L'aube dorée - Wakadimandagu

1er  jour de la 1ere ennéade de Barkios d’Automne, an 21 du XIème cycle
Le Nid, Bas-quartier, Thaar

la bonne personne, n’était pas chose aisé, mais c’était néanmoins, tout l’art du métier.
Parfois, certaines rencontres se trouvaient forcées par le destin, les dieux, ou un bon avant-bras d’acier ; d’autres fois, les choses tombaient de sens, directement dans vos pognes sans passer par la case douanière, sans même s’arrêter au tripot, dans un aller sans retour comme une sucrerie douce que l’on plonge dans son gosier. Sur les questions de « bonne personne », la Loge d’Onyx n’avait pas son pareil pour farfouiller dans les recoins sombre du monde afin de trouver la bonne pépite. Instauré et fondé par un clan de diamantaire, comment pouvait-il en être autrement ? Ses moyens étaient presque illimités, son emprise redouté par les initiés et inconnu des profanes, en extrapolant un peu, il n’existait aucuns réels endroit sûr à la portée de cette organisation centenaire. Mieux ne valait-il pas trop attirer son attention, bien que, il était plus courant qu’elle croise votre route sans que vous le vouliez réellement.

Pour notre bonne personne du moment,  de l’aube au crépuscule, rien, absolument rien n’avait dut retenir particulièrement son attention. Il avait bourlingué, se pavanant de beauté dans des ruelles bondés ou marchands et miséreux se côtoyaient quotidiennement. Il avait apprécié les plats qu’une quelconque maison de bouche se spécialisant dans la cuisson de fruits confits et salés. Il s’était diverti devant les spectacles de quelques baladins de rues aux costumes frivoles et fantasques. Il avait prit le temps de poser un étron de qualité dans des latrines plutôt ragoutante par rapport à ses standards habituels, durant ce même moment il avait même put observer le curieux décès d’un homme, foudroyé en ayant trop poussé. Puis l’après midi c’était déroulé dans un enchevêtrement de tableau plus ou moins appréciable et de marchandage plus ou moins véreux. Les citer tous, prendrait bien trop de temps sans parler de l’utilité d’une t’elle chose, car ce qui comptait réellement au fond, était la finalité de l’acte.

La  nuit était tombée et même les plus braves des chalands avaient décidé fermer à double tour les volets de leurs échoppes ; le ballet des ivrognes débuterait bientôt, mais avant qu’ils n’encombrent les ruelles comme quelques éphémères essaims de vermines, il existait un moment propice à l’action. Celui ou le brave, ayant trimé tout du long, s’accordait enfin le repos après une journée riche en tractation. Il rejoindrait sa contrée sans douter au lendemain, débutant un long voyage qui le ramènerait parmi les siens. Mais il y avait encore bien des choses à dire avant.

«  Réveil toi, Zurthan. »

L’ordre sonnait creux à travers le masque d’or. Une lame d’acier sous la gose empêcherait le dormeur de trop l’ouvrir s’il souhaitait éviter de s’embrocher lui-même. Si tentait qu’il gagne un peu de vision dans la pâle lueur de la risible chambre qui lui servait de réduit, il arriverait à distinguer cinq autres mastards ne dépassant pas le mètre quarante qui le toisaient derrière leurs façades de fer ; ils visaient tous le bougre avec leurs arbalestre prête à tirer à faire voler l’acier. S’il poussait encore un peu plus loin, il distinguerait même sur sa paillasse, un carré de cuir débordant d’or, aussi proche qu’inaccessible. Quand le Masque d’Or eut la certitude que l’homme ne souhait plus crier, il retira sa longue dague et croisa les bras, assis sur un fauteuil qui lui faisait face.

« Voici ton instant de chance, Shiladar de la Porte. Le sable n’a pas encore asséché tes mains et tes orteils, Sandjakbey de Brââ. Tu respires encore sous le grand astre flamboyant et tu profiteras toujours de la manne venu des cieux, Léopard Astral. Nous sommes ici, pour  te proposer un contrat, Wakadimandagu Kukirfilaï. »

Le ton n’était ni enjoué, ni racoleur, encore moins menaçant mais pragmatique à souhait autant qu’on pouvait l’être dans tel situation. Chose qui dut retenir l’attention de son hôte, le Masque d’Or s’était intégralement exprimé en patois Réthules, la langue des Hommes du Brââ. Ô la forme n’étaint point parfaite et la sonorité teintée d’une marquante lourdeur, mais en avait-il réellement quelque chose à faire ?

«  Qui nous sommes n’a pas grand intérêt, mais c’est ce que nous avons à dire et ce que nous pouvons t’offrir que tu devras retenir. »

Les nains aux masques de fer et prêt à transformer le bellâtre en dés à coudre s’étaient retiré dans le coin le plus sombre de la pièce, l’un barrait la porte s’assurant que personne ne viendrait troubler la quiétude du moment. Le Masque d’Or seul, siégeant sur un séant de mauvaises fortunes, se trouvait face au Zurthan ; il dut reconnaitre un certain amusement à l’entente du blèsement : cet homme qui même endormi avait la fier allure d’un guerrier, chef de clan, s’exprimait comme un édenté de fossé. Adieu prestance et splendeur, du moins selon les critères Vaanis – et pas tous. Bien qu’il soit possible que selon les standards Rhétules, il en aille de la marque de pouvoir : le béni que les dieux avaient touché à la naissance en lui enfonçant leurs gros doigts divin dans la margoule.

De ces subtilités, le Masque d’Or n’en savait rien, chose plutôt rare, mais il avait peut d’intérêt à explorer aussi loin les us et coutumes d’un peuple de sauvage vivant sur le Brââ. Son savoir était plus prosaïque, tourné uniquement dans le but de l’accomplissement de quelques sombres desseins. Se callant dans son siège, il commença à jouer sans ménagement avec la dague d’on il s’était servit quelques minutes auparavant pour implorer un silence de circonstance. On ne pouvait pas distinguer ou il portait son regard, mais le masque fait du métal brillant, semblait toiser les centimètres d’acier. La même voix étouffée s’en échappa alors.

«  Nous savons que tu es un homme puissant, Wakadimandagu. Que sur ton territoire, tu agis en maître et que dans le palais que tu administres, tu disposes d’un rôle plus appréciable que la Reine que tu as juré de servir. Nous recherchons un homme comme toi. Un homme qui sera fédérer autour de lui pour l’accomplissement d’un unique but ; un homme qui sera apprécier l’or à sa juste valeur et je parle ici de beaucoup d’or. Un homme qui, s’il est habile, sera a même de tourner la situation à son avantage parmi les gens du désert. Mais surtout un homme qui dispose des épaules suffisamment solides pour faire face à la colère de Thaar. Nous pensons que tu es cet homme, Lépoard Astral. Nous sommes nous trompés ? »

D’un geste sec, il lança la dague qui vint se planter dans la bourse d’or qui trônait toujours au pied du lit. Les souverains chutaient dans divers sens, se répandant comme un tel une marée dorée sur les draps et le sol.

«  Dans le cas contraire, j’ai entendu parler d'autres hommes, on dit que parmi les Fellyadah et les Massabonds, des êtres à la même prestance que la tienne, parcours encore les dunes. »

 Citer les rivaux ancestraux des Réthules n’était en rien orienté. Absolument en rien.

Il existait en ce monde un prix pour toutes choses. Certains pouvaient pérorer et arguer au dessus des monts que non : ils n’étaient point achetable, point cupide, doter de valeurs et autres bien belles balivernes.  Mais, réunissait toutes les conditions pour et ces mêmes lurons se retrouveraient à marchander la vie des leurs enfants ou de leurs mères. Ô bien sûr, avant, il fallait passer par une phase active de suggestions hiérarchisés et proportionnelles à la résistance de chacun. Une pyramide qui s’articulait sur la corruption, la menace, la violence, la torture, et l’assassinat ; quand bien même, tous ces leviers avaient été utilisés sans résultats, il existait encore quelques voies secrètes pouvant contraindre toutes les braises existantes. Mais le Léopard Astral n’aurait pas à en arriver la, non, le Masque d’Or pouvait sentir que ce Zurthan avait la tête sur les épaules – pour un sauvage, et qu’il savait quoi faire pour la conserver. D’un signe de la main, il fit sortir ses suiveurs les Masques de Fer, le tout ce fit dans une ambiance feutrée et discrète, l’un se permettant même de passer par l’unique fenêtre à l’aide d’un grappin, il disparut sur les toits. Les autres, se trouvaient dans le couloir, juste devant la porte.

«  Vois-tu, nous sommes maintenant entre personnes éclairés Wakadimandagu, tu seras donc celui que nous choisirons pour cette tâche. Comprend bien que les paroles qui suivront feront office de contrat : tu seras lié à sa réalisation et cela, jusqu'à accomplissement ou décès. Tu es sans douter un homme raisonné et il me semble peu nécessaire de le dire, mais je le dirais quand même : si tu choisis la couardise, l’exile ou la tromperie une fois que j’aurais passé cette porte, il n’existera plus aucunes dunes ou te cacher. Nous te retrouverons et nous abrègerons le contrat pour le transmettre à un parti plus sauf. »

La menace, car s’en était une, fut prononcé comme s’il avait annoncé le temps d’une chaude journée d’été. Le Masque d’Or retira alors d’un pli de son habit, une liasse de parchemin, de sa main ganté, il rompit le léger sceau et déroula le papyrus de très bonne qualité ; un artiste, dessinateur hors pairs, y avait crayonné avec tact, les portraits de plusieurs personnes, des nains pour la plus pars. Il en garda un unique en main.

«  Bientôt, une caravane quittant Thaar en direction d’Ésion, longera tes terres. Voici les portraits des âmes qu’il te faudra renvoyer aux sables et cela pour toujours. Ô ne croit pas que nous te prenons pour un surineur de bas étage Sandjakbey de Brâa ; car si tuer quelques émissaires vaanis restent à la porté de tous, le suivant, il te faudra non point le tuer, mais le rendre inaptes à toutes choses… » Il plaça alors le dernier feuillet sur la paillasse, on y voyait très clairement les traits de Marzaban Ambreroc. « …Tu seras alors connu, pour avoir réduit au néant, le Maitre des Mille-Caves. »

Les mots planèrent dans l’air un instant en Réthule, le Masque d'Or ménagea son effet, sachant que des questions concernant le comment allaient arriver, le pour combien serait le suivant et le pourquoi peut être. Bien qu’à cette dernière, il ne répondrait pas.

Le Masque d’Or s’était figé dans une contemplation énigmatique d’un point précis de la petite pièce qu’il était le seul à distinguer sous ses prunelles de métal. Ainsi assis sur son séant, il semblait à un curieux esprit des sables et de la nuit à l’écoute des supplications d’un fieffé du désert. Quand le Sandjakbey en eut finit, tourna la face de trois quart, le toisant un long instant sans un bruit. Puis naquit sous le minerai et le tissu, un rire aussi rauque qu’étouffé par les carats qui composaient le grotesque moulage lui servant de face.

«  Ô pour sûr, les Princes péroreront à l’infamie, des feux seront allumés dans la brousse, les voix s’élèveront de colère, la traque sera donné dans le désert et les dunes, les coupables seront chassés et quand ils finiront par être retrouvé, leurs carcasses pourriront au soleil dans une cage, les yeux et la langues dévorées par les vautours. »

Un tableau bien sombre et tristement vrai ; il n’existait pas beaucoup d’endroit en ce monde qui était hors de la portée des siégeants du Joyau ; bien qu’en réalité, les terres Zurthans étaient un bourbier de silice dans lequel personnes n’avaient hâte de s’empêtrer. On y mourrait plus rapidement qu’un ivrogne se précipitant de lui même dans les latrines - l’odeur en moins. Le Masque d’Or joignit alors ses deux mains gantés et reprit la contemplation du point inerte de la pièce.

« Thaar réagira, soit en sûr, Léopard Astral. Il en va de son image. Hors, si tu sembles êtres aussi éclairé qu’on le dit, ce contrat ne stipule à aucuns moments qu’il te faudra rendre l’acte public en t’en pavanant entre les dunes et les oasis. Tant que le but indiqué est atteint, qu’importe la façon. Jette l’opprobre sur les Fellayadh ou les Massabonds et c’est contre eux que se tournera la colère de la cité aux Mille-Merveilles, et ceci, je peux te le garantir. En plus des richesses que tu tireras de notre association, tu y gagneras l’affaiblissement d’un ou plusieurs de tes rivaux. Tu pourrais même si tu le désires, te faire passer pour le sauveur de cette malencontreuse expédition, libre à toi. Dans le montage qui t’ai ici proposé Wakadimandagu, il ne tient qu’à ta finesse d’esprit d’en exploiter tout les aspects pour récolter gloire et richesse. »

Inutile de lui préciser que s’il faisait un pas de côté, le Masque d’Or y gagnerait tout de même son dû. Sachant que l’entrevu toucherez bientôt à sa fin, le nain se releva de son siège et s’avança jusqu’au pied du lit ou se trouvait toujours la bourse éventrée. Il se déplaçait avec une curieuse légèreté étant donné sa corpulence. D’un geste lent il prit une pièce et sembla l’admirer un instant.

«  Aux premiers jours de l’hiver, souvient-en. Il te faudra blesser avec légèreté et épargner tout ceux portant une pierres ceint à leurs fronts. La caravane sera armée, mais à minima, des hommes mourront des deux côtés, il le faut. Une fois cela fait, nous récompenserons ton acte généreux, par deux coffres emplis des mêmes pièces.» D’un geste habile, il envoya le souverain en direction du chef de tribu. On pouvait voir frappé sur son revers un luxueux palais, quant à son avers, il était marqué des symboles d’Uldal’Rhiz. « Ais-je dissipé toutes tes craintes, Sandjakbey ? »

Même le masque dorée ne réussit pas à étouffer complètement la raillerie.

Statut de ténèbres au phare doré, difficile de dire à quoi penser réellement le Masque d’ Or en cet instant ; toisant le Zurthan sur les rebords arrière de son lit, on entendait à peine le souffle rocailleux qui s’échappait des fentes prévues à cet effet. Trouvait-il une quelconque truculence à ses tentatives d’en savoir un brin plus ? Pour sûr. Mais on ne pouvait atteindre la place qu’il occupait aujourd’hui sans étancher la soif de tous les chameaux qu’on croisait ; dans le cas contraire, comment se prémunir des fissures dans la jarre du pouvoir qu’il entretenait sur ses ouailles ? Mais le Léopard Astral n’était pas un simple quidam,  bien qu’il était pour lui à peine plus qu’un reproducteur compétitif dans un sérail d’être trier sur le volet, savoir contrôler certain flux pour nourrir son égo n’irait pas à contresens de la démarche.

« Les sentes des hautes sphères sont aussi dangereuse qu’une dune dans laquelle se prélassent une colonie de vipère rouge, un seul faux pas et la sentence tombe, aussi violente que véloce. Dans cette danse permanente avec la mort, des individus se dressent la ou d’autres chutes. C’est dans se dessein que nous t’avons choisis pour réaliser cette œuvre. Tu seras le pinceau sanglant d’une toile qui t’attirera la sympathie de mécène d’on tu ne soupçonnes pas encore l’existence. Réalise se contrat comme il en est convenu : fait disparaitre les inutiles, sauvegarde les marqués et confine ta cible.  Après le feu de brousse, miel et nectar coulerons à profusion sur tes ouailles, Léopard Astral. »

Sans omettre de préciser qu’il n’était point nécessaire qu’il en sache plus que quelques curieuses énigmes dans le noir,  le Masque d’Or prit alors lentement direction de la porte sur laquelle il frappa deux et demis coup secs, un signal pour les ferreux qui se tenaient au dehors.

«  Tes porteurs de lances vont bien, ils se réveilleront à l’aube avec l’impression qu’un troupeau de Païm ait choisit leurs caboches comme pataugeoire. N’en blâme pas  leurs compétences, ils sont sûrement de très bon guetteur entre les sables, mais nous sommes les ombres de Thaar et aucuns lieux ne nous aient inatteignables. Aux premiers jours de l’hiver Wakadimandagu. »

Et le Masque d’Or quitta les lieux dans un frichement de tissus, derrière la porte quelques pas feutrés, sans palabres ni effusions, puis plus rien.