[Surface] L'enfant roi ...

Rien ne bougeait, seul le silence jouait dans la grotte. Les torches immortelles s’étaient éteintes il y bien longtemps maintenant, peut-être au moment même ou le cœur d’aetherya s’était arrêté. Ou alors était-elle à présent trop loin pour que sa magie fasse effet en ces lieux, tout simplement.

La chambre du nouveau né de la prime sorcière s’était vidée, comme si le monde s’en était allé avec sa mère. Une fine couche de poussière recouvrait les meubles et le sol comme un linceul gris, triste témoin de la fin d’une vie.

Mais tout n’était pas mort. Elle avait laissé quelque chose ici, un héritage pour s’assurer que son nom, et sa lignée ne soit pas oublié. Pour que tout ce qu’elle avait accompli ne soit pas vain. Elle avait laissé sa chair et son âme en ses lieux, pour que son œuvre continue.

Un faible couinement retentit dans la pièce, semblable à un hurlement retentissant dans le silence pesant et un petit point émergea d’une pouponnière autrefois d’un blanc étincelant. A l’intérieur un nouveau né Drow s’agita, étirant ses jeunes muscles comme pour les réveiller à leur tour. Il baillât et contempla le monde.

Il ne semblait pas avoir été affecté par la disparition de sa mère comme tout ce qui l’entourait, véritable oasis de vie au milieu de ce désert mortuaire. Il resta ainsi quelques instants, ses yeux pétillants semblant apercevoir des formes et couleurs que l’œil du simple mortel ne pas appréhender, avant de ressentir de nouveau cette sensation déplaisant au creux de son ventre, ce sentiment de vide qui finissait par être si gênant qu’il se mettait à pleurer.

Ses plaintes raisonnèrent dans la demeure secrète de la prime Sorcière, Une grotte aménagée par ses soins et grâce à son art, à l’extérieur du Puy, la ou elle était sûre que personne ne viendrait s’en prendre à la chair de sa chair.
Car elle savait alors que son enfant mettait le pouvoir en place en péril. Une naissance chez les puissants de ce monde n’était jamais anodine, surtout chez les Drows et bien souvent, pesaient sur les épaules de ses nouveaux nés des responsabilités que de nombreux Hommes d’âge mûr n’aurait jamais à supporter.

Ramoth’ était un de ceux la. Expédié dès son plus jeune âge sur le devant de la scène politique Drow comme un boulet sur les piliers du gouvernement. Les pièces étaient en places, s’était maintenant à l’avenir de décider si le boulet atteindrait sa cible.
Mais pour l’heure l’enfant ne se préoccupait pas de la place prédominante qu’il occupait dans le monde. Toute son attention et son énergie occupées à se faire entendre. Il avait faim. Et comme tout nourrisson que se respecte il n’aimait absolument pas ça. Aussi le faisait-il remarquer avec ses propres moyens, rudimentaires, mais efficaces.

Un pan du mur de la pièce sans porte pivota soudain, produisant un raclement sourd, en réponse à ses pleures. L’enfant se calma, bien que le son ne fût pas très rassurant. Il reconnaissait ce bruit déplaisant. Il signifiait que son tourment allait cesser car bientôt on le nourrirait.
Le pan de mur se referma dans un claquement guttural, puis une jeune humaine au visage épuisé et prématurément ridé s’avança en trainant les pieds dans la poussière. Vêtue d’une unique robe noire de saletés elle s’approcha du berceau et resta la un instant, pantelante, regardant l’enfant qui constituait son unique compagnie depuis des mois de ses yeux rougis et inexpressifs.

Son destin tout entier avait été lié à cette enfant comme celui des deux autres filles, mortes depuis.

Pour le simple désire d’une mère qui voulut que son enfant soit allaité, elles avaient été enlevée à leurs parents alors qu’elles n’étaient encore que des enfants, droguées puis violées afin de nourrir le prince.

Aucune d’elles n’avait jamais eu l’idée de s’enfuir, par peur peut-être, ou bien parce que les Drogues qui leur avait était administrées s’ajoutant à ce qu’elles avaient vécues les avaient privé de conscience et d’idées.

La jeune fille n’avait toujours pensé qu’à une chose, une seule, nourrir, s’occuper du prince, toujours. Jusqu’à l’épuisement.

Elle réprima un frisson et tandis ses bras squelettiques vers l’enfant qui s’agitait. Elle parvint à le soulever, lentement avant de s’effondrer sur le sol, soulevant un nuage de poussière, l’enfant serré contre sa poitrine.
Haletante, le cœur palpitant elle entreprit de dénuder sa poitrine, lentement, pour ne pas réveiller la douleur de ses tétons meurtris. La douleur viendrait bien assez vite.
Ramoth’ n’avait que faire de cette douleur qu’il engendrait. Première parce qu’il ne comprenait pas encore ce concept et deuxièmement parce qu’il était Drow, et que lorsque il aurait atteint l’âge de le comprendre il la provoquerait délibérément cette souffrance.

Aussi s’attaqua-t-il aux seins de la jeune humaine sitôt qu’il les vît. Plantant ses deux canines pointues dans les tétons, mélangeant ainsi le goût exquis du sang au précieux breuvage. La fille écarquilla les yeux et ouvrit une bouche sans langue dans un cri de douleur silencieux. Elle s’effondra tandis que l’enfant, toujours accroché à son sein, se délectait des dernières gouttes de lait.


La jeune fille ouvrit les yeux. La première chose qui traversa son esprit endolorit fût l’enfant. L’enfant qu’elle avait laissée sans surveillance pendant qu’elle gisait sur le sol, inconsciente.

Si jamais il lui était arrivé malheur…
Une voix s’imposa alors dans son esprit, une voix froide, chargée de colère.

- Si jamais mon fils devait verser une seul goute de son précieux sang alors qu’il est sous ta protection, Abigaelle, je te jure que ton âme ne trouvera jamais le chemin des terres de Tari et qu’elle brulera à jamais, hantant ses terres s’en pouvoir s’en échapper.

Son cerveau mutilé par les drogues ne saisissait plus la signification de ses propos et ce qu’ils présageaient. Mais elle se souvenait de la terreur qu’elle avait ressentit en les entendant, cette terreur primaire et bestiale qui la submergea de nouveau en cet instant.

Elle se releva lentement, et parvint finalement et après bien des efforts à se remettre debout. Elle chercha l’enfant des Yeux, plissant les paupières pour tenter de percer l’obscurité et enfin elle l’aperçut, près du pan de mur amovible, sain et sauf, traçant des formes indistinctes dans la poussière.

Elle allait bientôt mourir, elle le savait, et sa seul consolation résidait dans le fait qu’elle savait que quelque chose de meilleur l’attendait après sauf si le prince venait à mourir lui aussi.

Elle se pencha et pris de nouveau le prince qui se débâtit dans ses bras, ce simple effort la fît presque perdre connaissance. Heureusement Ramoth' se calma au contact de la poitrine familière et accepta de se faire transporter ainsi.

La jeune humaine se mit dos au mur et poussa. La porte cachée pivota de nouveau et elle quitta la pièce d’un pas lent.


La grotte dans laquelle la prime sorcière avait cachée son enfant et sa dernière esclave n’était pas très étendue et ne comptait que trois pièces. La chambre du prince, celle de l’esclave, guère plus grande qu’un cagibi, et un sellier, vide à présent, qui avait servir à nourrir l’esclave pour qu’elle soit plus productive.

La jeune fille se faufilait à présent par l’entrée dissimulée de la grotte et remonta le chemin, guère plus qu’un chemin de chèvre, dans ce qui serait son dernier voyage.
En haut se trouvait la plaine du puy d’Elda, alors elle prendrait une direction, n’importe laquelle, sauf celle qui menait à cette cheminée naturelle. Elle s’en irait trouver quelqu’un qui lui viendrait n aide, pour la première fois depuis des années.

Une silhouette se découpa devant elle à la lumière de la lune, grandissant à mesure qu’elle approchait. Bientôt elle fût assez près pour distinguer ses vêtements. C’était une jeune fille et peut-être était-elle comme elle. Elle se tourna, présentant son visage.

Son visage gris.

Les Yeux de l’esclave s’écarquillèrent de nouveau et elle sera un peu plus l’enfant dans ses bras.

Cet enfant dont le destin était lié au sien.

Le gamin, blottit dans les bras d’une femme mourante qui l’avait, durant des mois, nourrit de sa vie observait la scène avec un intérêt tout enfantin. Il ne perdait donc pas une miette de ce qui l’entourait. C'est-à-dire à peu près tout. De la couleur du ciel aux araignées qui gambadaient sur le corps de la jeune fille non loin d’eux. La dernière esclave d’Aetherya tremblante parvint à faire quelques derniers pas avant de s’arrêter. Terrorisée à l’idée que la silhouette qui se découpait à la lumière de la lune ne fasse du mal à son précieux fardeau. Le destin jouerait pour elle à présent car la vie la quittait et son tin déjà pâle s’éclaircissait encore un peu plus chaque minute. Elle ne semblait déjà plus de ce monde comme si la mort souriante était en train de couper lentement le fil qui la retenait encore à la vie avec un couteau à beurre.

Pour l’heure la petite silhouette noire ne semblait pas hostile. Elle chantait.

Bien sur, aux oreilles de l’esclave ce chant raisonnait comme une symphonie infernale et lugubre, bien que les paroles soient douces et amicales.

Ramoth’, lui, bien que tout comme sa nourrice il ne pouvait comprendre un traitre mot de ce chant se sentit étrangement attiré par ce son, à un point tel qu’il en oublia de gigoter dans les bras de l’humaine qui en profita pour souffler un peu. Elle sentit en même temps sa crainte retomber, comme si tout au fond d’elle un bonhomme sympathique avait ouvert les vannes du barrage qui retenait les émotions négatives.

Cela ne dura hélas pas longtemps, car tel un raz de marée qui fît trembler les fondations du dit barrage un quatrième personnage s’avança lentement dans l’ombre. Et rien dans son apparence et son regard ne pouvait laisser pensait qu’il connaissait ne serai-ce que l’existence d’un truc nommé « le bien ».

L’esclave se recroquevilla à mesure que l’individu approchait, espérant passer inaperçu dans l’obscurité. Bien sur passer inaperçu en terre Drow lorsque l’on est humaine est aussi aisé que de passer inaperçu sur une plage nudiste réservée aux hommes lorsque on est une fille en bikini.
C’est impossible.

Aussi Brylyan Naerth, Disciple de le mort, annonciateur de l’apocalypse, fléau du monde, et très beau garçon pour qui aime les peaux grises et les beaux yeux meurtriers, apparut pleinement à la lueur de l’astre nocturne.
Alors les yeux fatigués de l’humaine la virent, la bête contre nature. Le serviteur du mal. Elle serra l’enfant un peu plus dans ses bras, qui se tortilla de nouveau pour protester contre e traitement mais ses muscles fatigués n’opposèrent pas beaucoup de résistance malgré la détermination farouche de l’humaine à protéger cet enfant.

Doucement, Ramoth’valuk, le roi du cauchemar, changea de bras. Ce simple mouvement pourrait peut-être changer la destinée de nombreuses personnes, de peuples entiers qui sait ? Mais derrière la banalité de ce geste ce cachait quelque chose de plus grand, des projets pour le monde qui préféraient pour l’instant rester dans l’ombre de cette passation de maternité.

-Reste tranquille, il n'est pas dans mes projets de le tuer.
Cette nuit Brylyan Naerth devenait Tonton. Et ça n’avait pas de l’enchanter.

Pourtant le gamin avait son importance, une utilité potentielle, et pour cela il choisit de ne pas le tuer.

Il se détourna de l’humaine, inutile à présent, et le peu de vie qui restait à lui retirer n’était guère alléchant. Une telle action pourrait presque passer pour de la compassion. Et rien ne semblait pour rebutant que cela.

Aussi le chef Drow tourna son attention sur la fille cette fois. Et une fois de plus ces êtres s’échangèrent des paroles qui n’avaient aucun sens pour l’enfant, qui choisit de tester la résistance de la peau de son nouveau porteur.

Qui s’avéra très résistante, pourtant ses canines naissantes parvinrent après beaucoup d’efforts et dans l’indifférence totale du guerrier à percer deux petits trous par lesquels s’échappèrent deux minces filets de sang noir qu’il s’empressa de laper.

Le gamin s’installa un peu plus confortablement dans les bras musclés de Brylyan et continua de laper le sang qui s’écoulait lentement de son index, alors que déjà le souvenir de l’esclave se faisait brumeux dans son esprit enfantin.