Une missive pour Dame Lucrèce

Un coursier pénétra dans la cour du château d'Ysari et vint remettre à l'intendant une lettre scellée. Sa destinataire: la Baronne elle même. Sans attendre, l'intendant traverse couloirs et grandes salles pour se rendre auprès de la jeune femme et lui remettre le pli en main propre.

Spoiler:

Malgré le fait que je sois obligée de me reposer, un compromis fut trouvé afin que je ne passe pas tout le temps de ma grossesse alitée. Harnyll et le médecin avaient consenti au fait que je puisse prendre l'air chaud de l'été dans les jardins du château à condition que je reste sagement allongée sur un canapé qui se trouvait dans un salon que l'on avait aménagé sous une pergola dans ce but.
J'étais donc tranquillement en train de constituer une couronne de fleurs avec les différentes fleurs que j'avais demandées aux servantes d'aller me chercher alors qu'un page se tenait droit avec un éventail pour créer un peu d'air autour de moi quand l'intendant du château arriva. Il s'inclina respectueusement et vit que les ordres qui avaient été donnés étaient parfaitement réaliser par la domesticité de la demeure. Il me tendit alors une missive.

Décachetant le sceau qui se trouvait sur la lettre, je l'ouvris et la lus. Une première fois dans son ensemble puis une seconde fois. Il s'agissait d'une lettre provenant de l'épouse du Régent d'Alonna pour nous indiquer qu'ils seraient présents tous deux pour les bals que nous organisons prochainement. Cela me fit plaisir que cette lettre me soit adressée et non que ce soit mon époux qui gère la liste des invités.
De plus cette missive comportait une demande particulière de la part de Jena Kastelord. Elle me demandait l'hospitalité pour un séjour en nos terres plus long que les autres invités. Comme elle était enceinte, il était normal qu'elle ne veuille pas faire un si long voyage pour quatre jours seulement. Je le comprenais parfaitement.

Veuillez m'apporter de quoi rédiger une missive.

Mes désirs étaient des ordres, aussi il ne fallut pas longtemps pour que l'on me ramène un petit coffret de bois dans lequel se trouvait une plume à la pointe biseautée et de l'encre. Je me mis alors à rédiger ma réponse qui était favorable à sa demande.

Citation :: A l'attention de Dame Jena Kastelord.

J'ai bien reçu votre courrier et je vous informe par cette présente missive que votre requête de venir nous rendre visite plus tôt a reçu mon approbation. C'est avec un très grand plaisir que je vous accueillerai dans notre belle province. Aussi vous pouvez venir quand bon vous semblera. J'ai hâte de vous rencontrer.
Toutes mes félicitations pour cet heureux événement. Dans l'attente de vous accueillir, portez vous bien. Mes amitiés à vous et au régent.

Lucrèce Théodora de Hetalia, baronne d'Ysari.

La lettre fut cachetée par un ruban rose et de la cire rouge sur laquelle fut apposée le sceau de la baronnie : la rosa gallica. Je remis alors la lettre à l'intendant qui attendait que je lui remette mon courrier. Je lui dis alors.

Faites porter cette lettre à Dame Jena Kastelord en Alonna dans les plus brefs délais, je vous prie. Vous pouvez disposer à présent.

La réponse de la Baronne de Hetalia ne se fit pas attendre. A peine quelques jours après l’envoie de sa lettre. Jena fut ravie de voir que Dame Lucrèce lui accordait son hospitalité quelques jours avant le début des festivités. Ce ne devait pas être évident de s’occuper de gérer toutes les invitations, de faire préparer toutes les chambres, alors si les invités arrivaient plus tôt que prévu sans se faire annoncer, il y avait de quoi piquer d’énormes crises d’hystérie !
Une fois la réponse lut et relut, les premiers préparatifs pour le voyage débutèrent. Il fut décidé que Clarys l’accompagnerait ainsi qu’une femme de chambre. Bref, le strict minimum. Quelques jours avant son départ, Jena fit partir un nouveau courrier pour informer son illustre hôtesse, qu’elle prendrait la route d’ici un jour ou deux et qu’elle arriverait dans une quinzaine.
De son côté, le médecin ne cessait de pester contre l’imprudence d’un tel voyage, il ne pouvait s’empêcher de répéter inlassablement mille et une recommandations pour que le voyage se passe sans heurt. A force de s’exciter sur ce voyage, il finit même par en inquiéter un peu plus le régent, qui n’était déjà pas très ravi de devoir laisser partir sa femme au devant sans pouvoir l’accompagner. Aussi décida-t-il que Drelan, le médecin en question, accompagnerait Jena jusqu’en Ysari. Malgré les protestations de la jeune femme qui ne pouvait vraiment plus supporter cet homme de science, il trouva plus sur qu’elle soit entre les mains d’un guérisseur à tout moment durant son voyage.

Le jour du départ, Jena, Clarys, Drelan et la femme de chambre prirent place dans le carrosse frappé des armoiries de la baronnie. Une poignée de soldat, tous minutieusement choisis par Hanegard et Sargril, complétèrent la petite escorte.

Les premiers jours furent sans problème. Ils ne rencontrèrent aucun ennui à part les fers des chevaux que l’on devait remplacer assez souvent. Drelan avait aussi demandé à ce que de fréquents arrêts soient effectués afin que Jena puisse se dégourdir les jambes. Ce qu’appréciait la jeune femme…au moins elle ne l’entendait plus pendant quelques minutes ! Seule la toux persistante de Jena inquiétait vraiment le médecin. Cela faisait des semaines qu’elle se la trainait, depuis son expédition dans les mines et chaque quinte lui brûlait les poumons. Mais plus ils descendaient vers le sud, plus l’air chaud apaisait sa toux. On l’aurait presque cru guéri car il pouvait se passer près d’une journée sans qu’elle ne toussa. Mais le trajet était long…très long…il leur fallut près de quinze jours pour arriver en vue du château d’Ysari. Bien qu’elle tentait de ne rien montrer, Jena était épuisée. Elle n’aurait pu supporter un jour de plus. Elle était fatiguée, courbaturée mais son humeur était totalement inverse. Gaie, enjouée et heureuse d’être enfin arrivée. Surtout lorsqu’ils passèrent afin sur le pont levis et que le carrosse s’arrêta dans la cour.

Un valet vint ouvrir la porte et il l’aida à descendre, ne pouvant retenir un regard inquiet lorsqu’il l’entendit gémir de douleur. Cependant elle lui adressa presque aussitôt un sourire pour le rassurer. Etre assise dans une coquille de noix sans cesse secouée pendant quinze jours…c’était presque un sport de haut niveau.
Drelan descendit à son tour et s’approcha d’elle. Lui prenant le bras pour la guider à l’ombre. Car ici le soleil était plus fort et plus chaud qu’à Alonna.

- Dame Jena, vous devriez aller vous allonger quelques heures pour vous reposer.

Sans prendre en compte une seule seconde les paroles de son médecin, Jena s’adressa au valet qui attendait manifestement qu’elle s’annonce.

- Faite dire à votre maîtresse que Jena Kastelord vient d’arriver. J’irais me présenter à elle dès que je me serais rafraichi un peu, et bien entendu si elle est d'accord pour me recevoir.

Le valet lui répondit qu’un serviteur la conduirait dans sa chambre et qu’on viendrait lui chercher dans quelques minutes pour la conduire auprès de la Baronne dès que celle-ci aurait manifesté son envie ou non de la recevoir.
Après un long dédale de couloir et d’escalier, on l’introduisit enfin dans une très belle chambre, aux proportions agréables et décorée avec goût. La femme de chambre s’occupa de lui préparer une tenue correcte en fouillant dans les malles et Clarys l’aida à se débarbouiller et à ôter sa robe de voyage.

Une fois lavée et habillée d’une longue robe bleutée, cintrée juste sous sa poitrine, Jena s’installa dans un fauteuil près de la fenêtre et profita d’une brise fraîche pour se reposer un peu. Clarys avait tenu à la coiffer. Elle s’attela donc à lui relever ses longs cheveux bruns au dessus de la nuque, pendant qu’elle caressait pensivement son ventre arrondi.
Il lui faudrait écrire une lettre à son époux pour lui dire qu’elle était bien arrivée. Elle l’avait fait chaque soir lorsqu’ils s’arrêtaient dans une auberge, car c’était également l’un des termes du contrat ! Il tenait à avoir des nouvelles d’elle tous les jours !

Finalement, avant qu’elle n’ait eu le temps de rédiger la moindre ligne, un serviteur vint frapper à sa porte.

Il ne fallut pas longtemps pour que ma réponse positiveà la demande de Dame Jena ait une réponse. Une semaine à peine. Elle m'annonçait dans cette présente missive qu'elle arriverait incessamment sous peu. Son voyage durerait donc une quinzaine de jours, soit un peu plus qu'une semaine. Il fallait bien cela pour un voyage aussi long que celui là.
Je connaissais parfaitement la difficulté d'un pareil voyage étant donné que le mariage de mon cousin le Comte Gaucelm d'Odelian s'était déroulé dans le Nord du pays. Alonna se trouvait être une terre voisine à Odelian alors qu'Ysari était tout au Sud de la péninsule humaine. Un voyage maritime via lamer Olienne aurait peut être été plus favorable. Je me demande pourquoi nous n'y avions pas pensé plus tôt avec Harnyll.

Avant que Jena Kastelord n'arrive en notre belle cité d'Ysari, j'avais dispensé mes recommandations aux servantes pour que tout soit prêt à son arrivée. Comme je ne pouvais vérifier part moi même que tout soit fait selon mes désirs, ce fut Camille qui inspecta les appartements que je mettais au service de cette dame lors de son séjour parmi nous. Tout était prêt pour sa venue. Je pouvais faire confiance à Camille.
Les journées passèrent. Elles me parurent longue à mourir. Je passais mon temps sous cette pergola aménagée sans pouvoir me lever. Je m'occupais comme je le pouvais à la lecture ou à la broderie. Les idées me manquaient cruellement. Finalement le jour tant attendu arriva sans que je ne m'en rende compte. Ce fut un page qui s'inclinant respectueusement m'informa que Dame Jena était arrivée.

Dites lui que je consens à la recevoir.

Le page s'exécuta et alla informer Jena que sa maitresse la recevrait dans les jardins. Il frappa alors à la porte et attendit qu'on lui donne l'autorisation pour entrer avant d'ouvrir la porte. S'inclinant devant la dame qui avait pris place dans un fauteuil se situant près de la fenêtre, il dit alors d'un ton assez neutre.

La baronne va vous recevoir. Aussi si vous êtes prête, je vais vous conduire à elle.

Comme Jena était prête, il la conduisit à travers le château jusqu'aux jardins et l'amena à moi. J'étais toujours allongée quand je la vis se fendre en une révérence pour me saluer. C'est avec un sourire bienveillant que je l'accueillis et lui dit d'une voix enjouée et amical.

Je vous salue dame Jena. Veuillez m'excuser si je ne me lève pas pour vous saluer mais je suis censée rester alitée.

Passant une main sur mon ventre, Jena pouvait alors comprendre la raison pour laquelle je devais rester allongée. J'étais également enceinte.

Ne restez pas debout dans votre état ! Prenez plutôt un siège.

Lui dis je, en lui montrant un fauteuil faisant face à la bergère sur laquelle je reposais.

Comment votre voyage s'est il passé ? Bien,j'espère. Votre époux m'en tiendrait rigueur si vous faisiez une fausse couche en ma demeure...

A force de la regarder, je me souviens de l'avoir déjà vu au mariage de mon cousin. Je n'avais pas discuté avec elle,par manque de temps et surtout part rapport à la promesse que j'avais faite à mon époux de ne point bouger. Mais là, nous étions au château, à l'ombre de la pergola et assise. On pouvait alors aisément discuter. Une servante arriva alors et nous servit le thé dans ce service que j'affectionnais tant en porcelaine blanche à motif floral, avec une assiette de petits gâteaux sablés pour accompagner le thé.

Vous verrez ce thé à la rose est délicieux à moins que vous ne préfériez un jus de fruits frais pour vous désaltérer.

Le valet qui frappa à sa porte lui annonça que la Baronne acceptait de la recevoir. Voilà une nouvelle qui ne pouvait que ravir la jeune femme. Lors du mariage de Gaucelm d’Odélian, Jena avait pu côtoyer un grand nombre de noble, mais elle n’avait fait que les saluer. C’était la première fois qu’elle serait en compagnie d’une Baronne. Se levant lentement Jena prit des mains de Clarys un petit paquet puis suivit seule le serviteur dans les couloirs. Il la conduisit à l’extérieur, dans un ravissant jardin. L’air était balayé par une brise rafraîchissante, c’était bien plus respirable que dans le carrosse qui l’avait conduite ici. Après encore quelques pas, Jena arriva enfin devant une pergola aménagée dans un coin ombragé du jardin.
Dessous, des fauteuils, une table basse et un long fauteuil sur lequel était étendu une jeune femme. Sans la détailler davantage pour ne pas paraître impolie, Jena fit immédiatement une révérence du mieux qu’elle put. Elle se mordait sa lèvre inférieure pour étouffer la toux qui menaçait de lui brûler les poumons.

Quand elle se redressa elle fut accueillit par un grand sourire amical de la jeune femme. D’un regard elle put constater que celle-ci était dans le même état qu’elle ! Son ventre arrondi ne pouvait tromper personne et sûrement pas une femme enceinte.

- Permettez-moi de vous féliciter Dame Lucrèce. Je suis sincèrement heureuse pour vous, j’espère que votre grossesse se passe dans les meilleures conditions.

Son alitement forcé devait être aussi insupportable que celui qu’elle avait elle-même connu à Alonna. Mais si elle était obligée de rester ainsi couchée c’est qu’il y avait une raison. Soit un mari trop inquiet, soit un état de santé fragile, soit un problème quelconque lié à sa grossesse, soit les trois en même temps. Jena s’installa sur un fauteuil en face de la Baronne et posa sur ses genoux son petit paquet.

- Merci pour votre accueil et pour votre hospitalité. Le voyage a été fort long, je n’aurais probablement pas supporté un jour de plus. Mais ne vous inquiétez pas, mon époux a souhaité que mon médecin me suive partout. Je suis entre de bonnes mains !

Une servante se présenta si silencieusement qu’elle fit sursauter Jena lorsqu’elle lui passa à côté. Elle lui servit une tasse de thé qu’elle accepta bien volontiers. Le fauteuil sur lequel elle était installée était des plus confortables. Moelleux à souhait. Un vrai bonheur après la banquette du carrosse.
Buvant une gorgée de thé, Jena apprécia le liquide tiède et parfumé.

- En effet ce thé est excellent, commenta-t-elle en souriant.

La jeune baronne avait l’air aussi seule qu’elle lorsqu’elle restait assise sur son fauteuil dans les jardins de la citadelle. C’était étonnant de voir qu’à des centaines de lieux de chez elle, il y avait une femme enceinte qui vivait le même isolement que le sien ! Etait-ce une habitude de les fuir ?

- Votre demeure est magnifique et vos jardins sont…extrêmement bien pensés. Toutes ses couleurs et ses senteurs, c’est un vrai régal après un tel voyage.

La compagnie de Lucrèce était des plus agréables. Malgré son état, c’était une hôtesse accueillante et charmante. Posant la tasse sur la petite table basse devant elle, Jena s’adossa ensuite à son fauteuil et posa ses mains croisées sur son ventre en souriant.

- Je me suis permis de vous apporter un petit présent pour vous remercier.

Déballant le paquet qu’elle avait sur les genoux elle tendit à la jeune Baronne un coffret en bois finement ciselé. De fines dorures parcouraient le couvercle ainsi que les côtés de la boîte ouvragée, se croisant, zigzaguant, dessinant et entourant quelques petites pierres incrustées.
Ce n’était pas un objet des plus luxueux et la Baronne devait avoir mille richesses bien supérieures à ce coffret, mais il s’agissait d’un objet que Jena avait choisi elle-même dans l’atelier d’un des plus talentueux fabricants d’Alonna.

Jena avait vu et surtout compris. Elle n'était pas dupe et ma grossesse commençait lentement à se faire voir. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle serait annoncée lors du dernier bal. Dame Jena me remercia alors pour mon hospitalité. C'était une chose bien naturelle. Je ne pouvais la laisser arriver la veille des bals dans son état. Elle m'informa d'ailleurs que son époux avait insisté pour qu'elle vienne avec son médecin personnel.
A Ysari, il y avait déjà un médecin mais c'était normal que pour un aussi long voyage, on veuille surveiller sa grossesse. Peut être que son époux était comme le mien, soit un peu trop protecteur dans certaines situations.

Les banalités liées au voyage passées, Jena me fit un compliment sur ma demeure avant d'amorcer le sujet d'un présent qu'elle tenait à m'offrir. Il est vrai que le paquet qu'elle tenait en main posé sur ses genoux m'avait un peu intriguée. Ainsi donc il était pour moi.
Je la vis déballer le paquet et une boite apparut. C'était un coffret en bois dont je ne pus voir les détails à cette distance. Camille prit alors la boite que la jeune femme lui présenta et vint me l'apporter. Mes doigts parcoururent alors la boite que je pus alors constater être finement ouvragée et dorée par certain endroit sur le couvercle. Quelques pierres y étaient incrustées. Ce n'était pas une boite d'une très grande valeur en soi mais elle me plaisait beaucoup. Aussi je remercia Jena.

Je vous remercie pour ce présent. Elle est magnifique. J'en prendrai grand soin.

Je tendis alors la boite à Camille qui alla la poser sur la table. Je commençais à avoir quelques picotements dans les jambes. Je voulais me dégourdir les chambres mais cela me serait bien entendu refusé. Regardant Jena, je lui dis alors.

Dame Jena, que diriez vous d'une ballade dans les jardins?

Devant cette proposition, Camille se bloqua net dans ses mouvements et me regarda en s'exclamant.

Dois je vous rappelez que cela vous est interdit, madame?

Juste quelques pas pour me dégourdir les jambes. Je n'en peux plus de rester allongée à longueur de temps. Et si tu es si inquiète, tu peux nous accompagner. Tout se passera bien, ne te fais pas de soucis pour quelques pas anodins.

Je lançai alors un regard suppliant à Camille qui céda. Elle ne nous laissa pas pour autant seule Jena et moi. Camille était à un mètre de moi prête à me rattraper au cas où. Le fait de marcher me fit le plus grand bien. Je me sentais revivre.
Mon regard se porta sur le ventre rond et proéminent de Jena. Un sourire aux lèvres et d'une voix douce, je lui demande alors.

Pour quand est prévu cet heureux événement ?

Alors que je marchais lentement en compagnie de Jena dans une petite allée bordée de rose et de laurier sous la surveillance accrue de Camille, une douleur se fit sentir. Posant simplement une main sur mon ventre, je ne dis rien et me dirigeai vers un banc de pierre. Un peu de repos et la douleur passerait certainement. C'est tout du moins ce que je pensais.

Voir que la Baronne appréciait son modeste présent fit énormément plaisir à Jena. Elle savait pertinemment que Lucrèce avait de bien plus jolis objets mais elle lui avait parlé avec sincérité et pour la femme d’un régent il s’agissait là d’un signe de reconnaissance dès plus appréciable.
La jeune femme lui proposa de faire une petite ballade dans les jardins et avant même qu’elle n’ait pu répondre quoi que ce soit, la demoiselle qui ne quittait jamais Lucrèce s’y opposa avec une certaine fermeté. Il ne pouvait s’agir d’une servante. Jena ne pensait pas qu’il soit possible d’entendre une domestique s’adresser ainsi à une Baronne… Peut-être était-ce sa demoiselle de compagnie ? Quoi que, à bien y regarder il y avait un certain air de ressemblance…infime. Presque invisible. La courbure du nez. La forme des yeux. De quoi éveiller la curiosité de Jena.

Lucrèce ne sembla ne pas vouloir tenir compte des recommandations de cette dame et elle se leva presque aussitôt, interrompant les réflexions de la jeune femme. Jena était encore un peu fatiguée par son voyage mais quelques pas ne lui ferait pas de mal, d’autant plus que la personne qu’elle accompagnait était elle aussi interdite de cavalcade dans les jardins.

- Si tout ce passe bien, pour le mois prochain, répondit-elle en souriant.

Dame Lucrèce accéléra légèrement le pas pour s’asseoir sur un banc de pierre à l’ombre d’un arbre. Elle avait l’air un peu essoufflée mais ne se départit pas de son sourire. Jena fut également soulagée de se reposer à nouveau. Elle se détestait presque de ne plus pouvoir faire trois pas sans être fatiguée. Et puis cette toux…Ses poumons lui brûlaient et cette fois, elle ne put contenir une quinte de toux qu’elle tenta vainement d’étouffer dans sa main. Après avoir repris son souffle, Jena se tourna légèrement gênée vers Lucrèce.

- Et pour vous Dame Lucrèce, vous devez patienter encore combien de temps avant de tenir votre héritier dans les bras ?

La réponse à cette question l’intéressait sincèrement, mais elle ne pouvait nier qu’elle essayer également détourner l’attention de son petit problème de santé. Après tout elle était ici pour profiter des futures festivités, mais également pour apprécier l’agréable compagnie de la Baronne, et du Baron, bien entendu. Alors elle n’allait pas passer ses journées à se préoccuper de ses petits soucis. Son médecin le faisait bien assez.
Le Baron devait être fort occupé et elle ne le verrait probablement pas avant le bal, de ce fait sa jeune épouse devait passer la plus grande partie de son temps, seule sous la pergola. Un peu comme elle à Alonna. Il était amusant de voir tous les points communs qui les unissaient involontairement.

- Votre époux le Baron doit se réjouir de cet enfant à naître. C’est une excellente nouvelle pour votre famille.

Jena, par l’intermédiaire de son ancienne maîtresse Dame Camillia, avait entendu plus d’une fois des remarques désobligeantes sur la prétendue stérilité de la Baronne de Hetalia. Il fallait dire que cette grossesse était attendue depuis bien longtemps. Et de vieilles commères avaient profité de ce retard pour lancer les pires ragots et pour dire les plus méchantes choses au sujet de la jeune femme qui se tenait près d’elle.
Mais elle prouvait à toutes ses dames à quel point elles avaient eut tord. Jena sourit intérieurement en imaginant la tête que ferait Dame Camillia en apprenant la nouvelle.

Nous nous posâmes toutes deux sur le banc de pierre à l'ombre d'un arbre afin de faire une petite pause. J'en avais besoin car les tiraillements dans mon ventre se faisait à nouveau sentir. Jena répondit à ma question sur la date prévue de son enfantement. Jena me retourna la question alors. C'est avec le sourire que je lui répondis.

Si tout se passe bien, je devrai donner la vie au milieu de cet automne...

Je n'avais pas remarqué que Jena avait tenté de dissimuler sa toux. J'avais bien trop mal pour voir pareil détail. Je tentais néanmoins de garder bonne figure face à mon invitée pour ne pas l'inquiéter plus que de raison. Déjà mes paroles laissaient présager des difficultés dans ma grossesse.
Dame Jena annonça que la nouvelle de ma grossesse était une chose merveilleuse et que mon époux devait certainement heureux d'avoir à tenir bientôt dans ses bras, un fils si les dieux le veulent. Il est vrai que de nombreuses rumeurs circulaient sur moi, aussi je ne serai que peu étonnée d'apprendre que certaines langues médisantes auraient dit que j'étais sèche et inféconde. Cela me peinait de savoir que dans notre monde, il y ait des gens de la sorte mais il fallait bien ouvrir les yeux de temps à autre...

Prenant une grande respiration j'espérai intérieurement que la douleur passe. Mais rien à y faire. Camille qui me connaissait parfaitement vit bien que quelque chose n'allait pas aussi, elle s'avança lentement vers moi et me dit.

Vous devriez vous allonger avant que cela ne recommence...

Puis à Jena dont elle avait remarqué la quinte de toux.

Désirez vous une autre tasse de thé pour votre gorge?

Acquiesçant de la tête, Camille m'aida à me lever et me supporta jusqu'à la pergola. Sauf que bien sûre, nous ne l'atteignîmes pas. Une main sur le ventre, je faillis tomber à quelques mètres de notre lieu de destination. Cela alerta encore plus Camille sur mon état qui envoya immédiatement chercher le médecin par l'intermédiaire d'une autre femme de chambre qui se tenait pas loin de nous.
Dame Jena pouvait voir que quelque chose n'allait pas. Ma grossesse était plus que difficile et le fait de rester allongée à longueur de temps ne m'aidait pas, bien au contraire. Finalement Camille réussit avec l'aide d'un garde qui passait par là à m'allonger sur le canapé.

Allongée sur le côté, en me tenant le ventre, on pouvait lire sur mon visage la douleur que je ressentais. Non, je n'étais pas en train de faire une fausse couche mais j'en étais pas loin. Cette fois c'était sûr. Si Camille ne me couvrait pas, je n'aurai plus le droit de sortir de mon lit. Ma servante savait parfaitement ce que cela signifiait pour moi, aussi elle protégerait le peu de liberté de mouvement qui me restait.

Visiblement ses quelques pas avaient été plus difficiles pour Lucrèce qu’il n’y paraissait. Sa demoiselle de compagnie – Jena décida de l’appeler ainsi puisqu’elle avait toutes les attitudes – se rapprocha d’elles. Jena refusa poliment le thé et se leva alors que Camille avait prit le bras de sa maîtresse et l’entraînait vers la pergola, bien décidée à la tenir allongée pour le reste de la journée. Jena suivit à quelques pas derrière la Baronne, elle eut donc tout loisir de voir la scène qui se déroula juste après. Lucrèce s’effondra littéralement et Camille fit appeler le médecin. Tout se passa très vite. Jena s’approcha d’un pas rapide et prit l’autre bras de Lucrèce pour l’aider à se relever mais il fut évident que le garde qui venait de s’approcher était bien mieux disposé qu’elle pour soutenir la jeune femme.

De retour sous la pergola, Jena resta debout, lançant tour à tour un regard inquiet à Lucrèce puis à sa demoiselle de compagnie. Elle avait déjà connu pareille situation, quelques années plus tôt lorsqu’elle s’occupait de Grâce, la fille de son ancienne maîtresse. Elle était venue passer les dernières semaines de sa grossesse chez sa mère et il y avait eut quelques complications. Jena avait aidé le médecin pendant tout le temps que dura la grossesse de la jeune femme. Elle savait donc à peu près comment s’y prendre pour éviter le pire.

- Dame Lucrèce il faut que vous vous détendiez... euh…Mademoiselle, fit-elle en s’adressant à Camille, pouvez-vous demander à ce que l’on apporte une bassine d’eau tiède et de l’essence de lavande ?

Se tournant vers la Baronne, Jena lui adressa un sourire qui se voulait rassurant. La jeune femme devait craindre pour la vie de son enfant, et il fallait reconnaître que cela inquiété aussi Jena. Après tout elle était aussi enceinte et elle avait aussi quelques problèmes liés à sa grossesse. Et puis ce voyage….Si Hanegard avait été là, il lui aurait sûrement demandé de rester couchée au moins jusqu’au lendemain. Jena rapprocha son fauteuil de celui de Lucrèce et s’y installa, ne supportant plus d’être debout. Elle étouffa une nouvelle quinte de toux. Pour le moment il fallait s’occuper de la Baronne, elle aurait tout le temps de se faire enquiquiner par son médecin lorsqu’elle regagnerait sa chambre.

- Ne vous inquiétez pas Dame Lucrèce. Avant d’épouser le régent, j’ai eu à m’occuper d’une femme enceinte. Elle était contrainte de rester couchée toute la journée et son guérisseur m’avait montré quelques techniques pour la soulager et la calmer, afin d’éviter….le pire.

Camille fit à nouveau preuve de rapidité car la bassine fut bientôt posée par terre devant le long fauteuil de la Baronne comme le lui avait demandé Jena. Celle-ci fit couler quelques gouttes d’essence de lavande dans l’eau et invita Lucrèce à s’y tremper les pieds quelques minutes. Cela permettrait d’apaiser quelques unes de ses tensions sans pour autant dissiper ses douleurs.

- Si vous me le permettez je vous conseillerais également de dénouer un peu votre corsage pour vous sentir un peu plus à l’aise. Et enfin, je pense qu’une nouvelle tasse de votre excellent thé vous rendra quelques couleurs.

Jena servit elle-même deux nouvelles tasses. Comme à Alonna, elle n’avait pas encore prit l’habitude qu’on la serve et ce qu’elle pouvait faire elle-même, elle le faisait. Aussi, soulever une théière ne représentant pas un défi de taille, la jeune femme n’hésita pas une seconde. Quitte à rappeler à la Baronne qu’elle avait été domestique avant de devenir l’épouse d’un régent.
Tendant la tasse à Lucrèce, elle continua de lui sourire. Il fallait éviter de la regarder avec inquiétude, cela n’aurait pour effet que d’inquiéter également la jeune femme. Et pour le moment il fallait qu’elle se détende.

Dame Jena tenta de me soutenir avec Camille mais finalement ce fut l'aide d'un garde passant par là qui nous fut le plus utile. Ma servante m'aida à m'allonger sur le canapé. Jena prit la parole en me disant qu'il fallait que je me détende. Plus facile à dire qu'à faire car la douleur était vraiment lancinante...
S'adressant alors à Camille, elle l'appela mademoiselle. La jeune femme fut surprise de se voir ainsi nommée. Elle lui demanda alors que l'on fasse amener une bassine d'eau tiède et de l'essence de lavande. Camille s'exécuta immédiatement.

Jena me sourit alors que je luttais contre la douleur qui s'emparait de mon ventre. Il était presque rassurant de voir une personne ne pas être affolée par ce qui se passait. D'autant plus que ce genre de situation aurait pu être à l'inverse étant donné que dame Jena était enceinte également et depuis bien plus longtemps que moi, à en voir son ventre beaucoup plus proéminent et rond que le mien.
Camille nous laissa alors seule sous le regard d'une autre servante. Elle était partie elle même chercher ce que la dame lui avait demandé. Pendant ce temps, j'écoutais mon invitée me dire que par le passé, elle s'était déjà occupée d'une femme enceinte qui avait eu l'obligation de rester alitée. La douleur avait du mal à passer mais je la sentais diminuer très légèrement.

Camille revint avec la bassine qu'elle déposa devant le canapé puis une fiole contenant de l'essence de lavande. Je la regardais alors verser quelques gouttes dans la bassine d'eau tiède. Camille ayant compris ce que voulais faire dame Jena, me retira mes escarpins puis s'agenouillant à côté de moi, elle releva un peu ma robe pour me retirer mes bas blancs.
Ce geste ne pouvait être celui d'une dame de compagnie mais d'une servante. Aussi la fonction de Camille venait d'être dévoilée. A la proposition de dénouer mon corsage, il ne fallut pas longtemps pour qu'elle prenne les devant et dans mon dos dégrafe une à une les attaches du corsage qu'elle m'avait noué ce matin même.

LE fait de ne plus être oppressée aidant grandement, je me laissais aller, à respirer plus amplement pour tenter de faire évacuer la douleur. Je vis Jena alors nous servir deux tasses de thé et m'en tendre une. Cela trahissait qu'elle n'était pas noble mais pour le moment c'était une chose qui ne marqua pas mon esprit outre mesure.
Petit à petit la douleur s'estompait. Le médecin arriva finalement. J'avais déjà repris des couleurs et cela se voyait. Je n'étais plus aussi livide qu'il y a quelques instants. Je me sentais bien mieux. Camille lui lança alors un regard plein de colère. Le médecin voulut faire ses vérifications mais je n'en avais pas envie aussi je le lui dis.

Ce n'est ni le moment ni le lieu de faire cela. Aussi si vous n'y voyais pas d'inconvénients, nous verrons cela ce soir. Je me sens déjà mieux...

L'homme de sciences s'inclina et Camille le raccompagna en lui touchant un mot.

Ce n'est pas grâce à vous si la baronne se sent mieux. La prochaine fois, ne mettez pas autant de temps à venir car au rythme où vont ses malaises et ses douleurs au ventre, elle risquerait bien de perdre notre futur maitre!

Levant un regard vers Jena, je lui adressa alors un sourire puis quelques paroles.

Je vous remercie pour ce petit remède qui a su me détendre. Parlez moi un peu plus de votre passé si cela n'est pas très indiscret ? Ainsi donc comme cela vous étiez dame de compagnie fut il un temps?

La Baronne sembla se sentir mieux. Elle avait meilleure mine et si elle réussissait à se détendre parfaitement elle ne ressentirait peut-être plus aucune douleur durant cette journée. Jena savait combien cela pouvait être difficile de rester assise à ne rien faire à longueur de temps. A attendre que l’on se décide à se rappeler que vous êtes dans un coin du jardin. La moindre visite devient un véritable enchantement.
Le médecin finit par arriver d’un pas pressé, un peu tard cela dit. D’ailleurs Dame Lucrèce et Camille s’occupèrent de le lui faire remarquer. Il fut clairement établi pendant que tout le monde s’affairait autour de la Baronne que cette dernière ne pouvait pas être une demoiselle de compagnie…sûrement une servante. Mais elle avait une étonnante façon de parler à sa maîtresse. Quoi que, à bien y réfléchir, Clarys s’adressait à elle pareillement. Pourtant elle avait été longtemps sa domestique avant de devenir sa demoiselle de compagnie.

Dame Lucrèce manifesta alors son envie d’en connaître un peu plus sur le passé de Jena et celle-ci se sentit légèrement gênée. Il n’y avait aucune honte à raconter qu’elle était née servante et qu’elle avait vécu en servante jusqu’à ce qu’elle rencontre Hanegard, pourtant elle avait en face d’elle une Baronne, qu’elle appréciait déjà beaucoup, et elle ne voulait pas que son ancienne fonction ne la prive d’une amitié avec Dame Lucrèce.

- Oui, en effet. J’étais au service de Dame Camillia. Peut-être la connaissez-vous, elle a pour habitude d’habiter plus chez ses connaissances que chez elle. J’ai travaillé pour elle près de cinq ans, jusqu’à notre arrivée à Alonna. Elle a voulu user de stratagème pour être dans les bonnes grâces du nouveau régent, le Seigneur Kastelord lui a clairement signifié qu’elle n’était plus la bienvenue et il m’a engagé comme intendante de la citadelle.

Jena marqua une pause et osa risquer un regard vers son hôtesse. Celle-ci semblait l’écouter attentivement. Ce qui encouragea la jeune femme à terminer son récit.

- Et par la suite, nous nous sommes mariés. Quelques semaines avant votre cousin le Seigneur Gaucelm d’Odélian.

Le jour de son mariage, Jena était enceinte d’une quarantaine de jour. Il aurait été difficile à l’époque de remarquer quoi que ce soit. Mais aujourd’hui, vu la date récente de son mariage, on ne pouvait douter qu’elle était tombée enceinte avant cette union. Posant sa main sur son ventre, Jena poussa un léger soupir, discrètement. Elle était ravie d’être à nouveau assise.

- Si vous avez à nouveau besoin de mon aide, je connais plusieurs autres petits remèdes qui vous soulagerez. A entendre les propos de votre servante, vos douleurs sont fréquentes. Peut-être qu’il serait bon de demander conseil à une sage-femme, parfois elles s’y entendent mieux que nos médecins.

Jena lui adressa un sourire amical. Il ne fallait pas inquiéter la jeune femme surtout si cela faisait déjà quelques temps qu’elle ressentait ce genre de douleur. Mais après tout l’idée n’était pas mauvaise. Généralement on ne faisait appel aux sages-femmes que le jour de l’accouchement, pourtant elles connaissaient souvent mieux le sujet que les médecins.

- La Dame dont je m’occupais devait s’appliquer un onguent matin et soir, et boire une infusion à base de tilleul et de fleur d’oranger chaque soir. Son état était alors très critique, mais elle a donné naissance à une ravissante petite fille et elles se portent toutes les deux merveilleusement bien.

Il était important de la rassurer aussi sur ses chances de survivre à cette grossesse. A cette époque la mortalité infantile n’était pas négligeable mais le décès des femmes lors de l’accouchement non plus. C’était d’ailleurs ce qui inquiété le plus le médecin de Jena à l’heure actuelle. Il ne cessait de lui répéter qu’il n’y avait aucun problème, que sa grossesse se passait fort bien si elle ne faisait pas trop de folie, mais l’état de santé de la future mère l’inquiétait bien plus. Sa toux et ses montées de température fatigués énormément la jeune femme et il redoutait qu’elle ne soit pas assez forte pour survivre à l’accouchement. Mais cela il s’était bien garder de le dire au régent, seule Jena supportait ses rengaines incessantes.

Dame Jena me raconta son passé comme servante auprès d'unenoble dame avant d'entrer au service du régent puis de devenir son épouse. Cela prouvait que certains dirigeants laissaient encore leur coeur parler quand il s'agissait d'union au lieu d'y voir qu'une transaction. Pour Harnyll et moi même, ce dut n'être qu'un mariage de complaisance au début mais l'amour avait fini pas s'installer dans nos coeurs. Il est vrai que j'aimais déjà beaucoup mon cousin alors que je n'étais qu'une enfant.
La dame me proposa son aide au besoin. Elle connaissait diverses techniques qui pourraient potentiellement m'aider en cas de nouvelles douleurs. Elle avait bien compris que mes douleurs étaient plus que récurrentes. J'acquiesçai à sa déduction en ajoutant d'une voix assez triste pour le coup.

Vous faites preuve de perspicacité, Dame Jena... Je saurai retenir vos judicieux conseils en espérant que cela arrive à me soulager. Je dois avouer que j'ai peur... Je suis encore bien jeune pour devenir mère et les complications liées à ma grossesse n'aident en rien à me rassurer.

Il y avait une différence entre Jena et moi même : l'âge. Je n'avais que seize ans. Ce n'est pas à cet âge là que l'on s'attend à enfanter pour la première fois. Bon avec le mariage de mon cousin qui épousait une femme enfant de quatorze années, je devrai de pas être choquée. Sauf que ce n'était pas le cas.
J'étais heureuse de porter l'enfant de mon époux mais j'avais peur car je ne me sentais pas prête. D'ailleurs la nouvelle avait été un véritable choc pour moi. Engrossée après quelques semaines la perte de ma virginité. J'étais à peine rentrée dans ma vie de femme et d'épouse que je devrai endosser celui de mère...

J'avais peur... Posant une main sur mon ventre, je sentis une petite crispation. La surprise se fit lire dans mon regard. Non ce n'était pas une vraie douleur en soit. Ce n'était pas même une crispation mais plus comme un coup que l'on me donnait. C'était le bébé qui bougeait dans mon ventre. C'était le première fois que je le sentais.
Pour le moment, il est vrai que j'avais un certain détachement avec ce petit être qui grandissait en moi. Mais là, le fait de le sentir se mouvoir me fit prendre pleinement conscience de cet enfant, mon enfant.

La joie de cette découverte fut de courte durée car elle fut gâchée par la douleur cette fois. Cela se lisait sur mon visage que j'avais à nouveau mal. Je devenais doucement pâle pour devenir livide. J'avais du mal à garder mes paupières ouvertes. Finalement la douleur l'emporta.
C'est le paupières closes, dans un état d'inconscience que je sombrai sur le canapé alors que j'étais en compagnie de dame Jena. Tous mes servantes se trouvaient plus loin. Je leur avais demandées de nous laisser seules et elles avaient plié à mon ordre. Même Camille...

Le visage de la Baronne changea brutalement d’expression, passant de la joie à la douleur pour ensuite perdre toute couleur. Jena resta plusieurs secondes à observer ses rapides changements sans oser bouger. Ce fut lorsque Dame Lucrèce s’effondra qu’elle se leva brusquement, renversant le fauteuil sur lequel elle était assise. Se précipitant vers la jeune femme, Jena cria pour alerter les personnes qui devaient se tenir quelque part, pas trop loin. Elle n’eut aucune réponse, mais elle ne se découragea pas d’appeler pendant qu’elle s’accroupissait devant le long fauteuil de son hôtesse. Posant sa main sur son front, elle le trouva moite et chaud. Ses joues étaient livides et à entendre sa respiration saccadée elle ne doutait pas que le cœur battait également à tout rompre.

Se redressant Jena appela une nouvelle fois, et elle vit bientôt le visage surpris de Camille s’approchait. Elle devint très vite livide à son tour et sans attendre elle partit chercher le médecin. Cette fois, Jena ne doutait pas qu’elle le ferait venir plus rapidement qu’au premier malaise.
Jena reporta son attention sur Dame Lucrèce. Sortant les pieds de Lucrèce de la bassine, Jena les posa sur le fauteuil et attrapa une légère couverture dont elle se servit pour les envelopper, il fallait également éviter que la moindre brise vienne lui faire attraper froid.

- Dame Lucrèce, réveillez-vous…ouvrez-les yeux.

Jena tapota légèrement les joues de Lucrèce mais elle n’obtenait aucune réponse. Regardant dans tous les sens pour trouver quelque chose qui aurait pu l’aider, elle vit poser sur la petite table le flacon d’essence de lavande. Ce n’était pas aussi puissant que les sels, mais la forte odeur de parfum saurait sûrement faire revenir la jeune femme.
Jena approcha le flacon du nez de la Baronne et elle la vit faire une légère grimace, la forte odeur de lavande devait l’indisposer. Camille revint vite en courant et lui demanda ce qui s’était passé. Le médecin suivait sur ses talons, essoufflé mais il s’agenouilla bien vite à la place qu’avait occupé Jena quelques secondes auparavant.

- Je ne sais pas. Nous discutions, quand soudain elle a posé sa main sur son ventre. Elle paraissait surprise et avant qu’elle n’ait pu dire quoi que ce soit, elle est devenue très pâle…puis elle s’est évanouie. Je viens de lui faire sentir de l’essence de lavande, ça a l’air de la ramener à elle.

Le médecin se tourna vivement vers elle et lui arracha le flacon qu’il agita à son tour devant la baronne. Camille semblait très inquiète, elle confirmait donc sans le vouloir les problèmes qu’avaient laissé entendre Dame Lucrèce.
La servante jeta un coup d’œil à Jena et se dirigea rapidement pour relever le fauteuil et l’aider à s’y asseoir. Visiblement elle devait paraître bien pâle. Ce qui était en train de se dérouler l’inquiétait fortement, la renvoyant à sa propre grossesse. Et sa toux revint brutalement lui brûler les poumons. Mais elle s’en fichait, elle s’inquiétait trop pour Dame Lucrèce.

- Comment va-t-elle ? demanda-t-elle au médecin toujours penché sur la Baronne entre deux quintes de toux.

Je venais de m'évanouir sur le canapé. Jena prit alors la situation en main alors que Camille était partie chercher le médecin en urgence. Tout d'abord, elle me retira les pieds de la bassine pour m'allonger complétement. Je ne sentis même pas quand elle me bougea. Des tapotements sur mes joues se firent sentir mais rien de bien précis en soit. Peut être juste une sensation que mon esprit me faisait croire ?
Une odeur violente se fit sentir sous mes narines. L'odeur m'indisposait particulièrement. A défaut d'ouvrir les yeux, une grimace put se lire sur mon visage. Dame Jena continua alors à me faire sentir l'essence de lavande. Le médecin venait d'arriver avec Camille.

Lui arrachant sans délicatesse des mains la petite fiole alors que la dame répondait à la question de Camille. Alors que le médecin s'occupait de moi, Camille avança un siège pour Jena. Un deuxième malaise sur les bras ne serait pas évident à gérer. Les quintes de toux de Jena se firent alors entendre alors que je rouvrais les yeux lentement.
Elle demandait comment j'allais au médecin qui ne prit pas la peine de répondre à sa question. Ce dernier se leva et demanda à Camille de venir avec lui. Ils s'éloignèrent alors tous deux alors que j'étais encore embuée par mon malaise. J'étais revenue à moi, c'était l'essentiel.

Ramène là dans sa chambre et qu'elle n'en sorte plus. S'il le faut j'irai parler au baron pour qu'il appuie ma décision. Mais arrête de vouloir à tout prix lui plaire. En faisant cela, tu mets la vie de son enfant en danger et la sienne par conséquence. La prochaine fois, cela pourrait lui être fatale.

Je ne veux pas lui plaire. Je veille juste à ce que ses désirs soient exaucés. Elle ne désire pas rester enfermée. Cela la tuera à coup sûr. Alors arrête moi ta morale. Tu devrais toi aussi prendre les choses un peu plus à coeur. Je suis au service de ma maitresse depuis qu'elle a l'âge de 6 ans aussi, il est normal que je très attachée à elle. J'ai toujours été là pour elle et ça ne changera pas. Mais si tu veux à tout prix qu'elle reste dans sa chambre, dans ce cas va-y. Va prévenir le baron. Il n'y a que lui qui puisse lui donner l'ordre de rester allongée dans sa chambre. Je ne pourrai tout au plus que calmer ses pleurs ensuite. Mais n'oublie pas une chose. Dame Lucrèce n'est encore qu'une toute jeune femme. Elle a besoin des distractions de son âge.

Le médecin et Camille se séparèrent. L'un retourna au château prévenir mon époux alors que ma servante revint près de moi. Je me sentais déjà un peu mieux. Moins déboussolée que l'instant précèdent. Je regardais Jena en tentant de me redresser un peu. Ses quintes de toux m'inquiétaient un peu,je dois l'avouer.

Dame Jena, vous devriez vous préoccuper de votre santé avant de vous inquiéter de la mienne. Je vais bien à présent alors que vous semblez souffrante. Cette toux n'est pas de bon augure et dans votre état, il serait regrettable qu'un accident se produise.

Ma voix n'était pas ferme au contraire... Elle était empreinte de beaucoup de douceur et de compassion. Je devrais appliquer mes propres conseils par moment mais cela n'était pas évident de suivre ses propres préceptes alors qu'il est bien plus facile de les faire suivre aux autres.

Le baron d’Ysari travaillait au projet de réforme économique de sa terre, dictant ses ordres à plusieurs clercs lorsque le praticien entra dans la pièce.

Monseigneur ?
Oui, qu’y a-t’il ?
C’est au sujet de votre épouse…

Se levant, Harnyll fit signe au médecin de le suivre dans ses appartements privés. Il ne tenait pas à ce que la nouvelle des problèmes de grossesse se répande. Mais à voir l’éclair de surprise qui était passé sur le visage des clercs présents, nul doute que la nouvelle risquait de se propager… « La baronne a un problème »

Monseigneur, votre femme a de nouveau failli perdre votre enfant, je ne peux pas garantir qu’elle ira au bout de sa grossesse dans les conditions actuelles. Il faudrait qu’elle garde le lit jusqu’à l’accouchement, et même ainsi, rien ne serait garanti.
La garder au lit ? Infaisable, elle ne le supporterait pas, et vous m’avez-vous-même dit que la contrariété serait dommageable à sa grossesse.
Je le sais hélas bien monseigneur, mais chaque alerte est plus inquiétante que la précédente. Sans l’intervention rapide de Dame Jena qui se trouvait avec elle, une fausse couche aurait pu avoir lieu.

S’asseyant dans un fauteuil, le baron médita quelque instant. Le problème paraissait insoluble : s’il suivait à la lettre les consignes du praticien, Lucrèce serait malheureuse et risquait de perdre son enfant. S’il n’agissait pas, le risque existait aussi.

Je vais la faire déménager dans une chambre de l’aile sud, près du jardin privé où elle aime aller. Elle y sera plus au calme… Et également plus proche de vos propres appartements. Je veillerai à ce que la garde limite le nombre de visiteurs et de serviteurs pour qu’elle puisse se reposer.

Alors que le médecin s’apprêtait à sortir, Harnyll ajouta :

Et pas un mot à quiconque, compris ?

Si la nouvelle selon laquelle Lucrèce ne risquait de ne pas pouvoir mener à bien une grossesse sortait au grand jour, le baron ne savait que trop bien que cela risquait de réactiver les cabales. Il avait quelque temps plus tôt reçu des rapports d’espions indiquant que certaines personnes à sa cour auraient vu d’un bon œil la répudiation de sa femme, espoirs qu’ils avaient cru voir se réaliser suite à la trahison du tournoi de Diantra.

Mais les deux époux s’étaient réconciliés et coulaient depuis un véritable amour. L’origine de l’intrigue visant la jeune baronne était inconnue à Harnyll, mais il se doutait qu’après avoir tenté de la faire répudier à cause de son comportement parfois maladroit, le risque serait désormais de recevoir une attaque par le biais d’une absence d’héritier. Bien des femmes nobles avaient été répudiées pour cette raison… Lucrèce serait-elle la prochaine ?

Le malaise de Dame Lucrèce ne dura guère mais il inquiéta fortement le médecin et Camille. Celui-ci exigeait que la Baronne garde le lit jusqu’à son accouchement. La Baronne avait dit à Jena que la naissance n’était pas prévu avant l’automne…cela lui ferait passer de longues semaines enfermées dans un coin de sa demeure. Jena pouvait parfaitement comprendre que cette idée ne l’enchantait pas le moins du monde. Elle-même avait très mal supporté son isolement lorsque son médecin avait demandé qu’elle garde la chambre plusieurs jours.
La jeune femme poussa un léger soupir lorsque sa toux se calma. Elle pouvait à nouveau respirer normalement sans avoir la sensation d’avoir les poumons en feu. Son médecin se ferait une joie de lui dire que ce voyage avait été pure folie, qu’il l’avait prévenu avant le départ et qu’il avait une fois de plus raison. Pourtant Jena se sentait mieux qu’à Alonna. La douceur du climat de cette région lui était plus supportable, plus agréable aussi. Elle n’avait ni froid, ni trop chaud. Elle se sentait bien et était persuadée que les jours qu’elle passerait en Ysari l’aideraient à soigner cette toux persistante.

Dame Lucrèce était revenue à elle et pendant quelques minutes où elle sembla un peu perdue, elle reprit pleinement possession de ses moyens et tourna un regard inquiet vers elle.

- C’est très aimable à vous de vous inquiétez pour moi Dame Lucrèce, je me sens déjà mieux. Le climat ici est si doux que je suis persuadée que je repartirais de chez vous, guérie.

Jena adressa un sourire qui se voulait rassurant à la Baronne. A nouveau assise, elle se sentait déjà mieux, les mains posées sur son ventre arrondi. Elle sentait chaque jour un peu plus, la présence du petit être qu’elle portait. Il ne s’était encore jamais manifesté directement, mais elle le sentait bouger, parfois même, lorsqu’elle était seule elle avait l’impression de sentir battre les deux cœurs qu’il y avait en elle.
Reportant son regard sur Dame Lucrèce, Jena fut triste pour elle. Si le médecin arrivait à convaincre le Baron comme il l’avait déclaré, la jeune femme finirait par passer ses journées seule… Elle ne pouvait pas ne pas avoir entendu la dispute entre son médecin et sa servante. Ils s’étaient tenus trop près d’elles pour que leurs paroles échappent à Dame Lucrèce et Jena.
Après avoir étouffé une nouvelle quinte de toux, Jena sourit à Dame Lucrèce.

- Mon médecin tient également à m’enfermer jusqu’à la fin de ma grossesse. Je n’ai plus le droit de faire trois pas sans l’avoir sur mon dos à me dire de retourner m’asseoir ! Si vous le souhaitez, le temps de ma visite je pourrais vous tenir compagnie.

Dans toute la demeure de Dame Lucrèce, il n’était pas une personne mieux placée que Jena pour savoir ce qu’elle allait devoir endurer durant le reste de sa grossesse. Et puis étant donné que Jena était également obligée de se tenir tranquille, elle pouvait passer ses journées près de Dame Lucrèce sans que cela ne la dérange. Les demoiselles de compagnie de la Baronne se lasseraient sûrement très vite de rester assises toute la journée et sa servante avait également beaucoup trop de travail pour rester constamment avec elle. Tandis que Jena, elle, avait tout son temps et que de toute façon elle finirait par se retrouver à nouveau seule comme à Alonna. Elle ne voulait pas que son médecin la veille toute la journée et Clarys avait demandé l’autorisation de visiter Ysari durant les quelques jours précédent le bal, demanda que Jena n’avait pu lui refuser.

- Mon époux ne sera pas ici avant plusieurs jours, et je vais probablement passer mes journées seule, aussi si nous pouvions passer ses journées là ensemble je pense que cela nous ferait du bien à l’une comme à l’autre.

L’idée n’était pas mauvaise, et Jena serait vraiment heureuse de partager son temps avec la Baronne de Hetalia, bien sur cette dernière avait peut-être des demoiselles de compagnie plus agréables que l’épouse d’un régent du Nord. Cela ne l’aurait pas étonné de l’entendre lui signifier un refus, ou une réponse des plus vagues.

Je me sentais lasse après ce malaise qui m'avait prise il n'y a pas dix minutes de cela. J'avais besoin de repos et surtout de la fraicheur du château. Dame Jena me fit une proposition alors que je levais la main en direction de Camille pour qu'elle vienne à moi. Elle me proposait de passer nos journées ensemble afin que nous ne soyons pas seules car il est vrai que la solitude est une chose courante chez les nobles dames quand leurs époux ou leurs médecins décident de les enfermer.

Je vous remercie de votre sollicitude, dame Jena. Et c'est avec plaisirs que j'accepte votre compagnie que vous m'offrez si gentiment mais ne vous sentez pas obligée de considérer cela comme une obligation envers ma personne.

Camille arriva et fit son habituelle révérence avant de dire.

Que puis je pour vous madame ?

Je lève alors les yeux vers ma servante puis j'essaie de me lever avec beaucoup de difficultés. En même temps, j'informe dame Jena que je la quitte du moins pour quelques heures.

Je vous prie de bien vouloir m'excuser mais je vais vous laisser. Je me sens lasse... Aussi nous finirons cette entrevue ultérieurement. Si vous avez besoin de quoique ce soit, n'hésitez pas à en faire la demande au près de Camille. Elle saura satisfaire vos exigences si cela est dans ses cordes. Sur ce, dame Jena, je vous laisse.

Camille m'aida alors à me lever et avec le soutien d'une autre servante, elles me conduisirent au château. Alors que nous allions monter au premier étage, l'intendant m'arrêta. Me stoppant dans mon avancée, je me retourne. Il me fait alors part de la décision de mon époux.

Madame la baronne, de nouveaux appartements ont été préparés à votre attention à cet étage. Cet demande vient du baron qui a jugé préférable de vous éviter d'avoir à monter les différents étages du château. Aussi, si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire à vos appartements.

Je ne dis rien mais un hochement de la tête fit comprendre à mes servantes que nous allions le suivre. L'intendant me mena alors à travers les couloirs devant ce que j'avais toujours cru être un salon privé dont on avait égaré la clef. Il ouvrit la porte et une immense suite se dévoila.
Tout avait été préparé et quelques servantes finissaient de ranger mes robes dans les armoires. L'homme s'inclina respectueusement pour me laisser entrer puis referma les portes derrière mon passage pour aller rendre compte à mon époux que ses ordres avaient bien été suivis. Pour le moment, je me sentais fatiguée aussi Camille m'aida à m'allonger sur le lit. Toutes les femmes de chambres s'inclinèrent et quittèrent la pièce. Camille fit de même.

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