[Carrobrelian]L'homme sans ombre { Myr }

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Elle errait… C’était le bon mot. Depuis son réveil elle errait, hébétée par la terrible nouvelle. Tellement terrible et inattendue que rien n’aurait pu réellement l’y préparer… Pas même la certitude que c’était nécessaire. Mais elle ne se laissait pas aller au désespoir, elle n’en avait pas le droit. Elle marchait, droite, hautaine et fière, maîtresse d’elle-même et de son environnement… et l’esprit ailleurs. Dans sa tête tournait inlassablement la ronde des souvenirs, danse enivrante et malsaine, teintée de mélancolie et de tristesse… Sauf que Myrhyarmen ne pouvait pas être triste, elle n’en avait pas le droit. Car ce qui était arrivé était la volonté de sa Déesse.

Kÿria avait voulu de départ de Thyräel.

Elle n’avait jamais réellement aimé le jeune elfe. Si elle avait eu le choix, jamais elle ne s’en serait encombrée. Au final, elle avait fait un bien piètre mentor, elle le savait. Exigeante, elle lui avait demandé le meilleur de lui-même en toutes circonstances, et avait rarement pris le temps de le féliciter. Elle ne se souvenait pas d’avoir eu un geste réellement affectueux non plus, d’ailleurs… Et pour cause, ce n’était pas son rôle. Elle n’était pas une Mère, ce rôle ayant toujours été celui de Kÿria, elle était un instrument. Et elle arrivait à s’en réjouir, vibrant de joie et de fierté à l’idée de l’honneur qui lui avait été fait.

Se tournent les pages de l’Histoire, s’annoncent les Changements à venir…

La voix était calme et mesurée, le ton apaisant. La Déesse l’adoptait rarement, car si elle affectionnait sincèrement ses créations, elle restait une Entité colérique et manipulatrice. Mais cette fois, cette fois seulement, elle semblait vouloir apporter un peu de réconfort à sa Gardienne… En prenant tout de même le temps de lui rappeler que des changements d’importance ne tarderaient pas à venir. Bien entendu, Myrhyarmen le savait… Elle aurait un rôle clé dans tout ce qui arriverait.

Elle écoute distraitement la Symphonie des Arbres, se déplaçant avec plus de grâce en son Royaume qu’un voyant. Tel est le don de Kÿria, la vue contre… autre chose. A jamais isolée, coupée des siens et livrée aux bons vouloirs d’une déesse exigeante, elle en retirait tout de même cette harmonie avec Anaëh. Une Harmonie bien éloignée de celle dont pouvait se targuer - avec raison – son peuple. Ils prenaient le temps d’observer, de contempler avec ravissement et de vibrer quelques instants au rythme d’une musique qu’ils n’entendaient pas. Myrhyarmen, elle… faisait parti de ce monde qu’il vénérait.

Et pourtant, elle ne remarqua pas l’être qui s’exerçait, non loin d’elle, aux arts occultes de la magie des ombres, si bien que la voix douce et grave la tira de sa rêverie d’une façon bien brutale. Se figeant, elle tourna lentement son regard aveugle vers celui qui venait troubler sa quiétude… Il était là, tout près, disaient les arbres. Dans son dos, un arc sans flèche côtoyait une flûte traversière. C’était la seule chose qu’elle portait, en plus de ses vêtements… Il était proche, bien trop proche. Son esprit totalement tourné vers Thyräel, elle aurait bien pu passer à côté de lui sans même savoir qu’il existait. Elle avait été vulnérable, et elle haïssait l’idée. Se rappelant qui elle était, elle reprit la posture digne et fière qui était la sienne depuis bien des années.

Ses doigts s’envolèrent en un geste rapide, salutation muette des elfes anciens, héritage ancestrale des tribus séculaires. Nombreux étaient ceux qui le connaissaient encore. Elle attendit ensuite. Elle ne ferait pas le premier pas.

- N'avez vous pas froid ? Ces terres sont bien inhospitalières en hiver.

- Je me nomme Cyllas, comte de Carrobrelian. Enchanté.

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