Murphy frappera trois fois... [PV Letha]

Une trace dans la poussière. Deux doigts effleurèrent l'empreinte avec légèreté, jaugeant la profondeur, l'aspect. Les deux membres passent ensuite à la suivante, puis encore une autre... Avant qu'un grondement menaçant ne résonne interrompant l'inspection minutieuse de la terre retournée.

Deux iris verts d'eau quittèrent le sol. Ils observèrent les environs, entre lassitude et questionnement, puis se cachèrent dans leurs abris de chair. Un soupir franchit les lèvres fines et sèches... Tandis qu'une main halée se plaquait contre un estomac révolté.

Depuis qu'elle avait quitté la veille la ville d'Alonna en ayant comme un incendie aux fesses (pas que ces soldats aient été bien vifs non plus, mais ils étaient gênants...) et réalisé que, bon sang de ***** de ***** la bande à Verrin lui avait chippé sa bourse et que donc, elle ne pouvait se payer ni à manger, ni à boire, ni une quelconque chambre à la prochaine ville... Et donc, sa vie ne tenait plus qu'à son éventuel succès pour dénicher un travail à Odélian...

De frustration, la jeune femme fracassa son pied sur un arbre proche, avec le juron n°25 de sa nounou favorite, celui que l'on n'employait que dans une mouise profonde et noire...

Avec un soupir, elle regarda les empreintes dans la terre, peu profondes et irrégulières... Ce sapristi de lapin n'avait que la peau sur les os, et devait certainment être malade ou blessé, ce qui revenait un peu au même. Sa chair serait immangeable autour de la blessure et si ça durait depuis trop longtemps, la majorité du corps devait être empoisonné...

Quelle galère.

Elle soupira à nouveau et regarda le ciel. La nuit était trop proche pour qu'elle essayât de traquer une nouvelle proie. Dire qu'il lui restait encore la moitié du chemin à faire jusqu'à Odelian... Rien que d'y penser, elle se sentait découragée, une première.

- Stop, Ai... Commence pas à déprimer ou t'tiendras p'la nuit, ma fille...

Hop, deux claques sur les joues et elle se réengagea dans les fourrés ténébreux, en râlant copieusement sur cette végétation sauvage qui s'accrochait partout...

Soudain, elle s'immobilisa et renifla en l'air... Cette odeur...

Un feu?

Ô joie, Ô bonheur!

En quelques enjambée, Aivân rejoignit la voie tracée par les auteurs de ce doux arôme rassurant et étudia leurs traces. Peu nombreux, trois ou quatre. Au moins une femme vu la forme de l'empreinte. Relativeent chargés, sans doute leurs armes. Brigants ou non? Un excellente question... Mais après tout, elle n'avait plus rien à voler... Il fallait s'approcher davantage.

La piste la conduisit vers une petit clairière où trois personnes s'étaient installées... Bien, pas de trace d'un quatrième au niveau des paquetages. Elle ne risquait pas d'être prise par surprise...

-Ohé, du foyer! appella-t-elle en se redressant.

Aivân n'eut pas à attendre beaucoup pour recevoir une réponse. La femme s'était levée, nerveuse, comme guettant un ennemi. Méfiante, donc. Et ses questions le montraient bien.

- Qui êtes vous ? Que voulez vous ?

Tchhh... Ouais, définitivement méfiante. D'accord, elle était armée, mais quand même, en réfléchissant, elle aurait pu comprendre qu'Avân ne lui voulait aucun mal. Mais de toute évidence, c'était à la jeune épéiste de montrer patte blanche... Aussi quitta-t-elle le couvert de arbres, l'épée bien en vue (on ne savait jamais, avec des étrangers) et fixa l'inconnue dans les yeux.

-Qui j'suis? Aivân Pajari, épéiste en vadrouille. C'que j'veux? Partager vot' feu l'temps d'c'te nuit, et p'têt' le r'pas s'tu t'sens d'humeur généreuse, ma p'tite dame.

La jeune femme fit une révérence maadroite, plus ironique qu'autre chose, tout en observant attentivement le campement. De toute évidence, le voyage de ces trois ersonne ne s'était pas passé sans heurts...

Et bah, on dirait qu'zavez croisé du monde? dit-elle en s'accroupissant devant une tente, suivant du doigt la déchirure de la toile sans se préoccuper des deux hommes. Ils n'avaient pas l'air très dangereux. V'savez, y'a des routes plus sûres, dans le bois, j'pense... Pask'à marcher dans les brousailles, z'allez pas aller loin avant d'croiser d'aut'damoiseaux chapardeurs... M'enfin, pour c'que j'en dis...

Sur ces mots, Aivân rejoignit le feu et tendit ses main vers lui en soupirant de bien être. Laisser les autres l'observer leur permettrait de voir qu'elle n'était pas dangereuse, pour eux, tout du moins. Sans compter qu'à leur faire gentiment la causette, elle ne devait pas être très menaçante...

Sur l'invitation du dénommé Boèce, Aivân vint s'asseoir bien sagement à leur côtés, non sans jeter un coup d'oeil à Landeric. Il ne lui inspirait pas du tout confiance, contrairement à son frère aîné. Lui, il semblait savoir ce qu'il voulait. Son regard etait direct et franc. Elle aimait beaucoup ce genre de regard. C'était celui d'une personne digne de confiance.

D'un coup d'oeil, la jeune épéiste jaugea la femme qui les accompagnait. Celle-ci ne se détendait pas malgré le manque d'aggressivité d'Aivân. Elle devait avoir d'autres soucis. De plus, elle avait l'air d'être la seule vraiment initiée au combat... Mouais, leur petite troupe n'irait sans doute pas bien loin, avec un chariot si lourd à protéger.

D'un signe de tête, elle accepta le bol de ragoût, se retenant pour ne pas dévorer sa pitance sans en laisser le moindre morceau. Ca ne serait pas très poli, comme disait le vieux. Aussi mangea-t-elle calmement, en écoutant ce dont lui parlait Boèce, qui, décidément, lui plaisait bien en tant que personne. Elle fit la moue quand il la contredit à propos des bois, mais elle devait avouer qu'il n'avait pas tort à cause du chariot... Mais était-il bien utile? Ils pourraient voyager plus vite sans, après tout...

Quand il évoqua les tours de garde, la jeune femme se fit pensive. Ils seraient sûrement attaqués de nouveau dans un temps proche... tout dépendait du moment où s'était déroulé la première rencontre. Elle ne savait rien d'eux, pas plus que des assaillants, de leurs motivations... Oui, mais elle commençait à les apprécier. Son plus gros défaut. Elle s'attachait trop vite aux gens biens.

-J'veux bien rester 'vec vous c'te nuit. M'vez offert à grailler, j'vais pas r'fuser un coup d'main, dit-elle avec un sourire bon enfant. Pis, j'peux t'jours vous d'nnez un coup d'main 'vec vos damoiseaux. Ca v'f'ra t'jours un bras 'rmé d'plus.

Elle gratta les restes de son bol puis le reposa près d'elle, réfléchissant.

-Au fait, y sont combien, à peu près? Et j'pense pas qu'y v'naient pour l'chariot, z'auraient pas eu d'mal à vous l'piquer. V'z'avez un objet d'valeur 'vec vous?

Aivân haussa les épaule lorsque la jeune femme l'envoya gentiment voir ailleurs. De toute évidence, cet objet de valeur était sous sa responsabilité. Et en y regardant de plus près, elle avait l'air d'être la seule relativement préparée au combat, quoiqu'une certaine innocence vienne gâcher cette pensée... Une petite nouvelle, sans doute.

Dès que sa gamelle fut propre et rangée, la jeune femme se roula en boule près du chariot, dans l'ombre de manière à ne pas se faire repérer et, peut-être, constituer un élément de surprise pour d'éventuels maraudeurs. Couchée en chien de fusil, elle ne dormit que d'un oeil, mais visiblement, cela n'eut aucune utilité. Le dénommé Boèce la réveilla sans que rien ne se fut produit.

Son tour de garde se poursuivit avec le même silence, malgfré ses sens aux aguets. Rien ne vint troubler la nuit. Aussi alla-t-elle tranquillement réveiller le boudeur pour s'en retourner dans son refuge et finir sa nuit.

Le son d'une flèche se plantant au sol la fit bondir littéralement, épée dégainée, le regard un peu fou courant sur tout ce qui l'entourait. on sang, elle avait relâché sa vigilance et n'avait plus fait attention à son environnement, la gaffe de débutante!

La jeune femme se mordit férocement le pouce pour retrouver son calme. Il fallait étudier la situation avant de faire quoi que ce soit... Boèce et Letha semblaient aller bien. Quant à Landéric... ouais, voià le problème. Landéric avait disparut. au milieu de la clairière, une flèche plantée dans le sol et Boèce lisait un parchemin. Une mauvaise nouvelle. Donc un enlèvement. Les voleurs échangeraient Landéric contre le fameux objet de valeur. Aivân aperçut le bref geste de Letha vers son coeur. Bien, à présent, elle savait où se cachait l'objet.

La jeuen épéiste attendit la fin de la discussion entre ses deux nouveaux partenaire en s'étirant soigneusement. Un combat aurait bientôt lieu et elle ne souhaitait pas s'arrêter pour une crampe, surtout après son réveil instantanné. Trop risqué.

Letha s'approcha alors et lui raconta brièvement l'ensemble des péripéties... Alors cette fille était religieuse? Aivân haussa les épaules. Elle n'avait jamais vraiment cru aux Dieux, bien qu'elle fasse toujours bien attention de ne pas les mettre en colère. Alors cette révélation ne lui fit ni chaud ni froid. En revache, elle sut qu'il fallait la protéger, elle, et pas ces hommes.

A la fin du récit, Aivân hocha la tête et reserra sa ceinture. Bien, son baudrier usé devrait pouvoir tenir un moment. En quelques pas, elle fit le tour de la clairière et repéra les traces du passage de ces types.

-Sont parti vers l'est y'a deux heures. Y' trainaient un truc lourdn sans dout' l'aut' grincheux... N'y va, L'tha. F'pas perd' d' temps.

La remarque de Letha figea Aivân pendant quelques longues secondes. Avait-elle bien entendu ce que la jeune femme venait de lui suggérer? Monter à cheval? Sur ces bestioles de riches qu'elle n'avait fait qu'entr'apercevoir depuis sa plus tendre enfance? De toute évidence, oui.

Elle dévisagea pendant un instant la créature qui se dressait devant elle. Poils bruns et crinière noire, elle était imposante, presque lourde, et Aivân cru pendant un bref instant qu'elle pourrait se permettre de fuir cette incarnation de l'inconnu qui la terrorisait proprement.

Mais fuir ne faisait pas partie de sa ligne de conduite. Elle regarda attentivement comment grimpait Letha sur le dos de la bête et l'imita tant bien que mal, non sans donner pas mal de coups de talons un peu n'importe comment. Mais elle parvint à s'installer, et remercia mentalement le cheval de sa coopération plus ou moins forcée. Ca n'allait pas être une partie de plaisir que de chevaucher comme ça, mai ils n'avaient pas tellement le choix tous les deux.

Aivân indiqua la direction prise par l'ennemi et se tassa sur le dos du cheval, accrochée comme elle pouvait aux longs crins noirs en suivant Letha. En tant que pisteuse, elle aurait du prendre la tête. Elle l'aurait sans doute fait si elle n'avait pas manqué de glisser régulièrement pendant la chevauchée. Elle bénit ses étirement qui lui évitèrent de sentir un peu trop les chocs répétés sur son postérieur.

Plusieurs fois, la jeune femme mit pied à terre pour étudier les traces et estimer la distance qu'il leur restait à parcourir. Lorsqu'enfin elle distingua une vague lueur au loin, elle descendit du cheval (pour son plus grand bonheur), attrapa la garde de son épée pour l'empêcher de teinter, et se glissa le plus silencieusement du monde le long des fourrés. Cette aventure n'était pas sans rappeler les longues épreuves de cache-cache auxquelles elle avait souvent participé enfant. Et sa petite vie au fins-fonds de la forêt lui avait apporté l'agilité d'une véritable chasseresse.

Lorsque le duo se fut suffisamment rapproché, Aivân indiqua à Letha de rester en arrière d'un signe de la main. A quatre pattes, elle se laissa finalement glisser au sol pour ramper aux abords du campement adverse. Un bonne dizaine de personnes, assez louches, rien que par leur attitude méfiante. Elle repéra Landéric au milieu du cercle central, prêt du feu, un joli cocard ornant son oeil gauche. Pas de failles dans la garde pour le moment. Néanmoins, tous semblaient se tourner dans leur direction, comme s'ils savaieent qu'elles viendraient de par là.

Aivân retourna silencieusement près de Letha et lui retraça rapidement la situation.

-Sont tous au millieu, l'mieux s'ra d'les prendre à r'vers, là où ils pensent pas qu'on va arriver. C'est l'meilleur moyen d's'en sortir sans trop d'casse de not' côté. J'pense pas qu'ils vont v'loir négocier quoi qu'ce soit, sont trop méfiants. Y savent qu'z'ont pas toutes les cartes en main.

La jeune femme se redressa alors et dégaina lentement sa lame, sans bruit.

-J'sais pas c'ment tu combats. J'espère juste que tu p'rras t'débrouiller toute seule l'temps que j'libère l'aut'. Après, on s'ra tranquilles pour filer ou les abattre.