Une nuit mémorable… d'une bien étrange manière | Yssabel

Entre surprise et consternation, je regarde la sombre dans l'encadrement de la porte. Je ne m'attendais certainement pas à la trouver là. Je comptais peut-être passer par l'auberge pour voir si elle était encore là avant de me rendre à mon rendez-vous avec le type qui m'a accosté la veille et qui, comme convenu, est venu trouver André pour me réserver pour la nuit. Néanmoins, cette apparition ne surprend pas que moi et une certaine animation agite la chambre que je partage avec quatre de mes infortunées camarades. Je tourne alors mon regard d'or sur elles.

-Vous voulez bien nous laisser, les filles ?

Elles ne rechignent pas. Elles se dirigent vers la porte et contournent la sombre autant que la petite porte le leur permet pour filer dans le dortoir d'en face. Seule avec la doeben, je l'écoute et je réalise qu'elle s'est sincèrement inquiétée pour moi. Sinon, pourquoi prendre la peine de me chercher ? De venir jusque dans ce trou à rat ? Elle voulait vérifier que j'allais bien et me rassurer. Alors elle ne plaisantait pas quand elle me demandait de l'appeler "mon amie". Alors je la regarde avec un sourire entre tendresse et amusement alors qu'elle me fait ses adieux. J'ai compris que nos petites piques ne sont qu'un jeu qui masquent un attachement un peu plus sincère que ça. Alors, finalement, je me fais espiègle à mon tour et réponds à sa réplique avec un brin de provocation.

-Je savais bien que tu étais une sentimentale, dans le fond.

Je me lève de ma paillasse sur laquelle j'étais assise en tailleur devant un miroir cassé. Je suis habillée d'une robe toujours aussi accrocheuse d'un ton bordeaux qui commence à se délaver. Elle cache tout juste l'essentiel, ce que je trouve vulgaire, mais je n'ai pas la possibilité de la refaire moi-même, je n'ai pas ce genre de compétences, donc je m'en contente. Je m'approche pour m'arrête à deux pas d'elle avant de croiser les bras dans une attitude nonchalante, restant sur le ton de la provocation.

-Les Humains disent que le monde est petit. Et j'ai plus de longévité qu'eux. Alors nos routes se recroiseront peut-être. Mais tâche de me réveiller pour moins violemment la prochaine fois.

Petit clin d’œil gratuit à ce couteau sous la gorge et cette main sur ma bouche alors que j'ouvrais les yeux après une nuit pas si désagréable pour une fois. Qui aurait cru qu'une telle rencontre et des échanges aussi houleux auraient donné lieu à une amitié comme la nôtre ? Certainement pas moi. Il faut dire que je donne difficilement ma confiance... Mais la sombre a gagné la mienne. Il serait dommage que les choses s'arrêtent là.