier dont la taille atteindrait celle d’un arbre ? C’est celui-là qui m’intéresse, conclus-je avec un sourire satisfait.

Puis je me tournai vers Lorgan et enfin vers Alca.

- Quant à mes amis, ils m’accompagnent où que j’aille ! Alors pensez-vous que quelqu’un pourrait nous guider jusqu’à ce buisson géant ?

Le reste n’était que détail pour moi, l’équipement à embarquer, de quoi creuser pour extraire les racines les plus profondes et de quoi surtout ne pas me faire déchirer la peau par les épines acérées de la plante dont la réputation n’était plus à faire.

Cela pouvait être vrai oui ! J’affichai un sourire en coin, connaissant le talent des marchands de Thaar pour le boniment, tout en jurant vous dire la vérité, rien que la vérité ! Et dire que j’avais failli le prendre pour un guide. Désormais je savais donc à quel genre de personnage j’avais affaire, ce qui me poussait encore moins à lui faire confiance. Pour autant, nous n’avions pas le choix. Il fallait qu’on se fie à sa parole pour espérer trouver ce guide que Lorgan souhaitait engager pour notre expédition.

C’est sûr qu’un guide nous ferait gagner un temps précieux, le temps de retrouver l’arbre d’excellence. Alors avec un sourire avenant, mais avec plus de retenue qu’il ne le fit pour nous inviter à le suivre, j’acceptai :

- Et bien enchanté Kofeer. Voici mes amis Alca et Lorgan, je ne nomme moi-même Arthus Finn, apothicaire de son état au service de Kyria ! Bien ! A présent que les présentations sont faites, il ne nous reste plus qu’à vous suivre.

Nous tracâmes donc notre chemin sans grande difficulté à travers la foule, puisque la voie était ouverte par un marchand qui connaissait parfaitement son affaire et qui nous guida jusqu’à un charmant bazar, fourmillant d’odeurs, d’articles en tout genre, et de négociations acharnées.

Alca me collait au flanc, discrète malgré sa nature, et évitant tout contact avec ces étrangers qui quand ils la remarquaient s’écartaient d’eux-mêmes. Notre nouvel « ami » Kofeer nous guida ainsi jusqu’à un salon où nous fumes invités à attendre. Je pris place dans un des fauteuils, Lorgan toujours sur la défensive, trop occupé lui à observer tout ce qui se passait autour de lui et restant debout non loin de l’entrée.

La louve quand à elle, se coucha à mes pieds, posant son museau entre ses pattes, les oreilles toujours aux aguets à l’instar de Lorgan, à qui je m’adressai en péninsulaire.

- Détend-toi mon ami, je doute que s’ils comptent nous dépouiller, ils le fassent ici en plein cœur de leur maison. Non, ils attendront sans doute que nous soyons loin de tout et d’être sûr que nous avons toute notre fortune sur nous pour le faire.

Puis je ris devant l’air encore plus renfrogné que d’ordinaire de mon ami. Je plaisantais, enfin à moitié seulement. Mais mon sourire s’effaça pour afficher une expression polie quand des hommes entrèrent dans le salon. Le marchand se chargea alors de présenter l’auguste inconnu au visage voilé, et aux allures de guerrier du désert.

Je m’étais levé afin de saluer correctement l’homme vers qui nous avait mené Kofeer. Alca s’était contentée de redresser la tête pour nous observer et flairer de loin les odeurs des nouveaux arrivants.

- Oh vous êtes donc mercenaire. Et bien je suis enchanté de faire votre connaissance monsieur Noul. Je ne suis moi-même qu’un humble apothicaire. Votre ami a dû vous le dire, il me faudrait me procurer quelques extraits d’une plante à priori commune, mais celle que je cherche est particulière de par sa taille.  

Je regardai Kofeer, puis son ami, avant de préciser.

- Je ne pensais pas que pour ce faire nous aurions besoin d’un mercenaire. D’un guide en revanche, oui, surtout si vous savez de quel arbre il est question, le plus grand observé à ce jour, un arbre d’excellence qu’on m’a dit pouvoir trouver dans le désert Zurthan. Est-ce que vous sauriez nous aider à le trouver ?

Ou si lui-même ne connaissait pas l’existence du très vieil arbre, peut-être nous guiderait-il vers quelqu’un qui connaissait les secrets des buissons d’excellence, celui-ci en particulier. Son âge en rendait les vertus que plus efficaces encore, contrairement à la récolte qui serait elle, très difficile. Même si pour le moment, ce n’était point ma préoccupation première.