[Naélis|Zagazorn] Une année est passée

1er jour de la 4ème ennéade de Vérimios.
Premier mois de l’Hiver | An XIX : XI
Capitale du royaume de Naèlis.

Une année était passée. Une année, jour pour jour, car voilà un an exactement que les Nains du Zagazorn étaient arrivés à Naélis, accostant fièrement depuis leurs navires flamboyants, drapeaux aux vents, bannières déployées montrant les armoiries du Zagazorn à qui voulait bien ouvrir les yeux pour contempler la magnificence du peuple du Nord de ce monde. Ce jour-ci, il y a un an, les barbes étaient bien peignées, les cheveux tressés à l’aide de bijoux réhaussés de pierres précieuses ; les artisans et bâtisseurs humaient déjà la bonne odeur d’une terre pourtant bien moins rocailleuse que la leur. Ici, le Grand-Roi Harald à la Barbe-Sanglante s’était engagé auprès du souverain régent Nakor, Ongrumthrong du clan royal, et de l’ancien clan régnant. Ici, Naélis devait être reconstruite à l’aide des savoirs artisanaux, architecturaux et d’ingénierie des Nains. Ici, le bouclier contre les Drows devait être reconstruit, reforgé, pour être finalement rendu imperturbable, inaltérable, imbattable.

Ragnär Œil-Griffe était toujours là. Le chef de cohorte et ambassadeur du Zagazorn auprès du royaume de Naélis n’avait point démérité : jour après jour il avait organisé les études et les travaux. Conformément aux décisions prises lors de l’arrivée des Nains, la cité, et près de la moitié du royaume de Néalis, furent analysés selon trois plans : la cité fut découpée en quadrilatères de 10 toises par 10 toises, là où le reste du royaume, lui, fut découpé en zones de 100 toises par 100 toises, puis de 1000 toises par 1000 toises.

Nains et Humains œuvrèrent ainsi durant une année. Le premier mois tout entier fut dédié à l’étude, et uniquement à l’étude. La terre fut prélevée, la roche analysée, les couches géologiques étudiées, et la disposition topographique, géologique, et la géomorphologie des territoires, furent étudiés avec le plus grand professionnalisme. Quelques Nains ne voudraient point l’admettre, mais les érudits Naélisiens furent d’une très grande aide… Aussi grande que les mages du Firmament qui, ayant survécus aux attaques Drows, usèrent de leur magie pour faire avancer les recherches.

Les Nains se souviendront encore longtemps d’un certain thaumaturge de la terre, lequel fut capable d’extraire de grandes carottes rocailleuses et telluriques, en bon état, de sorte que les strates puissent être analysées et que les plans de constructions puissent être pensés pour durer des siècles, sinon des cycles, en prévision de l’état et de la stabilité des sols.

Puis entèrent en scène les artisans. Pont levis, chemins de rondes, fortifications, murs, créneaux, routes, infrastructures portuaires, comptoirs… Tout devait être reconstruit, et les axes priorisés. Conformément aux accords, l’on commença par le comptoir Nain et les quartiers et murs de la cité capitale.

Aujourd’hui, pour fêter la première année de travail, Nakor avait convoqué les Nains à une réception au cœur du palais. Ragnär, digne représentant, s’y rendit donc dans ses plus beaux habits.

Ragnär Œil-Griffe était là, devant les grandes portes du palais, lorsque Nakor apparut dans devant lui, habillé comme d’ordinaire – avec de grands habits typiques des hommes de cette partie du monde mais réhaussés de soieries et autres préciosités typiques d’un souverain – et avec sa bonhommie traditionnelle. Le Roi régent de Naélis et l’ambassadeur du Zagazorn auprès dudit royaume se donnèrent l’accolade, et les autres Nains de la délégation, bien apprêtés eux aussi, frappèrent leurs poitrails et offrirent quelques tonitruants « Baruk ».

« Baruk, mon ami. » Dit-il, s’éloignant du magister. « Puissent les divinités te sourire. » Ajouta-t-il, offrant une bénédiction certes commune aux mœurs Naines, mais sans doute bien venue après toute une année de travail. « Girdon vous remercie ! Barbes et bavettes méritent leurs bières et la ripaille bien plus que vous ne sauriez le deviner ! » Reprit-il, soulignant là encore le chauvinisme d’un peuple qui, bien qu’invité à reconstruire le territoire d’un autre peuple, s’estimait supérieur audit peuple hôte. « Tout le monde pourra donc boire à cette année écoulée. »

Entrant à la suite du Roi de ces contrées, l’ambassadeur pu remarquer l’étendue du faste offert en ces lieux. Nul doute que dans l’imaginaire et les protocoles Humains, de telles attentions étaient réservées aux plus grands, ou aux dignitaires, ou aux plus honorables des représentants. En cela, les Nains étaient donc bien traités. La totalité des conseillers céda d’ailleurs à la contemplation : on reluquait les plats, les vaisselles et les soieries, on humait avec gourmandise les odeurs délicates de la bière mise en perce, du vin débouchonné, de la viande qui grille, marine, confie dans une sauce délicieuse.

Ragnär, lui aussi, s’extasiait – quoi que sobrement – de tout ce spectacle gourmand et honorable, mais l’ambassadeur qu’il était, l’ingénieur qu’il demeurait, se demandait si les écus et souverains, et l’or injecté dans une telle cérémonie, n’aurait point mieux été investis dans le règlement de la dette Naélisienne ?

Il chassa l’idée au moment où Nakor lui fit signe de ne pas avancer plus avant. Arquant un sourcil blanc comme neige, l’esprit du très pragmatique ingénieur s’éveilla d’un millier de questions, qui trouvèrent bien rapidement une réponse.

Les mots du magicien et Roi régent furent correctement choisis. Les phrases, savamment pensées. Le sens, amené avec flamboyance et respect. L’orgueil et la fierté des Nains furent, ici et en cet instant, brossés dans le sens du poil et portés au firmament et à la connaissance de tous. Oh, ils étaient fiers, ils étaient satisfaits, ils se sentaient forts et supérieurs en cet instant, mais point d’une manière raciste, non. Ils étaient simplement à leur place. Leur peuple était doté de savoirs et de maîtrises qu’aucun autre peuple n’a su obtenir jusqu’ici : qu’on le leur reconnaissance aujourd’hui, à l’échelle d’un royaume, était satisfaisant et justifié. Toutefois, les sourires secouèrent les moustaches et les tresses, elles, ne boudaient pas leur plaisir.

Lorsque la musique reprit, et que les honneurs prirent fin, le temps fut de nouveau à la fête. Ragnär, saisissant une chope pleine d’une bière aux fragrances alcoolisées, s’en injecta dans le gosier en deux grandes lampées, manquant de vider la chope qui, fort heureusement, était pensée pour satisfaire les gosiers des Nains du Nord.

« Vous savez recevoir maître Nakor. Mais la fête ne devra pas s’éterniser trop longtemps : nous avons encore beaucoup de travail à réaliser. »

A la mention du nom de l’illustre Groman-Rik, Bromar Sang-Soif, Ragnär baisse symboliquement la tête, regardant le sol. En son esprit vient une question :

« Le Monde du Dessous est-il sous mes pieds ici aussi ? »

Cette question, ésotérique, religieuse, pieuse, ne trouverait sans doute jamais de réponse. Mais le thane du clan Œil-Griffe était satisfait : le nom de feu l’ancien Groman-Rik était encore connu aujourd’hui, et il était encore dans les pensées de certains… Ainsi donc, il vivait dans les mémoires… Et festoyait dans le Monde du Dessous.

Ses pensées se dispersèrent alors que le ministre mortifère fit son apparition, et que Roy régent et ministre commencèrent une conversation des plus… Intéressantes. Le Grand Argentier avait beau à voir la mine mortifère, et la morgue triste, il n’en avait pas moins raison : les dépenses dispendieuses devaient être évitées, car le royaume de Naélis avait besoin de capitaux… Et en aurait besoin encore longtemps. La volonté du Roy Nakor de recevoir respectueusement et correctement toute la délégation Dawi était tout à son honneur. Et d’ailleurs, l’ambassadeur appréciait cela. Cette dépense, futile en soit, vise à fêter l’entente retrouvée entre le peuple Nain et le peuple Naélisien. Cela était beau, cela était grandiose même. Pour pouvoir maintenir son trésor à flot, Nakor a dû calculer à l’écu près… Il s’agissait donc là d’un sacrifice, d’une certaine manière. Ragnär ne l’oublierait pas.

Mais la langue Khuzdul, si douce à ses oreilles car il s’agit de sa langue natale, maternelle, lui permet de réfléchir aux sujets présents. Nakor reprend la parole et pose une question ouverte à la saveur… Curieuse. Cherche-t-il à prêcher le faux pour connaître le vrai ? Ou prépare-t-il le terrain à de futures négociations ?

« Votre Grand Argentier à raison, maître Nakor. Les dépenses inutiles doivent être surveillées, car reconstruire une cité, un pays, n’est point une sinécure. » Répondit Ragnär, en langue Naine, offrant un sourire calculé à Nakor car l’amitié grandissante avait permit un tel écart chez le Nain qui, d’ordinaire, était aussi chaleureux qu’un bloc de marbre. « Que sont les années pour vous et moi ? Vous qui vivez depuis des siècles, moi qui suis encore à l’aube de mon deuxième centenaire d’existence, je ne suis pas à quelques années près, par ici. Tant que le Groman-Rik me voudra ici, je resterais et j’œuvrerais. Le remboursement de la dette contractée par votre Royaume prendra le temps qu’il faudra, je ne suis pas inquiet. D’ailleurs, êtes-vous disposer à discuter de tout cela ? »

Ragnär acquiesçait à mesure que les propos du Roy régent passaient au travers de son conduit auditif pour atteindre les zones de son cerveau qui, sans qu’il ne le sache, étaient dédiées à la compréhension des paroles et à l’assimilation de l’information. Ce mécanisme, inné, intuitif, qu’aucune science actuelle ne saurait expliquer, lui permet de mesurer les informations données… Et de réfléchir à celles qu’il possède d’ores-et-déjà.

Avançant également aux côtés de l’archimage, Ragnär garde ses deux mains jointes dans le dos, usant d’un petit rictus maîtrisé par des années et des années d’habitus. Lorsqu’il réfléchit, le thane du clan Œil-Griffe met ses mains dans le dos, et tapote l’index et le majeur de la main droite sur le dos de sa main gauche, selon un rythme digne d’un deux-temps. Cela lui permet de rester concentrer, et de focaliser ses pensées sur ce qu’il écoute, ce qu’il comprend, ce qu’il réfléchit… Et ce qu’il compte dire. Par le passé, une telle habitude lui permit de demeurer impassible face aux difficultés qu’imposent les immenses chantiers Nains au travers du Zagazorn et de son histoire… Aujourd’hui, cela devrait également l’aider.

Il comprit les multiples pensées et difficultés qui secouaient l’esprit du Roy régent. Les Umgis étaient insatiables, désireux d’obtenir une nouvelle cité, renforcée, améliorée, soignée des affres d’une guerre non désirée… Mais ils étaient toujours aussi imparfaits, impatients… Attendre trop longtemps, et cela embrumerait leurs cerveaux maladroits : voir les travaux leur apporterait autant de joie que de mauvais souvenirs… Et alors l’adhésion des civils aux travaux s’étiolerait rapidement.

« Les Dawis proposent de reconstruire un royaume avec toute la perfection que nous seuls possédons… Et cela serait encore trop long pour eux ? Que les Sombres les emportent… »

Fort heureusement, les pensées de l’ambassadeur étaient insaisissables pour quiconque était autour de lui. Il avait développé cette habitude de toujours demeurer silencieux, calme et réservé, face à n’importe quelle situation. Cela évitait de s’énerver, et de prendre des décisions… Précipitées.

Lorsque Nakor eut terminé sa diatribe, l’ambassadeur prit un court instant de réflexion. Se stoppant, Ragnär regarda la salle dans laquelle les pas du régent les menèrent sans qu’aucun des deux ne s’en rende compte. L’architecture de la salle était… Intéressante, mais bien différente de celle des Nains… Assurément, garder l’intégrité et l’identité architecturale du royaume de Naélis dans les reconstructions ne serait point très difficile, puisque les bases demeuraient présentes… Mais l’empreinte des Dawis serait tout de même lisible… Et visible.

« Et les Naélisiens pourront se considérer comme chanceux d’être dirigés par un être pour lequel le temps n’a point d’emprise. Vous saurez, j’en suis certain, leur rappeler ce qu’ils doivent au facteur temps. » Glissa Ragnär, désireux de mettre les choses au clair et de montrer subtilement que, après tout, le temps ne se contrôlait pas… Et que les Nains ne travailleraient ni gratuitement, ni comme des charlatans. « Je vous le dis, maître Nakor : il nous faudra encore deux années pour terminer tous les chantiers. A l’heure actuelle : les remparts, et la grande porte, sont de nouveaux reconstruits. La porte est fonctionnelle à 90%, les remparts devront être encore travaillés, mais leur fonction peut d’ores-et-déjà être assurée. Tout un quartier a été reconstruit, et la ville basse est vivable. La Grande Place, cependant, reste un endroit de chantier et de stockage : les ouvriers y campent, le matériel s’y trouve. La ville basse reste tout de même à reconstruire en majorité. Les travaux du comptoir du Zagazorn vont débuter, car le port a été déblayé, et les travaux pourront être lancés. Grâce à la porte et aux remparts, la cité est protégée. » Expliqua-t-il, n’étant ni avare en détail, ni lâche dans son attitude. Il regardait le Roy régent droit dans les yeux, montrant que tout ceci était une discussion des plus sérieuses. « Si les finances sont un problème, nous pouvons œuvrer à crédit. »

Le Magister était un être intelligent, bien qu’un peu fou. La démence pouvait prendre bien des formes… En cela, les Nains n’étaient point épargnés non plus. Les plus anciens des Nains, dépassant parfois allégrement les 350 années d’existence – avant le Voile – étaient souvent déments, incontinents et impotents… Et pourtant, ils étaient chouchoutés, respectés, et l’entièreté du clan était dédié à sa survie. Les plus chanceux, qui disposaient toujours de leurs caboches, étaient de véritables puits de sciences et de savoirs.

Toujours est-il que Nakor était intelligent, et qu’il ne perdait jamais le Nord lorsqu’il s’agissait de politique. Naélis avait beau jouir d’une position stratégiquement et économiquement optimale – à mi-chemin entre la Péninsule et l’Ithri’Vaan et sur la route de la Thanorite – le royaume demeurait petit, à moitié dévasté par une guerre coûteuse, et financièrement en difficultés. Contracter une dette à crédit était déjà immense… Accentuer ledit crédit pourrait être mortel. Nakor l’avait bien compris.

Toutefois, les délais semblaient subitement convenir à la très faible patience des Humains… Qu’à cela ne tienne, Ragnär était satisfait. Harald était prêt à garder des Nains plusieurs années en Naélis… Mais certainement pas trente années. Et puis, les Nains ne partaient pas de zéro, ça non. Il y avait déjà les murs, les bases, les charpentes, les briques… Il ne restait parfois qu’à refait un étage, ou en rajouter un nouveau ; refaire la charpente d’une demeure ; refaire la toiture ; remodeler les créneaux et les chemins de rondes ; rehausser les murs. Tout cela était rapide… Mais deux à trois années pour reconstruire ce qui avait été réellement détruit, cela était correct… Et relevait tout de même d’un tour de force.

« La Grand Place est centrale à la cité. De là, nous agissons de manière à être au cœur d’absolument tous les travaux, et nous y sommes proches. Nous l’occuperons jusqu’à-ce que vienne son tour, signe de la fin des dégâts imposés par l’engeance Sombre. » Répondit Ragnär, conscient que l’occupation de la Grande Place n’était pas du goût de tout le monde, et que la présence des Nains pouvait paraître envahissante. « Deux années pour que tout soit terminer, trois années si l’on désire être perfectionniste. J’entends ceci : trois années pour améliorer ce qui existe déjà, ou ce qui sera refait, quant aux infrastructures portuaires et de défense. Mais nous pouvons rester sur deux années, si vous le désirez. Vos architectes pourront, je pense, perfectionner selon leurs propres habiletés. » Sous-entendu, les architectes et ouvriers Naélisiens pourraient fignoler les chantiers réalisés par les Nains, au risque de dénaturer ceux-ci, voir même de les altérer. Ragnär, évidemment, était contre. Mais il n’était point le dirigeant de ces lieux. « Le comptoir du Zagazorn sera construit, mais son avancement ne sera pas une priorité. Nous avons seulement besoin d’un semblant d’infrastructures, et d’une sorte de… Base. Lorsque la base sera en place, les travaux avanceront mais sans priorité. » Dit Ragnär, avant de développer son propos. « La priorité a toujours été la protection de la cité, pour pouvoir faire face à n’importe quel évènement indésirable. Maintenant que la cité est sécurisée, la priorité va sur la réhabilitation des habitations. La Grande Place et le comptoir du Zagazorn interviendront plus tard. »

Tout était question de priorisation…

Ragnär était plutôt satisfait de la tournure des évènements. La discussion avec Nakor c’était révélée plus simple et plus naturelle que prévue. Après toute une année à œuvrer dans cette cité étrangère, plusieurs choses devaient faire l’objet de discussions, de conclusions, de prises de décisions. Après tout…

Après tout, les Nains occupaient la Grande Place depuis une année complète. Au milieu de cette Grande Place, se trouvait la grande et impressionnante tenture dressée par les Nains, sous laquelle trône le fière table de chêne servant de lieu de planification. Centre névralgique, les architectes s’y trouvaient du lever au coucher du soleil, gérant les chantiers comme le chef d’orchestre coordonne ses musiciens. Constamment gardés par quelques guerriers Nains, les documents – ultra secrets – étaient gardés dans le palais royal de Naélis lorsque la nuit tombait sur les chantiers.

Les cordages, poulies, échafaudages, étaient montés autour des murs, de la porte principale et des fortifications. Les Nains continuaient à œuvrer – sauf aujourd’hui qui était jour de fête – pour que Naélis soit sécurisée.

Nakor le savait sans doute – le vieil archimage n’était point bête : l’investissement Nain n’était point purement amical et désintéressé. Harald s’était entretenu à plusieurs reprises avec Artiön, souverain des Cités d’Anaëh. Ce dernier semblait comprendre la géopolitique Miradelphienne bien plus facilement et rapidement que Harald qui, bien que doté d’un certain âge, était encore un très jeune dirigeant. Après tout, n’avait-il point quitter les rangs de l’armée Lantaise en l’an XII, soit-il y’a seulement 7 ans ? Que sont sept années pour des Nains… Peu de choses, assurément.

Mais elles sont encore moins de choses pour les Elfes. Si l’entente renouvelée entre les Elfes et les Nains avait apporté des fruits particuliers dans les cultures du Lörn et du Brissalion, un autre fruit, plus inattendu, était né : la planification et le partage d’informations politiques. Sans Artiön, Harald n’aurait jamais comprit l’importance de Naélis, géographiquement et géopolitiquement. Sans lui, Harald n’aurait jamais osé franchir ce pas symbolique de l’implication physique en terres étrangères.

Car Naélis était important. Ce royaume, Humain, était le maillon séparant les terres Vaanies des terres Péninsulaires. Les armées Drows, si elles devaient retenter d’atteindre l’Anaëh, la Péninsule… Ou même le Zagazorn, devaient d’abord conquérir Naélis. Dès lors, ce petit royaume devenait un bouclier, une place forte, un verrou, un mur contre la menace sombre plus à l’Est. Reconstruire Naélis était donc plus un acte calculé qu’un acte bienveillant. Nakor devait s’en douter…

« Malheureusement, Maître Nakor, notre précision ne saurait se positionner sur le caractère éphémère et transitoire d’un franchissement de saison. Nous ne pouvons vous donner qu’une date butoir mûrement réfléchie, façonnée sur des objectifs clairs et précis. Le premier : la protection et l’accès à la cité ; le second : l’accessibilité renouvelée à l’océan ; le troisième : les habitations des vôtres. » Expliqua Ragnär, alors que le duo s’arrêtait à nouveau, tout près d’une table cette fois. L’ambassadeur agrippa l’anse d’une chope, il avait le gosier sec. « Je ne peux vous donner ce que vous demandez, et j’en suis désolé. Néanmoins, nous serons efficaces : votre peuple pourra voir de lui-même les constructions et rénovations, et l’avancée des travaux à mesure que les échafaudages s’élèveront et se déplaceront. Je vois à cela ! »

Et il leva sa chopine, attendant le verdict final du maître des lieux.