[HT de Teiweon] Courtoisie en la Demeure des Âmes. [Dame Jamais]

Les rencontres s’enchainent… Les discussions se succèdent, occupant les jours du Seigneur de Guerre à la veille des combats. Il est tant de changements, des disparitions et des morts inexpliquées, invitant à l’audience afin que demeurent les alliances et les rapports autrefois établis et entretenus avec soin.
Des nouveaux visages, des nouveaux noms, de nouvelles personnes dont il fallait gagner les faveurs, obtenir la confiance et recréer les contacts qui avaient fait la grandeur, assurant la position dans les hautes sphères quand viendrait l’heure de devoir affronter quelconque situation, quelconque adversaire. Tissant sa toile, réactivant quelques relations, il s’activait afin que son absence prolongée ne laisse plus une séquelle.

Aujourd’hui, il prévoyait de se rendre au Temple de Teiweon… On l’avait informé de la disparition de Fae’Lisshyn, autrefois Haute Prêtresse de ce Culte, une connaissance de longue date, pour lui, pour sa famille, une lignée qui s’était éteinte avec elle, et de son remplacement. Celle qui lui succédait était une connaissance, quoique les rapports étaient bien plus flous… Melthiaryen' ashar Narihenzahalar, plus souvent nommée Dame Jamais. Oh, il ne saurait se targuer de la connaître personnellement, mais il connaissait sa famille et sa lignée… Pure qu’elle était, cultivant la grandeur à travers les âges, à l’instar des Zaurahel, héritiers et appartenant à cette caste que représentaient les Prima Sanguis.

Enfilant l’habituelle toge soyeuse à la teinte carmin qu’il portait à l’occasion de ses visites dans les deux Temples majeurs uniquement, le gantelet de cuir à son bras gauche, la marque d’Uriz apparente sur son avant-bras droit et le saphir à son doigt, symbole de son rang, il se rendit donc bien vite en ce lieu où, voit près de deux siècles maintenant, il avait dit adieu à son père, à l’aube de son apogée militaire, après qu’il devint l’Obok Senger d'Thalack au terme de la Bataille de Nisetis.
Les lieux avaient changé, contrastant avec l’allure sombre de ceux qui venaient prier en ce temple, il était clair et splendide, la richesse et l’élégance imprégnait les murs, tout l’inverse de la plupart des animaux sans doute, qui venaient prier ici.

Il sentit les regards se poser sur lui, rien qu’un instant… Il n’était pas inconnu, c’était normal, mais c’est sans un bruit qu’il progressait en ces lieux, ne dérangeant en aucune façon les méditations et les prières de l’instant. A proximité de l’autel, il se mit à genoux, posant un coffret de bois finement décoré par quelques sculptures, rappelant les serpents, mais surtout la wyvern, son emblème, son symbole privilégié. Et quelques mots furent adressés à la Déesse, à son père… Car bientôt, enfin… Il mènerait ses pas et ses hommes vers une bataille majeure contre les ennemis éternels… Enfin.

Bientôt, il sentit cette présence à proximité, non pas celle d’un croyant en pleine prière, mais celle de cette esclave habillée de façon convenable, quoiqu’à l’allure de pirate semblant attendre qu’il eut terminé pour l’inviter à le suivre, la Haute Prêtresse semblant vouloir s’entretenir avec lui. Il se releva, non sans oublier son cadeau, pour suivre l’esclave humaine. Elle le mena jusqu’au boudoir personnel de la Haute Prêtresse, l’invitant à entrer là où il trouva ce qu’il était venu rencontrer, bien qu’au final, il sera devenu celui qui se fait inviter. Une pièce à l’image du temple, quoique simple dans son mobilier, sans fioriture d’aucune sorte.
Il découvrit alors cette « jeune » femme plutôt bien faites, physiquement, charmante et agréable à l’œil, plus encore dans cette tenue élégante et raffinée, bien loin des goûts vestimentaires vulgaires et trop osés pour être jolis du commun des femelles de cette race. Il demeura là, debout, à côté de son siège, s’interdisant le fait de s’asseoir sans l’invitation orale de la Haute Prêtresse, sait-on jamais… Le coffret dans ses mains.

« Haute Prêtresse, vous avez demandé à me voir ? »

Il ne pouvait prétendre à une quelconque forme de familiarité, et se devait de lui laisser, tant qu’elle n’aurait exprimé de paroles dans un autre sens, l’ascendant en ce lieu. Il était le visiteur, elle était une des deux plus grandes voix religieuses de la Cité Sombre, et bien qu’il fut Obok Senger d'Thalack et de près d’un demi-millénaire son ainé, il devait garder à l’esprit le rapport hiérarchique.

Réveillée depuis l'aurore, la Haute Prêtresse avait profité de la fraîcheur qu'apportait la trop rare rosée. Ces derniers jours avaient été bien pénibles, chauds, moites, des odeurs diverses montaient le long des rues, embrumant les sens, et salissant les plus délicats des nez. Si la majorité de ses congénères ne s'en souciaient guère, la Dame des lieux était bien plus sensible à ce genre d'effluves, et luttait contre ces marques de sauvagerie.

La demoiselle parcourait son temple, attentive à tous les détails, et donnant çà et là quelques petites indications aux prêtres et esclaves qui s'y trouvaient. Indications car dans son ton, il n'y avait aucun ordre: nettoyer les traces de pas, brûler plus d'encens...
D'un regard critique, rien ne semblait lui échapper, les erreurs tout comme les réussites, et elle n'était point avare en compliments.
Ce matin, elle avait opté pour une robe légère, mais bien taillée, suggérant mais ne dévoilant rien, écrin prometteur, pudique presque. Elle allait à contre-pied des habitudes des autres femelles, car la couleur était claire, fraîche, lui donnant presque une allure virginale, bien loin de la vulgarité coutumière. Ses cheveux, coiffés avec soin, perlés, retombaient en de légères boucles blanches sur ses épaules , cascade délicate, illusoire presque.

Dame Jamais parcourait de ses yeux calmes et clairs le flot de fidèles venus prier Teiwon, certains devaient sans doutes profiter de la fraîcheur des lieux. La position privilégié de son balcon intérieur lui permettait de ne rien rater des mouvements en son temple, c'est ainsi qu'elle remarqua la présence du Obok Senger d'Thalack. Tout d'abord, son attitude contrastait tant avec celle des autres, sa tenue, ses gestes... la Dame des Lieux pencha la tête sur le côté, jouant avec l'un de ses mèches avec son index, signe qu'elle réfléchissait avec attention.
Il tourna le regard, et elle le reconnut assez rapidement, comment en aurait-il put être autrement?
Tebirahc, issus de la très noble et très pure lignée des Zaurahel, Obok Senger d'Thalack.
Elle se pencha vers l'oreille de sa mignonne favorite, Alanelle. Cette dernière, plus intelligente que la moyenne, avait sut gagner la confiance de sa maîtresse, et vice versa. Il existait entre elles une sorte d'amitié tacite, respect mutuel. Cette dernière esquissa un sourire, et partit d'un pas léger, rapide en direction du notable.

Quelques minutes plus tard, on introduit Tebirahc dans son petit boudoir. A la différence de ses invités habituels qu'elle recevait assise dans une attitude non-chalente, presque détachée, elle l'attendait debout, une main posée sur le dossier de son siège, un sourire aimable sur son visage poupin.

"Le bonjour Monseigneur Zaurahel, je vous remercie d'avoir répondu si prestement à mon invitation. C'est un immense honneur et plaisir que de vous recevoir en ces lieux"

La voix de la Dame était très claire, douce, avec une intonation mélodieuse. Elle fit même une légère, mais très élégante et gracieuse révérence, et présenta d'un geste tout aussi délicat le siège qui se trouvait devant Tebirahc.

"Je vous en prie, prenez siège."

Elle s'assit tranquillement, croisa les jambes sans rien dévoiler de plus de son anatomie, signe qu'elle devait avoir jouit d'une éducation soignée, bien loin des vulgarité de ce monde.
Alanelle arriva avec une bouteille de vin, et commença à servir.
Jamais attendit qu'elle eut finit avant de prendre à nouveau la parole:

"Ne nous formalisons point de protocole, vous pouvez me nommer comme bon vous semble, Dame Jamais ou Melthiaryen' ashar, à votre bon vouloir, Monseigneur. "

Methiaryen tendit son bras fin, prit entre ses doigts le verre devant elle qu'elle porta à ses lèvres. Ses yeux continuaient à détailler le drow devant elle: une belle stature, un visage volontaire, des cheveux blancs purs. Un sourire de nouveau apparut sur son visage, alors qu'elle reprenait la parole:

"Je suis fort aise de faire enfin votre connaissance, Monseigneur, votre réputation vous précède, tant bien par les actes, que par la pureté de votre lignage et votre sang. Une rareté par les temps qui courent. "

Sur son charmant visage, une légère grimace apparut lorsqu'elle évoquait, à couvert, la condition et le comportement de ceux qui se disaient ses pairs.

"Comment se porte les affaires de votre famille? cela fait un petit moment que nos deux lignées n'avaient pas échangé, devisé. "

Elle avait presque murmuré ces derniers mots, donnant à l'intonation de sa phrase une saveur presque intime.

« L’honneur et le plaisir de vous rencontrer est réciproque, Haute Prêtresse. »

Les manières et les paroles qui pouvaient paraître bien lourde à l’avis de certaines catégories étaient maintenant échangées, et il prit place dans le siège confortable qu’elle désigna, posant sans bruit et délicatement le coffret qu’il avait amené avec lui, croisant les bras une fois installé.
La première remarque vit naître un sourire amusé sur le visage de l’Obok Senger… La voila parlant de protocole alors qu’elle enchainait aisément les « Monseigneur », il n’était certes pas contre un allègement dans les manières de l’échange qui aurait lieu là, entre eux… Mais il se devait dès lors d’être réciproque, sans quoi cela n’aurait pas de sens, aussi répondit-il simplement.

« Haute Prêtresse… Je me permettrais cela lorsque vous ferez de même… Il n’est point utile pour vous de m’appeler Monseigneur… »

Les compliments qui s’en suivirent auraient pu apparaître comme une flatterie et gonfler l’égo de celui qui les recevait, mais il n’y voyait que des faits énoncés et ne se laissait pas troubler par les mots échangés. Surtout qu’elle se trouvait issue de la même situation, quoiqu’elle ait sans doute vu, au sein de sa famille, bien plus de génération que la sienne.
Néanmoins, il y eut une part de ces mots qui attirèrent plus l’attention que le reste… Juste une part intéressante, dans le contexte.

« Par les temps qui courent ? Notre nombre ne saurait augmenter, il ne peut que s’amoindrir au fil des siècles et des vies qui s’échappent et rejoignent Teiweon, vous devriez le savoir. »

Oh, il n’était pas agressif ni moralisateur, mais il avait conscience de la situation, et espérer que le temps l’arrange était sans doute un rêve, mais songer n’apporte que des regrets quand on sait la situation irréversible. Ils étaient d’une part de la société vouée à s’éteindre… Tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était finalement repousser l’échéance, mais elle était inévitable, il le savait.

On en venait finalement à sa famille… Les affaires de sa famille plus précisément. La Guerre était l’affaire des Zaurahel, une lignée ne se consacrant qu’à cela, non pour la gloire et la puissance, quoique cela apparaissent comme des outils indispensable auprès des hommes, pour un dessein maintenu secret et transmis… Une vengeance et une revanche à prendre qui était passé de main en main… Un sanglant et violent flambeau dont la flamme était entretenu par l’idée même que par delà les Terres Stériles, les Elfes savouraient les années et les siècles sous la protection d’Anaëh et de Kÿria.

« Vous devez le savoir… Aussi longtemps qu’Uriz mènera les sombres et qu’il y aura un combat à mener, ma famille se portera à merveilles. Un Obok Senger d'Thalack succède à un autre et nous demeurons là où se décide et se fait l’histoire et la guerre. Aussi longtemps que ce constat demeurera une réalité, nous ne saurions nous porter mieux au sein d’Elda. »

Après cette réponse, il prit l’initiative à son tour… Après tout, si les Zaurahel étaient restés au premier plan depuis les origines, celle de la Haute Prêtresse, après avoir connu les gloires passées avait choisi de demeurer à l’ombre des puissants, sans pour autant disparaître, il ne se faisait plus les grands acteurs de leur temps.

« Et comment se porte Senger Trishnar, votre père ? Je n’ai pas eu le plaisir de vraiment connaître votre mère, bien que j’ai eu l’occasion d’échanger quelques mots avec autrefois, mais j’ai combattu au côté de votre père… Comment vivent-ils leur retraite ? »

Le père en question était il y a quatre cent ans encore l’Obok Senger d’Thalack du quatrième Ost… Il l’avait connu, à l’occasion de quelques conversations et invitations de son père pour le couple, les deux partageant la même fonction, autrefois… L’un était à la retraite, l’autre avait choisi, une fois son fils en âge et prêt à reprendre les rênes, d’aller auprès de Teiweon, n’ayant pas d’autres vocations que la Guerre.

Il laissa pour l’heure de côté le coffret qu’il tenait devant lui…

Il avait touché un point essentiel de sa personne: elle avait du mal à déroger au protocole: façonnée, pétrie de bonnes manières et d'étiquette, ses parents avaient fait un travail exemplaire.
Cela sembla amusé son interlocuteur, car, contre toute attente, un sourire vint naître doucement sur ses lèvres, et la jeune dame se mordit la lèvre inférieure, geste mutin, quelque peu décalé avec l'attitude générale qu'elle présentait: cela la rendait alors bien plus "vivante" presque accessible.

" Soit Senger Zaurahel. Vous avez gagné, je rends les armes."

Il était bien trop tôt pour pouvoir ajouter le prénom, chose qu'elle considérait comme "intime" en quelque sortes. Tebirahc posa avec attention un petit coffret devant lui, avant de croisses les bras.
Par politesse, elle ne posa même pas le regard sur le dit coffret, la délicatesse imposait qu'on n'évoquât point ce genre de détails, afin de laisser l'invité libre de les révéler ou pas.

Point de flatteries dans ses paroles, des faits. Mais elle n'était pas le genre de personne à se vanter d'ordinaire, de ses propres origines, préférant laisser une sorte de voile flou dessus, non point à cause de son humilité, mais plutôt car elle considérait inutile que certains gueux le sachent.
Il était lui aussi conscient de la précarité de leurs lignées respectives, car au fils du temps, certains avaient dérogé à la ligne de conduite rigide de ces anciennes familles: il n'était donc pas rare de voir des bâtards issus de sangs moins nobles commencer à gangrener les plus prestigieux arbres généalogiques. Quelques familles néanmoins, comme la leur, semblaient tenir bon, une éducation stricte, sans faille, telle était la clé de cette survie presque miraculeuse au milieu de la fange et la luxure.
La dame baissa un court instant le regard, alors qu'une mèche blanche vint retomber devant son visage.

"Certes, une vérité qui malgré tout me saigne le coeur..."

Eduquée en vue d'un jour perpétuer ce sang si pur et précieux qu'ils adulaient, elle prenait la chose bien à coeur, frisant l'extrémisme par moment... son frère le plus jeune y avait goûté, après avoir succombé à une sang sale.
Jamais releva ses yeux clairs qu'elle planta dans ceux du Senger, un sourire aimable sur les lèvres, alors que d'une main lente, elle dégageait la mèche trop rebelle:

"Mais faut-il pour autant abandonner et laisser faire? suivre l'exemple de ces pantins de chair et accepter des préceptes dégradants?"

Il n'y avait qu'une légère pointe de dégoût, à peine perceptible, car la Dame savait masquer ses humeurs, bien qu'elle parut plus naturelle.

"je ne pense pas pour ma part."
Finit-elle par murmurer légèrement.
Elle restait optimiste, bien que réaliste, que faire d'autre sinon? laisser tomber serait pour elle renier sa vie toute entière, perdre son but, ce pour quoi elle était née.
Ses yeux continuaient à fixer Tebirahc, sans doutes afin de décortiquer chacun de ses gestes, expressions, ou autre qui auraient put filtrer de cet imposant mâle.
Ils avaient un point commun: on pouvait lire dans leurs attitudes, sur leurs corps, leur domaine de prédilection. Lorsque Dame Jamais présentait des attaches fines presque trop délicates, le Senger Zaurahel quant à lui, arborait un corps robuste, taillé pour la guerre. Combien de champs de batailles avait-il connut? cette pensée effleura l'esprit de la dame, alors qu'ils continuait à parler.
La guerre, humm? la guerre était une composante essentielle, car elle permettait de faire marcher une économie, mais aussi certains complots fleurissaient en son sein,l'information devenait alors capitale et là était son domaine.

"La guerre nous est nécessaire, outre pour son florilège de combats, mais aussi pour tout ce qui en découle. Je pense que vous n'avez point à vous inquiéter de cela, pour le moment tout du moins, car nos... "compatriotes" ont cette tendance, fort pratique, à l'expansionniste. "

Elle avait buté un court instant avant de dire le mot "compatriotes", comme si cela lui écorchait la bouche.
Il fallait espérer ne pas tomber sur un roi fantasque, prit d'amour pour la paix, chose qui mènerait le peuple drow à sa perte, sans nulles doutes.
Ce faisant, la jeune esclave avait amené diverses choses à manger et boire. Encore une fois, on était bien loin des banalités de la race. Non point de choses sanguinolentes, outrageuses...des produits finement préparés, dont la qualité trahissait le prix.
On en vint à parler de sa famille, ce qui fit sourire de nouveau la jeune dame, il lui était agréable de les évoquer, surtout son père, qui, avait été très présent dans son éducation.

"Je vous remercie de l'attention que vous nous portez. "

Malgré son caractère fort, elle n'en gardait pas moins une vive affection pour sa famille, affection découlant de la fierté de son sang, de sa lignée, sans bercer dans le sentimentalisme rose et écoeurant des elfes.

"Père, malgré la difficulté qu'il éprouve à rester en dehors des affaires de la guerre, se porte à merveille. Il endure son nouveau rôle de patriarche avec beaucoup de patience, mais je pense qu'il n'attend qu'une unique chose: pouvoir repartir sur un champs de bataille.
Sans doutes le fera-t-il une fois mon "cas" terminé.""

Il y avait de l'amusement dans la voix de la jeune prêtresse, car elle savait que les choses ne seraient pas aussi simples que cela, au plus grand désarrois de son père: la couvée était étendue.

"Quant à Mère, elle reste égale à elle-même, épaulant Père dans ses démarches. Fort heureusement, car la fougue de son époux nécessite par moment d'être canalisée. "

Une vérité, le Senger Trishnar bien que présentant une attitude parfaitement calme, bouillait intérieurement, cherchant tous les prétextes possibles à un combat, une guerre: son rêve était de mourir sur le champs de bataille, auréolé de gloire.
La situation de sa famille l'avait obligé à se retirer, repousser un peu plus ce projet, et fort heureusement, il pouvait compter sur la force de persuasion de son épouse afin de ne point céder.
Aussi, avait-il prit le partit de présenter contre mauvaise fortune bonne figure: il était devenu encore plus sévère qu'avant avec sa descendance, surveillant tout, critiquant telle ou telle attitude.

Dame Jamais continuait à jauger son interlocuteur, afin d'avoir au delà du voile des convenances, au delà des masques, et elle ne cachait pas son vif, quoique polit intérêt, car aucune lueur de luxure ne brillait dans ses yeux clairs, parfaitement sereins.

Il était intéressant, tout du moins amusant qu’elle associe sa demande, tout du moins, son semblant de négociation à une reddition dans un affrontement entre les deux. Mais soit, le voila vainqueur d’une nouvelle bataille qu’il n’avait pas même eu conscience de mener, et c’était une victoire qui rendrait un peu plus agréable les rapports avec cette Haute Prêtresse, car nul doute qu’à termes, les « Monseigneur » aurait pesé.
Puis la discussion se concentrant sur la pureté des lignages, et la rareté devenue depuis bien des siècles, plusieurs millénaires même, évidente des familles appartenant aux Prima Sanguis. Et la remarque, les questions surtout, le firent sourire… C’était une chose auquel il avait déjà donné réponse, à une autre personne en un autre contexte… Et sa réponse fut la même, en toute simplicité.

« Non… Bien sûr que non. Vos parents vous ont transmis ce souci, tout comme les miens en leur temps… Nous avons un souci de la transmission de notre sang, et la responsabilité de préserver et de prolonger le temps où existerons ceux de notre « caste »… Je suis le premier à soutenir que bien que leurs manières et leurs comportements dégradants, si ils sont obligatoirement tolérable, car le monde ne changera pas, nous n’avons pas à nous conformer, bien au contraire. »

Jusque là, il lui donnait volontiers raison, mais…

« Mais nous ne pouvons espérer augmenter notre nombre… Au fil des alliances et des décès, les lignées, découlant des alliances et des unions, se sont éteintes et ont disparu, il ne reste plus assez de familles pour espérer un miracle. »

Puis elle parla de la guerre… Et là encore, elle lui prouva sa jeunesse, et une certaine ignorance quant au comportement des drows… La nuance du « pour le moment » était de trop… La Guerre faisait parti des sombres, c’était la base de leur existence, l’origine de leur naissance et tout ce pour quoi, finalement, ils existaient. Il était violence, l’ambition… Ils ne cesseront leurs guerres que lorsqu’il n’existera plus aucun de ces Enfants d’Uriz.

« La guerre sera toujours l’affaire des drows… La paix n’appartient pas à nos valeurs, elle ne peut exister et devenir un choix, c’est là uniquement l’affaire des elfes… Jusqu’à ce que le dernier des nôtres s’éteigne, le sombre peuple se battra. »

Ils en vinrent ensuite à sa famille, à elle… Et aux nouvelles concernant ses parents, qu’il avait connu, voila quelques siècles maintenant. Il sourit en pensant à son père souffrant de ne plus pouvoir aller se battre, confiné alors que toute sa vie ou presque, il avait consacré sa vie au combat. Il ne vient, à son sens que deux choix quand on a connu ce genre de vie…
Soit, comme son père, on met un terme à sa vie… Il l’avait fait, s’offrant en sacrifice sur l’offrant à l’autel de Teiweon une fois son fils installé sur les plus hautes marches du pouvoir militaire. Car autrement, la vie n’a pas de sens, ne trouve aucun écho dans un rythme plus modéré et posé.
Soit comme certains, on préfère mener un dernier combat pour y mourir avec les honneurs du combattant, sacrifice à la cause d’Uriz.

« Votre père était un grand combattant… Je peux comprendre son désir de retourner à la bataille… Il veut sans doute y mourir dignement, n’est-ce pas ? »

Il était d’ailleurs étrange que des êtres immortels souhaitent mettre un terme à leur existence… Quoiqu’il avait moins de peine à comprendre son père. Près de deux milles ans, et tout ce temps passé à se battre presque sans interruption… C’était long, très long, et bien des vies avaient été prises, perdues. Où serait il, lui, dans mille trois cent ans ? Aurait-il encore envie de se battre, ou serait-il lassé, malgré le comportement guerrier des sombres ?

En jouant la carte de la rédition, comme on l'aurait fait sur un champs de bataille, elle utilisait des termes qui lui étaient familiers, petite tentative pour se montrer quelque peu accueillante, vigilante du bien être de ses invités.
Bien que jeune, elle avait cette forme de sagesse, et un calme qui émanait d'elle, tempérant sans cesses ses paroles. Elle n'en restait pas moins jeune, et manquait par moment d'expérience, des petites erreurs qui, avec le temps, se dissiperaient bien assez tôt.
Et la demoiselle promettait d'être aussi attentive et mesurée que sa propre mère, une femme du monde, distillant ses charmes et regards que pour servir sa famille, prenant garde de toujours être dans l'ombre de son époux, et pour qui le devoir passait bien avant tout le reste.

La Dame des lieux gardait tout de moins son air aimable, sûr d'elle, jouant avec une mèche de cheveux blancs, tic qu'elle prenait de temps à autres pour réfléchir. Chaque mot était comme analysé, attentivement entendus.
Elle semblait si fragile, pour soutenir tant de responsabilités, tant d'ambitions, presque trop candide, à tel point qu'elle réussissait à en berner certains qui ne voyaient en elle, qu'un pion placé là, ou une enfant trop tôt sortie de son enseignement.

"Je tolère. Car comment contrôler des bêtes si elles ne peuvent assouvir leur bas instincts? "

Elle avait dit cela d'une voix légèrement distraite, murmurée, comme une réflexion pour elle-même. La Dame n'avait pas vraiment une très haute opinion de ses congénères de façon générale, mais reconnaissait la valeur et la noblesse lorsqu'elle en croissait...même chez les sangs moins purs.

"Je me suis quelque peu emportée dans mes propos, veuillez m'en excuser Senger Zaurahel. "

Encore une fois, elle tempérait ses propos d'elle-même, en acceptant ce genre de chose, s'excuser et faire preuve humilité, elle jouait sur deux plans différents.
Le premier, montrer qu'elle ne cherchait pas le moindre conflit, d'intention, d'orgueil ou autre.
Le second, elle prouvait qu'elle respectait l'ancienneté, et donc la parole de son invité.

"Je vous trouve néanmoins pessimiste. Si nous ne pouvons augmenter notre nombre, nous pouvons tout du moins espérer que nos descendants puissent bénéficier de cette même pureté. "

Non vraiment, elle ne pourrait jamais accepter l'idée de mettre au monde un bâtard, éclaircir ce sang préservé à grands frais, trahir la confiance de sa famille.

"Désir qui est tout à son honneur, je me sens fière d'avoir un père tel que lui.
J'espère pouvoir lui permettre cette fin glorieuse rapidement, car, s'il ne montre aucun mouvement d'impatience, je peux sentir son âme bouillir.
Et ma dernière tâche en tant que Haute Prêtresse sera de remettre son âme entre les mains de la Douce Teiwon. "

Elle sourit cette fois-ci de façon bien plus franche, dévoilant ses dents blanches un court instant, preuve du respect profond que lui inspirait son père.
Mais dans ses propos, il était alors évident qu'elle estimait sa place comme temporaire, ou peut être était-elle suffisamment consciente de la précarité de ce siège pour prévoir ainsi une sortie, peu de temps après son accession.
Enfin, la Dame Intouchable comme la surnommaient certains, croisa ses doigts délicats, se pencha légèrement pour venir poser ses coudes sur la table, ses yeux cristallins et légèrement rieurs, plantés sur son interlocuteur.

"Il n'est point difficile de deviner mes ambitions, mais vous? quelles sont-elles? Je suis peut être bien trop curieuse, et si vous décidez de ne point y répondre, je le comprendrai. "

Encore une fois, elle faisait preuve de délicatesse dans ses questions, laissant toujours cette impression de ne jamais rien forcer. Dame Jamais était bien loin des manières qu'on prêtait aux drows, allant à contre pied, car elle avait apprit que la douceur apportait bien plus que la vindicte et la violence.

"Vous m'êtes sympathique" coupa-t-elle subitement, de sa voix mélodieuse, chantante presque. "Outre le fait que Père ne tari pas d'éloges sur votre compte et bien que je vous trouves un tantinet fataliste, vous m'êtes sympathique. "

Elle ne l'insultait pas, elle savait qu'arrivée à son grand âge, elle serait elle-même bien moins optimiste, sans doutes la cruauté de la vie viendrait-elle le lui rappeler tôt ou tard.
Le fait qu'elle annonce de re-chef un mâle "sympathique" pouvait paraître anodin, mais il s'agissait d'une première, car jamais on n'avait entendu la Dame Inaccessible ne serait-ce que l'énoncer, le suggérer. Cette franchise ne lui était guère coutumière, elle qui aimait jeter un voile d'incertitudes sur ses propos, tout du moins lorsqu'on ne la connaissait pas assez bien, car au sein de sa famille, La dame se laissait parfois aller à cette franchise si rafraîchissante.

"Aussi, me tairais-je si l'on vient me questionner sur vous. "

Un sourire léger vint de nouveau s'afficher sur les lèvres fines de la dame, alors qu'elle s' adossait lentement, sans un bruit, à son fauteuil., posant une main sur l'un des accoudoirs.

Il sourit à la remarque sur le contrôle des sombres comme de bêtes aux bas instincts… Le souci avec cette idéologie, c’est qu’il fallait en modérer les propos, et plus que tout, comprendre vraiment les choses et leurs fonctionnements. Il espérait qu’elle n’ait pas tant d’aisance à parler de ces choses là avec eux… Car si dans certains contextes, et sur certains sujets, on pouvait les assimiler à des animaux, pour la plupart, ce n’était pas partout vrai… Aussi, ces mots étaient à prendre avec des pincettes. Et ils lui semblaient erronés de réduire le « contrôle » à cette seule idée.

« Pardonnez moi ces mots, mais n’est-ce qu’une impression ou bien vous concentrez-vous uniquement sur l’aspect « reproduction » pour juger cette race ? Ou n’est-ce là que votre position à ce sujet, sans que cette dernière ne s’applique et prédomine vos opinions sur tous autres critères qui vous viendrait à l’esprit ? »

Curieuse question certes, mais il avait besoin de cerner la « jeune » femme, comprendre son raisonnement et la manière dont il se construisait. Car il avait apprit beaucoup des sombres, et si pour la plupart, les déviances et les dégradantes pratiques sur le plan sexuel, surtout sur le choix des partenaires, était discutable… Ce seul trait ne pouvait définir la race, et surtout, ne pouvait permettre d’émettre un jugement global.

« Autrement… Je vous dirais, et vous devez le savoir, qu’il n’est pas que la tolérance de quelques pratiques que jamais je ne me permettrais qui permet d’obtenir l’obéissance et la maîtrise des sombres… C’est surtout le respect ou la crainte, de votre nom, de votre rang, de votre personne qui compte. Tolérer ce qui apparait comme des écarts pour vous n’est qu’un moyen d’éviter à tout prix une révolte.
Le meilleur outil est l’image que vous dégagez pour tous… Haute et fière, puissante et sage, envoûtante mais crainte. On vous écoutera, on vous respectera pour ce que vous laisserez paraître autant que pour le rang qui est le votre... »

Bon… Lui avait su modifier une tendance au sein de son Ost, avec l’aide de son Père… Le meurtre au sein du Premier Ost ne faisait pas office d’ascenseur social, il était au contraire passible d’une mort certaine. On cultivait le mérite et les récompenses à ceux qui sont à l’origine d’exploits guerriers et d’initiative militaire prolifique… Ainsi augmentait-on l’efficacité de la machine, condamnant à la mort les mauvais rouages. Et si ça n’avait pas toujours été évident, surtout au départ… Le résultat était là…

Par la suite, ses paroles lui indiquèrent un manque de clarté dans ses propos… Et si il ne s’accordait pas à dire qu’il était pessimiste mais plutôt réaliste sur l’avenir des Prima Sanguis, il soutenait depuis toujours, et comptait bien appliquer et continuer de préserver la sélection de laquelle il était né…

« Nous sommes d’accord… Je n’ai jamais soutenu le contraire… Et si vous me pensez pessimiste, je crois être plutôt dans le vrai… Viendra un jour où les héritiers des Prima Sanguis s’éteindront, car le sang ne pourra être renouvelé… Mais en attendant cette extrémité lointaine, bien sûr que nous pouvons, plus qu’espérer d’ailleurs, préserver ce lignage et cette pureté… »

En espérant que cette fois, il fut assez clair pour être bien compris dans ses propos…
La suite, si il la comprit paru étrange à ses oreilles… Sa dernière tâche en tant qu’Haute Prêtresse de Teiweon ? Elle ne visait pas un grand et long avenir dans cette fonction, c’était clair… Alors pourquoi ce rôle ? Oh, c’était une place importante, bien entendu, mais tout ceci découlait forcément d’un calcul… Et il n’eut de peine que jusqu’à se souvenir d’une chose… Cette règle qui interdisait à une Haute Prêtresse de Teiweon de porter un enfant, de le mettre au monde. Incompatibilité certaine avec sa tâche fixée de prolonger l’existence de sa lignée dans le temps…
Et quand elle parla de la facilité de deviner ses ambitions, il ne pouvait qu’approuver, ayant désormais comprit où ses pas la mènerait.

« Mes ambitions… Oh, vous pouvez poser la question, il n’est rien qui ne soit caché, rien que nous n’ayons gardé pour nous… »

Mais c’était là des mots qui, si ils paraissaient franc ne l’était pas… La vérité entière nécessiterait de dévoiler sa croyance en les Cinq… Et c’était une mauvaise idée, une très mauvaise idée.

« Nous, les Zaurahel sommes depuis toujours motivés par des ambitions guerrières, guidés par les Voix d’Uriz, visant particulièrement les elfes… Préférant ce champ de batailles à tout autre. Je ne fais que poursuivre un combat que nous menons depuis plus de quatre millénaires, mon héritage autant que le sang qui coule dans mes veines.
Je ne souhaite pas devenir plus qu’un Obok Senger d’Thalack, désormais seules comptent les guerres et les batailles que je mènerais pour nuire au Peuple d’Anaëh. Et cela, je le transmettrais encore à la génération suivante… Jusqu’à ce que mon ennemi soit vaincu ou ma lignée éteinte.»

C’était simple… Il ne nourrissait pas plus… Et s’il importait que sa lignée perdure, son combat n’en demeurait pas moins principal et capital.

Lui être sympathique ? Bon, encore une fois… Parler de fatalisme était exagéré… Il menait tout de même avec volonté un combat qui se voulait contre une Déesse… Il ne voulait pas se faire d’illusions au sujet de certain point… Mais dans son ambition, et celle de ses pères, il était toujours l’ardent qui ne cesserait son combat qu’une fois mort ou bien lorsque la génération suivante sera prête et que lui sera lassé, fatigué par des dizaines de siècles de guerre… Si ce jour et ce sentiment arrive, bien entendu.
Néanmoins, il ne trouva pas vraiment quoi répondre à cela… Quoiqu’il pouvait répondre par des compliments à son tour, franc et sans flatterie.

« Je vous remercie, Dame Jamais… Quoique je me permets de vous contredire sur mon fatalisme… Autrement, je vous retourne les mots… Vous compagnie est agréable, et si vos positions sont à mon sens encore en certains domaines maladroites, j’ai le sentiment que vous deviendrais bien vite une grande dame de ce monde… »

Se vexerait-elle de la maladresse qu’il lui donnait… Peut-être, mais elle était encore jeune, elle avait tant de temps pour corriger quelques « imperfections » de l’éducation… Mais surtout, de la vision du monde des sombres. Lui avait apprit le pire et le meilleur de ses hommes en évoluant au milieu d’eux… Il savait ce qu’on pouvait critiquer et ce qu’on pouvait complimenter… Elle n’avait peut-être pas cette façon de voir.

La jeune dame avait grandit relativement à l'écart des autres, couvée, surprotégée par une famille trop possessive, de ce fait, il lui était difficile d'avoir une vision autre que ce qu'on lui avait apprit.

"Non point. Mais vous n'êtes pas sans savoir que je pêche quelque peu par ignorance.
Il ne m'a été possible que de constater certaines dérives, la plupart concernant la chair. "

La jeune dame prit entre ses doigts le verre qui se trouvait devant elle. Verre qu'elle porta à ses lèvres, marquant ainsi une légère pause dans ses paroles.

"Mon opinion n'est point faite, je dois le dire, et si j'accorde à cette race certaines qualités comme la robustesse, le manque de sentimentalisme et un certain sens de l'honneur, dans le domaine du travail , je reste tout de même consciente de ses limites."

Elle restait modérée dans ses propos, mais ne rechignait pas à attribuer des qualités, même à ceux qui n'apparaissaient pas de prime abord intéressants.
Par contre, ils n'avaient pas la même façon de faire, lorsqu'il utilisait la peur et son rang pour soumettre ses hommes, elle utilisait sa tolérance et sa patience, donner l'illusion qu'elle laisse un choix inexistant.
La Dame jouait sur le mystère qui l'entourait, car, si certains la considéraient comme faible, d'autres avaient comprit qu'elle jouait avec d'autres cartes, sur d'autres plans.

"Je suis une femme de l'ombre, Senger Zauharel, je n'ai ni votre expérience, ni votre puissance qui me permettrait cela.
Ma position et mon rang actuel seront remis en cause, par le prochain ambitieux qui passera, c'est une évidence.
Quant à mon image, vous n'êtes pas sans la connaître, ou tout du moins l'avoir entre-aperçue."

Elle sourit.
Dame Jamais aimait à jeter un voile flou sur sa personne, afin de laisser les autres interpréter comme bon leur semblait cette étrange femme. La prendre de haut serait risquer de glisser et tomber bien bas, la sous-estimer et la considérer comme faible, et on pouvait s'attendre alors un coup de poignard dans le dos. La surestimer? on se perdrait alors dans un dédales de précautions inutiles.

La suite de l'échange fut porté sur les ambitions de son invité, celui-ci accepta de lui répondre. Il ne mentait pas, mais semblait omettre certaines choses volontairement. La Dame était patiente, elle le saurait bien un jour où l'autre.

"Votre sens de l'honneur est exemplaire, Senger Zaharel. Votre lutte est de longue haleine, et ne sera pas simple. Néanmoins..."

Elle marqua un autre arrêt, pour poser son verre.

"Néanmoins, je suis prête à vous y aider, avec mes "maigres" moyens"

Modestie mal dissimulée ou ironie? il était alors difficile de savoir cela lorsqu'elle évoquait à demi-mots ses dits "moyens".

Il l'avait qualifiée de maladroite, et accueillant cette critique déguisée avec un léger rire cristallin, elle porta une main devant sa bouche, puis finit par planter des yeux rieurs dans ceux du Senger avant de répondre:

"Certes, je vous l'accorde.
Dans ce cas, enseigner moi ces subtilités qui me sont encore étrangères."

D'autres auraient vu rouge, se seraient senties agressées, mises à l'écart, insultées. Mais la Dame semblait elle, très consciente de ses propres limites et de ses erreurs, et consentait à les admettre avec une bonne humeur assez fraîche et décalée pour cette race hô combien fière.

"Faites donc de moi la Grande Dame que vous souhaitez voir"

Sa voix était calme, claire. Par ses propos, elle reflétait sa grande capacité d'adaptation, acceptait la remise en cause de sa personne. Elle avait comprit, en quelques 2 siècles de vie, qu'une personne capable de s'accorder à son milieu, avait de plus grandes chances de survivre et arriver à ses fins.
Il y eut un moment de silence, qui parut durer, durer. Pendant ce laps de temps, elle gardait ses yeux fixés sur son invité, un léger sourire aimable sur les lèvres.
Puis, changeant de sujet aussi subitement qu'il était arrivé:

"Comment se porte votre petite esclave elfe? hum...Oloryle si ma mémoire est bonne... il semblerait que vous lui portiez un intérêt tout particulier, surtout à son éducation."

Le ton était détaché, comme si elle parlait de la pluie et du beau temps. Elle suivait de son index la courbe de son verre, distraitement.
Certes, son attitude semblait si détachée, comme si le sujet avait été banal, mais en réalité, elle continuait à observer chacune des réactions de son très illustre invité, avec minutie.

C’était là un choix peu judicieux, Senger Trishnar... Oui, peu judicieux, quoique… Il avait son sens, un sens que lui n’approuvait pas, mais soit, qu’était-il pour juger de cela ? Personne qui pourrait prétendre à le faire en tout cas. Il avait protégé sa fille des dérives du monde des sombres, pratiques souvent dégradantes et abaissantes pour les sphères où ils évoluaient tout deux… C’était compréhensible, légitime, mais la bulle pouvait avoir des effets pervers… En certains domaines.

« L’ignorance s’effacera quand se dérouleront les années, quand se vivront les expériences… Vous verrez par vos yeux, non ceux de votre père, éprouvés par les ans, non sans sagesse bien sûr, et vous apprendrez bien vite…
Les drows ont en effet des qualités certaines, ce n’est pas un peuple parfait, mais il n’en est aucun pour prétendre à ce titre… Et si ils ont parfois des manières affligeantes, dégradantes, ils ont des qualités et des forces qu’on ne trouve nulle part ailleurs…»

Une femme de l’ombre… Oh, il en savait le sens, mais il était étrange, oui, bien curieux qu’elle se place là… Au plus haut, aux regards de tous quand il aurait été plus habile et aisés de demeurer cachées, observant et influençant le monde d’un autre siège. Mais ce titre était provisoire, elle l’avait elle-même suggéré, alors peut-être l’avenir lui donnerait raison… Et elle deviendrait cette femme de l’ombre dont elle parle.

« Si vous n’avez pas mon expérience, ne remettez pas en cause votre puissance, votre pouvoir au sein d’Elda… Vous êtes la Haute Prêtresse de Teiweon, les sombres vous doivent respect et crainte, le ressentent, sauf si bien sûr il vous vient en tête de vous montrer fragile, poupée de porcelaine siégeant devant les regards de la Cité Sombre. »

Il voulait également revenir sur le premier ambitieux qui passerait… Et c’était lui le pessimiste de cette histoire ? Voyons, c’était le manque de confiance qui la perdrait… Le manque d’assurance qui fragiliserait la stature qu’elle devait dévoiler au regard du monde… Elle devait être assuré, n’apparaître que puissante, sans faiblesse, sans fragilité… On ne devait pas la sous-estimer, voir naître le souhait de la faire tomber et lui succéder… On ne devait que craindre la moindre tentative, ne pas même espérer la vaincre tant elle donnerait une impression de force.
Elle lui demandait d’apprendre, avouait sa fragilité et ses faiblesses, son ignorance… Il aurait été ennemi ou ambitieux, il l’aurait déjà dévoré sans avoir à éprouver la moindre difficulté… Ce n’était pas là le bon jeu… Non, point du tout.

« Qu’est-ce que ces mots dans la bouche d’une femme de votre rang ? Il est certain qu’avec une telle vision, et la précarité même dans votre esprit, vous ne saurez demeurer là, sur votre siège, trônant parmi les puissants du sombre monde.
Il n’est point là question d’expérience ou de puissance réelle, pas pour vous… Mais il est certain que fragile et bancal dans votre esprit, vous ne sauriez rester à votre place, que le premier venu saura vous renverser tant votre position est sans équilibre aucun. Vous êtes l’une des personnalités les plus puissantes de ce monde… Plus que moi, aux yeux des sombres, vous devez être respectée et crainte, et vous vacillez déjà.
Soyez forte, par Uriz, soyez puissante ! Apparaissez le, sans que jamais la figure implacable et redoutable qui sera la votre ne tremble devant quelques ambitieux fous qui viendraient à vous provoquer, à défier votre autorité. On ne doit vous sous-estimer… On ne doit vous voir sembler faible et fragile…Manquer de chuter de votre trône et vous verrez surgir des ombres la charogne avide de votre carcasse sans force, sans volonté aucune de défendre sa place. »

Il apparaissait tout de suite bien moins sympathique sans doute, cherchant à la faire bouger un peu, cesser de baisser les armes, et de s’aplatir devant le premier Obok Senger d’Thalack venu. On ne la respecterait pas… On ne la craindrait pas…

« Vous voulez devenir une Grande Dame… Alors cessez d’être une petite poupée entre les mains de votre père… Soyez à l’image de votre Déesse… Devenez forte et cessez de dévoiler vos faiblesses au premier qui viendrait à discuter avec vous, à mettre en doute votre savoir et votre assurance… Quand bien même cela s’avèrerait exacte… Aujourd’hui, il me suffirait d’un rien pour vous faire tomber, vous abattre sans la moindre difficulté.
Estimez-vous heureux que je ne m’engage pas dans cette voie là… Que votre position et vos décisions ne nuisent pas à mes propres desseins, sinon je vous aurais vaincu et humilié sans peine… Je vous offre les armes et les outils qui vous permettrons de survivre… Faites en ce qu’il vous plait, mais à vous montrer faible, à vous dévoiler tant, ne vous étonnez pas si bien vite, vous tombez. »

Il était dur, sans être agressif, il fallait la secouer, la pousser à réagir, l’offusquer même, si c’était nécessaire… Tant qu’il ignorait même la question qu’elle lui avait posé avant qu’il ne prenne la parole… Il l’avait relevé… Notant qu’elle était au courant de choses dont nul, sauf ses serviteurs et quelques fidèles gardes, ne pouvait savoir. Elle avait déjà commencé à développer ses armes, c’était une bonne chose, mais elle manquait encore de bien des ressources pour espérer se faire une véritable place dans ce monde.

Contre toute attente, car elle ne s'attendait point à être de la sorte sermonnée, Tebirahc commença à la malmener, certes verbalement, mais c'était bien assez suffisant.
La jeune dame eut un léger tic, un léger froncement de sourcil, signe qu'elle en était étonnée. Il y eut alors un battement, un lourd silence qui s'installa entre les deux convives, à peine perturbé par les chants lointains des prières qui emplissaient l'air de la demeure de la Sombre Déesse.

"CLACK!"

D'un mouvement vif, contrôlé et sûr, Dame Jamais s'était redressée au dessus de la table, réduisant la distance qui la séparait de l'Obok Senger, et lui avait asséné une claque sonore, qui, malgré la délicatesse de ses bras avait une certaine force inattendue.
Sur son charmant visage, non point de la colère, mais quelque chose d'étrange brillait au fond de ses yeux trop clairs, sans doutes la détermination, la fierté.

"Ceci, c'est pour avoir put imaginer, un court instant, que je pouvais être faible mentalement, et m'avoir obligée à sortir de mes gongs ."

Elle détestait avoir à se montrer sous son vrai jour, préférant garder ce masque étrange qu'elle arborait.
Une mèche de cheveux blanche vint tomber le long de son épaule, masquant ainsi une partie de son visage, aux sourcils froncés, lui donnant une allure de Gorgone mythologique.
Sa voix était ferme, mais gardait cette douceur, finissant de faire un tableau étrange.

"Je ne souffrirai point que l'on m'insulte en ma demeure.Que les choses soient bien claires. "

Jamais n'avait jamais sous entendu qu'elle était fragile moralement, ou sur ses positions, elle ne faisait qu'énumérer des faits, et espérait profiter des conseils de son hôte, car, dans ceux-ci, elle aurait put deviner certaines ficelles qui lui paraissaient encore invisibles.

"La prochaine fois, ce ne sera point votre visage qui en souffrira, mais bel et bien votre âme! soyez reconnaissant à la sympathie que je vous porte."

L'esclave s'était instinctivement reculée, et commençait à être prise d'une sorte de panique sourde, prostrée, signe qu'elle avait dû connaître sa maîtresse dans des colères noires, l'esprit marqué par ces épisodes courts, mais douloureux.
Il y eut un autre battement, durant lequel elle sembla ravaler sa saute d'humeur, bien qu'elle regrettât de ne pas avoir frappé avec le poing cette fois-ci. La prochaine fois, elle promettait de disposer de son âme, par l'un de ses chants de sirène dont elle avait le secret.

Bruissement de tissus, le contact de la main s'était fait plus doux, et tout aussi subitement que le coup était arrivé, et sans qu'aucune réaction ne puisse être attenté, la dame s'était de nouveau penchée sur l'Obock Senger, et lui assénait un baiser.
Elle se rassit avec un naturel déstabilisant après cette étrange scène, ajoutant de sa voix claire, redevenue sereine:

"Et ceci c'est pour l'attention que vous portez à me faire réagir, ces paroles incisives bien qu'insultantes, sont comme un miel dont l'amertume donne une dimension toute autre..."
Susurra-t-elle d'une voix profonde, chaude, dont certains qualifieraient de presque sensuelle.

Elle y avait perçut une pointe d'affection, bien dissimulée, mais quelque peu présente.
Dame Jamais prouvait ainsi qu'elle avait un caractère bien trempé malgré les apparences qu'elle présentait, et c'était sans doutes ce paradoxe, étrange et déstabilisant qu'elle avait usé afin d'atteindre cette place.
Dame Jamais porta de nouveau le verre à ses lèvres, comme si rien de tout cela ne s'était passé, contrastant encore une fois fortement, avec l'image colérique de tout à l'heure: elle avait en elle un côté sombre qu'elle semblait compenser par son attitude douce et pondérée.

"Je ne me mettrai point en travers de votre route, car votre projet m'intéresse."

Enfin, elle réagissait convenablement…
Ses mots, s’ils étaient emplis d’une franchise et d’une réalité, quoiqu’elle puisse le nier, avaient été dur, irrespectueux pour le commun des gens à bien des égards envers la Haute Prêtresse de Teiweon. Une claque qui, si elle avait voulu être forte, plus qu’il ne l’aurait pensé, ne le fit pas même vaciller. La tête avait été légèrement tournée, entrainée par le coup, mais elle ne perdit pas son air fermé et dur… Beaucoup s’offusqueraient, mais c’était là ce qu’il attendait d’elle… Un peu de violence, et de l’audace… Car il est bien peu d’êtres pouvant gifler d’Obok Senger d’Thalack sans craindre de perdre la tête, ou de finir au fer… Quelque soit le rang.
Elle s’était fait violence, rappelant au respect et à la bonne tenue en sa présence, et c’était enfin un signe de force concret après quelques paroles bien creuses…

Il écouta les mots, n’exprimant rien de plus, ne réagissant à aucune. Mensonges ou bien vérité cachée derrière un masque de fragilité, rien de cela n’était important devant le constat de son état changé… Elle se voulait forte, et bien soit… Il ne contredirait pas ses mots, il n’en voyait désormais pas l’intérêt, bien que ce qu’il y ait vu, il ne l’ait pas rêvé, elle avait bien vite comprit une leçon et un sermon sans hésitation quant au ton.
Il faillit sourire et la remettre en question sur la question de la menace… Oh, elle pouvait bien prétendre à de la sympathie et pouvoir le faire… Mais la marque et la présence de la protection d’Uriz qui pesait autour de lui affirmait le contraire. Désormais, il ne pouvait subir punition que du Culte du Père, sauf si cette jeune femme était prête à déclencher une guerre interne.
Son âme et sa vie appartenait à Uriz, quoiqu’en dise la Haute Prêtresse… Elle n’irait à Teiweon que dans la mort… Quoiqu’il aurait été audacieux de prétendre à une place dans le Royaume des Morts de Tari… Audacieux et mortelle pour sa famille. Mais soit, laissons-lui l’assurance et la confiance en son pouvoir… A ce niveau là en tout cas.

Puis vint la réaction la plus surprenante dans ce tableau… Ce baiser qu’elle lui asséna après qu’elle eut fini de proférer les mots pour corriger le Senger. La raison de ce baiser ? De la reconnaissance. Pour toute réponse, il n’y eut qu’un froncement de sourcils soucieux, non que ce fût désagréable, mais il n’adhérait pas vraiment à l’initiative… La prochaine fois, il ne manquerait pas d’esquiver une telle décision… Ce n’était pas comme ça que devait se faire les choses.
Il ne nia pas non plus l’attention qu’il avait nourrie… Mais ne la confirma pas pour autant. Elle avait simplement la chance de ne pas avoir énoncé une possible opposition à lui… Sans quoi, il n’aurait rien dit et bien vite, l’aurait fait chuter de son trône… Il n’était pas de ceux qui complotent sans cesse, mais il savait jouer de ces choses là quand ses desseins et la quête familiale venaient à être menacés.

« Mes projets vous intéressent ? »

Oui, ce fut la seule chose à laquelle il réagit, et comme si c’était calculé, comme si tout était prémédité, il dégagea un petit crochet empêchant l’ouverture du coffret, faisant pivoter le coffret de bois vers elle. Il n’eut ensuite qu’à l’ouvrir pour dévoiler le présent, quoique simpliste… Mais le geste seul compte, n’est ce pas ? Ignorant tout de ce qui pouvait le plus plaire, il avait opté pour une simple dague en argent, finement taillée et décorée, élégante dans ses lignes et courbures, serti de petit rubis et de saphir reposant sur un lit de soie blanche et de coton. Ce n’était clairement pas une arme faite pour le combat, bien qu’elle fût coupante, mais seulement un cadeau dont l’importance ne se trouvait qu’en sa valeur et sa vocation décorative.
Aucun mot n’accompagna, qu’un geste qui plaça le coffret devant la Haute Prêtresse.

La Dame semblait souffler le chaud et le froid, à l'image de sa déesse, elle présentait elle aussi deux visages bien distincts.
Elle était redevenue cette image calme et posée, s'adossant avec non-chalence au dossier de son siège, son verre à la main.
Elle observait les gestes de Tebirach, qui, finit par consentir à lui dévoiler le contenu de son coffret.
A sa question, elle se contenta d'acquiescer d'un mouvement léger, mais ferme de la tête. Ho que oui, les projets de l'obok senger étaient intéressants: provoquer sans cesses guerres sur guerres lui permettrait de mettre en place son réseau de façon optimale, les regards seraient alors tournés vers la gent militaire, lui laissant quelque peu les mains libre pour étendre ses tentacules à volonté.
Pour ce faire, elle avait déjà quelques projets, des ébauches qui ne pourraient se concrétiser qu'une fois une guerre enclenchée.
De son côté, Tebirach semblait rechercher un conflit avec le peuple d'Anaeh, et c'est en ce sens que leurs objectifs étaient communs.

"Les guerres sont le nerf de toute chose...et c'est encore plus vrai pour le peuple drow. Il est fait pour combattre, et Teiwon l'y encourage. "

Elle omettait ses plans, pour parler en termes religieux.
Ses yeux clairs se posèrent sur la dague qui se trouvait dans le petit coffret, un bien bel ouvrage, qu'elle effleura de son index fin, avant d'afficher un sourire sur son visage.

"Votre artisan est fort habille de ses mains, Senger Zauharel. "

Dame Jamais semblait détailler l'objet avec minutie, comme elle faisait habituellement pour toute chose ou personne qui se présentait devant elle. Son sens de l'étiquette l'empêchait de prendre l'objet en main, point avant de connaître la raison d'un tel présent.

"Je vous remercie de ce geste, Obok Zauharel, il reflète le goût raffiné de votre personne tout en restant dans le domaine guerrier. Que me vaut cet honneur?"

Elle continuait à décrire du bout de l'index, les formes élégantes de la lame, avec délicatesse: l'objet était beau, précieux, finement ouvragé, et la Dame était sensible à toute forme de beauté, tout particulièrement aux belles armes, car elles reflétaient bien des choses à ses yeux: souffrance, douleur, libération, beauté.

Teiweon… La Déesse des Âmes… Encourageant la guerre ? Une chose était certaine, elle ne voyait pas les mêmes intérêts et avantages que les sombres ou bien Uriz, non… Les moissons d’âmes des guerriers sombres peut-être… En fait, c’était là d’une importance moindre, quoiqu’il suppose que la Déesse n’était pas seulement celle qui pensait y trouver son compte.
Alors, que cachait-elle derrière la Divinité ? Peut-être cela avait un rapport avec l’oreille qu’elle avait en sa demeure… Ce qui n’était pas un cas isolé, non… Il ne croyait pas en un intérêt tout particulier pour sa personne.

« Puisse-t-elle trouver satisfaction dans les campagnes à venir… »

Il valait mieux jouer la carte de la crédulité sans exagération, ce pourrait être plus... productif, comme manière d’aborder la chose. Il lui faudra aussi trouver l’esclave qui lui fait des infidélités... Et il avait déjà une idée en tête.

Elle contemplait le cadeau sans le prendre en main, admirant ses lignes, ses doigts passant sur ses courbes fines. Oui, l’artisan avait été habile et soigneux, et il n’en attendait pas moins, et saurait féliciter et transmettre ce commentaire à ce dernier, cela apparaîtra comme encourageant. Puis il y eut la fameuse question du pourquoi… Oui, pourquoi un tel présent.
Il n’y avait là nulle générosité gratuite, dénué d’un intérêt quelconque… Non, bien sûr que non. Mais il était préférable de n’offrir qu’une réponse partielle à cette question.

« J’ai pour habitude d’amener un présent en offrande à votre Culte à chacune de mes visites… »

Et c’était vrai… Bon, certes, ils étaient généralement bien moins « généreux » que celui-ci, mais c’était là une chose qu’il faisait depuis toujours.
Puis il décida de changer de sujet, totalement… Pour revenir et jauger des réactions devant ce qu’il allait aborder. Il eut un fin sourire avant de simplement dire.

« Alors, lequel est-ce ? »

Après cette interrogation vague, il eut tout de même l’amabilité de préciser sa question, tout au point, son sujet.

« Lequel de mes serviteurs me fait des infidélités et s’avère être un traitre et un espion à votre compte ? »

Pour la première fois dans la discussion, il laissait à penser que, quoiqu’il se soit passé jusque là, elle demeurait un ennemi potentiel, et que tout individu à sa solde au plus près de lui était un ennemi et un traitre.

Il avait finit par aborder le sujet de son réseau, chose à laquelle elle s'attendait depuis un moment, car il était évident qu'il ne laisserait pas les choses telles qu'elles.
Dame Jamais continuait à caresser de son index les formes complexes et élégantes de la lame, avec un petit air presque songeur.
Elle jouait parfaitement son rôle, changeait si rapidement d'expression, qu'elle avait dû être actrice dans une vie antérieure.
Le ton du drow était dur, elle avait alors comprit qu'il la voyait comme une ennemie potentielle, bien que le danger qu'elle représentait en cet instant était plutôt moindre:

"Traîtrise? comme vous y allez, nulle traîtrise n'est à craindre de ma part voyons, vous m'êtes trop précieux pour que je vous mette en danger inutilement. "

A son regard franc, il était évident qu'elle disait la vérité. Elle ne se cachait pas de le surveiller à sa façon.

"Il est normal de garder un oeil sur votre patrimoine généalogique. "

Dame Jamais croisa ses doigts devant elle, son visage sembla fermé, n'affichant aucun sourire aimable, mais une détermination ferme, faisant presque oublier son âge si jeune.

"Et cessez de voir en moi une ennemie potentielle, cela devient vexant ... quant à vous révéler le nom de mes sources, il en est hors de question, ils me font confiance, je me refuse à trahir celle-ci, même pour vos beaux yeux..."

C'était ainsi qu'elle avait réussit à faire ce fameux réseaux, en prouvant à ses oreilles qu'elles pouvaient avoir une confiance aveugle en elle, cette éthique elle n'en dérogeait pas, et se refusait à le faire.
Elle prouvait par ses mots, qu'elle avait un sens de l'honneur assez développé, hérité de son père, qui la poussait à honorer ses promesses, quelles qu'elles fussent.

"Par contre, pour vous prouver ma bonne foi, j'accepte de vous racheter les esclaves concernés...."

Elle était contrariée, et cela commençait à se voir. Oui, il lui était impensable de laisser un sang pur comme lui sans surveillance, comment protéger le peu de membres que comptait leur sang si elle ne pouvait pas intervenir dès lors un problème détecté?
Dame Jamais se leva subitement, et alla regarder à travers la fenêtre du boudoir qui donnait sur la nef du temple. Sur son visage, on pouvait voir filtrer de l'inquiétude, de temps à autres, mais il fallait y prêter réellement une attention toute particulière pour le constater.

"...mais sachez que cela m'en coûte...."

Un lourd silence s'abattit dans la pièce.

Qu’importe la franchise des mots, les faits et les situations parlaient pour elle. Et quand bien même était-il précieux ou bien ne représentait aucune menace, elle ne pouvait nier la traitrise de son serviteur sans rougir de ses mensonges. Tout motif d’un tel comportement ne saurait faire changer le point de vue qu’il avait de la situation… Quelque soit les raisons qui l’avait motivé, le fait est qu’elle disposait d’un espion et d’un regard, une oreille au plus près de lui… Et c’était inconcevable.
Quand elle finit de s’expliquer sur le sujet, qu’elle fut debout, à la fenêtre du boudoir, marqué par une inquiétude dont il ne saisissait pas la source… S’eut put être la peur de perdre ses gens présents auprès de lui, ou tout autre chose, il n’allait pas faire de parier hasardeux là-dessus… Et après qu’un silence se soit installé, il prit la parole pour expliquer ses mots et son point de vue.

« Qu’importe ma valeur, ou le fait que vous n’ayez pas l’intention de me nuire, là n’est pas le problème… Là n’est pas ce qui m’ennuie, et si vous niez la traîtrise, alors nous n’avons pas la même définition de celle-ci, les mêmes attentes de nos esclaves et serviteurs. »

C’était une introduction simple pour ce qui allait suivre, qu’elle comprenne son propre point de vue de la situation.

« J’attends de mes serviteurs, des soldats qui gardent ma demeure, une loyauté et une fidélité absolue, sans faille. C’est normalement la seule condition de leur présence auprès de moi, l’unique raison pour laquelle ils sont là, sans quoi, ils traineraient je ne sais où.
Aussi, quand j’apprends qu’un des miens est finalement plus au service d’une autre sombre, m’épiant et m’écoutant pour rapporter mes actes et mes mots à vos oreilles, je considère cela comme de la traîtrise envers ma personne… Même si vous ne me voulez pas de mal, même si vous voulez peut-être veiller, qu’importe, ça ne change rien au fait... »

Ca, c’était fait… Il entama ensuite ce qui concernait le rachat des esclaves… Si elle avait montré une certaine fidélité et un intérêt à respecter quelques principes évident, promesse qui lui assurait la fidélité de ces esclaves, elle voulait les racheter… Les ? Car il y en avait plusieurs en plus ?

« Je refuse de vous les vendre. Offusqué même d’apprendre qu’il n’y en a pas qu’un, mais plusieurs… Puisque vous refusez de les nommer directement, alors j’userais de mes méthodes pour couper court à la fuite… Et n’y voyez là aucune offense envers votre personne, j’agis pour mes intérêts et ceux de ma famille, et si je ne vous les rends pas, c’est parce que je doute, tant vous avez l’air attaché à cela, que vous les demandiez tous et que vous vous fassiez plus discrète quant aux informations que vous posséderez.
Aussi, ne vous étonnez pas si désormais, vous ne recevez plus de nouvelles de leur part. »

Il n’était pas crédule, et quand bien même était-elle franche dans sa volonté de tous les récupérer, il n’en croyait pas un mot. C’était peut-être dur pour elle comme situation, mais lui ne pouvait laisser ce genre de faille béante sans réagir.

« Si vous avez tant besoin de savoir ce qu’il s’y passe, vous serez bien entendue la bienvenue, tout du moins, tant que je serais présent au Puy d’Elda. Nous discuterons alors… Mais je ne peux me permettre et accepter des espions sans réagir. »

Fort heureusement, la Dame bénéficiait d'une très grande patience, qui, malgré le fait qu'elle soit allègrement altérée, lui permettait de garder un tant soit peu le cap.

"J'entends fort bien votre point de vue... mais n'oubliez pas une chose, Senger Tebirahc, les esclaves parlent entre eux, certaines choses sont dites inconsciemment.... ils ne sont pas des meubles inanimés...."

Le ton s'était durcit légèrement, bien que sa voix restait mélodieuse.
Il n'était pas le seul qu'elle surveillait, au contraire, mais elle se garda bien de le signifier. Quant à savoir ce qu'il se passe dans sa demeure? ce n'était pas la façade des choses qui l'intéressait, mais plutôt les choses qu'on prenait la peine de cacher des yeux du commun...

"Faites ce que bon semble" finit-elle par lâcher, elle avait d'autres projets en tête, qui étendraient les fils de sa toile bien au delà d'une simple demeure... Dame Jamais resta néanmoins debout, toisant son interlocuteur encore une fois, sans grande animosité néanmoins. Elle avait le don pour installer de lourds silences.

"Si j'avais été guerrière, je vous aurais défié en duel afin de laver mon honneur que vous entachez, Senger..."

Drôle de phrase venant de la part d'une dame à la voix si suave.

"Car il s'agit bien de ma parole d'honneur que vous mettez en doute..."

Elle détourna ses yeux trop clairs de lui, pour les poser sur la nef du temple:

"...Mais je ne suis point femme d'armes...je devrais donc subir cela sans rien dire... et je doute fort que la moindre de mes claques ne puisse y changer grand chose.... "

Juste lui faire mal à la main qu'elle avait fine et délicate... à cette pensée, elle esquissa un léger sourire ironique...

"..je risquerai de me casser un ongle..." il y avait une pointe d'humour dans ses paroles, chose évidente, le sale boulot, elle ne le faisait jamais elle-même.

Pensait-elle qu’il ne le savait pas ? Elle ne comprenait pas les manières qu’il utiliserait pour mettre un terme à ses fuites. Elle se voulait dure à présent, n’appréciant décidément pas la tournure de la discussion… Mais il fallait admettre qu’il n’était pas innocent dans cette histoire, se refusant d’accepter des espions à la solde d’un autre chez lui, passant de la courtoisie à la fermeté dans son refus que les choses ne se prolongent ainsi, la considérant dès lors comme une probable ennemie.

« Je sais ce que sont les esclaves… Haute Prêtresse. »

Lui vint alors une nouvelle idée, finalement, pour identifier les traitres en sa demeure… Les enfermer était une solution, mais il y en avait des meilleures… Bien meilleures. Quand elle restait debout, le toisant, elle ne trouva en écho aucun sentiment de vulnérabilité, d’infériorité, elle représentait un pouvoir certes, mais cette conversation concernait des choses contre lesquelles il pouvait lutter sans offenser l’individu… Quoique.
Après un lourd silence qui le laissa de marbre, elle sortit une phrase qui fit sourire le Senger… Le défier ? Oh, s’aurait été un grand moment, c’est certain, mais elle n’aurait pas eu l’occasion de laver son honneur, car à ses mots elle aurait ajouté l’humiliation d’une défaite alors qu’elle affichait tant d’assurance.

« Votre honneur ? Vous allez vous sentir plus offusqué encore, mais il n’est là point question d’honneur. N’escomptez pas me faire croire que votre intérêt passe après l’honneur, se serait folie et me penser bien mal habile quant à connaître le sombre monde. Il n’y aurait pas eu d’honneur, que la fourberie et la malice, d’espérer garder ce regard et cette oreille tout en me voyant crédule, accepter cela. »

Il n’était pas bête, connaissait et vivait dans ses rouages depuis bien avant sa naissance, aussi s’aurait du être lui l’offensé, mais il n’en avait pas cure.

« Quand à cette histoire de duel… Remerciez les Dieux et votre père de ne pas vous avoir fait guerrière, il aurait été dommageable qu’une vie soit perdue aussi bêtement. »

Arrogant ? Oui, sans aucun doute, mais sur le sujet, il s’en donnait le droit, c’était légitime. Rare sont les hommes à pouvoir espérer se mesurer à lui dans un duel, qui plus est contre un adversaire qui une fois le combat lancer ne laisse pas de place au trop plein d’assurance, à l’arrogance qui ferait sous estimer et commettre des fautes.

« Maintenant, il vous appartient de décider de la suite… Pour ma part, je vous sais quelqu’un qui n’a pas un mauvais fond, et finalement peu d’intention hostile contre ma personne, mais je sais également ne pas pouvoir accepter la présence et la liberté à des esclaves qui me poignardent à coup de mots dans le dos. Est-ce que cela est motif à me mettre en conflit avec vous ? Non… J’ai les outils pour confiner ses flammes, bien que vous n’en apprécierez pas la méthode. »

Après ce qui pouvait être considérer comme le début d’un incendie entre les deux individus, il posait clairement sa position. Il n’avait pas l’intention de considérer cela comme une déclaration de guerre, mais ne le laisserait pas pour autant comme c’était. A elle de choisir ce qu’elle fera.

Un autre silence lourd s'abattit dans la pièce. Dame Jamais continuait à fixer le sombre, malgré les mots, l'arrogance de son interlocuteur, elle gardait la tête haute, ne présentant elle-même aucune faille.
Un sourire s'étira sur ses lèvres lorsqu'on en vint à parler honneur, en effet, l'honneur était une chose, ses magouilles une autre.

"vous avez raison, il n'est pas vraiment question d'honneur... mais de confiance. "
Il était évident qu'il ne devait pas la donner ainsi, et elle n'escomptait pas à ce qu'il le fasse aussi rapidement non plus. Ce genre d'homme, était comme une guerre perpétuelle: il fallait lutter, lutter, lutter.

"Mais la votre ne m'ait guère acquisse. "
La dame revint d'un pas gracieux vers sa chaise, posa une main sur le dossier, elle jeta un rapide coup d'oeil à son esclave qui sembla comprendre ce que sa dame attendait. Cette dernière acquiesça et sortit.

"Et quelle serait la méthode pour confiner ces flammes? "
Elle esquissa un sourire, ses yeux clairs plissés, en une expression candide.
Mais elle fut interrompue par l'esclave qui revint, lui tendit un morceau de papier que la dame détailla du regard un instant avant de s'asseoir à nouveau.

"Répondez à ma question, s'il vous plaît. " le ton était amusé, elle pinça ses lèvres et plia la feuille, qu'elle prit entre l'index et le majeur, qu'elle secoua un instant avant de la poser avec grâce sur la table et la faire glisser vers le Senger.

"La liste... les deux premiers, je les soupçonne de ne pas travailler que pour moi" susurra-t-elle, un sourire s'étira sur ses lèvres, amusé presque. Elle n'était pas la seule à briguer le monopole de l'information, elle avait d'autres cartes dans son jeux, la perte de celle-ci n'était finalement que minime, elle saurait composer sans, pour le moment.
Elle garda son index posé sur la feuille un moment, avant de le retirer et de s'adosser à son fauteuil, ses yeux clairs fixes derrière ses boucles ivoire.

« Aviez-vous l’espoir qu’elle vous soit acquise dès les premiers instants ? »

Il espérait que non, s’en serait presque décevant, une naïve qui croirait gagner ce qu’il n’offrait jamais sans réserve, car dans le sombre monde, la confiance était un cadeau qu’on donnait avec des pincettes, et sans jamais quitter des yeux les propriétaires.

« Confiance que je devrais offrir à une femme qui a des pions au plus près de moi, m’épie et m’espionne chaque jour… Votre sincérité vous permet d’avoir encore mon respect et mon estime, mais la confiance est trop dangereuse pour être offerte à quiconque, vous le savez. »

Aussi laissait-il dire que tout espoir n’était pas perdu de voir leur relation s’améliorer, mais aussi que jamais finalement, elle n’aurait sa confiance, ce qui était bien naturel. Il ne fit rien pour chercher à comprendre ce qui se tramait entre elle et son esclave… Il ne comprendrait pas les codes qui existaient entre elles, aussi ne préféra t-il pas se pencher sur ce fait et se concentra t’il sur la nouvelle question… Et avant qu’il ne puisse répondre, on l’interrompit alors que l’esclave revenait avec un bout de papier, sans doute objet du code visuel entre les deux. Elle n’aurait pas le temps de remédier à cela sans provoquer un conflit ouvert, aussi répondit-il.

« J’empêcherais simplement mes esclaves de quitter ma demeure, d’avoir le moindre contact avec l’extérieur… Même quand l’extérieur viendra me rendre visite… Cela devrait suffire. »

Et, sauf exception autorisée par lui-même, les entorses à cette nouvelle règle seraient punies de mort, bien entendu, chose fort regrettable car ses esclaves étaient de qualités, mais que voulez-vous, un esclave qui désobéit est inutile.
Et quand elle lui tendit le papier, contenant la liste des esclaves qui apparemment, il doutait qu’ils soient tous notés, le trahissait pour le compte de la jeune sombre, et d’autres, d’après elle. Il y jetant un œil, la repliant soigneusement sans s’y attarder pour l’instant.

« Pourquoi cette liste après que j’ai évoqué mon refus de vous les revendre ? »

Non qu’il se fermait, mais était-ce une manière de dire qu’elle mettait tout à plat, pour ne pas le tromper davantage ? Il voulait comprendre avant de savoir comment il devait la prendre.

Les remarques du senger la firent sourire. Non, elle ne comptait pas gagner sa confiance aussi facilement, mais elle n'appréciait guère qu'on la soupçonne en sa demeure, il y avait un minimum de politesse à tenir, et la dame était de celles qui tenaient à l'étiquette envers et contre tout.

"Ne me prenez point pour une débutante, Obok senger" susurra-t-elle de sa voix mélodieuse, trop douce pour être celle d'une drow. " Je parle ici de courtoisie, et n'apprécie guère que l'on me soupçonne de quoique ce soit en ma demeure. "

Elle marqua une légère pause, durant laquelle ses yeux clairs restèrent posés sur son interlocuteur, un sourire toujours perché sur ses lèvres fines.

"Faites semblant, tout du moins tant que notre conversation restera de l'ordre de la courtoisie. "

La tactique de son interlocuteur pour contenir ses esclaves en sa demeure était fort logique, mais finalement insuffisante pour contrer réellement toutes ses oreilles, elle finirait bien par avoir des échos de là bas en temps et en heures, elle saurait se montrer patiente. Elle se contenta de sourire, encore une fois, mais cette fois-ci il était bien difficile de savoir le sens de ce sourire, mais elle prit la peine de le crisper, comme si cette décision la contrariait un tant soit peu, mais qu'elle ne souhaitait pas le montrer.

Tebirahc prit la feuille qu'elle lui avait tendue, et la rangea, elle se doutait bien qu'il préférerait la consulter au calme, sans qu'il y ait personne pour voir ses réactions.
A sa réponse, elle répondit de suite, sans prendre le temps de réfléchir comme elle le faisait d'ordinaire à chacune des questions du guerrier:

"J'en avais envie" le ton était léger, presque candide, encore une fois, elle changeait d'attitude, perdant ses intentions profondes, qu'elle même parfois ne connaissait pas vraiment, dans les dédales de son chaos intérieur.

"J'aime surprendre mes convives." C'était évident qu'elle s'en amusait, elle tenait à sa réputation de dame imprévisible, changeante et sinueuse.

"De plus" le ton devint plus sérieux, mais garda néanmoins sa douceur. " De plus il faut bien que l'un de nous fasse le premier pas, puisque vous ne semblez pas déterminé. "

Un sourire charmant se dessina sur les lèvres de la dame. Cette dernière n'avait pas peur de faire des paris, donner sans forcément attendre un retour immédiat, donner ce sentiment qu'elle était ouverte à tout, et à tous, afin de faire avancer les affaires de chacun.
Ici, le pari était risqué, mais en vaudrait la chandelle à terme, elle en était consciente.

Soupçons ? Il n’en était pourtant aucun dans ses mots, des faits répétés offert à son attention par la dame en question. Non, point de soupçons, vraiment. Des affirmations qu’elle avait de sa propre voix exprimées, ne se cachant pas… Par franchise ou par ruse, il n’aurait pas su le dire, quoique la prudence appelle à la ruse. Quant à la prétendre débutante, et bien… Une femme qui avait su placé des yeux et des oreilles en de nombreuses demeures, le supposait-il, n’entrait guère dans pareille catégorie, elle était maligne et savait prévenir et constater, et peut-être bien agir…
Cette simple idée d’action l’amena à reconsidérer sa demeure… Il allait falloir faire montre de prudence à l’avenir, car il ne pouvait s’appuyer que sur le fait qu’elle prétende à faire attention aux quelques derniers représentants des lignées pures des Prima Sanguis… Se refusant par exemple à elle, deviendrait-il simplement inutile, bon à éliminer ?

« Il n’est point de soupçons, ma dame, mais des mots s’appuyant sur les vôtres… »

Faire semblant… Si il est des choses que les drows savaient faire, c’était bien ça… Quoiqu’il en soit plus doué que d’autres, mais à cette heure, il n’en avait guère l’envie, à quoi bon, après tout ? Si chaque mot devient factice, qu’un mensonge de plus, s’ajoutant à une foule d’autre dans le but de faire semblant, qu’apporterait cette discussion ?

« Ma dame… Préférez-vous qu’il ne subsiste de nos mots et de nos manières que des doutes et des soupçons, des interrogations qui jamais ne trouveront réponse puisque nous jouerons à faire semblant ? »

Il marqua un temps de pause, pour la laisser y réfléchir, reprenant ensuite.

« Vous avez mon respect et mon estime, par votre sang, votre rang et votre personne… N’est-ce pas pour l’heure suffisant pour qu’il n’y ait pas besoin de prendre des faux airs et feintés la confiance ? »

Elle avait demandé la confiance, même mensongère, lui invoquait la sincérité, tout simplement, sans en vouloir davantage… Il ne voulait pas la vérité, mais il ne voulait pas qu’elle distille des idioties et des mensonges, une prétendue confiance que l’un et l’autre savait factice.

Quand elle lui offrit le papier qu’il ne prit pas même peine de lire, et l’interrogea sur le sens de ce geste, elle répondit évasivement, et laissa sous entendre qu’elle souhaitait emprunter un certain chemin… Mais un chemin vers quoi ? Lui n’était venu que pour établir des bons rapports avec la Haute Prêtresse, sans pour autant désirer plus, et surtout pas ce qui apparaissait comme des sottises à espérer, comme une confiance mutuelle… Savoir qu’ils œuvraient dans un même but et une même direction, au moins sur une part de leurs desseins personnels lui suffiraient amplement.

« Je ne saurais montrer de détermination à progresser dans le brouillard, ma dame, éclairez moi sur notre destination, je pourrais alors faire ce qu’il convient de faire pour l’atteindre, si bien sûr, ce choix me parait judicieux.

A elle d’offrir à son attention ses intentions, et après cela… Il avisera, tout simplement, pour le plaisir de la Haute Prêtresse, ou son inverse, bien sûr.

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