Compromis

Bàrkios, 1ière énnéade
La plaine, Qg de l'Aile blanche

La plaine allait bon train ces derniers temps. Le soleil se levait à peine, et les lieux étaient encore bien
calmes. Pourtant, Viliam était installé sur une pierre un peu en surplomb du camp et il l’observait, prendre vie sous les rayons ardents. 

-Nééra soyez bénie pour votre grâce. Marmonna-t-il.

Il fumait, mais dans sa main libre il jouait avec sa broche. Il ferma les yeux une seconde, formulant en silence une prière, mais des pas se firent entendre non loin. Reconnaissant bien ce son familier, il releva alors son regard vers son lieutenant qui venait vers lui.

-D’habitude tu pries dans ta chambre. Doucement, Ren vint prendre place aux côté de son ami.
-Je l’ai fait. Mais je me sentais redevable en voyant tout ça.
-Tu pense vraiment qu’Elle nous regarde ?
-Ce sont des dieux Ren. Qui sait ce qu’il font, ou pas ?

Un long silence passa, sans que ni l’un, ni l’autre ne cherche à le briser. Avec les années, ils n’éprouvaient pas toujours le besoin de parler, pour partager quelques instants ensembles.
Le regard de Viliam s’en alla alors voguer sur les différents recoins qui composaient le camp. C’était encore bien modeste. Comme un espoir un peu fébrile. Pourtant, loin d’un rêve intangible, les briques et le bois était bel et bien réel et s'étaient développé depuis le premier jours où ils avaient investit le corps de ferme délabré.

En face d’eux, adossé à la paroi de pierre se tenait la grange tout récemment reconstruite. Il y avait à peine un an, le bâtiment n’était qu’un tas de ruine que les bandits avaient petit à petit réhabilités. Dedans, le tout était coupé en deux parties distinctes, une partie réservée aux bêtes, et ce qui faisait désormais office d’infirmerie pour Aubin, leur guérisseur en chef.

Se démarquait aussi le plus gros des bâtiments au fond de l’encavement naturel.  Espace principal, faisant office de bureau, cuisines et chambres, il menait aux galeries découvertes par hasard, et trace de la précences d'autres bandits , avant eux. Certains réfugiés avaient établi leurs propres habitations là bas, à l'aide de tenture et de piquets de bois. Il restait encore sans doutes quelques couloirs à excaver et découvrir, mais c'était un travail qui demandait du temps et des bras précieux pour leurs effectifs encore modestes.

Ce qui surprenait le plus le chef de l’Aile Blanche quand il observait le paysage, c'était surtout les débuts de maisonnettes de fortunes çà et là, signe que la vie prenait doucement son essor ici. Petit à petit, certains membres du petit groupe s’étaient décidés à trouver un peu de réconfort sous un toit qui était leur plutôt que de partager les dortoirs aménagés. Alors, avec un peu de bois et de chaume, l’on voyait le début de quelques très simples maisonnettes fleurir dans la cache. C'était en observant ces vagues bâtisse que le chef de l'Aile Blanche retrouvais parfois son courage lorsqu'il venait à douter. Voir une vie fleurir ici le convainquais qu'ils allaient bel et bien dans la bonne direction.

-Ce n’est que la première étape tu verras. Ren sembla lire dans les pensées de son ami et lui offrit un sourire doux.

Mais cette étape là, il fallait la protéger.

Thaar, le lendemain

-On a ce qu'il nous faut. On bat en retraite ! Dans la Plaine dans 2 heures !

Le sifflement avait retenti aussi brutalement que l’ordre d’attaquer la petite caravane qui avait eu le malheur de franchir un petit pont à la frontière entre les soieries et la basse ville. Les guetteurs criaient, cherchant à maitriser le chaos provoqué par les fumées et les assaillants trop agiles. La cargaison de pièces brillantes s’était envolée, de même que les bandits aux armures blanches.

-Leur chef c’est lui ! cria un des guetteurs. Suivez-le !

Et dans un même temps, l’intéressé avait bondit de son coté, sur une corniche, aidé des effets de la potion de légèreté inventée par leur alchimiste. Un carreau d’arbalète frôla de justesse son oreille. Il se raidit et sauta sur un toit pour s’élancer dans sa course. Toits, corniches, ruelles et décombres, il se mit à courir le plus vite possible à travers les rues qu’il connaissait si bien. Mais cette fois-là, la garde semblait redoubler d’effort pour l’y coincer.
Un autre carreau manqua de peu de lui transpercer la peau alors qu’il vira à un angle, puis un autre.
Il jeta un fumigène derrière lui et jura entre ses dents. Allaient-ils le lâcher ?
Soudain il entendit un sifflement de quelqu’un qui n’était pas de l’Aile Blanche attira son attention. Un homme lui flanqua soudain un coup de poing brutal qui l’envoya brutalement rencontrer le fond d’une ruelle.  Le temps de reprendre ses esprit l’étranger lui lança :

-Ferme là si tu veux t’en sortir.

Le bandit sentit en même temps de familier picotement parcourir ses bras. Soudain son corps lui sembla beaucoup plus lourd. Les effets miracle de la potion qui lui permettait de fuir à grandes foulées s’estompait. Autour, il entendit les cris des soldats s’approcher, puis devenir de plus en plus ténus, alors que l’autre homme semblait les guetter aussi.
Il lui faisait dos mais le bandit pouvait reconnaitre sans mal l’uniforme des soldats de Thaar. Alors, il se releva et tira sa rapière, prêt à se battre. L’autre remarqua le mouvement et se retourna dans un soupir.

Il n’était pas bien grand et Viliam le dépassait bien d’une demie tête facilement, mais il n’en semblait pas moins remplir son uniforme. La peau et les cheveux sombres typiques des hommes de la région, il y avait une forme de douceur dans ses traits qui tranchaient pourtant avec l’air franchement dédaigneux qu’il lançait à son interlocuteur.

-vous seriez déjà derrière les barreaux si j’avais voulu vous arrêter.

-c’est marrant c’est toujours le même discours. Le bandit répondit, tout en faisant un pas en arrière et en analysant rapidement l’espace autour de lui. Il cherchait une porte de sortie.

Cela sembla à la fois amuser et agacer le soldat qui s’approcha.

- Il n’y a pas de sortie, sauf celle derrière moi. Lança-t-il comme lisant dans les pensées du bandit. Soit vous m’écoutez, soit je n’ai qu’à siffler et…

-Vous écouter ? Le chef de l’Aile Blanche haussa un sourcil. Qu’est-ce que vous voulez ?

Mais de nouveau, le tintamarre de soldats se rapprocha. Le soldat grogna visiblement contrarié. Quoi qu'il ait eut en tête, ses compagnons mettaient à mal ses plans.

-Venez.

Il poussa le bandit jusque fond de la ruelle et eut l'air d'attendre quelque chose

-Allez grimpez !
-Pourquoi ?
-Vous tenez vraiment à vous battre ? Il fit signe de la tête vers là d’où les bruits se rapprochaient. Allez bon sang !

La dernière chose que Viliam vit, avant de plonger de l'autre coté, c’est l’homme qui lui lança une sorte de pièce, avant de faire face à 4 autres hommes qui débarquaient en trombe. L’un d’eux l’apostropha en le désignant comme sergent, avant que le bandit ne s’éloigne de trop pur entendre le reste de leur conversation.

Le lendemain, c’est d’un air soucieux qu’il observait son refuge. Dans sa main, l’étrange pièce du soldat. Sur sa face était gravé un petit symbole, un espoir du marin au-dessus d’une inscription :  la mer comme seule loi.

Viliam savait de quoi il s’agissait. C’était le symbole d'une taverne construite sur la partie la moins famée du port Thaari. L’endroit était réputé pour les affaires à la morale plus ou moins floues qu’on pouvait y conclure à l’abri des soldats grâce aux larges compensations offertes par le propriétaire des lieux. Les rumeurs allaient aussi bon train quand a de nombreux conflits éclatant lorsque les affaires se réglaient mal. Là bas la violence était banale, tant qu'elle était localisée. Il n'était pas rares de voir des vendetta s'y organiser tant que les deux partis impliqués étaient les seul à régler leurs conflit - car bien sûr le commerce passait avant tout-. C’était un endroit dangereux même pour des habitués des coups bas et des couteaux dans le dos.

Le message était clair : l’étrange soldat voulait que le bandit le retrouve là bas. Ce qui n’était pas clair en revanche c’était pourquoi. Qu'elles étaient ses intentions ?

-Tu pense que c’est un piège ?

Ren, à nouveau assis à ses cotés affichait son inquiétude. Clarisse aussi était là et écoutait perchée sur un rocher, mais elle ne disait rien.  

-Non. Viliam avait mis longtemps, avant de répondre. J'ai envie de croire que c'est un coup fourré et que rien ne m'attend là bas. Mais la réalité c'est qu'il avait pas besoin de ça. Si il avait voulu me buter il l'aurait fait. Il avait quelque chose en tête et on l'a interrompu. Il leva la petite pièce dans sa main.

-Donc tu vas y aller. Le blond soupira.

-Y a un truc qui cloche et je dois savoir quoi. Si ce type est un danger, on doit savoir de quoi il en retourne. Et non, interrompit-il la tentative de réponse de son ami. Tu ne m’accompagne pas Ren. Mais son ton était doux. J’ai besoin de toi ici mon frère. Un sourire qui peine malgré tout à altérer l'air mal à l'aise de Ren. Notre étape ne doit pas s’arrêter là.

Le bandit avait rabattu sa capuche et marchait avec prudence à travers les rues de la cité.  Il avait remarqué depuis un moment la silhouette qui oscillait directement à travers les ombres mais n’avait ni cherché à la semer, ni à la dissuader. Clarisse trouverait de toute manière un autre moyen de le suivre, cette fois à son insu et en prenant sans doute plus de risque. Et si cela pouvait rassurer leur troisième compagnon, eh bien soit.

Avant de partir, Ren lui avait fait promettre de ne pas partir sans quelques protections, dans l’éventualité d’une échauffourée. Aussi, dans sa sacoche, le bandit savait porter quelques petites grenades dont les fumées étaient capables de créer confusion et vertiges envers ceux qui avaient le malheur de la respirer. De quoi pouvoir fuir rapidement. Plus secrètement, Viliam avait aussi prévu un échappatoire plus drastique, dans le cas où les évènements tourneraient vraiment mal. Il s’était promis une chose, quelques temps après s’être remis de sa capture :  Jamais plus il ne s’y laisserait prendre. Et le petit sachet d’herbes cachée dans la doublure de sa manche était censé l’y aider. Plutôt mourir de cette façon, que comme un animal en cage.

Mais pour le moment, il était loin de ces pensées macabres, continuant simplement sa marche prudente, jusqu’à trouver l’établissement de la petite pièce qu’il avait encore entre les doigts.

-Un ami m’a confié ça. Fit-il alors au tenancier, s’accoudant contre le comptoir et posant à la foi l’objet, et quelques souverains à l’utilité moins contestable. Un humain, avec un certain uniforme. Vous sauriez où je peux le trouver en ce moment ?

L’homme fronça les sourcils et ne se gêna pas pour le toiser de bas en haut.  Il renifla bruyamment.

-Uniforme connait pas. Mais y a un type qui loge bin ici et qui qui m’a dit qu’il attendait un type comme toi. Sa bouche se tordit. Si t’allait prendre une table au lieu de m’emmerder ?

Quelques pièces de plus sonnèrent sur le comptoir. Alors le menton de l’homme pointa dans un recoin de la pièce.

Le soldat ne portait effectivement pas son uniforme. Mais son visage afficha la même moue moqueuse lorsqu’il posa les yeux à nouveau sur le bandit qui s’installa à sa table, sans s’inviter. A vrai dire ce dernier ne lui rendait qu’un air noir.

-Bien. Visiblement je ne vous avais pas trop surestimé.
-Vous voulez quoi ?

La rudesse du bandit arracha un bref rire au guetteur…ce qui l’agaça d’autant plus.

-Droit au but, n’est-ce pas ? Rassurez-vous, inutile de monter les dents. Ce que j’ai à vous dire vous arrange. Je veux vous aider.

-Pardon ? Il avait failli s’étrangler. Il posa ses mains sur le bois de la table, prêt à se relever. C’est bon j’ai autre chose à foutre qu’être pris pour un con.

Mais l’autre lui avait saisi le poignet et répondit d'une fois plus sourde.

-Je réitère ce que je vous ai dit. J’ai toutes les capacités du monde de vous faire foutre en taule là sur le champs et de m’assurer que cette fois vous n’en ressortiez pas hors je ne l’ai pas fait. Ayez au moins l’obligeance de m’écouter. Je ne crois pas que vous ayez assez d’amis pour vous permettre d’en perdre de potentiels. Il baissa les yeux sur le poignet du bandit qu’il tenait toujours et étira un rictus indéchiffrable en y observant les scarifications. Le fiasco de votre taverne ne sont pas les seules batailles que vous ayez eut à livrer.

Viliam retira brusquement sa main. Mais malgré le feu qui brulait dans ses prunelles, il ne dit rien et se contenta de se rasseoir.

-On va vous tendre un piège. Continua alors le guetteur, imperturbable. A vrai dire il est déjà au-dessus de vos têtes.

-Vous voyez, on commence à vous connaitre. Il avait croisé ses mains l’une contre l’autre. Ça fait un moment que vous êtes devenus la cible à abattre.

-Jusque-là je suis au courant oui.

-Et vous êtes aussi au courant qu’une partie des gens de cette cité vous apprécient, malgré ce qu’on vous fout sur le dos. Mais si ces gens se retournaient contre vous, ça serait dramatique.  

Sa main vint déplier un morceau de parchemin sur la table. Certains quartiers étaient indiqués comme cibles probables. D’autre entouraient des bâtiments visiblement reconnus comme des caches utilisés par le groupe de bandit. Viliam put constater avec un certain frisson que le guet en savait plus qu’il ne l’imaginait. Bien que certaines informations étaient erronés voir datées.

-D’où vous tenez ça ?

-Je crois que vous connaissez un certain Dastan il me semble ? J’ai cru comprendre qu’il ne vous appréciait pas beaucoup ces derniers temps.

-Ce chien. Cracha Viliam à mis voix.

-Vous ne croyez pas si bien dire. Il a négocié son amnistie contre cette carte et la promesse de contribuer à l'arrêt de l'Aile Blanche. Le soldat haussa les épaules. Il va sans dire que ça ne vaut pas grand-chose, quand il ne sera plus utile, il finira la corde au cou, comme tous les autres. Mais il semble y croire et pour l'instant il se montre particulièrement investi et ses informations plutôt utiles...

-Et moi j’ai la chance d’être dans vos bonne grâce c’est ça ? Il étira un sourire ironique.

-On peut dire ça comme ça si ça vous fait plaisir. Le fait est : Il planta son regard dans celui de son interlocuteur. Ils vont vous pousser à l’erreur. Plus vous aurez les mains salles, plus il sera simple de vous atteindre. Je vais vous donner un petit aperçu, pour preuve de ma bonne foi : D'ici deux jours, si vous avez quelques oreilles bien informées, vous devriez connaitre les plan de la garde. Une fuite indique qu'ici est sensé se tenir un arrangement entre le magistrat Ab’Eldir et quelques receleurs, la bande de Joan dent de fer. Vous vous connaissez il me semble.

-Une bande de coupe jarret, oui. Des vaurien de bas étage, sans grande ambition. Jusqu'ici ils se tenaient plutôt calme mais visiblement les derniers évènement leur on donné bien trop de courage.

-Eh bien tout cela est faux. Vous ne trouverez aucune information à l'échange, là bas. Rien que la garde prête à vous attendre. Et ces hommes probablement déjà abattus. Même si vous vous en sortez - ce qui relèverais du miracle - vous aurez ces meurtres sur le dos. Quelques un de plus me direz vous. Mais l'exercice compte bien se répéter. L’homme pointa du doigt un autre endroit de la carte et sa voix se fit presque pensive. A contrario j’ai entendu dire qu’il existait un ancien point de contrebande récemment confisqué. Il risque de ne pas être gardé en même temps qu’une opération de cette ampleur… ça mérite le coup d'oeil vous ne trouvez pas...

-Et qui me dit que c’est pas exactement ça le piège ? Pourquoi vous m’aideriez ?

-Eh bien…Rien ne vous le garantie. C’est à vous de voir. Allez y si ça vous chante, participez au bain de sang ou fait vous y tuer. Ou pas. Quand au pourquoi…eh bien dites vous que j’aime équilibrer les forces. Ajouta-t-il en terminant sa chope, d’un air nonchalant.