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 Remonter le fleuve de l'oubli

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Ameanor Sindënellë
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MessageSujet: Remonter le fleuve de l'oubli   Remonter le fleuve de l'oubli I_icon_minitimeDim 22 Jan 2023 - 14:20

3ième ennéade de barkios, 20:XI
De Quatrième-Saison vers Alëandir

C’était un nouveau jour pour Ameanor. L’ombre de son être reculait face à la lumière d’une nouvelle évidence : la vie devait reprendre le dessus. Les doutes étaient toujours là, et une voix lointaine appelait toujours la petite luciole seule dans le noir. Mais le jour nouveau était, pour le moment, plus fort. Ameanor s'était agenouillé devant l’arbre de Taethriel, le visage penché vers le sol, une main posée contre celui-ci, l’autre serrant la broche de Filecthel contre son cœur. C’était un serment silencieux, une prière sans pensées. Le simple amour d’un père ayant tout perdu et qui n’aspirait, à présent, plus qu’à réparer ce qui pouvait l’être. Qui n’aspirait, désormais, plus qu’à remonter le lent fleuve de l’oublie dans lequel il avait sombré pour retrouver le monde des vivants.

Ameanor releva la tête et regarda le ciel dégagé, dans lequel un soleil hivernal timide brillait. Comme l’été qui revient chaque année ravive les couleurs du ciel, un jour, sa lumière devra briller de nouveau, pour ceux qu’il aime. Le mage se releva, épingla la broche au colibri de Filecthel à sa toge et posa son front contre l’arbre en face de lui.

- Taethriel, je suis si désolé… Un jour, nous nous retrouverons. Mais, jusque-là, d’autres ont plus besoin de moi.

Ainsi, lançant un dernier regard au Coromitinwë, si vide depuis si longtemps, Ameanor descendit le chemin fatal qui devait le ramener à Quatrième-Saison. C’était la première fois, depuis près de vingt longues années, que l’elfe traversait la plaine jusqu’à la ville. La première fois depuis les funérailles de sa fille adorée. Et, ce chemin était alors semé d’embuche. À chaque pas, la noirceur grandissait, la peine s’alourdissait, et la lutte de la lumière n’était que plus difficile. Mais, enfin, Ameanor parvint à la triste cité, et se dirigea, non sans quelques regards étonnés de certains de ses concitoyens qui le reconnaissaient, vers l’ancienne demeure où il avait grandi.



Eranor était à son atelier, occupé à plier l’or d’une bague en de fins arabesque rappelant une tige avec des feuilles. Il ne s’attendait pas à entendre frapper à sa porte. Intrigué, il quitta son ouvrage et ouvrit sa porte pour se retrouver devant, abasourdi, devant une chose à laquelle il ne s’attendait pas. Son frère se tenait devant lui, amaigrit et avec des cernes profonds. Mais son regard avait changé. La mélancolie s’y lisait toujours, mais une nouvelle détermination brillait derrière le voile désormais. Un sourire illumina Eranor, tandis qu’il enlaça Ameanor.

- Mon frère ! Enfin, je te retrouve ! Je suis si heureux, je n’osais plus espérer te revoir un jour dans cette cité !
- Si tu savais à quel point je te suis redevable, Eranor… Répondit alors Ameanor en rendant l’embrassade de son frère.
- Tu es ma dernière famille, jamais je ne t’aurais laissé. Entre, tu as toujours été ici chez toi.

Les deux frères e retrouvèrent dans la pièce principale de la maison, mais Ameanor s’arrêta non loin de son centre, restant debout.

- Eranor, je ne peux pas rester. J’ai peur que le temps ne me fasse que plus vaciller encore. Je dois partir, et je pense que je dois le faire au plus vite.
Dit-il.

Les yeux d’Eranor se portèrent alors sur la broche qu’il avait façonnée de longues décennies auparavant. Il comprenait parfaitement ce qu’elle signifiait, il n’avait nul besoin d’explication. Son visage afficha une expression douce tandis que ses yeux retrouvaient ceux d’Ameanor.

- Je comprends. Quelque chose est arrivé, là-bas, et elles ont besoin de toi.
- Si tu savais comme je redoute de faire ce voyage… Je crains tant de n’être plus qu’un souvenir éteint et rangé dans l’ombre d’un tiroir pour elles. Dit Ameanor, les oreilles s’affaissant.
- Je ne m’en ferais pas pour ça, si j’étais toi. Elles sont restées une journée ici avant de prendre la route, il y a de ça dix-neuf années. Je pense que Míririen comme Filecthel ont eu l’espoir de te voir le retrouver. Un espoir qu’elles ont gardé jusqu’à leur dernière seconde ici. Mais tu étais loin, en cette époque, beaucoup trop loin pour voir ça.
- Je te dois tant, et je ne peux t’offrir que si peu, mon frère… Pendant toutes ces années, j'ai toujours su que j'étais injuste avec toi. C’était injuste de te faire vivre ma peine, de t’obliger à faire les tâches que je ne voulais plus faire. Je m’en veux. Je m’en suis toujours voulu. Mais tout était si dur… Ne serait-ce que respirer était une épreuve, et, souvent, je me prenais à souhaiter qu’elle s’arrête.
- Tu es un elfe bon, Ameanor, dit alors Eranor en posant sa main droite sur l’épaule de son frère. Je t’ai toujours vu faire tout ce que tu pouvais pour aider et illuminer les journées de ceux qui te sont chers, quoi qu’ils aient fait. Jamais je n’aurais pu te laisser sombrer. Je ne vais pas te mentir, ces dernières années ont été difficiles, mais nous revenions dans le passé, mon choix ne serait pas différent.

Un court silence s’installa. Les deux frères se regardaient dans les yeux, souriants. Eranor était simplement heureux que la vie reprenne, alors qu’Ameanor ne savait plus qui remercier d’avoir un frère si bon et dévoué. Le caractère d’Eranor avait toujours créé des querelles stupides autour de lui, des périodes de froid inutiles. Mais il était toujours là quand une crise s’annonçait. C’était à ses moments que son amour prenait inlassablement le pas sur son sang chaud. Eranor était un être fondamentalement bon, pensait Ameanor, bien plus qu’il ne le serait jamais.

- Sais-tu au moins où aller ?
Reprit alors Eranor en brisant le silence. Míririen ne m’a rien dit de sa destination.
- Bien sûr, répondit Ameanor. Nous avons passé près de sept siècles ensembles et je peux te dire qu’elle n’a pu aller qu’à un endroit : Alëandir. Elle n’en pouvait plus de cette pierre partout, elle voulait de la couleur, de la végétation, de la vie. Et elle a toujours désiré le meilleur pour nos… Pour Filecthel. Alëandir est à la fois assez proche, sure et pleine de vie. La végétation y est parfaitement intégrée, et, bien sûr, il y a l’Académie. Míririen aurait voulu que Filecthel puisse faire son choix dans la plus grande sérénité possible.
- Je pourrais souhaiter que tu aies raison, Ameanor, mais je n’en ai pas besoin. Je sais que c’est déjà le cas. Ne t’en fais pas pour le Coromitinwë, ni pour Taethriel. Je prendrais soin d’eux. Quand tu reviendras, avec Míririen et Filecthel, nous fêteront ça comme il se doit.

L’évocation du nom de sa fille avait passé une ombre sur le visage d’Ameanor. Arriverait-il un jour où le fardeau serait moins lourd à porter ? Mais d’autres choses devaient être faites, en ce jour. Ce n’était plus l’heure des morts.

- Encore une fois, je te remercie du fond du cœur. Je ne trouverais jamais les mots pour t’exprimer ma reconnaissance. Ameanor fit une courte pause avant de reprendre en chassant la noirceur qui était apparue sur son visage. Je pars pour Alëandir avec le prochain bateau qui remonte le Rhyme. De la croisée, j’en prendrais un nouveau qui descend l’Elorëa jusqu’à Alëandir. Je ne pense pas que le voyage prendra plus de 8 jours. Je te ferais parvenir un message lorsque je serais à destination.

Une dernière fois, les deux frères s’étreignirent. Un dernier adieu, et Ameanor sortait de l’antique maison qui l’avait vu grandir. Le voyage pouvait commencer, et l’espoir, peut-être, enfin s’épanouir. Ameanor leva les yeux au ciel, le nouveau jour était à son zénith.
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MessageSujet: Re: Remonter le fleuve de l'oubli   Remonter le fleuve de l'oubli I_icon_minitimeMar 31 Jan 2023 - 0:04


Il faisait sombre, le ciel nocturne étai sans étoiles et l’absence du moindre son rendait l’ambiance aussi pesante qu’inquiétante. Il faisait sombre, mais il fallait avancer, continuer, toujours tout droit. Il n’y avait rien, seulement les ténèbres. Et cette faible lueur devant, brillant d’argent… Ce visage triangulaire, et ces cheveux d’argents… Il faisait moins sombre à présent, alors qu’une main aux longs doigts fins attrapait celle d’une petite fille. Mais il fallait toujours avancer, ne jamais s’arrêter. Quelque chose était sur le point d’arriver, il ne fallait pas rester, il fallait accélérer. Plus vite, encore plus vite. Mais la petite main glissait, lâchait prise irrémédiablement. Alors, vinrent le noir, puis le grondement et le cri aigu. Mais il ne fallait pas ! Non, c’était interdit ! La lumière, éclatante, brûlant tel un soleil jailli ! Brulant tant même que les corps commençaient à se briser, à se déconstruire…

- …Si adh an-uir.

Ameanor se releva en un sursaut, le souffle court, et le regard paniqué. Il regarda autour de lui et ne vit ni la pierre rassurante de sa demeure, ni les fresques arboricoles qui ornaient d’ordinaire les murs. Ici, il n’y avait que le bois et un léger mouvement de roulis pour l’accueillir. Le mage secoua la tête. Il se rappelait maintenant. Il était dans le navire qui remontait le Rhyme jusqu’à la croisée. Il se rappelait qu’il n’avait pas eu trop de difficulté à en trouver un qui avait encore de la place. C’était près de deux nuits auparavant, et aucune des deux ne lui avait été accordée. Ce cauchemar revenait sans cesse, comme s’il savait que chaque minute qui passait faisait grandir la mince fenêtre d’espoir qui avait fait irruption dans la vie d’Ameanor, et que son existence était mise en péril.
Malgré la fatigue et les ténèbres ambiantes, le thaumaturge se leva en poussant un soupir. Il ne dormirait plus maintenant, la peine était trop grande dans son cœur. Lentement, il se dirigea vers le pont du bateau, qui avançait tranquillement sur le fleuve, insensible aux tourments de son passager. N’accordant aucune attention au monde qui l’entourait, Ameanor se dirigea vers le bastingage et y prit appui. Sur les rives du fleuve, le vent soufflait à travers les feuillages des arbres, et l’eau clapotait contre la coque du navire. La nuit était belle et paisible et sa douce étreinte avait de quoi raffermir le cœur des affligés.

Un sourire du coin des lèvres, plus mélancolique qu’enjoué, Ameanor grimpa du regard le long des arbres, jusqu’à leur cime. Elles se balançaient au gré des flux et des reflux du vent, comme si elles dansaient en rythme pour célébrer la paix qui régnait. Alors, son regard grimpa encore, croisant quelques oiseaux volant dans la nuit, à la recherche de proies ou d’un abri tardif. Enfin, les yeux d’une turquoise tachetée de gris du mage croisière les étoiles brillantes baignant dans les ombres du ciel, principalement illuminé par ses deux lunes. Elles aussi continuaient leur chemin, observant la vie s’ouvrir au soleil avant de faner dans la nuit. Les yeux de l’astronome croisèrent alors la tige de la Rîn ruin, et suivre la ligne de ses deux étoiles blanches jusqu’à l’arc de cercle de trois étoiles rougeoyantes formant sa fleure. Dans son esprit, vint alors se dessiner la fleur de feu, brûlant dans l’immensité du vide glacé pour amener sa chaleur jusqu’aux mortels ici-bas, annonçant l’été à venir ou le clôturant.

Par un réflexe obtenu après des siècles d’observation, le mage de lumière traça alors la droite reliant les deux extrémités de la fleur et la suivi du regard pour atteindre la sobrement nommée Etoile du Nord. Pâle astre, clignotant vainement dans le ciel pour concurrencer Flambeau d'Aluthen. Mais comment une si petite étoile, bien qu’aussi fixe dans son horizon nord que le Flambeau, pouvait-elle rivaliser avec la lueur violacée mystique d'Aluthen ? Et pourtant, malgré son manque d’éclat, elle portait la voûte céleste entière, servant de pivot autour duquel le ciel tournait tout au long de l’année.

Alors, le regard d’Amenor glissa jusqu’à une étoile bien plus majestueuse, brillante d’une belle lueur bleutée. Suivi de son grand M caractéristique aux branches intérieur légèrement courbée et tracé par huit étoiles, la constellation se terminait par deux étoiles alignées sur un segment parallèle aux extrémités du grand M. Mentalement, l’image réconfortante du Naelhd se forma dans l’esprit du mage. Des ailes de la couleur du nacre se déployèrent des branches extérieures du M, tandis que le corps de l’animal se dessinait par les branches intérieures. De celles-ci, deux queux touffues, toujours d’une blancheur d’albâtre, descendaient. Enfin, la lueur bleutée de la plus belle étoile de la constellation s’entoura de la tête du Naelhd, pointant l’Etoile du Nord et aidant quiconque la recherchait par sa présence toute l’année dans le ciel. Animal de légende, protecteur de tous ceux dans le besoin, virevoltant dans les airs pour porter assistance aux affligés, c’était un ami de longue date. Il avait veillé sur Ameanor depuis son plus jeune âge, protégeant la forteresse de solitude de l’enfant qu’il fut, et l’accompagnant au-dehors lorsqu’elle devint une prison.

Ameanor ferma les yeux, la tête toujours tournée vers ce ciel nocturne de printemps, dégagé et brillant de milliers d’étoiles. Il voyait, dans son esprit, la lumière se matérialiser. Il sentait ses rayons converger, se briser et se restructurer pour alors prendre vie. Il sentait leur vibration, leur chaleur et leur puissance le transpercer. Quand le mage rouvrit les yeux, sa main gauche avait déjà sorti son astrolabe, et ouvert son clapet d’or. Il n’avait nul besoin de connaître l’heure, ni la moindre envie de mesurer la position d’une étoile. C’était sa mémoire, c’étaient ses espoirs et ses désirs qui appelaient son bras droit à se lever tandis qu’il faisait tourner le ciel avec l’instrument de sa main gauche. Ses yeux, plongés dans le ciel, voyaient les astres défiler à une vitesse folle alors qu’il attrapait les étoiles qu’il désirait pour tracer son sort. L’ombre de la nuit devint une toile qui se remplissait de couleurs vives, de traits fins et de formes en mouvement. Ameanor sentait la magie l’entourer, l’enserrer et le réchauffer comme les rayons du soleil sur un corps gelé. En cet instant, il n’existait plus aucune loi physique, plus aucune logique. Seulement lui et l’énergie ésotérique qui lui permettait de reformer le monde tel qu’il le voulait, tel qu’il aurait dû être.

Ainsi, une petite boule de lumière blanche apparue dans les ténèbres de la nuit. Suivie d’une nouvelle, puis de bien d’autres encore. Elles se rassemblèrent, fusionnant, et tournoyant les unes avec les autres. Bientôt, un grand loup ailé à deux queues et à la couleur du nacre apparu dans le ciel. Il courant dans le vent, sautant entre les bourrasques, et déployant ses ailes quand elles devenaient trop puissantes. Il descendait des nuages en une trajectoire en spirale centrée sur le mage en plein travail, pour bientôt attendre sa destination. L’animal légendaire faisait bien deux fois la taille d’Ameanor, mais ne montrait aucune animosité. Au contraire, courant dans l’air comme s’il s’agissait du sol, il se mit à lui tourner autour, comme dans une danse joyeuse, comme dans un appel à la vie. Cachés jusque-là par les immenses ailes du Naelhd, deux oiseaux translucides, brillants de vives couleurs, se détachèrent. Se joignant à la danse du loup ailé, le colibri et l’hirondelle tournoyèrent autour du thaumaturge, en laissant de longues traînées fines et colorées derrière eux.

Combien de fois avait-il rêvé de ce monde merveilleux ? Combien de fois Ameaor avait-il espéré voir son ami étoilé abandonner son ciel merveilleux pour descendre le rejoindre ? Combien de fois avait-il imaginé, jonché sur son dos, l’image de ses espoirs les plus fous et de sa perte la plus lourde ? Son souffle était aux abois depuis si longtemps, n’avait-il donc pas, lui aussi, mérité de l’aide ? Mais, plus encore, Taethriel, si jeune, si douce, n’avait-elle créée aucun intérêt pour ce Naelhd au pelage de l’espoir ?

La danse prit alors fin. Le Naelhd s’éloigna un peu, avant de revenir en face du mage qui continuait son sort. Il posa une patte sur le bastingage, marchant dans le vide sans se soucier des lois du monde mortel. Le colibri brillant de vert, de rouge et de bleu vin sur l’épaule droite d’Ameanor et le loup des légendes posa son regard profond dans les yeux du mage. Celui-ci avait terminé son sort, et fit un sourire à son vieil ami immatériel. Sur sa tête, se trouvait une hirondelle, de blanc, de bleu et de rouge. Elle avait, dans les yeux, un cercle d’ambre autour de ses pupilles se terminant par du turquoise. Ameanor leva sa main droite et l’animal vint lover sa tête immatérielle dedans. Mais, déjà, des petites boules de lumière blanche se séparaient des queues du Naelhd. Bien vite, son corps se délita, ne laissant que sa tête dont le regard était toujours en direction du mage. Alors, les deux oiseux s’effacèrent lentement, comme la tête du Naelhd, laissant Ameanor seul face aux ténèbres.

Avec un soupir, alors que s’effaçait son sourire, l’elfe solitaire posa ses coudes sur le bastingage et prit sa tête dans ses mains. Qu’il eut aimé que les légendes viennent le sauver, comme elles l’ont toujours fait dans toutes les épopées ! Mais, parfois, les légendes ne sont que cela, des légendes. Alors, tandis que la lumière de l’espoir qu’elles suscitaient s’efface, seule reste la luciole dans le noir.
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MessageSujet: Re: Remonter le fleuve de l'oubli   Remonter le fleuve de l'oubli I_icon_minitimeSam 4 Fév 2023 - 11:14


Quel étrange objet, que le temps. Sept siècles étaient passés depuis la naissance d’Ameanor, sept siècles pendant lesquels il put vivre tant des périodes de paix et de félicité que des troubles et des tourments infinis. Sept-cents années, dont chaque heure semblait remplie d’événements, parfois mineur, parfois capitaux. Sept-cents ans où de longues nuits passées à travailler sous les étoiles côtoyaient de douces journées à contempler la nature, à dessiner et recréer ses beautés, pour le plaisir des yeux de ses amours. Soixante-dix décennies qui, pourtant, semblaient s’être écoulées en un battement de cils, lorsqu’on les comparait aux sept derniers jours. Ces jours avaient été nourris d’une insupportable attente. Une attente qui agissait tel un miroir où son être le plus profond n’avait d’autres choix que de se contempler, et constater tous ses défauts, toutes ses faiblesses, toutes ses blessures. Oui, bien étrange objet que le temps, qui s’écoulait toujours de la même manière, qui s’envolait toujours hors de portée des mortels, mais qui, pourtant, se compressait et se dilatait au gré des affres du cœur.

Était-ce simplement l’anticipation d’un changement à venir, d’une paix oubliée à retrouver qui changeait ainsi le temps du maître de la lumière ? Était-ce la peur de se retrouver face à ceux qu’il avait failli qui prolongeait chaque seconde en une éternité ? Ou était-ce ainsi que le temps s’écoulait à la frontière des mondes, entre l’oublie éternelle et la lumineuse chaleur de la vie ? Bien près du domaine de Tari s’était avancé le Souffle d’Ameanor, pendant bien longtemps avait-il descendu le lent fleuve de l’oubli, délestant sur ses berges ses peines comme ses joies pour ne laisser qu’une ténèbres vide de tout dans son être. Aujourd’hui, alors que sa barge avançait sur l’Elorëa, l’astronome se détournait de la Tourmente pour quitter cet entre-deux monde qu’il habitait depuis près de vingt années. Et, le long de cet immense fleuve à remonter, le temps semblait s’effacer dans le lointain, s’enrouler sur lui-même et mélanger passé et présent. Les anciens souvenirs abandonnés sur les berges se mélangeaient au présent pour nourrir un futur tant fantasmé que redouté.

Quelle étrange sensation que de ressentir la moindre journée comme une éternité alors que l’image fugace de la naissance de deux enfants, plus de quatre-vingt-dix ans auparavant, sembler s’être déroulée quelques heures auparavant ! Bien étrange vision que de voir cet instant du passé où le nouveau père de famille prit dans ses bras, pour la première fois, deux petits êtres qui, déjà, accaparaient son cœur, tandis que les cauchemars de la nuit passée se dissolvaient dans un méandre sombre où présent, passé et futur n’avait plus le moindre sens. Bien étrange sensation que cette chaleur irradiant au creux de ses bras, jusqu’au plus profond de son Souffle, alors que s’ouvraient sur le monde deux paires d’yeux mélangeant l’ambre de leur mère et la turquoise de leur père, alors que seule la solitude glacée habitait le présent qui ne semblait jamais se terminer.

Le navire continuait inlassablement son chemin, et plus il avançait, plus s’éloignait la Tourmente. Plus Alëandir s’approchait, plus la vie passée semblait combler le vide de noirceur habitant Ameanor. Comment avait-il pu se désister de ce doux souvenir, au bord du lac bordant Quatrième-Saison, où Filecthel entrevoyait que le monde n’était jamais fait d’une simple réalité ? Comment ce doux souvenir de l’enfant d’à peine vingt ans qui marchait pied nu dans l’eau froide et qui s’était arrêté, le regard attiré par un coquillage avait-il pu se perdre sur les berges du fleuve de l’oubli ? Quel tendre instant, pourtant, était-ce là, que de voir sa fille attraper ce coquillage et glisser son doigt sur son extérieur, grisâtre, sale et rugueux avant de le retourner et de contempler sa douce nacre d’un blanc irisé de mille couleurs. Quelle félicité de voir un si petit être comprendre avec émerveillement que, dans ce monde, toute chose possède une beauté qui lui est propre, une délicatesse parfois cachée derrière une apparente brutalité ! Ce simple instant avait été transformé en un collier d’argent orné d’une perle brillante, comme un rappel matériel que quelles que soient les erreurs, les échecs et les douleurs que pourraient vivre Filecthel, son souffle n’en resterait pas moins telle la délicate nacre de cette perle.

Qu’il était bon de revoir cette douce journée, alors que la petite elfe n’avait qu’une cinquantaine d’années, où la famille bienheureuse se promenait dans Quatrième-Saison alors que des festivités joyeuses en l’honneur d’Arcamenel y prenaient place ! Comment ce souvenir pouvait être si net désormais, alors qu’il paraissait quelques jours auparavant enfermé dans un temps qui n’existait plus ? Chaque note, chaque chant qui baignait l’aire d’habitude paisible de la cité de pierre se répétait dans l’esprit du mage fatigué. Et, plus encore, sa mémoire était imprégnée du regard émerveillé de Filecthel devant les danses des prêtres, en parfaite harmonie avec la musique qui semblait alors enchanter son souffle. Chaque note, chaque vibration transportait la jeune fille dans son univers imaginaire, refuge de paix lorsque le monde se faisait trop pesant. Comment donc Ameanor avait-il pu abandonner le souvenir des étoiles qui brillèrent dans les yeux de sa fille alors qu’il lui offrait son précieux violon ? Comment toutes ces années d’apprentissage de l’instrument, ponctuées de mauvaises notes qui, pourtant, jamais ne brisait l’harmonie de l’instant ? Ces simples moments à observer le ciel étoilé, annoter les mouvements des astres, leur position et leur hauteur, pendant que, plus loin sur la colline, raisonnait une ode à la lueur argentée de la lune paraissaient désormais si proches.

Mais, si chaque jour s’étendait en un long fleuve de souvenirs perdus, d’un temps oublié, chaque nuit, la noirceur revenait et le temps s’arrêtait de nouveau. Chaque nuit, la raison de la disparition de tous les instants féeriques qu’avait vécus Ameanor revenait. Le froid d’un corps dans ses bras. Le sang dans les cheveux. Le vide dans le regard. L’air immobile autour de son visage. L’être qui se déchire. La luciole, seule, dans le noir. C’étaient des réalités encore plus tangibles que le souffle du vent dans les arbres entourant le fleuve qu’il suivait. C’était un instant à jamais inscrit dans le temps qu’il essayait désespérément de suivre. Une ancre qui, pendant dix-neuf années, avait arrêté son temps. Chaque nuit, les courants du fleuve forçaient alors le mage à se retourner vers la Tourmente et à contempler une réalité qu’il ne pourrait jamais défaire.

Son temps s’était arrêté. Pendant si longtemps, il n’avait plus évolué. Mais était-ce le cas de ceux qui était inscrit si profondément dans son cœur ? Comment Filecthel avait-elle vécu ces années si nébuleuses aux sens de l’astronome ? S’était-elle désistée de son passé, tel son père désespéré ? Gardait-elle ses instants les plus doux précieusement contre sa poitrine ? Avait-elle abandonné ce qui la caractérisait autrefois, afin d’éloigner les douloureuses ténèbres qui avaient déjà englouti son père ? Tant de questions qui émaillaient le trajet d’Ameanor le long du fleuve de l’oubli, des questions et des doutes qu’il ne pouvait pas expliquer ne se poser que maintenant, et pas dans les décennies précédentes. Filecthel, cette jeune elfe qui sortait à peine de l’enfance et qui avait désespérément lancé un appel à son père, ferait-elle vibrer sa musique en harmonie avec la lumière de son géniteur ? Chaque souvenir du passé retrouvé ne faisait que nourrir les angoisses et les attentes du futur.

Demain, la barge atteindrait Alëandir. Demain, l’insupportable attente arriverait à son terme. Demain, Ameanor aura fini de remonter le lent fleuve de l’oubli et se sera enfin détourné des frontières entre les mondes pour chercher à nouveaux la fenêtre de lumière où Filecthel comme Míririen brillaient tandis qu’il s’éteignait. Demain, son voyage se terminerait, et sa recherche pourrait réellement commencer. Enfin, le mage pourrait essayer de réaccorder son temps avec celui des vivants, avec les instants perdus dans le noir. Une unique question s’imposait alors dans son esprit : pourra-t-il retrouver ce temps perdu ?
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