[Surface] Tourné vers son destin

Une errance sans fin, une vie sans fin. Aucun ennemi que des proies, des ombres et des lumières de grandes qualités mais rien de glorieux. Un automne comme les autres, un vent doux, le bruit des feuilles mortes poussées par les bourrasques. La danse des branches fleuretant de près avec cette saison qui la déshabille. Une paix presque énervante pour Leomyr. Il s’ennuyait à mourir. Plus de mission, plus de rentré d’argent, plus de meurtre. Rien que la douloureuse angoisse d’un lendemain identique à hier. Une torture presque insoutenable et lourde d’intérêt pour son esprit qui divaguait de plus en plus, comme si un manque c’était installé en lui pour ne plus jamais le quitter… L’ennui. Quel horreur.

Ce jour là, Leomyr était allongé à moins d'une demi-journée de marche du Puy. Il avait une vue presque parfaite du volcan qu’il voulait rejoindre avec envie. Même si sa vie serait en danger là-bas, le résultat de ce voyage pourrait être intéressant. Réintégrer l’armée comme à ces vingt ans, une opportunité certaine de ne jamais plus s’ennuyer. Sauf qu’évidemment, rien ne jouait plus en sa faveur depuis qu’il avait investit les Silencieux même peu de temps. Il était désormais, au même titre que tous les autres, traité comme un « fugitif en fuite » ! En fuite… certes il se déplaçait souvent mais rien ne le poussait à fuir. Ni la peur d’être pris, ni la peur de mourir. L’idée même qu’on puisse pensé ça de lui le faisait rire à outrance. Encore un doux supplice de la solitude que voilà. Rire de soi même.

Conscient que son esprit divaguait complètement, Leomyr se releva lentement. Il s’échauffa d’abord les genoux en pensant à la marche qu’il allait devoir faire pour quitter les terres Drows, puis la nuque… Il ramassa ses deux glaives de diamant quelques secondes après et les mis dans leurs fourreaux respectifs situés en bas de son dos. Un effet de style bien pratique pour les ressortir aussi vite qu’il ne pouvait les rentrer ! Fin prêt il se décida à marcher vers les routes principales. Leomyr sentait son palpitant lui dire : « Non arrêtes, plus un geste ! Retournes toi ! Affrontes ton destin ! » Mais que faire dans une telle situation ? Leomyr marqua de nouveau une pause. Il ferma alors les yeux, pris une énorme bouffé d’oxygène et leva la tête vers le ciel… Le vent s’agita alors, un court instant, mais sa direction était contraire à la sienne. Etait-ce un signe que le destin lui faisait où est-ce qu’une nouvelle fois il se perdait à ronger son esprit de question ? Pour le savoir, une seule solution…

Leomyr ouvra alors les yeux… Le ciel commençait à se voiler et la nuit semblait vouloir poindre à tout moment. Un magnifique spectacle à la mesure de l'ambition de Leomyr. Il se retourna alors presque aussitôt en direction du Puy d’Elda, avec un léger sourire en coin qui ne dura que quelques secondes. Quitte à mourir en affrontant quiconque se trouvera sur son chemin, Leomyr avait de nouveau un but ! Alors il commença à marcher vers le volcan, fier et serein. Concentré sur son nouvel objectif, réintégrer l’armée Drow coûte que coûte.

Le jour se levait sur les pentes d’Elda, charriant de lourds nuages noirs gorgés de pluie. Aujourd’hui, Dartan allait diriger l’entrainement de vingt gardes, à l’extérieur du Puy. L’escouade fendait la foule, qui se massait dans les rues sales du Puy, dans un claquement métallique régulier qui résonnaient entre les hauts murs couvert de graffitis obscènes. Ils passèrent les portes du Puy, sculptées à même la roche, et se dirigèrent au bas des versants près à débuter l’entrainement. Par paire, les drows bataillèrent, un attaquant et un défenseur, changement toutes les quinze minutes et pause de cinq minutes lorsqu’on change d’adversaire. Les règles étaient simples et dures, mais la Garde Noire était un corps d’élite, et seuls les meilleurs combattants y trouvaient une place. La pluie vint se mêler à la fête, carionnant sur les larges plastrons des soldats et de leur capitaine. Dartan pencha sa tête en arrière, laissant l’eau perler sur son visage, les yeux fermés. Il pencha la tête vers la droite et ouvrit les yeux pour apercevoir une silhouette se dessinait à l’horizon.

Il se redressa, sa curiosité piquait au vif, puis il claqua des doigts, à l’intention de deux drows non loin. Il pointa l’ombre, au loin, et ordonna à ses soldats.

Il se dirige par-ici ! Amenez-le moi !

Les deux gardes laissèrent l’inconnu approchait encore un peu, et l’arrêtèrent lorsqu’il passa à proximité, plantant leur cimeterres dans le sol et appuyant leurs mains sur la garde.

Halte, étranger ! Ranges tes armes et suis nous ! Le Seigneur Ténélas demande à te voir !

L’inconnu s’éxécuta et fut conduit auprès du capitaine. Ténélas détailla le sombre, relativement chétif, trop pour être un vrai guerrier. Dartan souriait légèrement, avant de s’adresser à ce qu’il considérait comme un freluquet

Qui es-tu ? … Il est rare de voir des voyageurs en ces temps … Seul, en plus !

Bientôt Leomyr porta son regard sur les alentours. Il remarqua très vite une petite garnison de soldat qui s’entrainait durement sous le regard impassible de leur chef, apriori. Leomyr échappa alors un léger rictus malicieux emplie d’impatience. Il avait eu à peine le temps de faire cinq cent mètres que déjà les premiers rapports seraient sérieux et surement musclés. Il laissa alors approcher les premiers gardes qui ne se montrèrent pas hostile envers lui – et heureusement - bien qu’un peu trop sûr d’eux à son goût. Leomyr laissa passer mais laissa ses armes à leur place, puisque rangées. Il resta silencieux tout le long. Pas la peine de parler avec des petites frappes. Les soldats voulaient l’amener voir un des gradés de chez les Drows, c’était parfait. Un privilège certain et un gain de temps de même qualité. Un présage de bon augure peut-être ? Pour une fois, tout avait l’ère de se passait en douceur, bien que Leomyr savait d’avance que ça ne durerait pas.

Finalement, le gradé nommé Ténélas pris la parole sûr un ton assez relâché. Un peu d‘agressivité mêlée à une curiosité animale. Intéressant. Leomyr regarda alors le seigneur scrupuleusement. Il n’avait rien de bien spectaculaire à part un certain charisme surement dut à ses fonctions militaires appréciées chez les drows généralement... Il lui demandât alors qui il était et qu’est-ce qu’il faisait dans les alentours, tout seul. Un bon point, il ne semblait pas le connaître ! Vraiment c’était trop simple… un peu trop d’ailleurs. Leomyr lui répondit alors sans faire paraître une seule émotion, restant de glace avec son interlocuteur :

« Je me nomme Leomyr. »

Il laissa passer quelques secondes avant de reprendre, examinant chaque réaction de Ténélas et de sa garde, qui restait silencieuse et concentrée.

« Je viens de la Dross et ai effectué un long voyage pour rejoindre ma terre natale. Vous l’aurez remarqué, je voyage seul. C’est ainsi depuis des années. »

En y repensant, Leomyr n’avait peut-être pas réagit comme il fallait, après tout c’était un gradé ! Comme tous ses semblables, ils sont orgueilleux et fiers. Mais voilà bien des mois qu’il n’avait vu personne et les relations sociales s’oublient vite, si bien que parfois certaines phrases peuvent être perçues comme des provocations à l’égard des concernés. Si c’était le cas, Leomyr devait être sur ses gardes et anticiper l’éventuelle riposte armée.

« Je suis à la recherche d’un corps armée. Ma vie est ennuyeuse en ce moment… Je manque d’action. Seriez-vous à même de m’aider sur ce point ? »

Sans relâcher sa concentration relative à sa situation, Leomyr regarda un par un, les soldats de Ténélas. Leur équipement était assez soigné, il devait faire partie d’un camp d’élite… Méfiance. Le sien était à l’inverse d’eux, plutôt usé, témoignage de ses nombreux combats, bien que toujours aussi résistant malgré toutes ses années. Ça en disait long sur sa carrière d’assassin mais aussi de guerrier hautement qualifié. Un plastron noir fissuré, des épaulières flexibles et solides qui lui permettaient une bonne mobilité des bras, des coudières agrémentées de quelques lames latérales et le tout dans une teinte sombre. Sans oublier ses deux glaives de diamant qui criaient famine... Tous se jaugeaient. Comment allez réagir le capitaine… ? C’était le plus important à savoir pour que tous s'en tirent à bon compte.

L’inconnu avançait, sûr de lui, entre les guerriers qui s’agglutinaient petit à petit autour de leur capitaine. Le voyageur se fit appeler Leomyr, un simple voyageur. Il observait les drows qui l’entouraient, visiblement peu impressionné, le pauvre fou ; au moindre geste de Dartan, il pouvait se faire démembrer à tout moment, pour le plus grand plaisir de l’assemblée. Il dit arriver de La Dross, seul, et qu’il venait retrouver son peuple. Le regard méprisant de Ténélas détaillait le drow de haut en bas, sa lèvre supérieure se retroussant légèrement sans qu’il s’en rende réellement compte. Et voilà qu’il prétend entrer dans l’armée, quel outrecuidence ! Un rire moqueur s’échappa des lèvres du capitaine en considérant toujours l’équipement usé de son interlocuteur. Il ferait peut-être un bon éclaireur, et après une profonde inspiration, Ténélas parla.

L’armée, hein ? Il me faudra prouver ta valeur !!

Aphryon quitta son fourreau, saisi par la poigne féroce de Dartan, et la lame fouetta l’air en signe de défi. Les Gardes s’écartèrent et formèrent un cercle, au diamètre plutôt restreint, qui serait l’arène du combat. Chaque drow posa son bouclier sur le sol et planta son cimeterre, posant une limite fatale à l’aire de combat. Se saisissant de sa targe ouvragée, Dartan ne put réprimer un sourire franc et affamé alors qu’il haranguait son adversaire.

En garde, petit ! Viens !!

Leomyr ne fut point surpris par la réaction de Ténélas qui finalement faisait que son travail… Leomyr eut un petit rictus hautain à l’égard de Ténélas lorsqu’il se fit défier. Sa lame fendit alors l’air, montrant clairement les intentions du drow. Bien… Leomyr allait pouvoir juger les nouveaux combattants du Puy. Lui qui n’avait d’habitude que des proies faiblardes à se mettre sous la dent, semblait avoir aujourd’hui trouvé un adversaire peut-être assez coriace pour lui permettre de faire durer le plaisir un peu plus longtemps… Son adversaire le sous-estimait sans doute un peu trop. Il n’était qu’un fier et orgueilleux combattant drow. Comme tout les autres… mais peut-être cachait-il un semblant de talent ?

Ayant hâte de le découvrir, Leomyr saisit à son tour ses deux Glaives de Diamant… Calmement, il se mit en garde. Sa concentration était parfaite. Il ne se préoccupait presque plus des gardes qui avaient crée la surface de combat. En revanche, chaque mouvement de son adversaire était désormais épié sous tous leurs angles. Autant dire que le combat serait explosif !

« En garde, petit ! Viens !! »

Ténélas semblait prêt à en découdre et ne mesurait pas quel adversaire était Leomyr. Une erreure stupide. Leomyr lança alors d’un ton franc et confiant :

« Ne me sous-estimes pas… Je ne suis pas n’importe quel voyageur. Même si mon but n’est pas de te tuer, Dartan Ténélas... Je ne laisserai personne me barrer la route ! »

Lentement, un sourire sadique se dessina sur ses lèvres… Sa férocité couplée à son expérience indéniable, allait bientôt surprendre Ténélas. C’était décidé, le premier assaut serait de Leomyr. Il commença alors à marcher vers son adversaire, se chauffant les poignets en faisant tournoyer ses glaives de manière régulière et simple. Puis quelques pas plus tard, Leomyr était à porté. Il envoya un coup d’épée vers le bassin de son adversaire avec force et précision. Ténélas bloqua alors le mouvement directement, puis contre-attaqua avec brio. Une mèche des longs cheveux blancs de Leomyr se mie alors à flotter dans les airs, avant de retomber sur le sol. L'esquive fut juste. Leomyr frappa alors de ses deux glaives Ténélas avec puissance. Les bras porteurs de Ténélas, ne supportèrent pas la charge. L’impact violent entre les lames, fit reculer de quelques pas le capitaine…

Il se remit alors en position... L’échauffement devait cesser ! Leomyr fixa Ténélas et soupira avec lassitude. Une provocation qu’il trouvait presque normal. Les combats comme ça, finalement, n’étaient que divertissement et adrénaline. Ça fait du bien au muscle et sa réveil les sens ! Dans le cas de Leomyr, il étaient tous en alerte désormais ! Il fixa de nouveau son adversaire et lui fit sur un ton glacial :

« J’espère que tu seras capable de supporter le poids de mes attaques sans que tes armes ne s’ébrèchent ! Sois certain que malgré votre nombre, je ne me laisserai pas faire. L’issue de notre duel n’est pas encore décidé ! »

Il pointa alors son glaive droit vers le capitaine en regardant par la même, tous les gardes avec un sourire en coin... : « J’accepte ton défie. Le combat commence maintenant. Approche, Dartan Ténélas ! »

L’étranger ne bougea pas immédiatement, prenant le temps de fanfaronner, au plus grand agacement de Dartan, qui n’aimait pas perdre de temps en vaines paroles, alors que la perspective d’un combat se faisait de plus en plus évidente.Un premier échange de coup eut lieu et Leomyr fit reculer le capitaine une première fois. Il invitait même le capitaine de la Garde Noire a ne pas le sous-estimé, ce qui arracha un rire moqueur au sombre. Après cet éclat de voix, le drow put répondre à son adversaire, un fois qu’il se soit vanté de la solidité de ses lames de diamant.

Pauvre fou, c’est toi qui me sous-estime ! En garde !

Alors que l’inconnu pointait son glaive vers Ténélas, en guise de défi, le sombre capitaine se rua sur sa proie. Pour lui, l’affaire était simple, le diamant était indubitablement plus solide et destructeur que sa lame et sa targe, mais tant qu’il esquivait les estocades, il ne craignait que peu de choses. Sous le regard de ses hommes, il n’envisageait pas la défaite, et, avec la rage d’un lion, il attaqua Leomyr. Aphryon fendait les airs pour rencontrer une nouvelle fois les lames du voyageur, puis Dartan laissa volontairement une faille dans sa garde, sur la droite, faille bien vite exploité par le bretteur adverse. Ténélas put alors en profiter pour développer une de ses passes favorites ; il fléchit les genoux pour passer sous l’attaque et lança son bras gauche, armé de son lourd bouclier, en plein dans le menton de son adversaire qui fut déséquilibré et recula à son tour. Alors que Dartan souriait avec arrogance devant son adversaire qui pliait sous l’assaut, il se remit en garde et reprit l’attaque avec toujours plus de férocité.

Le combat s’annonçait palpitant. Apparemment, Dartan était assez malin pour laisser une ouverture susceptible d’intéresser Leomyr afin de riposter fermement juste après… une technique spéciale mais efficace ce coup là ! Leomyr ne s’y perdrait plus ! Tomber dans le panneau si simplement, ça n’arriverait pas deux fois ! Leomyr avait encore la tête penchée en arrière suite au coup encaissé par le bouclier de Dartan, qui d’ailleurs revint aussitôt à la charge. Leomyr redressa sa tête, alors animé d’un large sourire sublimé par des yeux de feu. Cette fois, il ne perdrait pas son temps à parlé avec cette espèce de bête maline pas plus brillante que ses soldats qui faisaient pâles figures !

Un échange de coup s’en suivit. Toujours plus précis les uns que les autres. Des esquives, des blocages, des coups dans la tête, dans les côtes mais encore aucune blessures sévères pouvant compromettre l’un des deux dans ce combat. Une légère pause replongea les deux combattants dans les méandres de l’art du combat. D’expérience, Leomyr comprit que le combat n’allait pas durer bien longtemps. Dartan Ténélas voulait épater la galerie et ne voulait perdre la face devant ses soldats, ce qui est normal. Il attaquait donc à chaque fois avec beaucoup trop de férocité et s’épuisait bien plus vite que Leomyr qui comprit qu’il fallait jouer son jeu. Bloquant et esquivant, tout comme Ténélas, la majeure partie de ses coups !

Plus d’une demi-heure de combat à pleine vitesse passa. Les lames s’entrecroisaient toujours aussi vaillamment, si bien que quelques étincelles jaillirent du contact entre les deux lames. C’était un admirable spectacle de lumière, féroce et puissant à la fois ! Tout était à présent réunie pour motiver les combattants ! Leomyr se mit tout de même à rire afin de le provoquer et peut-être, énerver le capitaine qui sait ? C’est vrai qu’il s’attendait à mieux venant d’un capitaine tel que Ténélas… Car connaissant Vilniur et ses penchants totalement différents de ceux du capitaine en termes de combativité, il n’aurait pu souhaiter un meilleur combat à cet instant. Mais il fallait quand même se méfier, car il l’avait lui-même dit : « Pauvre fou, c’est toi qui me sous-estime ! En garde ! » … En y repensant, rien de bien impressionnant sachant que Leomyr s’avait à qui il avait à faire et que Ténélas lui, ignorait tout de Leomyr.

Leomyr se rua alors sur son adversaire, essayant de planter Dartan à l’aide de son glaive droit. L’esquive de Ténélas ne tarda point ! Il y parvint très facilement, parfait. Leomyr fit alors une rapide rotation sur lui-même pour amplifier la puissance de son glaive gauche et frappa de plein fouet le bouclier de Ténélas qui le protégea d'un coup mortel ! Cependant, une telle puissance concentré sur un endroit aussi facile d’accès permis de projection violente sur le sol. C’était plus humiliant que douloureux, d’ailleurs il était évident que Ténélas n’appréciait pas de tomber devant ses drows… Il devait sûrement avoir déjà compris que Leomyr aurait pu l’amputer d’une jambe s’il l’avait souhaité... Ce qu’il n’avait pas fait, par pur respect. Un respect relatif à son grade militaire. Il l’avait déjà dit, il ne voulait pas le tuer, ni même le blesser gravement. Ce qu’il voulait s’était réintégrer l’armée drow et rendre visite à un vieil ami… Dartan Ténélas était encore à terre, furieux. Il pouvait largement donner l’assaut sur Leomyr et le faire tuer ou emprisonner sans problème. Espérons qu’il n’en fasse rien et qu’il se relève pour contre-attaquer avec un peu plus de sérieux !

Leomyr fit alors quelques mouvements rapides avec son glaive gauche et le planta dans le sol. Au milieu des deux combattants. Il lança alors à Dartan avec un sourire arrogant :

« Je vais t’en dire un peu plus sur moi. Je suis un ex-maître d’arme de l’armée Drow, expert dans mon art qui est de manier le glaive et l’esquive. Cela fait bientôt plus de deux cent ans que je tue et hôte la vie à quiconque se lève devant moi… Un parfait entrainement...

Il plongea alors ses yeux dans ceux du capitaine, afficha un regard démoniaque et termina : … et ce… pour le seul plaisir de voir le sang jaillir ! … Sans vouloir paraître orgueilleux, il me semble impossible que tu puisses me battre seul. Alors je me battrais avec un seul glaive. Est-ce que ça te convient ? »

D’un geste ample, il libéra sa lame de l’eau qui s’agglutiné sur son tranchant. Car sans que personne ne s’en rende compte, le temps avait viré à la pluie depuis quelques minutes maintenant. Preuve que le combat était bel et bien engageait ! Leomyr fixa un court instant le ciel… laissant couler sur son visage blessé, cette pluie fine et revigorante. De nouveau il resta immobile, ayant désormais pour but de donner une leçon à son adversaire. Et puis quoi qu’il advienne, même si Dartan Ténélas perdait, il ne serait que le prochain de cette longue liste ! En soi, rien de dramatique… sauf peut-être pour un égocentrique stupide.

Les membres de la Garde Noire poussèrent un rugissement scandalisé. Comment un coup porté avec un glaive pouvait mettre au sol un combattant parant le coup de son bouclier ? Strictement impossible, du jamais vu. Les militaires ne comprirent apparemment pas que tout cela tenait seulement à l’extraordinaire maîtrise des armes de l’assassin, qui venait de vaincre un des meilleurs guerriers drow avec une facilité déconcertante.

« -Sorcellerie ! », rugirent donc d’une même voix outrée les Gardes Noirs. Il n’y avait pas d’autres explications possibles, pour eux, que celle de l’utilisation de la magie dans ce duel, pourtant commencé sous le signe de la « lame contre lame ». Les cimeterres et les boucliers semblèrent se téléporter dans les mains de leurs propriétaires. Les vingt gardes commencèrent resserrer le cercle vers le centre de l’arène, au pas de charge, d’un même élan, jusqu’à ce que leurs boucliers se touchent, formant sous la pluie un mascaret luisant de chair, d’acier et de haine. Les Sombres, pour encercler parfaitement leur adversaire sans se gêner, formèrent un deuxième cercle qui vint se couler derrière le premier. Chaque drow affectait une garde différente : les uns pointaient leur arme de l’avant tel des lances, les autres au dessus de leur têtes, les derniers en retrait, prêts à décocher de fulgurants coups venant de n’importe où. Les gardes noirs étaient si bien entraînés que dès le début de leur mouvement l’un d’eux s’était rué pour couvrir son chef de son corps, démontrant qu’il ne tenait en aucun rigueur de cette défaite qui n’avait pas lieu d’être. Chaque garde était des mieux protégé, portant plates, mailles, heaume et gambison. Les visières de l’élite étaient bien sûr baissées, dessinant un visage grimaçant et cruel sur chaque guerrier.

Puis ce fut la curée. Peut être Leomyr en tua t-il un ou deux ? Voir trois ? L’Histoire ne le retint pas. Sinon qu’il est strictement impossible de parer et esquiver dix coups de cimeterres délivrés par l’élite des Sombres, dans un périmètre aussi restreint que celui délimité par leurs boucliers, coups délivrés en de multiples endroits et à de multiples vitesses. Le deuxième rang s’arrangeait de plus pour délivrer des coups d’estoc par dessus leurs camarades. Ils avaient assurément suivi un entraînement de « massacre organisé de cible dangereuse ». Qui payait ce jour là.

Le désavantage de porter une cuirasse fissurée : elle résiste beaucoup moins bien au choc. Un bon combattant fait réviser et réparer entièrement ses armes après chaque combat. Sans ses outils, le guerrier n’est rien. Et justement la fissure fut la perte de l’assassin ce jour là : un des cimeterres fusa vers la poitrine, fracassa la plate abîmée pour se planter dans la partie osseuse de la hanche de Leomyr, qui ne put que hurler de douleur. Un court instant, car déjà les autres cimeterres hachaient, broyaient, fracassaient, perçaient sans pitié. Le sang giclait par pintes aux alentours, aspergeant les Gardes Noirs qui redoublaient alors d’effort pour réduire à l’état de masse de chair sanguinolente l’impudent. Il ne resta bientôt plus grand chose de l’assassin, qui paya de sa vie sa maîtrise trop parfaite des armes.

La récolte de blé à cet endroit là fut miraculeuse l’année suivante.

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Ombre fugace
Maître de ton destin

-Crédits de l'avatar: ETERNAL RETURN - Art of pierre / Alain D.
Site de l'artiste: http://www.3mmi.org/v9/

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