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 L'or véritable

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Nehril
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeSam 23 Jan 2021 - 15:47

Nehril n’avait que peu dormi, même s’il avait fait semblant de l’être. Le plancher qui craquait et la faim que n’avait pu combler cette soupe aigre l’avaient tenu éveiller une bonne partie de la nuit. Lorsque Patience le réveilla, il fit mine de cligner des yeux avant de se préparer. Il enfila son armure de maille, se débarbouilla avant d’enfiler ses bottes en cuir souple. Il saisit ensuite son fourreau à la main et le sac d’or d’une autre avant de descendre déjeuner avec Patience. Ces derniers n’échangèrent que peu de mots, et le mercenaire s’en contenta.

La route était poussiéreuse, et le soleil trônait bien haut dans le ciel, prodiguant chaleur et lumière aux deux voyageurs. En arrivant près des hameaux habités, Nehril se détendit légèrement. Les attaques de bandits ne les atteindraient guère ici. De plus, il doutait que Patience et lui ne soient à nouveau confrontés à leur lame. Il laissa la jeune femme chevauchait à l’avant, conscient que cette dernière devait lui tenir rancune pour la curiosité dont il avait fait preuve la veille.

Ils arrivèrent finalement sur les terres des Hadjaoui. Nehril fut accueilli par un homme costaud, qui se présenta comme étant l’aînée de la famille. Il le salua d’un geste de tête avant de descendre de sa monture pour promener son regard sur le reste de la famille. Il assista à l’arrivée turbulente d’un jeune bambin qui se jeta dans les bras de Patience. L’Hadjaoui qui se présentait sous le nom d’Aimé l’identifia comme étant Sincère, l’enfant de sa sœur. Nehril plissa les yeux lorsqu’il entendit les premiers mots de l’enfant.

Du drow…

Ainsi telle était la vérité que ne souhaitait aborder Patience ? Le mercenaire détacha son regard de Sincère quand Aimée lui asséna une claque virile sur l’épaule. Il lui proposa de demeurer parmi eux pour la nuit, étant donné que celle-ci serait tombée bien avant que le mercenaire n'atteigne Geresh.

— Je ne retournerais pas à Geresh, révéla Nehril en attachant son cheval. D’autres obligations me condamnent à retourner à Thaar le plus tôt possible. Mais…

Il jeta un œil en direction de la demeure, là où Digne, sa femme, Patience et son fils étaient réunis. Le semi-elfe se sentait comme un intrus et hésitait à accepter la proposition d’Aimée. Il finit cependant par céder lorsque son ventre émit des borborygmes insistants.

— Soit j’accepte ton offre. Il saisit à son tour le bras de l’aînée. Merci, Aimée.

L’ambiance était animée au sein de la demeure des Hadjaoui. Des éclats de voix fusaient de chaque coin de la table et Nehril, guère habitué à une telle agitation, ne put que lâcher de simples mots en réponse à leurs questions. Le repas était également d’une générosité excessive. Il y avait là de quoi sustenter plusieurs hommes affamés revenant d’un long périple. De ce côté-là, il ne se priva pas et se resservit de nombreuses fois. Il ne manqua pas de remercier la préparatrice du repas avec un entrain qu’on ne lui connaissait pas.

Après le déjeuner, femmes et enfants quittèrent la table, la laissant simplement occupée par Digne, Aimée et Nehril. Les deux hommes semblaient parfaitement détendus et lâchaient entre eux plaisanteries et railleries.

— Cela faisait longtemps que je n’avais pas passé un moment aussi agréable, lança le semi-elfe soucieux de ne pas paraître ingrat au vu de tous les efforts que ces derniers avaient déployés pour l’accueillir. Il faut dire que le voyage n’a pas été de tout repos. Votre sœur est… difficile à cerner.
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeSam 23 Jan 2021 - 16:21


Aislinn et Patience s'en allèrent pour coucher un jeune Sincère récalcitrant à l'idée de quitter sa mère qui n'avait pourtant plus l'intention de partir. Après quoi, la rousse devrait soigner à nouveau ses doigts, avec l'aide de sa belle-sœur cette fois. Pendant ce temps, les hommes restèrent à table. Tous avaient participé à la mise des couverts, au débarrassage et au service. L'ambiance avait été bonne enfant et on fit gentiment remarquer à Nehril qu'Aislinn n'avait pas été la seule à cuisiner. Tout le monde faisait tout dans cette maison. Mais personne ne lui avait tenu rigueur de son erreur.

Une fois les dames sorties, le mercenaire se tourna vers les deux Hadjaoui restant. Devant sa réflexion, ils échangèrent un regard amusé avant de se retourner vers lui.

-Noooon ! Firent-ils de concert.

Le caractère de chacun était parfois source d'amusement entre frères et sœurs. Au cours du déjeuner, ils avaient bien parlé de Courtois et de sa façon odieuse de dire ce qu'il pensait sans faire preuve du moindre tact... et en avaient ris. Si Sincère n'avait pas été là, ils auraient aussi pu abordé les relations conjugales de Sauveur qui n'avaient rien de discrètes... Et qu'il était capable de pratiquer à peu près n'importe où. Alors, la froideur de leur sœur n'était rien en comparaison. Et, avec Modeste et ses bijoux des plus osés, les deux Hadjaoui qui se tenaient devant lui avaient l'air d'être les plus normaux de la famille jusque là.

-Elle vit seule, avec ses frères, et a un enfant demi-drow. Pourquoi son histoire l'aurait-elle conduite à prendre ses distances avec ceux qui l'entourent ? Répliqua Digne avec sarcasme avant de porter son verre à ses lèvres. Il ne se voulait pas insultant, il faisait juste le bilan des informations que Nehril avait déjà pu glaner tout seul depuis son arrivée.

Si le petit garçon pouvait parfaitement être pris pour le fils d'un elfe avec ses cheveux blancs, ses yeux bleus clairs, sa peau rose et ses oreilles rondes, il n'avait pas moyen de lui cacher que ce n'était pas le cas. Patience lui avait prit les langues de ses deux parents, même si elle le regrettait aujourd'hui. Elle ne pensait pas qu'un jour elle aurait souhaité ne pas avoir eu cette idée...
Mais alors que le jeune homme plaisante, son aîné observe le mercenaire un peu plus attentivement.

-Sauveur t'a dit quoi sur l'histoire de notre famille ? S'enquit Aimé qui voulait savoir ce que son frère avait déjà pu confier à son ami de longue date. Peut-être lui manquait-il encore des informations pour finir de comprendre la situation de Patience, même si lui manquerait quelques données comme... Savoir si cet enfant était voulu, ou même s'il a été conçu avec amour ou... autrement.
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeSam 23 Jan 2021 - 16:44

Le mercenaire porta à ses lèvres le verre de liqueur qui était posé non loin de sa main.

— Pas grand-chose, admit-il en sirotant lentement. Je ne connais que votre frère, même si j’ai eu l’occasion de rencontrer d’autres de votre famille. Je sais simplement que votre famille n’est pas née esclave. Que Sauveur l’a été, d’une certaine façon. Qu’il s’est battu dans l’arène pour satisfaire l’ego d’autrui. Qu’il a été mis au service de Maralina Irohivrah avant d’ensuite s’unir à Aerianna. Et qu’il a ainsi pu recouvrer les terres de votre famille qui vous avez été dérobées.

Nehril leva un doigt, comme pour ajouter quelque chose.

— Ah, et j’ai appris récemment qu’il avait eu deux filles. Il hocha la tête pour finir par résumer : Oui, je ne connais pas grand-chose de votre famille.
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeSam 23 Jan 2021 - 17:20


Effectivement, Nehril ne savait pas grand chose. Ou tout du moins n'en avait-il pas tirer les conclusion qui s'imposait pourtant à lui. Aimé regardait le demi-elfe en réfléchissant à ce qu'il devait faire et Digne observait un silence religieux, lui laissant le soin de prendre les décisions, comme toujours. L'aîné de la famille était respecté par son cadet, c'était évident.

-Nous avons tous été esclaves. Parce que quelqu'un voulait tout ceci. Dit-il en levant les bras en l'air afin de désigner tout ce qui les entourait. Les hommes étaient gladiateurs et ont combattus dans l'arène -sauf Digne ici présent à qui nous avons pu éviter ce titre destin-. J'ai gagné ma liberté en devenant un champion. Sauveur s'est distingué pendant le tournois il y a quatre ans, ce qui lui a attiré les faveur de quelqu'un de suffisamment influent pour le tirer de là et qui a gracieusement proposé la même chose à Courtois, sans doute afin de gagner leur loyauté à tous les deux. Notre père et son deuxième fils n'ont pas eu cette chance.

La façon dont il prononçait ces derniers mots ne laissait pas de doute quant à leur destin. Ils étaient encore plus nombreux à l'origine mais ils avaient perdus quelques membres au passage... Il était difficile, à voir Aimé, d'imaginer qu'il avait pu tuer des adversaires sur le sable de l'arène pour le simple plaisir de spectateurs avides de sang. Une chose était sûre : lui n'en avait pris aucun... C'était lui, ou les autres.

-Les femmes de la famille ont été dispersées. La mère de Sauveur et Modeste est enterrée à Baaz'Hima. Modeste a été recueillie enfant par deux femmes qui l'ont élevée comme leur fille, elle a eu beaucoup de chance. Clémence est en Péninsule. Elle a été libérée récemment par un chevalier qui l'aime suffisamment pour assumer au grand jour son idylle avec une étrangère. Nous n'avons pas encore retrouvé sa mère. Ni celle de Patience, Digne, Courtois et moi.
-Ah oui, les Hadjaoui sont polygames ! Glissa le jeune homme au débotté.
-Dit celui est a bien l'intention de rester fidèle à sa compagne aux mœurs péninsulaires. Le raya Aimé, faisant rire son cadet.

Et dans tout cela... L'histoire de la belle rousse n'était pas conté. Et le géant le savait parfaitement. Mais Nehril n'avait plus besoin de grand chose pour comprendre certaines choses...

-Avec ce que tu as appris aujourd'hui, et ce qu'elle aura peut-être laissé échapper ces derniers jours, je suis sûr que tu es capable de trouver toi-même ce qui est arrivé à Patience. Mais si tu veux plus de détails, il te faudra les lui demander. Elle a l'air de t'apprécier ! Commenta-t-il.
-Les Dieux seuls savent pourquoi. Le charia Digne en buvant une nouvelle gorgée.
-Ils savent quoi ?

Sur le pas de la porte de la cuisine se tenait Patience. Elle s'était changée, troquant son pantalon et sa chemise contre une robe plutôt simple mais qui la rendait bien plus féminine. Aimé fit comme si de rien était, jouant à merveille celui qui parlait de tout autre chose qu'elle.

-Pourquoi Sauveur et sa fiancée sont aussi bruyants quand ils copulent.
-Copulent ?!
-Tu dirais ça comment toi ? Digne réfléchit une seconde puis haussa les épaules, vaincu. Aimé tapa doucement la table du plat de sa main. Bien ! Nous avons du pain du la planche pour que tout soit près pour ce soir. Dit-il en se levant. Puis il se pencha vers Nehril. Et une paire de bras supplémentaire ne serait pas de trop. Lui glissa-t-il innocemment avant d'avancer vers sa sœur. Quant à toi, interdiction d'utiliser ta main droite.
-Sinon quoi ? Tu me l'attaches dans le dos ?
-Ne me tente pas.

Quelques ricanements résonnèrent et les deux frères Hadjaoui quittèrent la pièce. Patience se tourna vers le demi-elfe avant de fuir son regard pour s'éloigner à son tour.
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeSam 23 Jan 2021 - 19:58

Nehril resta un moment immobile à observer Patience rejoindre ses frères. Il n’était guère doué avec les sous-entendus et les propos indirects. D’ailleurs il n’en voyait pas l’intérêt : s’il s’agissait de vouloir dire quelque chose, pourquoi ne pas le dire tout simplement ? Le mercenaire était direct, et guère subtil, mais il avait tendance à oublier que les autres ne l’étaient pas.
Toutefois, il était capable de recouper les informations qu’on lui octroyait. Le tableau de cette famille se dépeignit précisément dans son esprit, et le mystère de l’enfant demi-drow et de sa mère renfermée se résolue de lui-même.  

Nehril finit son verre d’un trait puis alla rejoindre la famille Hadjaoui. Cette dernière l’entraîna durant toute la journée dans diverses tâches, culinaires et ménagères dans laquelle il était d’une maladresse crasse, mais aussi plus physique et manuelle dont notamment la réparation d’une clôture qu’il accomplit avec une aisance déconcertante.    

Le soir venu, après s’être fait railler par les frères du fait de ses catastrophes en cuisine, la famille installa le nécessaire pour la fête qui allait bientôt avoir lieu. Cette fois-ci le mercenaire s’anima davantage, semblant progressivement sortir de sa coquille et troquant ses habituels grognements par quelques éclats de rire. Cette famille était… spéciale. Mais conviviale. Une entente mutuelle les liait tous, et chaque geste, chaque raillerie démontrait le lien qui les unissait.  

Une fois que tous furent rassemblés, la fête des Hadjaoui put commencer. Des ouvriers du domaine se joignirent à eux et alcool et bonne chère furent livrés aux convives. Cette fois-ci le mercenaire ne se laissa pas enthousiasmer par la nourriture. Il préféra rester posé et calme à mesure qu’il s’adressait aux différentes personnes qu’il croisait.

Alors qu’il revenait des cuisines, il croisa le jeune Sincère qui le fixait dans l’ombre d’un rideau. Nehril fronça les sourcils et approcha.

— Tu cherches ta mère ?
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeMar 26 Jan 2021 - 21:33


La soirée allait bon train. Au milieu des boissons et des mets gourmands résonnaient les rires des ouvriers. Ici, une dame d'âge mûr comptait une anecdote dont elle se souvenait de l'époque d'Honoré Hadjaoui et qui mettait en scène le jeune Digne dans une situation fort peu élogieuse alors qu'il devait être âgé de deux ans. L'intéressé se cachait derrière sa main. Qui n'aurait pas honte d'entendre ce genre d'histoire comptée devant tous alors que l'on est devenu adulte ? Là-bas, on moque le précédent propriétaire qui savait tout mieux que tout le monde mais qui, ignorant les choses de la ferme, s'était ridiculisé avec un cochon. Et là, on se rappelait de la fois où Aimé avait cassé un marteau pourtant solide...
Mais dans toute cette ambiance, un homme restait cependant à l'écart alors qu'il avait été cordialement invité tandis que les Hadjaoui jonglaient entre leur mission d'hôtes et leurs gens qui les arrêtaient régulièrement pour parler. Deux feux avaient été allumés à chaque recoin de la cour. Une grande table séparait l'arbre de la maison, rendant le service plus aisé. Au milieu de toute cette foule, le petit Sincère avait fini par aller se cacher. Cela faisait beaucoup de monde et beaucoup d'inconnus pour lui. Dissimulé près de l'escalier, il pouvait guetter les allées et venues, et notamment celles de sa mère. Mais, à défaut de celle-ci, ce fut le demi-elfe qui le remarqua et s'arrêta. Lorsqu'il l'interrogea, il secoua la tête de gauche à droite. En silence, il détailla l'homme de plus près. Depuis son arrivée, il l'intriguait beaucoup et plus d'une fois Patience avait dû lui dire d'arrêter de le dévisager ainsi.

-Tata Aislinn dit que tu es un sang-mêlé, comme moi...

— Hmm, opina le mercenaire en se penchant en avant. Nous avons donc quelque chose en commun. Pourquoi te caches-tu ici ? Tu ne veux pas rejoindre ta famille ?

Le petit garçon regarda à travers les barreau de la rambarde de l'escalier, comme pour voir au-dehors alors que rien ne le permettait depuis ici. Puis il revint sur le demi-elfe.

-Maman voudrait que je joue avec les autres... Dit-il comme si ces "autres" étaient évidents... Quoi qu'il y avait plusieurs enfants à cette soirée alors Nehril n'aurait peut-être pas de mal à comprendre. Ils m'ont demandé pourquoi mes cheveux sont comme ceux des vieux...

Il était différent de tous ceux qui se trouvaient dehors. Il ne leur avait pas adressé un mot. Pourtant, il évoquait à cet inconnu ce qui le tourmentait. Il posait sur lui un regard plein d'espoir... Parce qu'il avait trouver quelqu'un qui était comme lui.

— Demande-leur pourquoi les leurs ont une couleur différente, fit Nehril en lui ébouriffant les cheveux. Sincère rit doucement en essayant de lui repousser le bras. Ils ne devraient pas connaître la réponse non plus. Et qu’importe. Combien as-tu de doigts ? D’orteils ?
-Euh... Dix. Dix de doigts et dix d'orteils.
— Et combien en ont ces « autres » ?
-Bah... Pareil, je crois.
— N’est-ce pas ce qui importe réellement ?

Le semi-elfe désigna les enfants qui jouaient non loin.

— Toute ta vie sera faite des réflexions des autres. Leur jugement, leur regard se poseront sur toi. Prendre en considération ce qu’ils pensent n’est pas ce qui rendra ta vie meilleure. Te cacher n’est pas une solution non plus. Alors, assume. Fais de tes différences une force qu’ils ne pourront jamais retourner contre toi.

Le mercenaire frôla ses propres cheveux argentés.

— Et puis, fit-il en se penchant comme pour lui divulguer un secret, les cheveux blancs, c’est la classe.

Sincère rit de nouveau. Il s'avança et regarda les enfants à son tour, se pinçant les lèvres. Il toisa le mercenaire, comme pour s'assurer que c'était bien ce qu'il devait faire... Et puis il s'approcha lentement. Depuis le pas de la porte, il observa le jeu auquel ils étaient en train de jouer. Un cerceau s'échoua non loin de lui et la petite fille à qui il appartenait resta clouée sur place, sans bouger, posant ses yeux verts sur le garçon aux cheveux blancs. Alors ce dernier le ramassa et le lui rapporta. Elle prit son jouet... puis la main du sang-mêlé et l'attira avec lui pour se joindre aux autres. Il se laissa entraîner, non sans un dernier regard à Nehril. Regard que sa mère, qui se tenait parmi un groupe plus loin, ne manqua pas de capter.
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeMar 26 Jan 2021 - 23:24

Nehril passa le reste de la soirée parmi les convives, tentant de suivre leur conversation voir d’y ajouter son avis lorsqu’on le lui demandait. Il mangea, plus que de raison, tout en évitant les gâteaux secs qu’il avait confectionnés dans la journée, peu convaincu que ces derniers n’étaient pas mortels.
Il surveilla d’un œil amusé les facéties de Sincère et des autres enfants, mais resta sensiblement discret pour ne pas être surpris par sa mère. 

La fête battait son plein. Un verra à la main, Nehril tenta de s’extraire des griffes d’un homme corpulent qui parlait sans discontinuer de bétails et de culture de maïs. Il chercha du regard Aimée, Patience ou même Sincère pour le sortir de ce guêpier. Il était à deux doigts de lui faire avaler ses maïs. Qu’importait le manque de réponse du semi-elfe, et même sa mauvaise humeur pourtant évidente, l’autre semblait tout simplement trop content de déverser son flot de commentaires.

Mais alors que la table garnie se vidait et que les hôtes n’avaient plus de quoi la remplir de nouveau, quelques notes grincèrent sur un instrument à cordes. Le musicien échauffait son instrument avant de se mettre à jouer une véritable mélodie.
Déjà, plusieurs personnes frappaient dans les mains et riaient de plus belle. La compagne du maestro du soir se positionna au milieu de la cour et les gens s’écartèrent pour créer une piste de danse improvisée. Elle exécuta une petite chorégraphie histoire de mettre un peu tout le monde dans l’ambiance et puis, au détour d’une pirouette, elle attrapa la main d’une jeune femme et l’amena dans les bras d’un homme aussi surpris qu’elle.

Cependant, ils jouèrent le jeu et s’élancèrent à leur tour sur la piste, riant timidement devant la situation peu ordinaire. La danseuse recommença, associant aléatoirement deux personnes qui venaient se joindre à l’animation qui se créait sous les branches de l’arbre multicentenaire.
Jusqu’à ce qu’elle prenne la main de la belle Patience, vêtue d’une belle robe qui soulignait sa fine carrure, les cheveux relevés dans un joli chignon et un élégant collier autour du cou. Elle l’attira avec elle. Elles passèrent devant plus d’un homme sans s’arrêter, au grand dam de certains. Et lorsqu’elle la jeta presque dans les bras de son partenaire désigné… Elle se figea en découvrant le visage du semi-elfe.

Nehril saisit Patience plus par réflexe que par réelle envie de danser. Puis, voyant tous les spectateurs qui les encourageaient de plus belle, il commença à se sentir mal.

— Je… je ne sais pas danser, fit-il avec un sourire d’excuse envers l’assemblée et plus particulièrement envers Patience dont il tenait encore la main.

La rousse ne savait pas vraiment quoi lui répondre, un peu prise de court. Elle voyait autour d’eux les ouvriers et leurs familles qui insistaient. 

— Moi non plus. Finit-elle par avouer.

Au hasard, son regard s’arrêta sur Aimé. Il était encore disponible et il vit aussitôt que sa sœur n’était pas à son aise. Alors, il posa son verre et entreprit de venir à son secours, mais il se trouvait de l’autre côté de la piste de danse… Il en aurait pour un petit moment tandis que tout le monde continuait d’encourage le duo de fortune.

Nehril poussa un soupir.

— Mieux vaut ne pas les décevoir, lâcha le mercenaire en entraînant la jeune femme sur la piste de danse sous les vivats des spectateurs. J’ai… j’ai quelques souvenirs d’un bal chez les Irohivrah. Une vieille chouette avait absolument voulu m’enseigner les pas élémentaires.

Il posa sa main sur la hanche de Patience et guida son bras vers son épaule sous le regard de la belle qui n’osait pas aller à l’encontre, mais qui aurait voulu se trouver ailleurs en cet instant… 

— Il me semble que l’objectif était de ne pas marcher sur les pieds de sa compagne, grommela-t-il en remarquant les lourdes bottes qu’il chaussait. Je pense que tu peux dire adieu à certains de tes orteils…

Il essayait de la détendre avec des plaisanteries qu’il savait mauvaises, mais après tout, lui aussi était tout aussi mal à l’aise. Elle s’efforça de le gronder des yeux, mais elle ne trouvait pas cette idée des plus merveilleuses… Et puis, elle craignait pour sa main, bien que Nehril l’ait posée avec délicatesse sur son épaule. Si elle devait se rattraper… 

— Je m’en remettrai. Finit-elle par lâcher sans pour autant se détendre, ses muscles étant tous plus raides les uns que les autres.

— Bien alors, allons-y, fit Nehril avec la mine d’un homme aussi enchanté qu’à l’idée de se pendre. La danse… c’est facile… qu’elle disait… cette vieille femme…

Il guidait Patience tant par le rythme à adopter que dans les pas, même s’il manqua à plusieurs occasions de lui réduire les orteils en purée. 

— Il faut se regarder… dans les yeux…, se souvint-il, mais ne put s’empêcher de commenter, probablement pour ne pas voir l’autre en train de jongler à côté de ses pieds… 

Il tapota doucement la hanche de Patience.

— Lève la tête Patience.

La jeune femme frémit et redressa brusquement la tête. Elle vrilla ses yeux bleus foncés dans les siens et… n’en décrocha plus. Elle suivait ses pas, mais peinait à se laisser aller vraiment. Quoi que ce soit plus facile en ne regardant pas ses pieds…

— Merci. Lança-t-elle soudain avant de continuer. Pour Sincère tout à l’heure. Je n’arrivais pas à le faire sortir de sa cachette. Je ne sais pas comment tu as fait… Mais merci. 

Difficile pour une solitaire de conseiller son fils sur la conduite à adopter pour se mêler aux autres. Elle en éprouvait toutes les difficultés du monde, surtout que le petit garçon était le seul sang mêlé ici. Et elle était bien mal placée pour comprendre ce qu’il devait ressentir au quotidien. 

— Pas grand-chose, avoua l’autre en priant pour ne pas lui écraser les pieds alors qu’ils accéléraient la cadence pour suivre la musique. J’ai juste essayé de comprendre ce qui le troublait. J’imagine qu’il est plus facile pour lui de s’en ouvrir à un étranger qu’envers sa mère. 

Ou peut-être était-ce dû au sang mêlé qui coulait lui aussi dans ses veines. Le mercenaire ne savait que trop bien ce que les regards des autres provoquaient sur un enfant de cet âge-là. 

— Il est courageux, ça, c’est certain. Un trait de sa mère.

Il chercha son regard, mais il se fit fuyant. 

— Sa mère ne peut pas l’aider sur ce qu’elle ignore elle-même. 

Passer outre sa différence, elle ne savait pas ce que c’était. Quant à se lier aux autres, ce n’était pas naturel chez elle… C’était tout le contraire. Même si elle était reconnaissante envers Nehril pour ce qu’il avait fait pour Sincère, elle ne parvenait pas à se montrer plus amicale envers lui. C’était presque même le contraire… 
Tandis qu’ils dansaient, Patience vit un peu tard qu’un autre couple se trouvait trop près, avançant dans leur direction. Elle retint l’épaule du mercenaire au dernier moment afin d’éviter la collision, non sans se faire un peu mal au passage et grimacer légèrement sous l’effet de la douleur. 

Nehril ne sut pas si sa grimace était due à la douleur de sa main blessée ou concernait sa piètre performance en tant que danseur. Afin de préserver les derniers lambeaux de sa dignité morcelée, il préféra croire qu'il s'agissait là de sa main.

— Tout va bien ? lança le semi-elfe en ralentissant légèrement l’allure et en s’écartant des autres danseurs. Je pense que l’on a assez dansé de toute façon. Assez en tout cas pour satisfaire cette assemblée ingrate qui nous envoie sans vergogne à l’abattoir. 

— Je suis d’accord. Répondit rapidement la jeune femme qui s’arrête aussitôt de suivre les pas de son partenaire. Puis elle récupère ses mains et s’éloigne sans plus attendre. 

Le mercenaire l’observa s’éloigner avant de décrocher un haussement d’épaules en guise de réponse à l’interrogation muette qu’il lisait sur le visage d’Aimé. Il rejoignit ensuite le reste de la fratrie et passa le reste de la soirée en leur compagnie.

Mais l’ambiance de la fête l’avait quelque peu fatigué. Il n’aimait guère toutes ces réjouissances et aspirait à un peu de quiétude.
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeJeu 28 Jan 2021 - 20:07

Commençant à ranger un peu quelques verres et plateaux, Patience et son frère aîné se retrouvèrent seuls dans la cuisine durant quelques instants. Curieux et soucieux à la fois, le géant ne manqua pas de chercher à comprendre ce qu'il se passait.

-Nehril n'est pas si mauvais danseur.
-S'il te plaît...
-Quoi ? J'essaie de comprendre pourquoi tu es autant sur la défensive avec lui.
-Il ne s'agit pas de lui, tu le sais très bien.
-Je sais. Pourtant, tu as confiance en tes frères, non ?
-C'est différent...
-Pas tant que ça si tu réfléchis bien.

Patience ne semblait pas l'écouter, faisant mine de continuer à ranger. Aimé soupira.

-Un homme qui se soucie d'un enfant ne peut pas être totalement mauvais.

Le dos tourné, la rousse s'arrêta quelques secondes. Satisfait de la voir prendre ses mots en considération, le géant la laissa et retourna dehors pour faire un aller et retour de plus.

La fête ne s’estompa que tard dans la nuit, et une fois avoir fait ses adieux à plusieurs personnes dont il avait déjà oublié le nom, le mercenaire aux cheveux clairsemés d’argent fut reconduit dans sa chambre.
Avant de vouloir céder à l’étreinte bienvenue de ses draps, il décida de faire quelques pas dehors, afin de réfléchir et surtout, digérer. Les couloirs de la maisonnée étaient vides, et plusieurs ronflements sonores étaient perceptibles de l’autre côté des portes. Nehril descendit silencieusement l’escalier afin d’atteindre les premières marches qui menaient dehors. Sur le ponton, il s’assit, les mains sur les cuisses et observa la nuit, songeur.

A ce moment-là, une silhouette revenant de la cuisine s'arrêta dans le couloir derrière lui. Patience avait quitté sa robe de soirée et défait son chignon. Elle était en chemise de nuit et portait un châle contre le froid. L'air pénétrant par la porte laissée ouverte avait attiré son attention et ce fut ainsi qu'elle vit la silhouette du demi-elfe. Elle resta là à l'observer quelques instants, hésitante, avant de s'avancer finalement, silencieuse. Elle s'arrêta à quelques pas derrière lui.

-Qu'est-ce que tu cherches ? Devant la mine interdite du mercenaire, elle se fit plus explicite. Tu m'as plusieurs fois posé des questions sur mon passé et, non seulement je ne te les ai pas retourné, mais en plus je ne t'ai pas répondu. Donc tu es allé à la pêche aux informations auprès de mes frères...

Oui, elle les avait entendu parler juste avant d'apparaître sur le pas de la porte. Elle avait voulu couper court à cette conversation... Elle n'appréciait manifestement pas la manœuvre de Nehril.

-Alors je te le redemande : qu'est-ce que tu cherches au juste ?

Nehril leva la tête, nullement surpris par sa venue. À vrai dire, il s’y attendait. Sa question en revanche, le laissa perplexe.

— Je ne cherche qu’à te connaître davantage Patience, lâcha-t-il en sondant la nuit. Parce que j’aime à croire que nous nous ressemblons. J’aime à croire que cette défiance que je ressens en toi ne m’est pas destinée. Qu’elle est le fruit d’une blessure du cœur qui n’a jamais complètement guéri.

Ses yeux argentés brillèrent légèrement lorsqu’il se tourna vers elle.

— J’aime à croire que la femme qui se trouve devant moi n’est uniquement capable que de défiance et rejet, mais bien d’aimer.

Un sourire triste étira ses lèvres.

— Qu’en penses-tu Patience ? Un mercenaire fatigué et amer pourrait-il être une option ?

La belle vaanie se retenait d'interrompre Nehril pour lui demander d'en venir au fait mais il le fit de lui-même... Et elle se figea alors. Elle ne sembla soudain plus suspicieuse ou contrariée mais véritablement stupéfaite si bien qu'elle n'était pas certaine d'avoir bien entendu...

-Quoi ? Souffla-t-elle dans une question qui n'attendait pas vraiment de réponse mais qui témoignait de son trouble. Mais... Je n'ai rien fait pou... À quel moment tu...

Incapable de finir la moindre phrase, Patience cessa les tentatives. Milles interrogations s'emmêlaient dans son esprit alors que ce qu'il se passait là était impossible. Hormis la veille où ils avaient un peu discuté sur la route, elle ne s'était pas montrée particulièrement agréable avec lui. Et, maintenant qu'elle y pensait, les discussions simples et presque plaisantes avaient cessé lorsqu'il s'était intéressé à son histoire... À son fils... À son père... Une part d'elle savait bel et bien ce qu'il se passait alors, inconsciemment, elle l'avait repoussé. Et plus il tentait de s'approcher, plus elle se montrait distante. Et pourtant, il était là... À lui demander son affection... Et elle se trouvait incapable de lui répondre tandis que sa respiration c'était soudain faite plus difficile.

Nehril secoua la tête et sourit à nouveau. Toujours aussi triste que le précédent. Il se redressa et s'approcha de Patience avant de déposer une main sur sa joue, la faisant frémir. Il n'insisterait pas. Il devrait de toute façon retourner à Thaar le lendemain. Cette journée passée dans cette famille si vivante, si joyeuse, ne serait plus qu'un doux rêve pour lui.
La belle le regardait, troublée de le savoir capable de faire preuve d'autant de douceur alors qu'elle l'avait vu combattre. La main qui tient son châle tremble légèrement.

-Ce n'est pas toi le problème... Chuchote-t-elle, répondant enfin à sa question. Je... Je voudrais croire que tu es sincère mais je...

— Le temps ne guérira rien, la coupa-t-il, crois-en mon expérience. Jeter des cendres sur un foyer encore ardent voit toujours le risque qu’il s’embrase au moindre coup de vent.

Il retira sa main et plongea ses yeux argentés dans les siens. Il n’y avait nulle crainte, nulle passion dévorante derrière le voile nébuleux de son regard, mais une sincérité propre à ceux qui avaient tant perdu.

— Nous nous connaissons trop peu, avoua-t-il en faisant quelques pas en arrière, comme pour se mettre à distance de la jeune femme. Et dire que je suis amoureux de toi en cet instant serait un mensonge. Je ne sais même pas si je suis encore capable d’éprouver ce genre de sentiment, ni même de le reconnaître…

En lui disant cela, Nehril tentait également d’analyser ses propres émotions. Elles étaient si confuses qu’il peinait à les comprendre. Il éprouvait un désir de proximité envers Patience, mais cela n’avait rien à voir avec un quelconque désir charnel. Son rythme cardiaque ne s’emballait pas comme dans les livres à l’eau de rose que lui contait Ceralyn. Il était calme. Légèrement hésitant, mais calme.

— Je… je ne sais plus, grommela-t-il en détournant le regard.

Troublée la minute d'avant, la distance que Nehril leur impose avait redonné un peu de maîtrise à Patience qui écoutait le mercenaire, de plus en plus contrariée. Il lui avait demandé si quelque chose pourrait se passer entre. S'il pouvait espérer. Il avait fait preuve de douceur... Et il se rétractait soudain. À quoi jouait-il ?!

-La prochaine fois, réfléchis avant de parler dans ce cas. Lâcha-t-elle sèchement avant de faire volte-face et de revenir sur ses pas.

Dans son état, elle ne pourrait pas dormir. Alors elle se rendit dans le salon et s'assit sur l'un des canapés. Les sourcils fronces, elle fixa les flammes, laissant la nuit suivre son cours... Mais sans elle.
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeSam 30 Jan 2021 - 10:26

Nehril resta un immobile, l’air penaud. En effet, qu’est-ce qui lui avait pris ? Il passa sa main droite sur son front, commençant à éprouver le début d’une migraine. La vérité vint s’imposer à lui comme une lame venant farfouiller dans ses entrailles : il avait eu peur. Peur du lien qu’il aurait pu créer, peur de perdre à nouveau quelque chose qu’il aurait appris à aimer. 

Il s’était plu à croire qu’il était de nouveau capable d’éprouver un sentiment d’affection lorsqu’il observait son lien avec Ceralyn. Mais la vérité était tout autre. Jeune, il avait aussi tenté de s’en débarrasser, et il ne devait sa présence à ses côtés que grâce aux menaces proférées par Grimeldha. 

Que faire ? songea Nehril en balayant l’endroit qui avait vu disparaître Patience. 

Tenter de s’expliquer auprès de la jeune femme ? N’empirait-il pas les choses ce faisant ? Ils semblaient tous deux si prisonniers de leur passé, si empêtré dans leurs émotions… Ils ne parviendraient pas à discuter. Avec un grognement, le mercenaire se dirigea vers les cuisines. Il avait besoin d’eau pour faire disparaître la douleur lancinante qui lui vrillait à présent les tempes. 
Dans le couloir, des pas traînants sur le sol s’approchaient de la cuisine et, après un petit moment, Digne apparut. Il n’était pas saoul, mais l’ivresse lui faisait un peu tourner la tête. La gaieté de la soirée ne lui avait pas permis de compter les verres qu’il avait avalés. Il s’arrêta sur le pas de la porte en découvrant Nehril. 

— Oooh… Bah on dirait que je ne suis pas le seul à vouloir éviter le mal de crâne demain ! 

Le semi-elfe se laissa aller contre la porte et le salua d’un geste las. Digne s’avança d’un placard tout proche et l’ouvrit. Il en sortit un verre puis un deuxième, le désignant au mercenaire pour le lui proposer. 

— Ma tournée ? 

— Pourquoi pas ? lança le semi-elfe d’une voix rauque.

Il observa Digne déboucher une bouteille avant de le servir.

— Attends…, l’arrêta-t-il en observant le liquide brunâtre qui tintait contre le verre, pourquoi tu le remplis d’alcool ? Je croyais qu’on était ici pour décuver… 

Digne ne répond rien et invite Nehril à trinquer puis il porte son verre à ses lèvres et, comme pour montrer l’exemple à son compagnon, il avale cul sec ce doigt de liquide qui s’avère ne rien a voir avec de l’alcool. Il grimace et rit devant la tête du mercenaire qui n’a pas non plus l’air d’apprécier sa petite farce. 

— Recette zurthane contre la gueule de bois. Je sais pas ce qu’il y a dedans mais c’est efficace. 

Nehril haussa les épaules en se disant qu’au point où il en était, il pouvait bien boire n'importe quoi.  Il l’avala donc d’un trait.

— Pas mauvais, commenta-t-il en reposant son verre. Le goût tardant à venir, il finit sa phrase en grimaçant. Non, laisse-moi rectifier : c’est parfaitement immonde.

Digne reprend alors deux nouveaux verres et les remplit cette fois à l’aide du pichet d’eau. 

— Hmm, fit le mercenaire en lui portant cette fois-ci un regard plus sceptique. Dis-moi Digne. Je sais que l’on ne se connaît que depuis peu, mais j’aimerais te poser une question… personnelle. 

Il prit une gorgée d’eau avant de poursuivre.

— Ta femme. Comment as-tu su qu’elle était… argr… quel est le mot, celle avec qui tu déciderais de passer ta vie.

— Pourquoi j’ai l’impression que c’est pas d’Aislinn qu’on parle ? Demanda Digne en posant son verre avant de rire doucement. Eh bien… Dès que je l’ai vu… Je ne voyais plus qu’elle. Je voulais être avec elle, la voir, lui parler, la toucher…

Le mercenaire resta silencieux. C’était différent de ce qu’il ressentait pour Patience. Quelque chose de plus doux, plus amer. Un attachement, mais sans être réellement un lien. De l’affection, mais teinté d’une certaine hésitation.

— Je vois, répondit simplement Nehril en faisant tourner l’eau dans son verre.

— Ca a été différent pour elle… Il lui a fallu quelques mois… juste pour me voir.

Le mercenaire tourna son regard vers Digne.

— Pour quelles raisons ? s’enquit-il en vidant son verre.

— Euh… Elle avait quinze ans. Elle était peut-être un peu jeune… Je ne sais pas. Une chose est sûre, ça n’a rien à voir avec la situation de Patience si c’est ce que tu cherches à comprendre.

Nehril plissa les yeux.

— Qui a dit que je parlais de Patience ?

Digne regarda Nehril, réfléchissant pour définir s’il faisait de l’ironie, s’il essayait d’éviter le sujet ou…

— Ah… Fit-il avec un éclair de lucidité. Allez, raconte. Dit-il en s’asseyant sur un banc accolé à la table au centre de la pièce.

— Tu te trompes, je n’ai rien à di…, commença-t-il avant de s’interrompre. Il leva les mains en poussant un soupir. Argr, très bien. 

Nehril se pencha en avant et posa ses deux mains sur la table.

— C’est juste que je n’arrive pas à comprendre. Patience et moi nous sommes fait dans le même bois. Je ne parviens juste pas à lui expliquer ce que je ressens. Mes mots se rétractent d’eux-mêmes lorsque j’essaie. Et certaines… habitudes reprennent le pas.

Il gratta distraitement une tache de son ongle.

— Tu sais comment est la vie d’un mercenaire. Ne pas s’attacher. Rester vigilant. Toujours.

 Y’a pas que les mercenaires… Sauveur a connu ça quand il a rencontré Sanaa et qu’il était encore gladiateur. Il ne voulait pas s’attacher parce que n’importe quel combat aurait pu le tuer et il ne voulait pas faire souffrir plus de monde que nécessaire. Mais s’il s’était pas laissé aller, il n’y aurait pas Lili et Gess' aujourd’hui. Digne soupira et passa une main dans sa nuque pour se gratter derrière la tête, essayant de rassembler des idées embrumées. Ce que je veux dire… C’est qu’il aurait pu passer à côté de la meilleure chose qui lui soit arrivée dans sa vie s’il n’avait pas mis deux minutes de côté le fait qu’il pourrait peut-être tout perdre en une fraction de seconde… Quand il a failli mourir au tournoi, il a avoué à Sanaa qu’il l’aimait parce qu’il a compris qu’il préférait vivre vraiment sa vie plutôt que de marcher simplement à côté. C’est pas… exactement la même situation que la tienne mais je pense que la conclusion peut s’adapter aussi, qu’est-ce que t’en penses ?

— J’en pense que si tu me menaçais à mort avec cette cuillère je serais peut-être à même de faire comme ton frère.

Nehril poussa un soupir à fendre l’âme. Digne savait identifier le sarcasme, il en avait l’habitude avec Sauveur… Aussi ne réagit-il pas.

— Diantre Digne, la situation entre Sauveur et moi ne peut être comparable. Il savait qu’elle était l’amour de sa vie, ou du moins le soupçonnait-il. Moi je ne sais pas. Et c’est bien ce qui me frustre. Dois-je amorcer une relation sous un simple pressentiment ? Comment savoir si ce que je ressens n’est pas un simple attachement, un désir purement physique et éphémère ? 

La voix du mercenaire se fit plus ferme à mesure qu’il clarifiait ses idées.

— Je n’ai pas envie de blesser ta sœur par mon indécision. Mais je n’ai pas envie de le faire non plus en me fourvoyant sur ce que je ressens. Ta sœur a souffert, et je ne pourrais pas lui briser le cœur si d’aventure je me rendais compte que ce sentiment est autre chose que de… quoi… de l’amour ? 

Le semi-elfe cracha : 

— Bigre j’ai l’impression d’être une jouvencelle se pavoisant dans l’attente de son aimé. Je déteste ça.

Digne garda le silence quelques instants, digérant ce flot de paroles plus difficilement que l’alcool qu’il avait avalé. Ce ne serait peut-être pas sa cuite qui lui donnerait la migraine le lendemain finalement… Pourquoi fallait-il que tous les membres de sa famille soient des compliqués niveau cœur ?! Il n’y avait que lui qui avait trouvé une femme, s’était déclaré et était resté avec tout ce temps.

— Même si je doute que ce soit purement physique parce que sinon tu serais pas là à discuter avec moi… Comment tu veux savoir ce que peut donner votre relation si tu ne lui laisses pas une chance d’arriver ? Si tu n’avais pas bu ce que je t’ai servi, tu aurais continué à croire que c’était de l’alcool. C’est pareil. Tu crois que ça peut donner quelque chose de bien ou que vous allez vous faire du mal, mais tu n’en sais rien ! Mais si vous restez tous les deux murés dans vos peurs, vous finirez avec le regret de n’avoir rien tenté. Patience est tout à fait capable de supporter un échec. Ce qu’elle ne supporterait pas en revanche, c’est de se sentir trahie une deuxième fois. Si tu te soucies autant d’elle, alors je doute que ce soit dans tes intentions.

Nehril resta interdit, mais semblait mesurer la portée des paroles de Digne. Le jeune homme semblait avoir les idées assez claires malgré ses yeux rouges et brillants à cause de l’ébriété et la fatigue. Mais il s’en sortait encore pas si mal… Peut-être l’effet de cette étrange mixture qu’ils avaient avalé ou bien le sujet qui le tenait à cœur. Qui savait ?

— Mais si tu te lances là-dedans, je te conseille d’être décidé… Parce que sa confiance ne va pas être facile à obtenir. Elle va douter de toi jusqu’à ce qu’elle n’ait plus les moyens de le faire parce que tu lui auras prouvé que tu es sincère. Mais ce n’est pas parce qu’elle te donne l’impression de se méfier de toi, voire de te repousser, qu’elle n’a pas envie de se laisser aller… Si tu ne l’intéressais pas, tu serais déjà reparti la queue entre les jambes, comme tous ceux qui ont tenté avant toi.

Digne essaya de s’empêcher de sourire mais c’était plus fort que lui. Il revoyait quelques-uns des prétendants de sa sœur qui s’étaient presque enfuis, blancs comme des linges, après que Patience leur ait adressé quelques mots en réponse à leurs tentatives. Il n’avait jamais su ce qu’elle leur avait dit mais cela le rendait particulièrement curieux.

Le mercenaire resta un moment silencieux. Il fixa longuement Digne, comme pour le juger avant d’avaler le contenu de son verre. Il le posa devant son compagnon d’un geste lent et mesuré.

— Soit, fit-il simplement avant de se détourner.

Digne put lire dans ses yeux une détermination qui n’était pas présente quelques instants plus tôt alors qu’il disparaissait dans l’ombre du couloir. L’Hadjaoui regarda Nehril s’enfiler son verre d’eau comme s’il contenait de l’alcool, cherchant manifestement à se donner du courage avant de s’éloigner sans plus rien ajouter. Puis il se retrouva soudainement seul et passa ses mains sur le bois de table dans un soupir. Ça, c’était fait… Et maintenant ? Ah ! Oui ! Aller se coucher !

Il se leva, sa tête lui tournant un peu. Il monta les escaliers et retrouva le mercenaire à l’étage devant la porte de sa sœur. Il étira un sourire puis il retourna dans sa chambre et se glissa sous les draps où il s’endormit comme un bienheureux, sa compagne tendrement blottie dans ses bras.
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeSam 30 Jan 2021 - 10:43

Nehril avait toqué à la porte de la chambre de Patience, mais cette dernière n’avait pas répondu. Il ne savait pas si elle s’y était enfermée, mais ne préféra pas frapper de crainte de réveiller Sincère si ce dernier dormait avec sa mère. Néanmoins, son intuition lui dicta de poursuivre ses recherches. Il fouilla diverses pièces avant de finir par trouver la jeune femme sur un des canapés du salon.
La scène qui se jouait au rez-de-chaussée était très différente de celle dans la chambre de Digne. Patience était assise sur le canapé le plus proche du feu. Ses yeux s’étaient relevés, quittant les flammes dansantes pour s’attarder sur quelques portraits de famille disposés sur la poutre de la cheminée. Son père se trouvait sur un certain nombre d’entre eux. L’un le représentait avec sa toute première épouse, sa mère… Ils étaient si jeunes à l’époque. Puis les tableaux s’étaient étoffés avec les années, jusqu’à celui réalisé après la naissance de Digne. Le premier couple avait eu un enfant roux. Puis une nouvelle femme -de couleur- était arrivée. Ils avaient eu un enfant métis. Puis deux autres bébés blancs étaient nés. Puis une troisième épouse et son premier enfant. Puis une métisse de plus. Et un dernier rouquin…Portraits de couple, de famille individuelle ou globale, de fratrie… Il y avait un peu de tout. Certains étaient là, d’autres dans les chambres de chacun. Clémence en avait emporté de manière à avoir tous les Hadjaoui avec elle dans sa nouvelle maison. Sauveur avait donné à Modeste un portrait de leurs parents et en avait pris quelques-uns pour chez lui.

Voilà vers où avait fini par dériver ses pensées. Elle se remémorait cette époque d’insouciance où elle n’avait pas encore été esclave, où elle n’était pas allée au Puy, où on ne lui avait jamais fait de mal volontairement, où elle n’avait pas eu le cœur brisé, où elle aspirait à ressembler à sa mère un jour et mener une existence aussi heureuse que la sienne avait pu l’être…

À nouveau hésitant, Nehril ferma son poing et secoua la tête pour chasser ce qui le maintenait sur place.

Allez, que diantre, pense à ce que t’as dit Digne…

— Patience ? l’appela-t-il en restant à une distance respectable si d’aventure elle cachait une épée longue derrière elle.

La jeune femme tourna la tête presque brusquement. Elle ne s’attendait pas à ce que quelqu’un soit encore debout à cette heure. Elle ne voyait pas son visiteur mais elle reconnaissait sa voix. Elle ne répondit pas tout de suite, se demandant ce qu’il pouvait bien lui vouloir. Elle sentait sa contrariété de tantôt et sa méfiance revenir de plus belle alors qu’elle était parvenue à se calmer au fil des minutes. Elle n’était pas préparée à le voir débarquer, et encore moins maintenant…

-Si c’est pour recommencer notre conversation de tout à l’heure, je te conseille de t’abstenir. Fit-elle en reportant son regard sur le feu, faisant celle qui préférait l’ignorer.
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeJeu 11 Fév 2021 - 17:48

— Ce n’est pas cela…, commença-t-il avant de se rendre compte que son approche n’était pas la bonne. Il poussa un soupir. Peux-tu me laisser une chance de m’expliquer plus clairement ? 

Il s’approcha avant de s’asseoir à même le sol face à elle, s’imposant par la même occasion dans le champ de vision de Patience qui n’avait pas relevé le regard en l’entendant approcher. Ses yeux argentés la fixaient sans faillir. Il semblait ne pas vouloir lui laisser le choix… Et elle avait passé l’âge de simplement s’enfuir comme une enfant. Alors, dans un soupir, elle serra les dents et attendit qu’il parle pour écouter ce qu’il avait à dire.

— Patience, fit-il en lui prenant la main.

Il resta ainsi un moment, cherchant ses mots tandis que la belle regardait les doigts qui tenaient les siens. Il secoua la tête avant de s’autoriser un pâle sourire.

— Je ne suis guère doué pour tout ce qui touche de près ou de loin à des discours ou des déclarations, lui dit-il en serrant brièvement ses doigts, on peut même dire que j’ai tendance à les éviter comme de la peste.

Il plissa les yeux, détaillant le visage de la jeune femme qui avait relevé le regard vers lui. 

— Et il faut avouer que j’ai tendance à être mal compris, probablement parce que je m’exprime mal lorsqu’il s’agit de parler de ce que je ressens. Pardonne-moi si à nouveau mes paroles te semblent maladroites. 

Il inspira avant de reprendre : 

— Cela fait un moment que mon cœur ne bat plus, Patience. Pour plusieurs raisons, mais principalement à cause de mon passé. Cela m’a amené à éprouver de la haine envers tout ce que je croisais, tout ce que je ne comprenais pas. Et surtout envers moi-même. Envers ce que je suis.

Son ton se fit plus clair, comme si le fait de se confier ainsi le libérait d’un poids.

— Tu sais ce que cela fait, être aveuglé par tout, persuadé que chaque main tendue cache une dague dans l’ombre. Je… suis parvenu à dépasser ce stade. Le mercenaire grogna, comme s’il s’adressait à un personnage invisible. À grand renfort d’alcool et d’aide extérieur, même si cette dernière laissait à désirer, mais là n’est pas la question. Il reprit après un silence. C’est après cela que je me suis rendu compte que mon cœur était resté figé, et il est… resté insensible, jusqu’à présent.

Nehril fit un geste dans sa direction. Patience comprit parfaitement le message et releva légèrement le menton, sentant sa respiration redevenir assez difficile. Elle mit cependant tout en œuvre pour le cacher. 

— Tu es plutôt froide au premier abord, et guère facilement abordable non plus. Mais quelque chose en moi m’a donné envie d’être près de toi. Il serait simple d’appeler cela de l’amour, mais comme tu l’as remarqué je me prends des maux de crâne lorsqu’il s’agit d’identifier ce que je ressens. Quelque chose dans tes rares sourires, ton malaise évident lors de ce bal. Tout ce que je sais c’est que j’ai enfin ressenti quelque chose au cours de ces jours. Quelque chose de fort. J’ai décidé à présent d’arrêter de me voiler la face. De cesser de vouloir tout détruire par crainte de tout perdre, et de jouir de ce que je peux construire.

Le semi-elfe lâcha sa main. Jugeant qu’il avait été trop sérieux, il ne put s’empêcher de commenter d’un ton sarcastique.

— Enfin je ne te parle pas de ravaler la façade de la maison. Sinon je n’aurais jamais déblatéré tout ce discours et mes genoux n’auraient jamais autant souffert.

Patience ne se montra guère réceptive à son humour. Elle regardait sa main à présent délaissée posée sur sa cuisse, réfléchissant à tout ce qu’il venait de lui dire. Une part d’elle comprenait son comportement et une autre la gardait émotionnellement loin de tout cela, comme pour la préserver. Certaines de ses paroles faisaient écho à ce qu’elle-même vivait, même si les situations n’étaient pas tout à fait comparables. La vie qu’elle avait menée — ou plutôt subie — l’avait contrainte à réserver sa confiance et à conserver les autres loin d’elle afin de la protéger. Elle voulait faire la même chose avec lui, mais… n’y parvenait qu’à petites doses. Si petites que cela n’avait pas empêché qu’il s’intéresse un tant soit peu à elle.

Et maintenant ? Que devait-elle faire ? Que voulait-elle faire ? Les deux questions s’opposaient dans sa tête dans une lutte intérieure qui ne se traduisait que par la rigidité de ses traits et cette respiration un peu plus forte qu’elle ne le devrait. Construire quelque chose avec un autre… Elle l’avait déjà souhaité, même si la situation dans laquelle elle se trouvait à l’époque rendait la chose impossible. Alors elle s’était contentée de ce qu’elle avait et avait malgré tout été déçue du résultat final. Avec Nehril, tout était différent et rien ne l’empêchait… Mais avait-elle le cœur assez solide pour s’y essayer malgré tout ?

— Je n’ai pas choisi le nom de Sincère sans raison. Je croyais que les sentiments qui l’ont conçu l’étaient… sincères. 

Cela faisait écho à ce qu’il lui avait dit juste avant qu’il ne l’interrompe pour se raviser… Mais le remarquerait-il ? Elle marqua une pause avant de continuer.

— Son père était mon… second maître. Il a passé des mois à faire preuve de patience, à essayer de réparer les dégâts causés par son prédécesseur pour obtenir ma confiance puis mon affection. Il m’aimait peut-être vraiment… Je ne le saurais sans doute jamais finalement. Nous avons été séparés avant qu’il n’apprenne que j’étais enceinte. J’ignore même s’il sait qu’il a un fils.


Cela ne la rendait pas triste. Elle était plutôt en colère en évoquant son passé. Nehril avait raison, elle n’avait rien contre lui en particulier. C’était à cet autre qu’elle en voulait. Mais il avait détruit le peu de confiance qu’elle avait su placer dans le sexe opposé.

— Les drows sont passés tout près… Pour se rendre à Naelis. Et aujourd’hui encore, ils ne sont pas si loin. Mais il n’est pas venu. Peut-être qu’il a décidé de faire une croix sur moi. Peut-être que je suis un point faible que ses ennemis pourraient exploiter. Ou peut-être sait-il pour Sincère et qu’il ne veut plus rien à voir avec moi. Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’il n’a pas eu le courage de venir me le dire en face ou ne serait-ce que de me l’écrire. Il a choisi de nous abandonner sans un mot.

Elle fixait le mercenaire d’un air sévère et froid. Sa rancœur envers le père de son enfant était grande. Elle était blessée, trahie… par quelqu’un qu’elle n’avait pas cessé d’aimer jusqu’aux derniers évènements. De nature déjà méfiante, son parcours l’avait endurcie chaque fois un peu plus… Se construisant un mur de glace entre elle et les autres.

— En dehors de ma famille, c’était le seul homme en qui j’avais fini par avoir confiance.
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeJeu 11 Fév 2021 - 18:05


Nehril écouta silencieusement. À la fin de son discours, il se leva et s’assit sur le fauteuil aux côtés de Patience : ses genoux lui faisaient souffrir le martyre. La rousse ne le regarda pas vraiment, la tête à peine tournée vers lui.

— Eh bien je crois qu’il y a dans nos histoires de quoi écrire quelques volumes d’une bonne tragédie dont les dames de la haute se pâmeront.

Il joignit ses mains avant de reprendre sur un ton plus sérieux.

— Je comprends ce que tu ressens. Je ne comprends que trop bien, même. Pour ce que j’ai vu… Sincère est en bonne voie de devenir quelqu’un de bien.
-Je regrette de lui avoir appris la langue de son père... Répondit-elle ne fronçant légèrement les sourcils. Sans ça, il pourrait très bien être un demi-elfe. Ce qui vaudrait mieux par les temps qui courent...

De manière générale, le sombre peuple n'était pas forcément bien perçu. Mais avec les évènements de ces dernières années, éviter tout lien avec cette culture lui semblait plus approprié. D'autant que les drows n'aimaient guère les sangs mêlés qui étaient presque une engeance pour eux...

-Il a de bons modèles masculins ici. Mais ses oncles ne peuvent pas tout lui apporter. Et moi non plus... Il se pose des questions pour lesquelles je n'ai pas de réponses. Il est confronté à des situations que je n'ai jamais connu et que je ne connaîtrais jamais.

Elle tourna enfin son regard vers Nehril pour plonger ses yeux dans les siens.

-J'ai tenté plus d'une fois de le faire sortir de sa cachette ce soir sans y parvenir. Tu lui as parlé seulement deux minutes et il s'est mêlé aux autres enfants comme si de rien n'était. Ça me frustre... et en même temps... Je suis... presque soulagée que quelqu'un ait pu enfin lui apporter la réponse qu'il attendait.

Patience sembla réaliser ce qu'impliquait ses paroles et elle détourna soudainement la tête. En dehors de ses propres aspirations et sentiments, le mercenaire était aussi un bon choix pour son fils... C'était effrayant de concevoir un futur pareil avec un homme qu'elle connaissait à peine, avant même de savoir si elle pourrait vraiment se laisser aller avec lui, si elle parviendrait à lui faire confiance. Ce n'était pas ainsi qu'elle voulait penser. Et ce n'était pas ainsi qu'elle voulait qu'il croit qu'elle réfléchissait à la question qu'il lui avait posée au début de la nuit.

— Je n’ai vraiment rien fait de spécial, lui assura Nehril en se penchant en avant. Je lui ai juste fait comprendre que les différences sont des forces et non des défauts. Et que ceux qui jugent avec sévérité sont rarement conscients de la violence de leurs propres mots.

Le mercenaire passa une main dans sa barbe broussailleuse.

— Sincère est entouré et il est aimé. Par ses oncles, par sa mère, c’est tout ce qui importe. Il n’y a pas de chemin défini pour éduquer son enfant, seulement des intuitions. Du moment que son cercle familial restera fort, il le sera aussi. Le reste viendra de lui-même. De ses expériences, ses échecs, ses amours, ses trahisons.

Patience observa Nehril un petit moment. La conversation avait plus que dévié mais si elle n'était pas une mauvaise mère, être le seul parent d'un enfant rendait la tâche parfois pénible. Aimé ne pouvait pas jouer d'autorité et prendre la place d'un père car il ne l'était pas. Et les autres se contentaient de jouer leur rôle auprès de lui. Elle ne se plaignait jamais mais cela ne l'empêchait pas de ressentir de la lassitude parfois. Surtout quand un inconnu réussissait là où elle échouait.

-Je ne te savais pas philosophe. Le railla-t-elle sans pour autant faire montre d'un réel amusement.

La rousse était cependant moins tendue depuis qu'ils parlaient de son fils. Elle était toujours froide et distante mais elle semblait moins sous le coup de l'émotion.

— Hmm, commenta-t-il en guise de réponse, le philosophe n’est rien de plus qu’un homme qui a trop bu. Et avec tout ce que tes frères m’ont servi durant toute la soirée, je ne serais pas étonné que je sois un peu ivre.

Il soupira tandis que sa première réplique avait provoqué un rire non contrôlé chez la rousse. La pensée était assez amusante et, surtout, inattendue.

— Je trouve cela reposant. Vous êtes loin de tous les tracas des grandes villes. Vous faites la fête entre vous, amis et famille pour coopérer tous dans un but commun. Je pense que ce genre de vie ne me déplairait pas trop.

Il disait ceci sans trop y croire. Patience avait repris son sérieux et l'observait, un peu hésitante.

-Tu sais... Nous avons récupéré nos terres depuis peu. Autrement dit... Il y a beaucoup à faire.

Elle ne lui faisait pas la proposition pour elle... Déjà à Geresh, Nehril lui semblait bien las. Depuis son arrivée, il avait certes du mal à se mêler aux communs des mortels mais cela ne semblait pas le rebuter, bien au contraire. Il essayait, malgré son caractère solitaire. Alors, s'il cherchait une opportunité pour poser les armes, autant qu'il sache qu'il en avait une ici.
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Nehril
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MessageSujet: Re: L'or véritable    L'or véritable  - Page 2 I_icon_minitimeJeu 11 Fév 2021 - 18:10

— J’ai vu ça. Je pourrais réparer quelques clôtures. J’ai déjà travaillé dans une ferme il y a quelques années. Cela s’est assez mal terminé, mais… j’ai appris certaines choses. Par exemple qu’il vaut mieux me tenir éloigné des bêtes. Elles éprouvent une certaine méfiance à mon égard, n’hésitant pas à me poursuivre en piaillant.

Le mercenaire secoua la tête, comme pour chasser un épisode traumatique de son esprit.

— Oui les clôtures c’est bien, conclut-il.

— Si le bétail t’aime autant que ton cheval, il vaut mieux ne pas trop t’en approcher en effet. Fit-elle avec un sourire en coin, se rappelant le comportement de l’animal à son égard.

Mais il y avait tellement d’autres choses à faire dans les cultures. Les semailles, le fauchage, les réparations en tout genre… Des choses pour lesquelles le mercenaire saurait se rendre utile, à n’en point douter. 

— L’ancien propriétaire avait réduit le nombre d’employés. Et même avec ceux que nous avons embauchés, il y a encore des maisons disponibles dans les hameaux qui parsèment nos terres. Avec des rénovations à faire, évidemment…

— J’imagine que les heureux élus seront comblés, lança-t-il peu désireux d’être celui qui s’imposerait auprès de cette famille.

Devenir un intrus n’était pas ce qu’il souhaitait. Il aurait l’impression de n’être qu’un parasite, profitant de la sympathie des Hadjaoui. Patience fronça légèrement les sourcils sans comprendre sa réaction. Et la suite la rendit plus dubitative encore.

— Enfin, fit-il en basculant sa tête en arrière. Demain je retournerais à Thaar en ayant une belle histoire à conter. 

Comme un beau rêve qui s’estompe au réveil.

La rousse garda le silence. Elle avait du mal à le cerner. Un coup il semblait vouloir se poser et la seconde d’après il retournait à sa vie de mercenaire. Ne parvenait-il donc jamais à prendre une décision ou avait-il peur du changement ? Elle soupira et se leva. Elle s’arrêta devant Nehril.

— Alors rentre bien chez toi. Lâcha-t-elle avec détachement avant de se diriger vers la sortie.

Il voulait s’attacher à elle puis il ne voulait pas. Il voulait rester puis il voulait partir. Elle n’avait pas la force de chercher à comprendre ou à interpréter ses paroles. S’il voulait que la demande vienne d’elle, il pouvait toujours attendre. Elle n’avait besoin de rien ni de personne. C’était lui qui lui avait témoigné de l’intérêt, quant à elle… C’était… trop compliqué.

Nehril regarda la jeune femme se lever vers la porte et leva les yeux au ciel.

— Patience, l’appela-t-il en grinçant les dents, stoppant la jeune femme-une peut surprise-dans son élan. J’ai dit que je devais retourner à Thaar, pas que j’en ai l’envie. Il ne sert à rien de tourner autour du pot avec toi à ce que je vois…

Il se leva également et se frotta nerveusement la joue.

— Je ne poserais qu’une fois cette question, fit-il en articulant soigneusement ses mots. Ai-je ma place ici ? Ai-je une place auprès de toi ?

Autant la première question n’avait pas provoqué de réactions particulières chez l’Hadjaoui, autant la seconde lui fit raidir le cou et froncer les sourcils. Voilà qu’il recommençait… Mais qu’en savait-elle ?! 

— Ici, tu es le bienvenu. Tu l’as bien vu. 

Nehril sembla se détendre. Tout le monde l’avait très bien reçu et s’était montré amical avec lui. On ne l’avait pas interrogé sur son passé ni posé de questions dérangeantes. Ses frères lui avaient même donné un coup de pouce avec elle et son aide avait été très appréciée. Alors oui, s’il voulait s’installer, on lui ferait bon accueil. 

— En ce qui me concerne… 

Elle serra la main qui tenait son châle un peu plus fort pour interrompre les tremblements qu’elle sentait poindre. Elle n’avait laissé aucun homme l’approcher depuis le père de Sincère et ce n’était pas sans raison. Cependant, elle avait aussi conscience qu’elle ne se comportait pas avec lui comme avec les autres… Elle ne l’avait pas remis à sa place en le menaçant de le castrer s’il venait trop près. Il avait même pu poser sa main sur sa joue sans qu’elle ne recule. Mais l’admettre c’était aller à l’encontre de ses mécanismes de défense… Et sa main aux jointures blanchies était la preuve de son conflit intérieur tandis que le silence s’allongeait plus qu’elle ne l’aurait voulu. 

— Je n’en sais rien… Finit-elle par souffler. Je suis incapable de te dire oui… Mais je ne peux pas non plus te dire non. Et ce quelle que soit la place que tu me demandes de te donner. 

Malgré l’hésitation de Patience, cela était suffisant pour Nehril. Il ne demandait qu’une vague promesse. La confirmation de savoir que s’il le désirait, il pouvait refaire sa vie ici. Planter des poireaux, réparer des barricades, et laisser derrière lui tout ce sang. Dans son for intérieur, il savait que c’était ce qu’il voulait. Ce qu’il avait toujours voulu : une femme, une maison, un but. Échanger des passes d’armes avec Sauveur et les frères Hadjaoui, expliquer à Sincère ce qu’il peinait à comprendre, apporter de la joie à Patience qui semblait perdue dans ses désirs.

Un sourire étira les lèvres du mercenaire. Il s’approcha de Patience.

— Tout cela paraît brutal, je comprends. Crois-le, moi aussi j’ai du mal à réaliser. Mais rien ne sert de presser les choses. 

Il hocha la tête.

— Je reviendrais dans quelques jours. Cela ne prendra guère longtemps, juste une prime que je dois récupérer. Quand je reviendrai, nous pourrons aborder à nouveau ce sujet.

Ce départ permettrait également de laisser à la jeune femme le temps de réfléchir à ce qu’elle voulait. Nehril ne voulait pas s’imposer, ou profiter d’un instant de faiblesse de Patience pour s’insérer dans sa vie. Il avait besoin qu’elle accepte sa présence. Pleinement, et de son plein gré. 

— Bonne nuit, Patience, fit-il en faisant quelques pas pour rejoindre sa chambre.

Elle resta là à le regarder s’éloigner puis quitter la pièce. Lorsqu’il fut sorti, elle ouvrit enfin la bouche, réagissant à la promesse qu’il venait de lui faire.

— Nous verrons bien…

Peut-être avait-il entendu. Peut-être pas… Peu importait. Elle ne le croirait pas sur parole. Et même s’il revenait, que ferait-elle ? Aucune idée.
Le lendemain, debout devant une fenêtre, elle regardera le mercenaire s’en aller. Le jour à peine levé, la maison dormirait encore. À l’exception de quelques bruits de pas qui s’approcheraient d’elle alors que la silhouette de Nehril disparaîtrait sur la route. Les épais bras de son frère l’encercleraient jusqu’à ce qu’elle lâche un soupir… Et s’en aille reprendre ses tâches, comme pour oublier les deux jours précédents.

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