On arrose ça [TERMINE]

La porte de la taverne se pousse à la volée. Une silhouette féminine enveloppée d'un sarouel simple et d'une chemise ample pourpre. A la taille, un petit sabre courbé, presque un poignard. Dans le dos, un autre, beaucoup plus grand. Une masse de cheveux sombres, indomptables. Et une mine renfrognée sur un visage à la peau matte.

Azadeh entre dans la pièce, d'un pas vif elle va vers le comptoir. Les yeux des clients qui ne sont pas absorbés par le duel de Zueal se posent sur elle. Quelque chose ne va pas. Cette femme tient un large couteau de cuisine en main. Et ladite main est couverte de sang.

En deux secondes, elle est au comptoir et y plante le couteau, en même temps qu'elle plante son regard dans celui du tenancier. Elle s'adresse à lui vertement, haussant le ton:
"J'avais dit du rhum ANCIEN j't'ai payé assez cher pour ça non ? Tu crois qu'tu peux m'rouler ? C'est pas la première fois, et là la viande est découpée, et j'peux rien en faire ! Et... Et c'est quoi ce sourire de con ! Vire le de ta gueule!"

Les clients habitués s'apaisent. Ce n'est qu'"elle". Et elle vient encore râler sur la qualité de ses matières premières... Chacun en retourne à ses activités, on lui passe ses écarts, on ne voudrait pas qu'elle quitte le quartier, sa bouffe est plutôt bonne.

Le tavernier sourit. Il a l'habitude, elle l'a (encore) jamais planté... Il indique Zuela d'un geste de la main:
"Navré p'tite 'zad mais on a des gosiers assêchés, j'peux pas commander mieux que c'que j'te donne, ceux là l'auraient gobé avant qu'ça n'arrive chez toi. Mais la prochaine fois..."

Azadeh se tourne vers la tablée de soiffards, et décide de les porter responsables de son manque de matières premières. Elle reprend son couteau, et va se poster devant la table des joueurs, une main sur la hanche. De l'autre, elle pointe la lame de son couteau sur l'une des bouteilles de rhum qui trônent sur la table. La meilleure:
"Filez moi cette bouteille ! Z'avez bien assez de piquette pour votre jeux de soudards !"

Elle ne connait personne, mais ne se démonte pas...

Azadeh regarde les deux hommes avec un regard d'animal furieux. Forcémment qu'ils allaient la foutre au défi de participer. Elle croyait quoi? Qu'il allaient lui donner son butin la bouche en coeur? Il fallait l'avouer, elle l'avait espéré.

Ses yeux, agités, passant en permanence d'un lieu à l'autre comme s'ils ne parvenaient jamais à se fixer, finissent par accrocher la main de Zuela, autour du col de la bouteille. Il verse, lui tend un verre, et la garde pour lui. Elle resserre sa main autour de son couteau. Elle lui en donnerait bien un p'tit coup, mais sa lame est trop précieuse pour tenter... Et elle n'est pas complètement ahurie, elle ne sait pas à qui elle a à faire, mais sûrement pas un enfant de coeur...

Elle plante brusquement le couteau dans la table, vociférant:
"Ha j'vous voyais v'nir avec vos grands airs et vos couilles sur la table! Mériter cette bouteille? C'est bien beau de poser mon derrière sur une chaise avec vous et picoler, mais à voir c'que vous avez enquillé c'est pas comme si vous étiez pas habitués, hein?"

Elle agrippe malgré tout une chaise, à côté d'elle, et vient la planter entre les deux hommes. Elle s'y assoit en tailleurs, dans le bruit de froufou du tissus de son sarouel.

Elle maintient le regard de Zuela, même si ses yeux sombres et déterminés passent parfois sur ses cheveux... Foutue couleur, c'est pas la première fois qu'elle croise quelqu'un comme ça. Peu importe. Elle attrappe le verre qu'il lui a servi, pour le planter devant elle, relevant le menton d'un air mutin:
"Et après quoi? Ha, ouais, votre jeu là, y s'finit par un bras de fer? C'est sûr que j'vais gagner avec ma force de cuistot ! Mais jouer à armes égales ça vous viendrait pas à l'esprit hein?"

Ses gestes semblent aller à l'inverse de ce qu'elle dit. Elle ne veut pas participer, et pourtant elle est assise là. Elle n'a aucune chance, c'est évident, et pourtant elle regarde le jeu de cartes:
"Si j'peux pas gagner cette bouteille, j'en boirais au moins suffisemment pour qu'elle soit pas complètement gâchée dans vos gosiers !"

Elle tend une main à moitié couverte de sang sêché vers le jeu de cartes. Dans son mouvement, une odeur émane d'elle... De viande grillée, d'épices... De cuisine, tout simplement. Elle lance un regard plein de défi à Zuela, avant de lâcher:
"Alors? Si tu m'disais ma couleur et ton nom?"

Au milieu de la table, le couteau planté contemple la scène...

Elle se demande un instant comment elle s'est retrouvée là... Elle était censée faire un passage rapide, prendre son dû, et repartir dans son échoppe. Et la voilà installée entre deux soudards à participer à... à quoi au juste? Elle s'est lancée impétueusement. Mais ce qu'elle a dit, elle le pense : hors de question de leur laisser tout boire ! Cette bouteille, elle l'a lorgnée bien avant eux, et si elle peut pas la vider dans ses plats, elle la videra d'une autre façon.

« Ok ma belle, j’ai cinquante berges passées mais suis loin d’être sourd, pas besoin de l’ouvrir si grande hein. »

« Tu joues du couteau toi hein ? Comme on veut
pas casser le poignet d’une dame, on va troquer le bras de fer pour un
jeu de fléchette. »

Elle hausse un sourcil :
"L'ouvrir grande? T'as rien vu ! Et va pour les flechettes... ça va être intéressant après quelques rasades, vous avez pas peur pour vos yeux j'espère."

"Pis j'préfère épargner mon poignet. J'en ai sûrement pas la même utilisation que vous, mais sans mes mains j'aurai du mal à faire tourner mes cuisines."

Elle regarde le couteau de pêche qui vient tenir tête à son couteau de cuisine. Elle sourit à l'outil. Presque avec affection. Oui, elle a de l'affection pour tout ce qui est pâle et tranchant, elle ne s'en cache pas.

"Pat et Zuela, hein ? Noté. Si vous v'nez grailler chez moi un jour j'vous montrerai ce que j'en fais, moi, du rhum avec lequel vous jouez ! Vous verrez qu'c'est autre chose!"

"Ha. Moi c'est Azadeh, au fait."

Lors des présentations, elle avise le crâne de Zuela. Du gazon. Ouais. Bonne comparaison. Il lui rappelle tellement furieusement son autre connaissance aux cheveux couleur marimo, ce gazon. Elle se gardera bien de le dire. Elle est pas là pour faire la nostalgique.

Zuela l'invite à tirer une carte, et a l'air complètement hermétique à ce qu'il se passe. Elle hésite entre vexation et satisfaction. Elle aime bien qu'on lui foute la paix. Mais quand on lui fout un peu trop, c'est pas très flatteur. Foutu verdoyant. Il titille sa curiosité, et l'agace profondément.

Elle tend la main vers une carte et la retourne. Prestement. La demoiselle semble avoir une force de mouche, mais une agilité pas dégueu. Par contre, les dieux du rhum ne semblent pas prêts à l'épargner. Pique. Va pour la rasade de rhum.

Elle a une sorte de tic étrange. Elle porte son verre sous son nez avant de le porter à ses lèvres, et l'inspire brièvement, comme pour en goûter les effluves avant de le descendre.

Puis elle l'avale. Elle grimace, plisse ses yeux qui s'humidifient un peu. C'est pas un pillier de comptoir, c'est évident. Elle claque le verre sur la table, et le re remplit, pour attendre son prochain tour. Elle va pas lâcher.

Pas de bol, les quatre cartes suivantes sont aussi pour le compte de la donzelle un peu trop présomptueuse. Rien à foutre, elle continue son manège pour chaque verre. On inspire un peu, on avale, on toussotte, et on fait comme si de rien n'était.

La prochaine couleur est pour Zuela... Ouf, un brin de répis. Elle se demande un instant depuis combien de temps ils jouaient à ce jeu stupide, et jusqu'où s'étends la faille qui leur sert d'outre à picole... Ils ont l'air de bien éponger, les salauds.

Sa vue est un peu brouillée, mais elle tient bon, essayant de remettre de l'ordre dans ses cheveux, qui la narguent en reprenant immédiatement leur indomptable position d'origine, lui chatouillant le visage.

Elle s'est levée presque d'un bond... Bordel, ça tangue. Et elle sent les regards sur elle, comme s'ils la poussaient pour la faire tomber encore plus vite.

Elle pose une main sur la table pour se maintenir un instant, et inspire. Elle se demande ce qui lui a fait le plus d'effet, l'alcool absorbé pendant le jeu, ou celui respiré à cause de l'haleine des deux concurrents.

Elle rit un peu au gest de Pat. Elle apprécie la compagnie du bonhomme. Ils sont pas tout à fait du même monde, elle n'a jamais frayé plus que ça avec les hommes même si elle en a fréquenté beaucoup, mais il est de ceux qui vous font sourire par leur mélange de rudesse et de bonhomie.

Zuela ne dit toujours rien... foutu escrimeur. Il se croit au dessus d'eux ou pas? Pourtant, quelque part, au fond d'elle, elle se souvient s'être promis d'apprendre à se taire. Souvent. Un peu comme ce gars, pas ouvrir le bec pour rien, ça en impose. Mais elle a jamais réussi. Du coup, elle est un peu amère envers ceux qui y parviennent. De la jalousie sans se l'admettre.

Bref, pas le moment de penser à ça. Elle est debout, face au jeu de fléchettes. Elle est censée jeter son couteau là dedans? Mais cette cible bouge !

Elle inspire:
"Ouais! Ouais c'est à moi... Ok... Planquez vos miches on sait jamais!"

Elle les a prévenus! Donc maintenant, va se lancer.

Son nez fin se plisse dans une moue de mécontentement. Ca tangue. Des ricannements se font entendre dans l'assemblée. Elle redresse le menton, feignant de les ignorée, mais vexée comme un poux!

La donzelle laisse tomber son regard sur la table. Elle laisse glisser sa main sur le bois, pour aller effleurer la lame de son couteau. Un geste troublant, car presque tendre. On voit qu'elle y tient. Un peu trop.

Elle agrippe brusquement le manche, et lance, d'un geste vif, en ayant à peine plus regardé la cible. Besoin d'y aller à l'instinct, sinon elle va pas s'en sortir !

Le son du métal qui se planche dans le bois. Tchac. Au moins, elle a pas lancé contre le mur. Elle se serait pas pardonné, de toute façon, d'abimer son fidèle outil de travail.

Elle a touché la cible. Pas en plein coeur, c'est un lancer moyen, le couteau est allé se planter plus près du bord qu'autre chose. Mais elle s'est pas ridiculisée. Elle lance un regard plein de défi à l'assemblée.

Holas de satisfaction dans le public, qui commence à échanger quelques piecettes. Et les regards qui se tournent vers Zuela et Pat, donc vont dépendre la suite des évènements.

Dans le brouhaha, Azadeh avance jusqu'à la cible pour récupérer sa précieuse arme.

Elle revient donc vers le comptoir, et trébuche un peu. Elle lâche le couteau qui vient se planter aux pieds de Zuela. Elle se penche devant lui pour le ramasser, et comme une gamine innocente s'accrocherait à sa mère, elle s'accroche à la chemise ample du bretteur pour se redresser, le tirant un peu en avant.

Elle lui décoche un large sourire en revenant à son niveau et approche son nez du sien, avant de lever la lame entre eux deux. Une vraiment belle lame, presque plus aiguisée qu'un sabre, mais qui dégage une odeur de... viande:
"J'crois que c'est à toi l'silencieux. N'ai pas peur j'ai déblayé l'chemin en éclaireur !"

Le défi n'a pas quitté les yeux charbon, malgré l'alcool qui les fait briller et trahit son manque total d'équilibre. Elle relâche la chemise de l'escrimeur pour se rappuyer au comptoir. Précieux comptoir qui accepte de la soutenir un peu. Elle lui est fort reconnaissante. Elle plante son couteau à côté d'elle, compagnon fidèle.

Elle redresse le menton, mutine, indiquant clairement à Zuela que maintenant, elle attend de voir.

Azadeh sursaute légèrement lorsque le rouge heurte la cible. Ca fait plus de bordel que son p'tit couteau. Enfoiré, il l'a mis en plein milieu. En même temps elle s'en doutait. Sa spécialité, c'est pas le tir de précision, et encore moins avec un coup dans l'aile.

Elle tapote malgré tout entre ses mains pour accompagner la foule, bonne joueuse. Quand Pat fait moins bien qu'elle, elle a un léger rire, pas moqueur, juste amical, et lui fait un petit signe d'encouragement:
"Allez Patou, tu f'ras mieux à la prochaine si les cartes ont pitié d'nous!"

Elle agrippe le manche de son couteau pour venir se rassoir à la table, le posant à côté d'elle cette fois. Plus besoin de le planter, et puis elle voudrait pas trop l'émousser non plus. Elle attrape le rhum - le fameux - et ressert tous les verres. Elle a la main lourde, elle mesure mal ses gestes. Petite moue.

Azadeh observe un moment les cartes voler entre les doigts de l'escrimeur. Encore deux fois treize... Ca peut fait beaucoup de verres.

Elle sourit à Zuela, dévoilant une rangée de dents presque trop blanche sur sa face brune:
"Tire donc, terrorise nous!"

Elle parle avec un certain entrain, elle entre dans le jeu au fur et à mesure que le temps passe. Elle en aurait presque oublié le pourquoi du comment elle est arrivée là.

Les cartes commencent à apparaître. Plutôt régulières pour chacun, les verres se lèvent un à un, et se remplissent quand ils crient famine. à la douzième, mamzelle coq en a bu trois, Pat quatre, et cinq sont allés à Zuela. Dernière carte... pique... Elle attrappe son verre, il tangue un peu. Elle déglutit. celui là, elle s'en serait bien passé, c'est flagrant. Hauts les coeurs, c'est pas le moment de lâcher prise... Elle inspire les vapeurs d'alcool, et zou, dans le gosier d'un trait.

Elle toussotte en se tapotant la poitrine du poing. Ses yeux brillent un moment, mais elle se redresse en claquant le verre sur la table.

Le tavernier la regarde d'un drôle d'oeil. Un brave gars qui aurait l'àge d'être son père, et qui la surveille un peu comme tel, en fait, depuis qu'elle s'est pointée dans la taverne. Alors qu'elle est en train de se lever en agrippant le manche de son couteau, il s'adresse à elle:
"'zad' c'est p'têt' le moment d'arrêter ? J'veux pas t'voir dormir sur mon plancher!"

Elle lève les yeux au ciel et le pointe du doigt en émettant un léger rire:
"T'affole pas Rob', prépare moi d'la flotte pour après juste. Là où je pionce c'est pas tes oignons. Et la reine de l'oignon, c'est moi!"

Ledit Rob soupire lourdement et laisse couler. Vu le regard qu'ils s'échangent, c'est pas la première fois que ça fritte gentiment entre eux. Elle doit être le genre de fille que certains essaient de protéger sans grand succès.

Pour le coup, elle est debout, mais toujours appuyée à la table. Elle le cache pas, ça balance... Elle regarde Zuela, puis la cible:
"Allez c'toi qui ouvre le bal cette fois ci ! Chacun son tour! J'passe en dernier, le temps de retrouver mon centre de gravité, hein."

Quelques regards de clients alentours ont un peu changé de ton. Une donzelle émêchée, ça a toujours l'air plus vulnérable. Et une donzelle plus vulnérable dans un repaire de pilliers de comptoir, ça attire pas toujours les meilleurs regards.

Azadeh hausse un sourcil à la proposition du client, et regarde pendant un instant autour d'elle, avec une naïveté surprenante, comme si on ne s'adressait pas à elle et qu'elle cherchait le centre d'intérêt du bonhomme... Pat se lève au moment où elle semble réaliser la situation, elle lâche un petit "hein? Oh! Moi?" indiquant qu'elle n'est plus trop en phase avec son cerveau et les vapeurs éthiliques qui s'y balladent.

Le gars tombe en arrière, elle a pas bien compris pourquoi, elle a vaguement vu bouger une épaisse chaussure au bout d'une longue jambe... Qu'elle relie mentalement à Zuela. Putain, pas facile d'associer les choses avec tant de rhum derrière la cravate!

Le cul par terre, le rustre jure entre ses dents. Il pointe la gamine du doigt, rageur:
"Tu t'planques derrière tes deux mamans sale môme? R'tourne têter du lait si t'as peur des vrais hommes!"

Les sourcils de la brune viennent assombrir ses yeux. Le gars est en train de se relever, elle récupère prestement son couteau posé sur la table, pour le glisser à sa ceinture. Le geste a quelque chose de protecteur, comme si elle craignait qu'il arrive malheur à son outil.

Le grand gars s'est relevé en s'appuyant à une table, il avance en montrant du point, continuant à jurer.

Azadeh, sans autre forme de procès, lève le majeur dans sa direction:
"Des vrais hommes ? Ceux qui proposent d'emblée du fric pour faire écarter une cuisse de donzelle, parcequ'ils savent que sans payer ils peuvent se la caller sous l'bras?"

Nouvelle floppée d'injures, le gars arme son poing, et l'envoie maladroitement vers la noiraude. Il vient heurter du vent, elle s'est coulée sur le côté comme une anguille. La large main du soudard enragé bats à nouveau l'air vers elle, elle se déplace à nouveau. La donzelle bouge comme un serpent... Mais un serpent un peu trop imbibé... Elle heurte une chaise, et n'esquive pas le coup suivant, une claque sonore vient afficher une marque rouge sur son visage. Le gars en profite pour l'agripper par sa chemise pourpre.

L'odeur de sueur et d'alcool du grand gars qui enrage fait monter la nausée aux lèvres d'Azadeh, alors qu'il la rapproche de lui en armant un poing.

Les fines mains de la coq glissent sur ses flancs. Un éclat blanc et un son de métal. Elle a dégainé le sabre court accroché à sa hanche pour venir le caller sous la gorge du malvenant. Elle lui parle en serrant les dents, franchement hostiles:
"Me touche pas ou j'te hâche comme de la viande de porc périmé..."

D'autres clients se sont levés... L'un pour aller interrompre l'altercation, un autre pour empêcher le premier... Ils ont commencé à se cogner dessus, un troisième s'en est mêlé, des gnons ont commencé à voler...

Rob', le tavernier, lève les yeux au ciel et ramasse quelques pichets sur son bar. La situation le surprend pas plus que ça.

Un joyeux bordel commence à reigner parmis les clients imbibés, l'un d'entre eux reçoit même un coup qui vient le faire heurter la chaise de Zuela. D'autres prennent Pat à partie, parcequ'il a défendu la donzelle. D'autres encore prennent ceux qui le prennent à parti, parcequ'ils trouvent ça normal... bientôt, plus personne ne sait trop pourquoi ça gueule, mais ça gueule, fort, et partout.

Le grand gars a relâché Azadeh... Elle recule d'un pas, arme toujours pointée vers lui. Il respire comme un boeuf, mais la lame bien afutée le tient en respect pour le moment.

« Pardon mademoiselle. »
Azadeh plisse le nez de mécontentement. Vraiment, elle aurait bien coupé une tranche du malotru. Mais il fait volte face et s'en va... ça vaut peut être mieux.
Le sabre court fait un demi tour dans ses doigts agiles et regagne son fourreau, au chaud. Elle ne lâche pas Borgo du regard jusqu'à ce qu'il ait quitté la taverne...

Une fois la porte passé, elle se détend, ses sourcils se redressent, et ses yeux reprennent leur ballet d'observation incessante.

« C’est ma tournée ! »

Elle sursaute, elle en avait presque oublié le reste du monde. Elle regarde au sol, ce qu'il reste de la bouteille gît au milieu des cartes... tout ça pour gâcher le rhum qu'elle convoitait... Ca l'agace visiblement bien plus que les mots déplacés de quelques pilliers de comptoir.

Elle se masse la nuque d'une main, grimaçante, et sourit alternativement à Zuela et Pat:
"Merci les gars... Bah, j'me suis déjà extirpée toute seule de situations comme ça, mais c'est jamais désagréable d'avoir un coup de main."

Elle réajuste la chemise malmenée par l'homme, faisant la moue. Sur le côté, des coutures ont craqué. On distingue quelques bandages pâles en dessous, le genre qu'utilisent les femmes marins ou les combattantes pour malmener leur poitrine en l'écrasant pour qu'elle gêne pas leur mouvements.
Ya pas que des avantages qui se cachent derrière un minois féminin quand on décide de faire partie du monde des hommes.

Elle sourit amicalement à Pat, venant s'acouder à côté de lui:
"J'crois que pour la tournée... J'vais passer mon tour... Je suis pas une reine de la picole, et ya plus de bouteille à gagner..."

Elle soupire en regardant à nouveau au sol le pauvre rhum répandu.
Elle se masse un peu la joue par réflexe, sa peau a pris une teinte colorée avec la claque de l'ami Borgo.

Brusquement, une question assaille son cerveau. Ca fait un petit moment qu'elle glandouille dans une taverne avec deux types dont elle ne connait que le prénom:
"Mais... Heu... au fait, vous êtes qui? J'veux dire... Il me semble pas vous avoir vu souvent dans le coin? C'est pas qu'un taciturne aux cheveux verts passe pas innaperçu, mais presque..."

Azadeh suit les échanges avec intérêt, ses grands yeux filant de l'un à l'autre à la vitesse de leurs paroles. Ses sourcils se haussent quand ça cause de la Marine Marchande. Ca l'intrigue, c'est évident.

Elle sursaute presque quand on en revient à son cas:
« Et toi alors, t’es une habituée ici ? »

Elle fait un sourire presque navré à Rob' en le regardant en coin. Il soupire d'un air un peu las. Ces deux là se connaissent, et l'une fatigue l'autre, c'est évident.

Comme pour l'encourager à ne pas raconter n'importe quoi, il lui sert le verre d'eau qu'elle avait demandé avant. Boire de l'eau dans une taverne, c'est pas la gloire, mais ça fait du bien au crâne et ça évite les lendemains difficile, alors elle n'a cure de l'image que ça donne:
"Habituée? De Meca, ouais, moins de ses tavernes. J'y viens juste pour chercher quelques alcools, de temps en temps."

Rob' s'offusque en lui tendant son verre:
"De temps en temps? Par la moustache de ma belle mère, t'es plus souvent fourrée là que la plupart des clients, et tu consommes pas!"

Elle hausse les épaules:
"J'achète quand j'trouve c'que je cherche Rob', et quand tu l'as pas déjà vendu pour jouer aux cartes!"

Elle avale une gorgée d'eau alors que Rob' marmonne quelque chose au sujet du fait que les clients achètent ptêt' moins de quantité, mais marchandent pas, eux...

Elle reprend, offrant à Pat' un sourire amical:
"En fait, j'suis coq. Bon, un peu mercenaire aussi, mais surtout coq. Maître coq, même! Enfin, à l'origine..."

"Mais ça fait presque un an qu'j'ai pas pris la mer, et j'ai ouvert une échoppe sur Meca. J'fais la bouffe, pas pour trop d'monde à la fois, mais j'la fais bien!"

Son visage charbonneux s'éclaire. Elle mets de la passion dans ce dont elle parle, ça se sent:
"Produits frais, rares, et chers. Mais ça marche pas mal, même si j'me fais pas des miches en or... J'essaie d'reste dans les moyens des clients, j'veux surtu faire comprendre que ya pas que les patates et le lard dans la vie. Mais c'est pas gagné..."

Elle semble réaliser qu'elle parle beaucoup. Trop. Beaucoup trop. Elle s'éclaircit un peu la gorge et avale une gorgée d'eau:
"Pis j'habite dans mon échoppe, j'me dis que j'peux reprendre la mer n'importe quand, alors j'ai pas envie de m'faire un foyer, ou d'me fixer. J'pense que j'vais pas tarder à repartir... Enfin, qui sait... Quand j'aurai trouvé un navire pour une traversée, quoi."

Rob' passe un coup de chiffon sur son comptoir sale:
"C'est pour retrouver ta copine la marchande ou pour esquiver ton pote Erham ?"

Azadeh plisse le nez comme si elle avait goûté un aliment périmé à la prononciation du dernier nom:
"Ha... Ceux qui comprennent pas qu'on puisse avoir envie de s'amuser un peu sans se faire passer la bague au doigt... Merci... J'sais que ma popotte arrache tout mais ya des limites..."

Sa petite remarque assassine au sujet d'un présumé prétendant déçu lui permet quelque part d'esquiver la question... Elle pose son coude sur le bar et son menton au creux de sa main, faisant voler ses yeux charbon de Pat à Zuela, alternativement:
"Et donc vous, vous êtes engagés dans la Marine Marchande si j'ai tout suivi ? C'est une sorte de contrat permanent ? J'ai pensé à aller y poser mes fesses des fois, mais j'me suis toujours dit que c'était un fil à la patte un peu trop dur à porter si on était un peu trop... Hum... Réticente à l'autorité?"

La brune hausse un sourcil quand Zuela la questionne, l'air surprise. Peut être parcequ'elle avait oublié ce sang sêché. Peut être parcequ'elle s'attendant pas à ce que le sabreur s'intéresse à la conversation. Peut être aussi parcequ'elle était absorbée par la nouvelle venue... Ce genre de nanas qui savent y faire, assurément, et qui ont ce qu'elles veulent quand elles veulent. Plus ou moins. Le genre qui fait qu'on sait pas trop si on est jalouse ou admirative...

Azadeh regarde sa main... Elle y avait posé son menton, du coup un peu de sang sêché y est resté accroché. Elle porte le pouce de l'autre main à ses lèvres pour y déposer un peu de salive et se nettoyer le menton en frottant un peu sans grand succès.

Elle sourit à Zuela avec franchise. Malgré ses attitudes d'observatrice qui en a suffisemment pris dans la gueule pour apprendre à se méfier, quelque chose d'intensément positif brille dans ce sourire qui affiche une rangée de dents trop blanche pour son corps sombre:
"Ha ça... J'y pensais plus... Ouais, on peut dire ça..."

Elle fait la moue en moutrant le dos de la main au sang sêché au sabreur. Quelques entailles, sur le haut du poignet, et aux jointures de ses doigts, semblent être à l'origine du problème. Ca a vaguement coagulé:
"J'allais fermer boutique, et j'ai eu un soucis avec un soudard du port qui voulait absolument rentrer. Ce genre de gars pour qui non c'est pas une réponse. J'étais en train de finir des préparatifs pour le lendemain... D'la viande épicée au rhum, pour la laisser reposer pour la nuit. On s'est un peu frittés, il avait la bouteille à portée de paluche, j'ai choisit entre la recevoir dans la main ou dans la gueule. Et je tiens encore un peu à ma gueule."

Azadeh regard les restes de la blessure en faisant une petite moue indécise:
"Il a fini par se barrer, et j'voulais récupérer du rhum vite fait avant d'retourner chez moi... Pour finir c'que j'avais commencé, quoi... Pis soigner ça après. Sur le coup j'étais trop en rogne, je voulais sortir me changer les idées vite fait. Du coup avec votre bordel j'ai oublié pourquoi j'étais là, et avec l'alcool j'sens plus rien là..."

Ses yeux repassent de sa main au visage du sabreur. Elle est pas démontée. Faut de toute façon pas être mijorée pour vivre seule sur les quais de Meca:
"Puis c'est pas qu'm'on sang, j'étais en train de dépiauter un lapin, ya un peu des deux quoi..."

Et comme s'il s'agissait de la suite logique de ses paroles, la brunette suit le fil de son esprit resté accroché à Pat et la nouvelle venue:
"... Il s'ennuie pas lui dis donc... J'comprend qu'il ait bon caractère !"

...Pensées vagabondes qui sautent du coq à l'âne sans se soucier d'être décousues...:
"... Et t'as vraiment le tatouage de la marine? Ca t'embête pas d'être marqué comme ça pour un simple boulot ? Remarque, c'est ptêt' plus qu'un boulot... Mais t'as pas l'air d'être du genre à te laisser coincer? "

Azadeh ravale une gorgée d'eau, cherchant à chasser les effluves éthiliques qui commencent à ronger son centre d'équilibre. Elle repose ensuite ses yeux sur sa main, agitant un peu ses doigts... Aucune sensation, elle est vraiment imbibée...

Elle avait parlé, parlé, parlé, comme à chaque fois. Pour une fois, elle ne se retrouvait ni dans un sale plan, ni dans un bon lit, mais ça n'empêchait pas qu'elle s'était presque elle même saoulée de paroles...

« Bon ben, au plaisir Azadeh. »

Elle a à peine eu le temps de le saluer d'un petit signe de main qu'il est déjà parti. Rob' vient reverser l'eau d'une cruche sale dans le verre vide, toujours protecteur:
"Gobe moi ça ma loute, j'veux pas que tu sois décalquée demain, j'ai besoin de tes talents, t'oublies pas!"

Elle regarde le sabreur passer la porte, répondant à Rob' qui pense autant à elle qu'à son intérêt de tenancier:
"Tu m'connais Rob'. Tu peux m'faire confiance sur rien, sauf sur la bouffe. T'auras ta commande."

La verdure a passé la porte, elle se referme derrière lui. La brunette avale son verre d'eau. D'un trait, elle sent que sinon ça va essayer de ressortir. Elle se demande ce qu'elle fout là, acoudée à un comptoir. Elle s'est laissée entrainée, comme toujours, ses minutes sont devenues des heures. Et après, elle se demande pourquoi elle termine jamais rien d'autre que ses plats.

Petit regard à sa main. Putain, ça aussi faut s'en occuper. Elle repose le verre à nouveau vidé sur le comptoir, un peu trop fort:
"J'm'arrache va... J'vais roupiller, on s'revoit demain soir ? T'auras qu'à passer à l'ouverture, j't'aurai tout préparé à l'avance."

Rob' acquiesce en récupérant son verre. Il préfère la voir en déhors de sa boutique, ça cause moins de remue ménage.

Azadeh se décolle du bar, et file à son tour vers la porte. Un signe de main amical à Pat', au passage. Elle dit rien, pour une fois, peut être peur de le déranger. Et surtout pas envie d'ouvrir sa gueule devant l'autre bombe qui sait sûrement mieux parler. Mais le salut est amical, et sincère.


Elle sort, et claque la porte un peu fort, et un peu vite. Elle trace, tout droit, d'un pas assuré. Elle voit même pas le marima qui l'a quittée quelques instants auparavant et qui cogite sous la lune, elle le dépasse, rapide, très rapide, de plus en plus rapide. Ses pas s'emballent, et elle finit à quatre pattes un peu plus loin sur les dalles de la route, sans comprendre exactement à quel moment elle a arrêté de courir pour commencer à tomber. Elle a cru entendre deux gars chanters, mais c'est un peu loin, et là sa caboche la vrille salement.

Elle se relève en titubant, et époussète son sarouel, même si elle a sûrement les mains plus crades que le sol, à cette heure là et après le bordel dans la taverne.

Elle pointe son doigt en avant, comme pour se montrer le chemin à elle même:
"Par là!"

Elle l'a clamé avec assurance, pour essayer de rappeler son cerveau à son bon souvenir.

Le cerveau veut pas suivre. Maintenant qu'elle parle plus, son corps lui explique qu'il est là, lui aussi. Et qu'il a pas la forme. Elle va s'appuyer vite fait contre le mur branlant d'une bicoque penchée, qui surplombe la rue, sous peine de re finir par terre.

Le front de suie vient s'appuyer contre la pierre froide, la masse de cheveux se laissant malmener par le vent du soir qui se lève. La fraicheur, ça fait du bien. Une pluie toute fine se lève, ces crachins qui vous picottent sans arriver à vraiment vous mouiller. Azadeh se laisse fouetter par les goutelettes. Ca fait du bien aussi.

Elle pourrait passer sa nuit comme ça, le front contre la pierre et le corps immobile.

Tout ça pour du rhum qui aura été bu par les planches d'une taverne...

Après un moment à se reposer, elle reprend la route de chez elle, son bouge, son foyer. Elle claque la porte derrière elle, interdisant à la pluie de la suivre à l'intérieur, et monte difficilement l'échelle qui mène à son grenier.
Une fois en haut, elle s'écroule sur sa paillase, cédant enfin au sommeil.