[terminé] Une journée banale... et finalement pas si ennuyante (pv Zyla)

Un petit garçon au ventre vide sillonnait les rues de Diantra. Yeux un peu cernés, traits tirés et visage pâlichon, Zyla avait pourtant le regard vif et brillant et observait partout à la fois, n’ayant rien perdu de l’émerveillement du premier jour.
Maintes fois, il s’était perdu dans le dédale des rues de la capitale, déboussolé par la taille de cette ville et le nombre des gens qui y passaient sans cesse. Mais comme il n’avait de toute façon nulle par où aller… ce n’était pas très grave.
L’endroit où il arriva finalement était parfait pour lui : le marché. Une pléiade d’étals débordants de marchandises diverses –et de nourriture. Petit et mince, Zyla se mêla sans peine à la foule dans laquelle il passait facilement inaperçu. Se glissant au milieu des badauds, l’enfant jetait des regards de convoitise autour de lui, mais n’osait trop s’approcher, tous les marchands lui paraissant bien trop vigilants…
Soudain, un parfum chaud et sucré vint titiller ses narines, ravivant en lui la faim qui donnait des crampes à son estomac. Zyla suivit l’alléchant fumet, jusqu’à l’échoppe d’un boulanger où étaient exposés, ronds et dorés, des petits pains au miel tout juste sortis du four. C’était trop tentant, et il avait trop faim.
Le garçon demeura donc immobile devant l’étal, guettant à la fois le ventripotent marchand et ce qu’il vendait, jusqu’à ce qu’enfin l’homme se retourne pour appeler quelqu’un. En un éclair, Zyla fondit sur l’étal et s’empara de deux petits pains, avant de se fondre à nouveau dans la foule.
Sauf que…
« Au voleur ! »
Le cri fit sursauter l’enfant, qui se mit à courir, zigzaguant entre les passants. Il arracha une bouchée de son butin mais n’eut pas l’occasion d’en savourer le goût, car il réalisa que deux hommes en uniforme étaient lancés à ses trousses.
*Oulàlà…*
Vite, il enfourna le reste du petit pain, sans ralentir sa course. Là, sur le côté, une petite rue. À toute allure, Zyla s’y précipita, abandonnant derrière lui le marché très fréquenté, mais ses poursuivants le suivirent. L’enfant accéléra mais il avait beau galoper, les deux hommes commençaient à gagner du terrain…
*Oulàlàlàlà…*
Ses jambes maigres tricotaient à toute allure sur le pavé. Tourner à gauche. Puis à droite. Encore à droite. À gauche, cette fois. Et repartir de plus belle… Zyla était essoufflé et commençait à fatiguer, mais la peur était la plus forte et il poursuivit sa course effrénée, changeant sans cesse de trajectoire pour semer ses poursuivants. Soudain, une dalle de pierre mal posée le fit trébucher et il s’étala par-terre. Aussitôt, le garçon se releva et repartit, laissant par-terre le second petit pain qui lui avait échappé des mains.
Ne connaissant pas Diantra, il n’avait aucune idée de l’endroit où il allait. Après avoir baladé les deux hommes dans un labyrinthe de petites ruelles sales, l’enfant déboucha sur une rue marchande et slaloma entre les passants, puis tourna à la première intersection, et courut encore et encore.
Au bout d’un moment, n’entendant plus aucun bruit dans son dos, Zyla jeta un coup d’œil derrière lui. De ses poursuivants, nulle trace. Pas rassuré pour autant, le garçon ralentit légèrement mais ne s’arrêta pas avant de parvenir dans une rue qu’il n’avait encore jamais vue. Complètement à bout de souffle, il regarda autour de lui. Avisant une échoppe à proximité, il s’y dirigea sans réfléchir. Les deux hommes risquaient encore de réapparaître, il fallait qu’il se cache.
Il entra dans le magasin, clignant des yeux pour s’habituer à l’obscurité ambiante, et demeura immobile près de la porte, bras ballants, souffle court et genoux égratinés.

Un gamin, donc, d'une dizaine d'années... Etheldred lui sourit, se lava rapidement les mains dans une petite bassine d'eau et, délaissant ce qu'elle faisait, elle demanda gentiment :

" Bonjour ! Je peux t'aider ? "

Phrase qu'elle disait à tout inconnu arrivant dans sa boutique. Elle dévisagea un bref instant l'enfant avant de demander :

" Tu viens peut-être pour l'annonce d'apprenti ? "

Ben oui, il ne disait pas un mot, comme n'importe quel gamin à la recherche d'une place et trop impressionné pour parler. S'il était venu pour une blessure ou une maladie quelconque, il aurait déjà trouvé le moyen de dire ce qui l'amenait. Ou alors il était là pour autre chose, peut-être même par hasard, si elle en jugeait son air égaré. Égaré, et essoufflé, ce qui la conduisit à demander :

" Ça va ? "

Tout en parlant, la jeune femme observait l'enfant. Des vêtements plus très neufs, maigrichon, des traits un peu tirés, un gamin des rues à n'en pas douter. Ou alors, s'il était en apprentissage quelque part, il avait eu la malchance de tomber sur un maître franchement avare... Enfin, ça, c'était parfaitement banal, il y avait quantité d'enfants dans son cas. Ce qui l'était moins, en revanche, c'était ses traits franchement métissés. Il aurait vraiment fallu vouloir l'ignorer pour ne pas comprendre que le garçon avait une ascendance drow. Les oreilles pointues qui apparaissaient de sous ses boucles, la peau tirant vers le sombre... Avec une telle allure, il devait être habitué à être rejeté d'un peu partout ! Heureusement, Etheldred n'avait pas de tels a priori et elle n'en tint pas compte. Par contre, elle attendait avec curiosité de savoir ce qu'il voulait.

S'il était bien là pour la place d'apprenti, alors il tombait bien car elle n'avait plus rien d'important de prévu pour la journée et elle pourrait prendre le temps de discuter un peu avec lui. Avec les deux enfants précédents, la discussion avait tourné court : l'un avait soupiré d'ennui parce qu'elle lui avait demandé de lui donner un sachet de plante qui se trouvait à peine un mètre plus loin. Manifestement celui-là s'épuisait rien qu'à l'idée de lever le petit doigt. L'autre, une fillette au visage innocent avait, du haut de ses huit ans, demandé si le métier rapportait. Après une petite explication sur la façon dont elle fonctionnait, Etheldred avait vu la gamine retrousser son nez d'une façon dédaigneuse et quitter les lieux telle une grande reine à la dignité bafouée. Elle aurait tout vu...

Enfin, pour l'instant, celui-là n'avait pas dit un mot et au lieu de le harceler de questions, Etheldred alla à l'étal pour l'entrouvrir d'avantage et donner un peu plus de lumière à la pièce. Elle préférait aérer un peu entre chaque client, elle serait bien à temps de le refermer plus tard si besoin était. Achevant ensuite de ranger ce qui trainait encore, elle laissa le temps à l'enfant de dire ce qui l'amenait.

Où avait-il atterri ? Ça sentait bizarre dans cette boutique. Bizarre, mais pas désagréable. Zyla tressaillit quand la femme qui se trouvait là s’adressa à lui. L’aider ? Troublé, il la regarda sans trouver quoi dire. Elle continua à lui parler mais il ne répondit pas, encore essoufflé et un peu déboussolé.
« Ça va ? »
L’enfant acquiesça en silence, machinalement, puis se tourna instinctivement vers la porte, comme s’il craignait de voir apparaître tout d’un coup ses poursuivants. Prudemment, Zyla fit quelques pas en avant pour s’éloigner de l’entrée, et il prit conscience que la dame devait attendre qu’il réponde. Il ne voulait pas se montrer impoli ; sa maman n’aurait pas été contente.
Tout en cherchant désespérément un prétexte valable, la vérité n’étant assurément pas une bonne option, il s’entendit dire, balbutiant :
« Euh, oui... C’est ça... Pour l’annonce d’apprenti... »
D’une voix timide, il ne put que répéter les paroles de l’inconnue, ne trouvant pas d’autre moyen de se dépêtrer de cette situation.
Zyla suivit des yeux cette dame brune qui allait et venait dans la pièce. Elle avait l’air gentille, mais cela n’atténuait pas pour autant sa méfiance. Il avait récemment appris que rien n'est plus dangereux que la confiance, et avait parfaitement acquis cet enseignement, comme tous les autres qu'on avait pu lui fournir.
Le garçon tourna alors la tête pour observer cette drôle de boutique. On y trouvait un lit, une cheminée, des tabourets, et puis une incroyable quantité d’étagères pleines de récipients et bocaux en tout genre.
A la vue de tous ces « trésors » et ces choses bizarres, une étincelle de curiosité s’alluma dans l’œil ambré de l’enfant qui ne put s’empêcher de tourner lentement sur lui-même pour pouvoir tout regarder avec une expression de plus en plus fascinée.
Soudain, son regard tomba sur un pot d’herbes que la dame venait juste de poser à sa hauteur. Ne pouvant résister à la curiosité, Zyla s’en approcha et fourra le nez dedans.
« Hmm, ça sent bon... C’est quoi ? »
Il s’interrompit et une vague culpabilité apparut sur ses traits enfantins. Zut, il aurait sûrement dû mieux se tenir...

« Euh, oui... C’est ça... Pour l’annonce d’apprenti... »

D'accord... Plus ça allait, plus Etheldred en doutait, mais elle préféra ne pas le montrer. Pour l'instant, tout en faisant mine de ranger son matériel, elle observait le garçon qui semblait s'intéresser à ce qui se trouvait sur les étagères. Bien, bon début...

« Hmm, ça sent bon... C’est quoi ? »

La jeune femme jeta un coup d'œil sur le récipient et répondit en souriant :

" Du fenouil en poudre. On s'en sert en général pour aider à digérer. "

Pour l'instant, il lui faisait plutôt bonne impression et elle décida de poursuivre. Tirant deux tabourets se trouvant près de la table, elle reprit gentiment :

" Bien, si tu viens pour l'annonce, tu peux t'asseoir si tu veux, j'aimerai discuter un peu avec toi. "

Elle s'installa elle-même en poursuivant :

" Je m'appelle Etheldred, comme tu le sais peut-être déjà. Tu as un nom ? Et je voudrais aussi que tu me dises pourquoi tu souhaiterais devenir herboriste... Ce qui t'attire dans le métier ? "

Ça faisait beaucoup de questions d'un coup, mais elle s'arrangeait pour faire en sorte qu'il ne se sente pas harcelé. D'ailleurs, plutôt que de rester à le fixer et pour lui laisser le temps de réfléchir, elle se releva et disparut un bref instant dans la pièce d'à côté qui correspondait à sa salle à manger. Elle revint un moment plus tard avec deux tasses de tisane et une corbeille de petits pains au miel qu'elle préparait toujours pour d'éventuels patients ayant besoin de reprendre quelques forces. elle déposa le tout sur la table en précisant :

" Tu peux te servir si tu veux. "

Vu les traits tirés qu'il avait, elle doutait qu'il mange souvent à sa faim : ça lui ferait le plus grand bien, même si finalement elle ne le prenait pas comme apprenti. Elle prit une gorgée de tisane et attendit patiemment de voir si l'enfant avait quelques réponses à lui donner.

Cependant, la dame de la boutique ne parut pas s’agacer le moins du monde de sa curiosité, et lui répondit gentiment. Fenouil en poudre... Machinalement, Zyla enregistra l’information tout en fixant le contenu du pot pour en garder l’image dans son esprit. Au cas où, un jour, ça lui serve... L’enfant était tellement avide de connaissances qu’il mémorisait tout ce qu’il pouvait, à défaut d’avoir reçu une éducation digne de ce nom.
« Bien, si tu viens pour l'annonce, tu peux t'asseoir si tu veux, j'aimerai discuter un peu avec toi. »
A ces mots Zyla se sentit pris au piège, comme si elle l’avait percé à jour. Pourtant, c’est sans rien perdre de sa sympathie que l’inconnue s’assit. Reprenant la parole, elle l’interrogea et face à toutes ces questions il sentit l’inquiétude le gagner. Que voulait-elle, au juste ? Dans quoi s’était-il engagé ?
Un instant, il envisagea même de tourner les talons et de repartir d’où il était venu. Mais le souvenir de sa folle cavalcade et des deux silhouettes sur ses talons l’en dissuada rapidement. Là-dessus, Etheldred, qui avait disparu un instant, revint avec deux tasses pleines et un panier... un panier de petits pains !
Zyla pria intérieurement pour que la dame n’ait pas entendu le grondement sonore qu’avait émis son estomac à la vue de la nourriture, et il se rapprocha prudemment, se perchant enfin sur le tabouret qu’on lui avait désigné.
« Je m’appelle Zyla. »
Il s’était présent d’un ton lent et très posé, mais sa voix n’était pas aussi assurée que d’ordinaire... Tout en parlant, il posa ses grands yeux ambrés sur Etheldred dont il observa le visage avec un sérieux étrange sur cette petite bouille enfantine.
Après quelques secondes son regard dévia vers la corbeille de pain. Elle avait dit qu’il pouvait se servir, après tout... Et il avait tellement faim qu’il ne voyait pas comment refuser. Il tendit lentement la main vers le panier, et saisit un pain tout en surveillant la dame pour s’assurer qu’il ne faisait rien de mal.
Puis, comme elle ne faisait rien pour l’en dissuader, il ouvrit toute grande la bouche et enfourna un énorme morceau de pain, qui s’avéra doté d’un goût de miel particulièrement délicieux... Quelques secondes plus tard, il n’y avait plus rien dans les mains de Zyla qui, cependant, n’osa pas se resservir.
Il prit conscience qu’il n’avait toujours pas répondu à Etheldred, ce qui était franchement impoli, et prit l’air embêté... Pourquoi il souhaitait devenir herboriste ?? Mais il n’avait jamais dit qu’il souhaitait devenir herboriste !! Néanmoins ceci n’était pas une réponse très adaptée aux circonstances, il s’en doutait.
« Euuh... fut tout ce qu’il trouva à dire, avec la désagréable sensation de nager dans la semoule. Cherchons ce qui pouvait bien lui plaire dans le métier... Euuh, hé bien, les plantes, quoi... Enfin, euh, connaître les herbes, tout ça... »
A vrai dire, il n’y avait pas d’herboriste dans son village et seul un homme passait deux ou trois fois par an pour remplir cette tâche. Donc, Zyla n’était pas très au courant des détails de la profession en question... Difficile de répondre à cette question dans ces conditions !
« Enfin, voilà quoi... » termina-t-il misérablement en piquant du nez dans sa tasse, rougissant.

Zyla, donc... Etheldred attendit patiemment qu'il réponde à la suite de ses questions, se demandant de plus en plus s'il venait réellement pour l'annonce. Elle n'intervint pas lorsqu'il goba littéralement un petit pain, s'apprêtant juste à réagir s'il s'étouffait...

" Euuh... "

Ah si, ça allait venir, finalement. Elle était curieuse de savoir ce qu'il allait bien pouvoir lui raconter. Elle lui fit un regard encourageant afin qu'il développe. La suite la fit sourire. Moui... il était là par hasard et absolument pas pour la place d'apprenti. Elle allait le lui faire remarquer gentiment lorsqu'elle se rappela l'intérêt qu'il avait manifesté pour les plantes. Ah, ce n'était vraiment pas grand chose, ça avait duré quelques instants à peine, mais bon...

Abandonnant sa première idée de lui dire qu'il pouvait s'en aller, Etheldred décida de pousser l'entretien un peu plus loin. Juste pour voir... Parce que mine de rien, ce qu'elle avait vu avec cette histoire de fenouil lui avait plu. Alors... voyons voir.

" Les plantes, corrigea-t-elle sans animosité, ce n'est pas tout, je forme également pour devenir guérisseur. J'aimerais ton avis à ce sujet : vaut-il mieux être herboriste ou guérisseur ? Que préfèrerais-tu si tu avais le choix ? "

Question pour voir l'état d'esprit de Zyla. Voir s'il avait idée de ce qu'impliquait le métier qu'elle lui proposait et de ses différentes facettes. Elle précisa néanmoins pour l'aider :

" L'herboriste connait les plantes et prépare les remèdes, le guérisseur applique ces mêmes remèdes, tu comprends ? A ton avis quel est le plus important des deux ? Tu peux prendre le temps de réfléchir... et reprendre un petit pain si tu veux. "

Ce faisant, elle vida sa tasse, poussa la corbeille vers l'enfant et se leva. Elle prit un mortier qui lui servait à écraser des plantes et commença à s'en servir. Elle préparait un simple cataplasme, le but était de voir comment Zyla réagirait. Écrasant petit à petit la plante en une substance pâteuse, elle encouragea l'enfant à parler :

" Vas-y, je t'écoute, ne t'inquiète pas. "

S'occuper du cataplasme permettait aussi de ne pas fixer Zyla dans l'attente d'une réponse et de risquer de le mettre encore plus mal à l'aise qu'il ne l'était déjà. En même temps, Etheldred se demandait jusqu'où elle continuerait l'entretien. Le gamin n'était manifestement pas là pour la place d'apprenti, alors, est ce que ça valait vraiment la peine de persévérer dans cette voie ?

Zyla se tut, mortifié par sa propre maladresse, ne quittant plus des yeux sa tasse qui put ainsi assister de près à l’embrasement de ses joues.
« Les plantes, ce n'est pas tout, je forme également pour devenir guérisseur. J'aimerais ton avis à ce sujet : vaut-il mieux être herboriste ou guérisseur ? Que préfèrerais-tu si tu avais le choix ? »
Zyla redressa la tête pour regarder prudemment la dame. Apparemment, elle le prenait au sérieux... Mais ses paroles n’en étaient pas moins proches du charabia ! Ayant peut-être vu l’air un peu perdu du garçon, elle poursuivit, lui expliquant les nuances des deux métiers.
Là-dessus, l’enfant fronça les sourcils, considérant cette question très sérieusement... Ce qui ne l’empêcha pas d’écouter l’invitation d’Etheldred et de prendre un autre petit pain, s’efforçant en vain de ne pas le dévorer trop vite. Ce qu’il pouvait avoir faim... !
Après avoir avalé une bouchée, Zyla répondit :
« L’herboriste. »
Pensif, il regardait la dame qui, à grands coups de pilon, écrasait une plante inconnue. Après quelques secondes, il expliqua son raisonnement :
« S’il n’y avait plus d’herboriste, ça serait pire, parce que c’est lui qui sait ce qu’il faut pour les remèdes, et donc le guérisseur ne servirait plus à rien, non ? Vu qu’il n’aurait plus rien... »
Qu’il n’y ait plus de guérisseur ne serait pas non plus très bien, car alors qui soignerait les gens ? Mais Zyla pensait qu’avec la connaissance, il devait bien y avoir moyen de s’arranger pour un herboriste.
Il leva les yeux vers Etheldred, guettant sa réaction, en se demandant subitement s’il n’y avait pas eu un piège dans cette question, puis il se remémora sa première demande : que préfèrerait-il être, lui ? Cela le plongea dans un abîme de réflexion. Il n’avait jamais trop pensé à tout cela. Son but, pour l’instant, c’était de rester en vie jusqu’au lendemain, et l’idée qu’il puisse avoir un vrai métier, un jour, lui paraissait étrange...
« Et vous, vous préparez un remède ? » s'enquit-il tout à trac.
Et zut ! Une fois de plus, il s’était laissé emporter par sa curiosité ! Á force de fixer l’écrasement des plantes dans le mortier, la question lui était venue toute seule.

Zyla n'avait vraiment pas sur de lui, se révélant extrêmement timide. Et pourtant, Etheldred faisait tout pour qu'il se sente à l'aise. D'une certaine façon, elle avait un peu l'impression de se voir au même âge... Quoique s'il avait du sang drow, il était bien possible qu'au final il soit aussi âgé qu'elle. Enfin, quoi qu'il en soit, il se comportait bien comme une gamin d'une dizaine d'années craignant de dire des bêtises - et affamé.

La jeune femme écouta la réponse et les explications, plutôt satisfaite. A vrai dire, elle n'attendait rien en particulier, à partir du moment ou c'était justifié. Pour elle, les deux métiers étaient intimement liés et si elle se disait herboriste elle savait qu'au bout du compte, elle était également guérisseuse. Il ne lui serait pas venu à l'idée d'en rester au commerce des plantes. le raisonnement de l'enfant était plutôt intéressant. Il n'avait pas précisé ce qu'il préférerait être et elle le laissa réfléchir.

La question qu'il lui posa la fit sourire.

" Oui, c'est un remède. "

Lui montrant la plante entière, elle expliqua :

" On appelle ça de la consoude. Si tu l'écrases comme ça, pour faire ce qu'on appelle un cataplasme, une grosse pâte, si tu préfères... ça sert à refermer les plaies ou à ressouder les os. "

Elle prit le temps de lui laisser à peu près assimiler ce qu'elle venait de dire, sachant très bien qu'il y avait sans doute des termes pas évident pour lui.

" Si tu en fais une infusion, une tisane que tu peux boire, ça peut empêcher une hémorragie interne, c'est quand on perd son sang à l'intérieur du corps. La consoude peut parfois éviter ça. "

Elle n'avait pas choisi la plante par hasard : ses nombreuses propriétés et ses différentes utilisations en faisait un simple très représentatif du métier. Si Zyla décrochait totalement à ce qu'elle disait, elle en conclurait qu'il n'avait pas vraiment d'intérêt pour tout cela. bien-sur, elle se doutait que la moitié de ce qu'elle racontait était du charabia, mais c'était l'idée générale qu'elle voulait qu'il saisisse.

Elle termina de broyer la plante et désigna un bocal vide sur une étagère assez basse :

" Tu pourrais me donner ce pot, s'il te plait ? "

Voir s'il se bougeait un minimum sans tout casser sur son passage... En même temps, elle rassemblait le cataplasme consciencieusement au fond du mortier.

" Et je me demandais si tu serais capable de te rappeler comment s'appelle cette plante que j'ai préparé à quoi elle peut servir. "

Anticipant une éventuelle réaction de panique, elle ajouta rapidement avec un sourire rassurant :

" Je me doute que tu ne peux pas avoir tout retenu, ne t'inquiète pas. "

Une façon de tester sa mémoire et de voir s'il avait à peu près suivi ce qu'elle racontait.

Une fois de plus heureusement, Etheldred ne prit pas mal sa curiosité. Sans se fâcher, elle acquiesça à sa question, et lui montra la plante en expliquant les divers usages que l’on pouvait en faire. Zyla l’écouta, fronçant légèrement les sourcils devant l’avalanche de mots nouveaux et inconnus qu’il essayait d’enregistrer. Consoude, castaplasme, hémarrogie…
« Tu pourrais me donner ce pot, s’il te plait ? »
Le garçon bondit du tabouret où il s’était perché et alla chercher, sur une des multiples étagères de la boutique, le récipient demandé. Revenu près d’Etheldred, il resta debout à côté d’elle pour regarder ce qu’elle faisait avec cette pâte bizarre qu’elle venait d’obtenir rien qu’en écrasant une plante.
« Et je me demandais si tu serais capable de te rappeler comment s’appelle cette plante que j’ai préparé et à quoi elle peut servir », ajouta-t-elle.
Zyla eut quelques secondes d’hésitation et il réfléchit de toutes ses forces avant de débiter à toute vitesse :
« Consoude-grosse pâte-plaies-os-tisane-sang. »
Il se tut, l’air vaguement gêné, et essaya de reprendre, la panique en moins.
« C’est de la c… consoude pour ressouder les plaies et refermer les os… euh non c’est pas ça… enfin pour soigner les plaies et les os quand c’est de la pâte. Et pour soigner quand on perd son sang quand on en boit » expliqua-t-il maladroitement.
Sur cette dernière phrase, il referma la bouche et une expression de parfaite perplexité passa sur son visage tandis qu’il se remémorait plus ou moins les paroles d’Etheldred à ce sujet. Il n’avait pas compris ce point-là, cette histoire de sang perdu à l’intérieur du corps… C’était bizarre, vraiment étrange, il n’arrivait même pas à concevoir une chose pareille. Le sang n’était pas perdu s’il était à l’intérieur du corps, non ?
Zyla hésita, puis, un peu rassuré par la réaction qu’elle avait eue les autres fois devant ses questions, il osa interroger Etheldred.
« Mais… C’est quoi ça, l’hérromagie ? Comment on peut perdre son sang à l’intérieur de son corps ? Il… il va où, le sang ? »
Perplexe, Zyla essayait d’imaginer comment cela pouvait être possible.

« Consoude-grosse pâte-plaies-os-tisane-sang. »

La réponse tira un sourire amusé quoique nullement moqueur, à Etheldred. Bon, il avait enregistré les mots principaux, les plus courants du moins.

« C’est de la c… consoude pour ressouder les plaies et refermer les os… euh non c’est pas ça… enfin pour soigner les plaies et les os quand c’est de la pâte. Et pour soigner quand on perd son sang quand on en boit »

Ça, c'était déjà mieux. Il avait retenu l'essentiel apparemment, en revanche il n'était pas dit qu'il avait mis un sens sur tout ça, quoiqu'il avait tout de même réussi à reformuler plus ou moins ce qu'elle avait expliqué.

« Mais… C’est quoi ça, l’hérromagie ? Comment on peut perdre son sang à l’intérieur de son corps ? Il… il va où, le sang ? »

Là, en revanche, Etheldred fut très satisfaite. Non seulement ça prouvait que Zyla avait fait la démarche d'essayer de comprendre mais qu'en plus il avait assez de jugeote pour demander un complément.

" Très bonne question. Vois tu... "

Elle réfléchit quelques secondes en se demandant comment il valait mieux expliquer les choses.

" Eh bien comme tu le sais surement, notre corps contient du sang. Ce sang nous permet de vivre et c'est pour cela qu'on meurt si on perd trop de sang, par exemple. Cependant... pour être en bonne santé, il faut que le sang reste aussi à des endroits précis dans le corps. Si on est blessé il se peut que le sang se répande partout dans le corps. On appelle ça une hémorragie interne et si c'est trop important, on en meurt. "

Elle avait insisté sur le mot "hémorragie", ayant remarqué que l'enfant l'avait mal prononcé un instant plus tôt. Elle le détailla un petit moment en réfléchissant. C'était tout à fait le profil qu'elle recherchait pour un apprenti : intéressé, réactif... Il n'était pas trop jeune ce qui aurait pu être difficile à gérer pour elle qui était habituée à vivre seule, ni trop âgé, il ne risquait donc pas d'avoir trop d'idée arrêtées sur tout et n'importe quoi.

Non, ce qui lui posait réellement problème, c'était le fait qu'il soit demi drow. Oh, elle-même n'y voyait aucun inconvénient, elle ne jugeait pas sur la race et il aurait aussi bien pu être totalement sombre qu'elle ne l'aurait pas chassé pour autant - certes, elle se serait méfiée, mais bon... Seulement, ce qu'elle pensait, elle, était une chose, ce que pouvaient penser ses patients en étaient une autre. Elle avait eu du mal à se faire accepter simplement parce que sa mère était une demi, au sang de sylvain, alors Zyla... En le prenant comme apprenti, elle risquait ni plus ni moins de couler son commerce.

En même temps, c'était aussi la raison pour laquelle elle avait envie de tenter l'expérience. Pour faire changer les choses. Et puis, une conversation avec un certain Nakor lui revint en mémoire... Bon, elle réfléchissait peut-être à tout ça pour rien, vu qu'elle avait compris que le gamin n'était jamais venu réclamer le poste d'apprenti.

" Zyla ? Je me demandais... "

Et pourquoi pas ? Qu'est ce que ça coutait de demander ? Elle reprit donc en souriant :

" Je cherche un apprenti pour lui apprendre ce que je sais sur le plantes et les soins. J'ai bien compris que tu n'étais pas entré ici pour ça, mais il n'empêche que j'ai l'impression que tu en aurais les compétences. Est ce que la place t'intéresserait ? Bien sur, j'impose une période d'essai, tu ne serais pas payé et il te faudrait travailler dur pour parvenir à passer maître, mais tu serais logé et nourri et je m'engagerais à faire de toi un herboriste guérisseur autonome. Cela t'intéresserait-il ? "

Elle avait conscience que ça faisait beaucoup de choses à assimiler d'un coup et elle précisa gentiment :

" Bien sur, tu peux prendre le temps d'y réfléchir, voir ça avec ta famille... "

L’enfant jetait un coup d’œil sur la corbeille à petits pains en se demandant comment la dame réagirait s’il en prenait un de plus, lorsqu’Etheldred reprit :
« Zyla ? Je me demandais… »
Il tressaillit imperceptiblement en entendant son nom dans la bouche de l’herboriste. Depuis sa mère, personne ne l’avait appelé ainsi… Tout d’un coup, ça faisait bizarre de ne plus se faire apostropher par des « petit », « gamin », « vaurien », et tout le panel du genre.
« Je cherche un apprenti pour lui apprendre ce que je sais sur le plantes et les soins. J'ai bien compris que tu n'étais pas entré ici pour ça, mais il n'empêche que j'ai l'impression que tu en aurais les compétences. »
Zyla faillit protester, mais il se retint. Elle l’avait percé à jour, il était inutile d’espérer la tromper. Tant qu’elle ne découvrait pas la vraie raison qui l’avait poussée à débarquer ici, ce n’était pas très grave… Il ne voulait pas qu’elle le voie comme un voleur, et il avait peur qu’elle le ramène auprès des deux hommes qui l’avaient poursuivi. Oh, non, pas eux, surtout pas !
« Est ce que la place t'intéresserait ? Bien sur, j'impose une période d'essai, tu ne serais pas payé et il te faudrait travailler dur pour parvenir à passer maître, mais tu serais logé et nourri et je m'engagerais à faire de toi un herboriste guérisseur autonome. Cela t'intéresserait-il ? »
Il ne répondit pas, dépassé par tous ces mots et toutes les propositions qu’ils contenaient. Essai-pas payé-travailler-logé-nourri-herboriste-intéresserait ? Passer maître… Tout semblait tomber en cascade autour de lui et il eut une réaction qui était lui devenue coutumière désormais face à tout ce qui lui était inconnu ou surprenant ; la peur. Il eut un geste de recul, méfiant, tout en se répétant ce qu’elle venait de lui dire. Pas payé ? Travailler dur ? Et cela contre de quoi manger et un endroit où dormir ? Mais c’était un marché invraisemblable ! Etheldred serait-elle vraiment prête à le nourrir et loger simplement contre son travail ?? Lui, un gamin des rues, orphelin et perdu ? S’il avait su qui était les Sombres, il aurait ajouté demi-drow à la liste de ses tares, mais Zyla avait vécu isolé toute sa vie et tout ce qu’il savait de la race de son père se limitait à la répulsion de ses anciens voisins.
« Bien sur, tu peux prendre le temps d'y réfléchir, voir ça avec ta famille... »
Ce furent ces mots qui le firent basculer. Ta famille, ta famille, ta famille, ta famille…
Zyla sentit une énorme boule monter dans sa gorge, douloureuse, tandis que les images de sa mère inanimée dans le village dévastée lui revenaient en rafales comme autant de gifles. Ta famille…
Quelle famille ?
Il déglutit pour refouler le nœud qui enserrait sa gorge, refusant de laisser remonter le chagrin, et d’un ton qui se voulait ferme, il assura :
« Inutile, ils sont d’accord. Et... et moi aussi. J’accepte. »

Elle lui faisait peur. Etheldred s'en rendit compte un peu tard et ne put qu'essayer d'avoir l'air rassurant pour que Zyla ne s'enfuit pas. Sur ce point, elle se débrouillait pas trop mal, habituée à consoler les enfants qui passaient chez elle comme patients ou comme proches éplorés. Bon, elle ne s'était jamais vraiment complu dans les jérémiades mais elle savait se montrer attentionnée. La mention de la famille du gamin n'était pas non plus une très bonne idée apparemment et elle fit comme si elle n'avait pas remarqué son trouble. Elle savait qu'il y avait nombre de petits orphelins à Diantra et ailleurs, il était probable que Zyla en fasse partie.

Le fait qu'il accepte la laissa néanmoins silencieuse un instant. En fait, elle avait beaucoup réfléchi à la façon d'enseigner ses connaissances et là elle prenait tout à coup conscience qu'elle avait à présent un enfant à charge.

" Bien ! "

Elle se leva, l'air ravie tout de même, se demandant par où commencer.

" Voyons... Je vais t'expliquer comment je fonctionne et puis si tu as des questions, tu me diras, d'accord ? "

Elle fit un geste vague pour montrer la pièce :

" Ici, c'est l'herboristerie. C'est ici que viennent les patients, à toute heure du jour et de la nuit, il faut que tu le saches. Un blessé n'attend pas, même si on est fermé. Au fond, c'est la réserve où sont stockés tous les remèdes. Je t'interdis formellement de toucher à quoi que ce soit ici sans me demander. Il y a des substances dangereuses, voir mortelles. Plus tu apprendras et plus je te laisserai les manipuler seul. Tu as compris : tu ne touches à rien sans ma permission, c'est dangereux. "

Elle avait remarqué que trop d'informations risquait de le noyer, aussi elle n'hésitait pas à insister sur ce qu'elle jugeait le plus important. Ouvrant la porte qui donnait sur la partie habitable, elle le fit ensuite passer dans la salle à manger de la maison. Une seule pièce meublée très simplement mais avec une cheminée.

" Ici, nous prendrons nos repas... "

Puis elle grimpa à l'étage, lui faisant signe de la suivre. La pièce du haut était séparée en trois parties par deux grands morceaux de tissu qui remplaçaient des murs de séparation. La première "pièce", où ils venaient d'arriver était vide - toute sa famille avait vécu là, c'était un peu grand pour la jeune femme seule - Etheldred passa directement à la seconde :

" Ici, ce sera ta chambre, on va s'occuper de te faire une couche correcte, il faudra que j'aille chercher de la paille pour la housse. Tu pourras y mettre tes affaires si tu en as, en revanche interdiction d'amener quiconque ici sans mon autorisation. C'est aussi là que tu te laveras tous les jours. Pour bien soigner, il faut être en bonne santé, et pour ça, il faut être propre, je t'expliquerai. "

Elle savait que l'hygiène n'était pas forcément un point important chez les gamins des rues, mais elle ne cèderait pas là-dessus.

" L'autre pièce, à côté, c'est ma chambre. Interdiction d'y aller, à moins de me demander l'autorisation. "

Elle tenait tout de même à son intimité. Surtout qu'elle vivait seule depuis un moment, à présent, elle n'avait pas envie que le petit aille mettre son nez partout.

" On se lève avec le soleil, petit-déjeuner, puis on ouvre l'herboristerie. A midi, on déjeune, on retourne ensuite à l'herboristerie, on dîne avant que le soleil ne se couche et on ferme juste avant. Ensuite, c'est la veillée. Tu étudieras pendant notre temps de travail et le soir. Au début tu observeras ce que je fais avec les patients puis tu agiras toi même de plus en plus. Ne t'inquiète pas, je te répèterai tout ça. "

Qu'oubliait-elle ? Elle essaya de récapituler dans sa tête et reprit :

" Tu as une demi journée de libre par semaine, jour de Tahiro. Je partirai régulièrement plusieurs jours d'affilée pour refaire le stock de plantes, il faut que je vois si je t'emmène ou non. "

D'un côté, elle était forcée si elle voulait correctement lui enseigner, d'un autre, elle ne se voyait pas protéger un enfant en pleine plaine d'Atral ou forêt d'Aduram. Bah, elle verrait en temps voulu !

" Alors, as tu des questions ? Es tu toujours intéressé pour devenir herboriste ? "

J’accepte.
Il avait brandi ce mot presque comme un bouclier, pour ne pas avoir à parler de sa famille ou à trop y penser. C’était une dérobade, au fond, mais dans les secondes qui suivirent ses paroles précipitées il prit peu à peu conscience de tout ce que pouvait contenir ce mot.
À sa grande surprise, lorsqu’Etheldred se leva elle avait l’air très contente de sa réponse. Elle commença à lui expliquer comment fonctionnait l’herboristerie, non sans lui interdire fermement de toucher à quoi que ce soit. Dommage… Zyla caressa du regard les formes arrondies et brillantes des bocaux pleins qui excitaient terriblement sa curiosité.
Il suivit la dame qui le mena à travers plusieurs pièces, lui présentant la salle à manger puis la chambre… Sa chambre. Une pièce rien que pour lui !! Même lorsque l’herboriste lui signala qu’il devrait se laver régulièrement, Zyla ne perdit rien de son enthousiasme. Et pourtant, ce qu’il pouvait détester faire sa toilette ! C’est vrai qu’il était couvert de crasse, mais ça ne le dérangeait pas le moins du monde.
Il écouta plus ou moins attentivement la suite des instructions d’Etheldrerd, tandis qu’en lui l’enthousiasme enfantin, face à toutes ces nouveautés merveilleuses, s’opposait à une instinctive et croissante méfiance. Jamais, parmi les gens qu’il avait côtoyés au village, personne n’avait rien fait pour lui venir en aide ou lui rendre un quelconque service ; si d’aventure on lui donnait quelque chose, la charge de travail en échange était beaucoup plus grosse que celle que la dame paraissait demander de lui. Si le mépris et les mauvais traitements des villageois lui avaient appris à se méfier d’autrui et à ne compter que sur lui, les dernières semaines qu’il avait passées, livré à lui-même, n’avaient fait que renforcer sa méfiance, le rendant beaucoup plus farouche.
Mais Etheldred avait l’air gentille… Sa maison était accueillante…
« Alors, as tu des questions ? Es tu toujours intéressé pour devenir herboriste ? »
Il leva la tête et, pour la première fois, la fixa droit dans les yeux. Le contact entre ses étranges prunelles ambrées et celles de l’herboriste ne dura que quelques secondes avant qu’il ne cille et pose le regard sur le mur d’en face.
Oui, il se sentait bien, ici… Cela dépassait le simple fait d’avoir des murs et un toit autour de lui ou la perspective d’un abri et de nourriture. Il se dégageait quelque chose de ce lieu…
Zyla l’ignorait, mais il sentait partout, autour de lui, la présence de l’Énergie, sensiblement plus importante que dans les autres lieux où il était passé. S’il avait su ce qu’était l’Énergie, s’il avait maîtrisé la magie, il aurait su qu’ici ses sorts seraient plus puissants, plus faciles à réaliser, mais l’enfant n’avait aucune notion de tout cela et tout ce qu’il ressentait, lui, c’était le vague bien-être que lui procurait cet endroit.
« Oui », dit-il simplement, sans plus chercher à réfléchir.
Et puis il verrait bien. Si ça se passait mal, il aurait toujours l’alternative de prendre la fuite –une fois de plus.
Ses paroles ayant évacué l’infime tension qu’il avait ressentie face à cette proposition quasi miraculeuse, Zyla vit sa curiosité revenir à la charge et c’est presque avidement qu’il s’enquit :
« Où c’est qu’il faut aller, pour cueillir les plantes ? »

[hrp : à partir de maintenant mes réponses seront donc plus lentes et un peu aléatoires. Comme tu ne m'as pas précisé si tu voulais terminer ou non le rp, je vais le poursuivre. Cela dit tu peux considérer que zyla est bien l'apprenti d'Etheldred pour tes rp suivants (à noter que j'ai choisi logiquement de la faire rester à Diantra durant la guerre civile) et si tu le souhaites tu peux clore le rp. ]


« Où c’est qu’il faut aller, pour cueillir les plantes ? »

Etheldred sourit à la question et tout en redescendant au rez-de-chaussée avec lui, elle répondit :

" En fait, ça dépend. "

Elle l'entraina dans l'herboristerie au cas où des clients viendraient, qu'ils puissent les recevoir et s'assit, le laissant faire de même.

" Chaque plante est différente. Certaines aiment pousser sur des sols humides ou non, d'autres à l'ombre ou au soleil... ça dépend de beaucoup de choses. Alors on va en chercher certaines en forêt, ou à plus précisément l'orée, ou encore dans la plaine, près des ruisseaux, ou bien au pied des murs. Tu vois, c'est très varié. "

Elle le dévisagea un instant, avant de décider de se montrer tout à fait honnête :

" Je t'apprendrai tout cela. L'ennui, vois tu, c'est que je suis habituée à partir plusieurs jours en forêt, à pied. Ça signifie traverser la plaine, dormir à la belle étoile... c'est dangereux. Il y a des animaux sauvages et des gens pas forcément recommandables, surtout en cette période troublée. C'est pour cela que je me demande comment je vais faire pour t'enseigner comment et où récolter les simples - les plantes si tu préfères - si je ne peux pas t'emmener. "

Elle fit une petite pause, tournant et retournant le problème dans sa tête.

" As tu déjà quitté Diantra ? "

Elle n'ignorait pas que certains gamins des rues n'avaient jamais rien connu d'autre que la ville. Trainer un enfant incapable de se repérer dans la nature derrière elle, alors qu'elle était à peine capable de se défendre était inconsidéré. En même temps, il fallait bien que Zyla apprenne à chercher les plantes, à les repérer quelque soit leur forme, à les ramasser correctement. Ah, elle verrait bien en temps voulu ! Pour l'instant, ils auraient déjà de quoi faire ici. D'ailleurs, à ce propos...

La jeune femme avait bien remarqué que Zyla avait été déçu à l'idée de ne rien toucher. Forcément si le métier l'intéressait un tant soit peu, il était normal qu'il ait envie de mettre son nez dans tous les pots qui ornaient les étagères. Il n'était pas question de le brimer, mais au contraire d'exploiter cet intérêt, aussi elle prit un pot où se trouvaient de minuscules fleurs et le posa sur la table.

" Je vais commencer par te montrer le remède le plus simple et le plus couramment utilisé. Tu vas essayer toi-même. Je t'en ferai faire plusieurs fois et le jour où tu maîtriseras bien le principe, tu seras chargé d'en faire par toi-même si je t'en réclame pour un patient. "

Elle jeta un coup d'œil aux mains pas vraiment propres de Zyla et reprit en désignant un seau d'eau :

" Mais avant toute chose, tu vas bien te laver les mains. Il ne faut plus que tes ongles soient noirs, d'accord ? Prends les pétales, la partie colorée des fleurs, de cette plante, elle déposa une petite corbeille sur la table où se trouvait une plante plus tout à fait fraiche aux fleurs rosées, ça s'appelle de la saponaire : tu les frottes bien entre tes mains, ça mousse. "

Le laissant faire, elle demanda en même temps :

" Dis moi, je me demandais... sais tu lire et écrire par hasard ? Je sais que ce n'est pas une activité très répandue, mais peut-être ? "

Si c'était déjà le cas, ça leur épargnerait à tous les deux bien du travail. Cela dit, elle en doutait, les gens lettrés ne courraient pas les rues. En tous cas, s'il voulait pouvoir profiter un jour des livres qu'elle possédait et tenir le registre des patients, il faudrait bien faire en sorte qu'il sache lire et écrire. Il n'y avait plus qu'à espérer que ça ne le rebute pas.

Zyla buvait les paroles d’Etheldred, imaginant déjà l’expédition que tout cela semblait représenter. Bon, les images étaient un peu floues, un peu folles, dans sa tête, mais il se sentait déjà très enthousiaste, malgré les réticences de l’herboriste. Lui, tout ça ne lui faisait pas peur ! Tant qu’il n’y avait pas d’Hommes Noirs comme ceux qui avaient détruit son village…
« As tu déjà quitté Diantra ? »
Un bref instant, l’enfant se hérissa instinctivement avant de répondre vaguement :
« Oh, oui, je viens de loin d’ici. »
Terriblement loin même… Du moins, c’est ce qu’il lui semblait, au souvenir de tout le temps qu’il avait passé à marcher, droit devant lui, comme anesthésié par l’enchaînement de toutes les catastrophes qui lui étaient tombées sur la tête, détruisant à jamais son petit monde.
Heureusement, Etheldred ne s’attarda pas sur le sujet et lorsqu’elle lui dit qu’il allait pouvoir faire lui-même un remède, il ne put réfréner le sourire ravi qui s’épanouit sur son visage. Bien qu’il n’aime pas ça, il se lava docilement les mains, avec application, faisant changer de couleur ses doigts qui une fois la crasse éliminée s’avérèrent beaucoup plus clairs. Puis, il prit les fleurs roses qu’elle lui avait désignées – saponaire, essaya-t-il de mémoriser – et détacha les pétales comme l’herboriste lui avait demandé.
« Dis moi, je me demandais… sais tu lire et écrire par hasard ? Je sais que ce n’est pas une activité très répandue, mais peut-être ? »
Oh, non, une chose de plus à ajouter à la liste de ses tares et défauts… Est-ce qu’Etheldred lui en voudrait beaucoup si elle savait qu’il ne savait rien des lettres et des mots ? Toutefois, le garçon savait bien qu’il était inutile de lui mentir à elle.
« Non », avoua-t-il à mi-voix.
D’ailleurs, ça ne lui avait jamais paru très utile. Dans son village, il n’y avait qu’un seul homme qui savait lire et écrire, un vieux un peu timbré qui tenait souvent d’étranges discours. Tout le monde assurait qu’il n’y avait pas besoin de s’obscurcir l’esprit avec ces petits dessins d’encre pour vivre et travailler en paix, et Zyla ne pouvait qu’être d’accord. Cependant, si Etheldred attendait de lui qu’il sache lire il était prêt à apprendre, malgré la difficulté et le peu d’intérêt que cela semblait représenter. L’enfant ne comprenait pas les livres ni ce qu’ils pouvaient contenir. Mais il voulait rester ici avec elle, et apprendre les plantes.
Zyla baissa les yeux sur les pétales qu’il frottait et qui, comme le lui avait dit l’herboriste, commençaient à mousser entre ses doigts. Oh oui, il allait être bien ici…

• Fin du Topic •