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 Veille de Voile | Aerandir

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Le Vaisseau de la Voilée
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MessageSujet: Veille de Voile | Aerandir   Veille de Voile | Aerandir I_icon_minitimeMer 25 Aoû 2010 - 12:34

    « Non. » Le mot claqua dans l’air avec la violence du fouet déchirant la peau. Surpris, le couturier marqua un temps d’arrêt, fronçant les sourcils en regardant sa cliente. « Non, non et non. »
    Asan Morret ne savait plus quoi faire. Jamais il n’avait été face à pareil phénomène. Il avait pensé, quand la jeune s’était présentée à lui, que la commande qu’elle passerait serait aisée à satisfaire. Il n’avait, en effet, eu aucun mal à remarquer sa cécité. Une cliente aveugle, avait-il pensé, ne serait pas très regardante – c’était le cas de le dire – sur les détails. Pas de couleurs trop fades, pas de décorations trop banales, tant que la robe lui allait, que pouvait-elle dire ? Il allait même pouvoir légèrement surévaluer son œuvre. Il s’était donc mis à la tâche avec bonne humeur, et sans tenir compte du « J’espère, maître couturier, que vous saurez m’étonner ». Foi d’Asan, il ne devait pas être si compliqué de contenter une aveugle.
    « Je suis… déçue.
    - Ma Dame, je ne comprends pas, elle vous va à ravir », tenta de se justifier Morret.
    Il fallait bien l’avouer, la robe n’était pas parfaite, loin de là, mais plus d’une dame de la cour de Serramire s’en serait satisfaite. Il ne savait pas qui était sa cliente, celle-ci ne s’étant pas présentée et ayant esquivé ses questions, mais il doutait qu’elle en fasse partie. L’anonymat ne cadrait pas avec l’image qu’il se faisait des courtisanes.
    « J’avais demandé ce que vous aviez de mieux », rappela-t-elle en laissant courir un doigt sur l’étoffe de la manche. Et si seulement cela s’était arrêté là. Car non contente de son bras, elle partit à l’assaut du reste, caressant son ventre rebondi, son dos, et même ses seins et ses fesses, à la grande surprise du couturier qui n’en attendait pas tant. « Le tissu ne va pas. Il vous faudra recommencer.
    - Ma Dame doit plaisanter… »
    Recommencer ? Et qu’allait-il faire de ce qu’il avait déjà réalisé ? La robe qu’elle portait sur le dos lui avait pris du temps, mine de rien, et surtout elle valait son pesant d’or. Il ne pouvait la vendre qu’à sa commanditaire. Cette dernière n’en voulant pas…
    « Ecoutez, Maître Mollet, ne me prenez pas pour une sotte. Je vous avais demandé une robe d’exception, en me basant sur la réputation qu’était la votre. On vous dit sans pareils à Serramire, on affirme que vous rivalisez avec les maîtres de Langehack. Si vraiment cette robe est ce que vous pouvez faire de mieux, alors vous êtes grandement surestimé.
    - Je n’avais pas compris que… commença-t-il, je pensais que…
    - Je ne vous demandais pas de penser, maître couturier. Seulement d’exercer votre art.
    - Si vous m’assurez que vous pouvez y mettre le prix, je vous concevrai une robe que même notre belle Reine Lilianna vous jalousera. »
    Elle avait alors souri, comme si l’idée l’amusait, à moins que ce ne soit Asan lui-même qui l’amusa. Effleurant une dernière fois l’étoffe de sa manche, elle hocha la tête. Il avait intérêt à tenir parole.

*
*     *
    « Est-ce bien de l’organdi ? demanda-t-elle distraitement, alors que ses doigts parcouraient une nouvelle fois l’étoffe.
    - Et, un peu plus bas, de l’organza, en effet », approuva Morret.
    Il n’était pas peu fier. Ayant tenu parole, il avait présenté à sa mystérieuse cliente aveugle son chef d’œuvre. Et à en croire les quelques expressions qu’elle laissait échapper, elle semblait la trouver à son goût. C’était la moindre des choses, après le mal qu’il s’était donné. Mais il devait bien avouer qu’il l’avait sous-estimé, la première fois. Le fait qu’elle reconnaisse une spécialité de Langehack rien qu’en la touchant suffisait à gagner son respect. Avec douceur, il se saisit de la main et s’en fit le guide. Tressaillant de surprise, elle ne se dégagea pourtant pas, tant et si bien que ses doigts trouvèrent ses hanches. « Juste ici.
    - Parfait… »
    Mais pas encore suffisant. Au grand étonnement d’Asan, elle lui proposa quelques améliorations pour les moins surprenantes. Certaines étaient irréalisables, d’autres n’apportaient rien à l’ensemble, mais il dut céder quelques modifications, comme le rajout de décorations en étoffe douce à divers endroits.
    « Elle sera prête dans deux jours, ma Dame. »

*
*     *
    Katalina avait le trac. La sensation n’était pas habituelle, mais elle n’était pas non plus désagréable. Sous l’impulsion de ce subtil mélange de plaisir anticipé et de peur naissante, son ventre se nouait et elle ne tenait pas en place. Son intendant s’amusait de ses réactions, s’en attendrissait même tant elle ressemblait, alors, à sa défunte mère.
    « Il faut que ce soit parfait, Théodore ! répétait-elle pour la énième fois.
    - Ca le sera. »
    Il n’y avait pas de raison qu’il en aille autrement. Posant une main sur son ventre, elle le massa comme pour s’apaiser, dans un geste qui était devenu, désormais, naturel. Personne dans la demeure n’était au courant de ce qu’elle prévoyait, seul son plus fidèle serviteur avait été mis dans la confidence. Le pauvre avait du courir les rues de Serramire à la recherche de ce qu’elle lui avait demandé. Mais désormais, tout était prêt pour le retour du Gardien d’Arcamenel. Elle avait réussi à l’écarter de Serramire pour la journée, prétextant une fameuse envie de femme enceinte. Il avait sans doute compris qu’elle avait quelque chose derrière la tête, après tout, il n’était pas le Réceptacle du Dieu des Sentiments pour rien, mais cela n’avait pas vraiment d’importance.
    Le temps avait passé, depuis le mariage du Comte d’Odelian. Katalina avait eu le temps de changer. Désormais habituée à sa cécité, elle se mouvait avec aisance même dans des lieux qu’elle ne connaissait pas, tout en adoptant bien entendu un pas bien plus lent que dans son manoir. Habituée, aussi, à sa nouvelle condition de Gardienne. Grâce à l’aide du Grand Prêtre de Serramire, elle avait fait d’importants progrès dans la maitrise de ses pouvoirs, mais pas seulement. Apprivoisant l’eau, elle avait fait de sa phobie une peur contrôlable. Plus récemment, elle avait même commencé à recevoir ceux qui venaient jusqu’à elle, alors qu’elle s’y était jusqu’alors toujours refusé. Pour couronner le tout, sa grossesse se passait à merveille, même si elle trouvait ses cheveux affreux et ses ongles cassants.
    « Pourquoi tarde-t-il autant ?
    - Sans doute, ma Dame, parce que vous vous en êtes assurée », répondit un Théodore légèrement moqueur.
    Ne répondant rien, la noble lui fit signe qu’il pouvait disposer, tout en lui signalant – comme si c’était nécessaire – de lui envoyer Aerandir dès son retour. Avant de s’exécuter, il prit le temps de la contempler une dernière fois. Elle était tout simplement magnifique. La robe, loin de pâtir de sa grossesse, la mettait en valeur avec toutes les merveilles qu’elle sous-entendait. Promenant son regard sur la pièce, il esquissa un nouveau sourire amusé alors que ses yeux se posaient sur le lit couvert de pétales de roses. Quelques branches d’arbres fleuris avaient été disposées sur les oreillers. Le tout avait été savamment parfumé, pour le plaisir des sens, et la pièce baignait dans une très légère odeur d’encens.
    Quand il se fut retiré, seule restait Katalina au centre de la pièce, le cœur battant, déjà.
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MessageSujet: Re: Veille de Voile | Aerandir   Veille de Voile | Aerandir I_icon_minitimeVen 27 Aoû 2010 - 14:02

Le Serviteur n'est pas dupe. Maitre de la tromperie, de l'illusion, les voiles du mensonges ne peuvent indéfiniement obscurcirent son regard aveugle. La dolence erre dans ses gestes et la paresse teinte son sourire. Il se fait obeissant par la grâce d'un jeu qu'il devine. Mes les règles lui sont cachées. Pour l'instant du moins. Le havre de Serramire ne sera plus sien l'espace d'un instant alors que sa silhouette volète au grès du soleil. Les murmures du monde lui parviennent, si forts parfois qu'il craint de perdre l'ouïe. L'homme est un insatisfait éternel. Ayant sans cesse besoin d'aimer, de hair, de désirer l'indésirable. Des ambitions sulfureuses qu'aime le Divin, il sait l'horreur qu'il a jeté sur terre, tout comme il connait le bonheur qui, parfois, se verse sans compter.

Le Divin est égoïste mais sait parfois jouer de sa lyre pour déverser sur l'âme les baumes de la douceur. Ses chants aussi beau qu'étrange, balaye sans cesse la surface du monde, distillant haine, amour, désire, violence et rage. Chaque note recèle une goutte de sang, chaque goutte de sang possède en son coeur l'éclat d'une âme. Le Serviteur aime et hait, tout a la fois, image vivante, receptable étrange, miroir faussé des reflets de l'Eternel. Enfant joueur et vieillard plein de sagesse. Il cherchera le repos dans la méditation, seul et sans escorte, juste accompagné du vent et de l'eau de ce petit lac. Il regrette peut être un peu de ne pas voir le soleil se refléter en miriades de diamants sur sa surface, mais il peut en sentir chaque rayon. Effleurant sa peau comme autant de caresses. Et lorsque l'instant arrive où l'astre du jour doit ceder son trone, il sait que le moment est venu de rentrer.

La voix qui le hèle est celle toujours étrange de l'âge avéré. Un soupçon de prudence étalé, un rien d'hésitation dans les mots qui se meuvent entre les lèvres parcheminées. Mais pourtant, le Serviteur décèle la note tréssautante de l'excitation et sourit doucement. Il est attendu. Espéré peut être...La violence n'est pas, aussi écarte il le spectre horrifique d'une mort prématurée.

Le parfum qui le guide glisse avec sensualité sur sa peau. Il embaume l'air comme un appel lancinant, enivrant les sens avec une subtilité diabolique. Ses pas le guide plus surement que ne le ferait Myst et il ferme ses yeux aveugles. Il est cet homme assoiffé découvrant une fontaine d'eau pure. Il est cette mer déchainée donc chaque embrums attisent les flammes. Il ne sait ce qui l'attends mais qu'importe en vérité car cela vient d'elle. Son monde au creux de ses mains et son avenir au coeur de son ventre. Il devine son souffle, un peu rapide, peut être même s'imagine-t-il la rougeur qui étend son règne sur ses joues. Le sourire se veut surpris, car il l'est, de par les senteurs qui l'assaillent, promesse muette et serment silencieux. Il se teinte d'adoration, car il ne pourra jamais être autre chose. L'odeur de la rose l'enveloppe, telle une caresse amoureuse, mais par dessus tout, il s'enivre du parfum qui est elle.

« la malediction de l'attention divine ne pourrait pas être plus cruelle qu'en cet instant où je ne peux te contempler... »
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MessageSujet: Re: Veille de Voile | Aerandir   Veille de Voile | Aerandir I_icon_minitimeMer 1 Sep 2010 - 20:29

Katalina avait l’impression de tourner en rond depuis des heures quand, enfin, le demi-elfe daigna se souvenir qu’il avait une compagne et que cette dernière l’attendait très certainement. Une belle preuve de mauvaise foi, quand on savait que c’était elle qui avait fait son possible pour le tenir éloignée de sa demeure aussi longtemps que possible, mais la noble n’était qu’impatience et excitation anticipée, aussi le remords ne devait-il pas effleurer sa conscience, bien au contraire. Aussi, quand la porte s’ouvrit avec une lenteur insupportable, fut-elle persuadée qu’il le faisait exprès. Mais très vite, sa mauvaise humeur toute relative devait s’envoler. Aerandir était là et bien là, face à elle, et elle n’en demandait pas plus.

« La malédiction de l'attention divine ne pourrait pas être plus cruelle qu'en cet instant où je ne peux te contempler... »

Se renfrognant légèrement, la Gardienne de Tyra se dit qu’il commençait bien mal. Elle ne s’était pas tant cassé la tête, ne s’était pas donnée tant de peine pour l’entendre se plaindre. Bien entendu, elle comprenait ce qu’il pouvait ressentir, elle-même rêvait encore de son visage alors que lui n’avait jamais eu l’occasion de voir la voir, et elle sentait à quel point la chose était douloureuse. Elle pressentait d’ailleurs à quel point sa cécité serait une source de regrets quand son enfant serait né. Le sang-mêlé avait voulu lui offrir une longue vie aux côtés de la chair de sa chair, mais le prix a payé avait été élevé… Trop, du point de vue de la concernée, mais elle avait fait le deuil de ses yeux et avait décidé d’aller de l’avant.

« Il va falloir te contenter… commença-t-elle en se glissant dans ses bras, de ce que tu as, pour l’heure. »

Qu’il était bon de le retrouver. L’enlaçant, elle chercha sa chaleur, glissant ses doigts dans sa crinière d’argent. Qu’elle les avait aimés, ces cheveux, elle désespérait de revoir un jour leur éclat tout en sachant la chose impossible. Heureusement, il lui restait le toucher, un sens qu’elle avait longtemps négligé, mais qu’elle apprenait à apprivoiser. Elle était légèrement dérangé par son ventre rebondi, mais n’en avait cure, elle ne souffrait pas et son bébé non plus. Ce qui ne l’empêcha pas de protester, cependant, donnant un léger coup qui fit sursauter sa pauvre mère. Attrapant la main du père, elle le guida avec douceur jusque sur son ventre où, déjà, l’enfant refaisait des siennes. Un sourire éclaira son visage, sourire qui ne devait jamais être vu mais qu’importait, au fond.

« Sens comme il se réjouit de ton retour. »

Se hissant sur la pointe des pieds, elle déposa quelques baisers sur sa peau, humant son odeur, se réjouissant de sa présence. Elle avait passé tant de temps éloignée de lui, se rendant quotidiennement au Temple afin d’apprivoiser ce qu’elle était devenue. Elle était tellement épuisée, aussi bien physiquement que mentalement, le soir venu qu’elle ne se souvenait même pas à quand remontait leur dernière réelle soirée d’intimité. Longtemps, trop longtemps. Sa grossesse et leurs responsabilités respectives les avaient éloignées, mais elle avait bien l’intention d’y remédier.

« I' commae naa shuf. »
Le temps passe trop vite.

Impatiente, comme une adolescente, elle chercha ses lèvres. Qu’il mette fin à son attente !
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MessageSujet: Re: Veille de Voile | Aerandir   Veille de Voile | Aerandir I_icon_minitimeLun 6 Sep 2010 - 9:28

Il rit. Cascade d'improbable et ouvre le havre de ses bras. A-t-il senti l'ombre de sa compagne ? Peut être mais il n'en dira rien. Il est des choses qui restent immuables, indétronables et les ténèbres qui l'enveloppe devient parfois fardeau. L'onde savoureuse de ses cheveux comble le manque d'un instant seulement. Apprivoiser le Divin, son Lys s'est jetée a corps perdu le long de ce chemin difficile. Le Serviteur est resté telle une ombre rassurante, mais il est des choses qui doivent être faites seul.

La pulpe de ses doigts glisse le long du dos fin et le visage altier s'imprime de surprise, d'étonnement, d'amusement presque enfantin. Sur sa peau s'imprime la délicatesse des courbes, létrange mariage des tissus. Il en découvre la texture, la saveur incomparable et son esprit se pare de lignes atrocement délicates. Il sait la passion qui l'anime parfois, aimant sans compter. Le ventre tressaute et s'émeut les coeurs glacés. Il étouffe le brasier, le teinte de tendresse inconsidérer. Lui qui n'est que tumulte et ouragans se fait brise légère, vague tranquille alors que sa paume épouse le ventre adoré. Cette vie qui est la leur.

« Il n'est qu'un murmure qui deviendra un chant puissant. »

Il sourit a ses mots. Si vrai et terrible en même temps. L'âge ne compte pas, ne compte plus mais l'ombre des années s'écoulent, atrocement immuables pour les êtres qu'un jour Tyra frappera d'une caresse. Ses doigts épousent la nuque gracile. Douceur et violence mêlée. Ses lèvres ne sont que tendresse et voracité. A l'image des tempêtes qu'il sait déclencher.

« Il est des instants qui restent éternels, mon Lys. »
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MessageSujet: Re: Veille de Voile | Aerandir   Veille de Voile | Aerandir I_icon_minitimeMer 8 Sep 2010 - 11:24

    Que n’aurait-elle pas donné, alors, pour arrêter la course du temps. Elle ne s’expliquait pas cette subtile alchimie qui l’unissait au sang-mêlé, mais savait l’importance qu’il avait prise dans son existence, et ne se laissait de s’en émerveiller. On lui avait raconté, jadis, comment le prince s’en allait, vaillant, lutter contre le maléfique dräke, comment il bravait les dangers et arrachait la princesse déjà énamourée de son donjon pour moitié écroulé. Des fables, lui avait-on asséné par la suite, quand elle avait été en âge de comprendre, des récits qu’elle avait oublié sans regret. Le preux avait cédé le pas à l’avare, l’amour à l’intérêt et, force était de l’avouer, elle avait su tirer parti de la mort de ses rêves d’enfant. Elle avait été une Noblegriffon digne de son nom et de son héritage, lui avait assuré Trystan, et par les Cinq, si même son Roi le lui affirmait, elle devait bien le croire. Les discours des ménestrels s’étaient tus, mais il lui semblait qu’en sa présence, elle en redécouvrait la saveur, frappé de l’authentique. Les mots fleuris cédaient leur place à son rire, bien plus pertinent.
Elle sentait ses mains sur son ventre comme une promesse, sans savoir comment elle pouvait s’émouvoir d’une chose aussi simple. Elle avait remarqué cette étrange affectivité qui ne semblait pas se lasser de la troubler, on lui avait assuré que la chose était normale, banale même, et qu’elle allait de pair avec le bon développement de l’enfant. Elle n’avait vu dans ces paroles rassurantes que l’expression d’une lassitude contenue, une invitation à se taire et à laisser les choses se faire. Il était vrai qu’à presque vingt-huit, la maternité était une chose qu’elle aurait dû connaître.
    « A quand, déjà, remonte notre dernier chant commun ? » demanda-t-elle, soudainement inspirée par la dernière affirmation d’Aerandir. Elle regrettait les temps passés à Alëandir, durant lesquels elle avait appris à voir au-delà du Gardien. Peut-être, après l’accouchement, glisserait-elle l’idée d’y retourner. « Néera me pardonne mon impatience, Aerandir, mais il me tarde de te donner ton fils. »
    Porter une enfant était une chose merveilleuse, mais c’était une source d’autant de merveilles que de tracas. Elle chérirait toute sa vie le souvenir du premier coup qu’il lui avait porté, comme une preuve d’existence, mais elle n’oublierait pas plus les exténuantes bouffées de chaleur, les incapacitantes douleurs articulaires… Et puis il y avait ce corps, dont elle ne pouvait plus se satisfaire. Bientôt, se rassura-t-elle une nouvelle fois. Mais l’enfant à naître n’était pas, ce soir là, sa préoccupation première.
    « Je veux le croire. »
    Elle sentait sur son corps les fantômes de ses mains. Elles parcouraient sa robe, avides de découvertes, et elle n’en avait pas espéré moins. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de rougir quand ses doigts appliqués s’aventuraient sur les parties les plus suggestives. Le vêtement était magnifique, lui avait-on assuré, mais ce n’était pas les yeux qu’elle voulait ravir, mais l’imagination. Aerandir était aveugle, mais son esprit pouvait faire ployer des montagnes. Elle le savait, et il lui plaisait de l’enflammer.
    « Elle te plaît ? » demanda-t-elle, taquine, alors que déjà elle le poussait avec douceur vers leur lit. Elle n’avait pas l’habitude de prendre ainsi les choses en main, mais force était de constater que, maintenant qu’elle essayait, elle y prenait goût.
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MessageSujet: Re: Veille de Voile | Aerandir   Veille de Voile | Aerandir I_icon_minitimeLun 13 Sep 2010 - 14:40

« Trop longtemps. Les notes se sont endormies alors que s'éveillait ton propre murmure. Mais il est des choses qui reste immuables. As tu progressé ? »

La taquinerie s'invite dans ses mots. Il sait le mensonge, les vérités, les joies et la tristresse. Il sait les imprimer avec maestria et véracité. Nul ne peut prétendre connaître l'ombre du Gardien car elle se tient si coller a son corps qu'elle en demeure invisible. Mais ce soir, l'ombre s'en est allée, ne laissant qu'un chuchotement frappé d'absolu. Il découvre avec surprise les nuances qu'elle lui offre. Chaque ligne devient réalité et l'image se forme. Délicate, sensuelle. Il sourit. Oui, la silhouette arrondie, alourdie n'en demeure pas moins rêverie aux yeux aveugles du Serviteur.

« L'impatience nait toujours de l'attente. Elle viendra lorsqu'elle le décidera et même la volonté d'airain de sa mère ne pourrait la contraindre a voir le jour plus vite que ne le veut la Nature. »

Rire silencieux qui est le sien, l'or pétille et s'enivre des parfums qui errent dans la chambre. Comme un appel muet, lancinant qui ne saurait rester lettre morte pour l'Esclave du coeur qu'il est. Mais l'air se soule de plus, un sourcil se hausse et l'homme est ravi. Compagne blessée mais forte. Sa chair avait été creusée atrocement et la patience avait été l'onde suave du Gardien. Et s'éveille la volonté qui la domine parfois et le Serviteur se fait obeissant a ses désirs. Il ne saurait en être autrement.

« Tu m'offres tes déliés et tes courbes sublimées par la texture du tissus. Qu'elle me plaise paraît fade, te ferais tu frivole ? »

Les lippes s'incurvent et s'élèvent les coins de sa bouche. Lèvres pleines et adorantes lorsqu'il les posent sur sa peau. L'or danse, fascinant malgré son trépas. La Voix du dieu est condamnée au tourment des ténèbres mais parfois nait l'étincelle qui deviendra brasier. Il sait que son Lys est cela.
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MessageSujet: Re: Veille de Voile | Aerandir   Veille de Voile | Aerandir I_icon_minitimeLun 13 Sep 2010 - 17:08

    « J’ai bien peur, au contraire, qu’à force de négligence, je n’ai tout oublié », murmura Katalina d’une voix qu’elle voulait chantante, et forte de l’enseignement qu’il lui avait prodigué. Mais la langue humaine ne s’y prêtait pas, ou du moins pas tant que celle, plus mélodieuse, des elfes sylvains. C’était sans doute pour cela qu’elle l’aimait tant. Alors que le fil de ses pensées s’égaraient vers la vénérée Anaëh, elle caressa l’idée d’un retour, et avoua son envie d’accoucher. Bien que jamais elle ne pourrait la regretter, sa grossesse la gardait enchaînée à Serramire plus surement qu’aucun acier. Le rire clair du Gardien d’Arcam vint tempérer l’impatience de sa compagne, mais ce n’est pas ce qui attira le plus son attention.
    Elle ? Marquant un temps d’arrêt, Katalina se surprit à s’interroger pour la première fois sur le sexe de son enfant. Jusqu’alors, elle avait utilisé sans y réfléchir le masculin, mais était-ce réellement un petit homme qui grandissait en son sein ? Quant à Aerandir, avait-il utilisé le féminin pour marquer sa préférence, pour rappeler à sa compagne que, peut-être, le hasard voudrait d’une héritière et non d’un héritier, ou tout simplement par jeu ? Elle n’en avait aucune idée, mais il la plaçait indirectement face à un choix inédit. Inédit, et cornélien. Elle ne doutait pas un instant que, si l’envie le prenait, il pouvait deviner ce que serait leur enfant. Souhaiterait-elle, alors, qu’il partage son savoir ? S’écartant légèrement, elle porta ses mains à son visage, cherchant à lire son probable sourire du bout de ses doigts. « Tais ce que tu ne devrais pouvoir deviner, veux-tu ? » Elle craignait juste qu’il ne soit déjà trop tard.
    Plutôt que de se torturer l’esprit plus longtemps, elle entreprit de le guider vers ce lit qu’elle avait fait préparer pour eux, avec force de caresses et de baisers. Taquine, et mue par une confiance qu’elle se plaisait à découvrir, elle se découvrit audacieuse. Elle avait senti ses doigts parcourir cette robe qu’elle avait faite faire spécialement pour lui, et attendait désormais son verdict. Elle sourit de sa réponse, la trouvant à son goût. « Je suis ce que tu as fait de moi. » Et Arcam seul savait à quel point elle avait raison, quand elle affirmait cela. « N’essaie même pas de t’en plaindre. »
    Déjà, ses jambes trouvaient bois poli attendu, et déjà elle le faisait s’assoir, avant de se lover contre lui, s’asseyant sur ses genoux et posant sa tête contre son épaule. Placée ainsi, elle pouvait s’enivrer de son odeur et de la proximité de sa peau. Avec tendresse, elle s’égarait en de légères caresses sur son cou, du bout du nez. Tout ce qu’elle avait pu imaginer, prévoir, vouloir même de cette soirée, s’effaçait derrière ce besoin impérieux d’être contre lui. « Il arrivera un jour où il te faudra récupérer ce qu’il te prit. » L’avertissement, toujours le même, raisonna dans son esprit et elle se recroquevilla malgré elle quelques secondes, avant de chasser Tyra de son esprit. Ou, tout du moins, de s’en donner l’illusion.
    « Ne t’inquiète pas, le rassura-t-elle, tout va bien. » Elle ne voulait pas qu’il l’interroge, incapable de répondre le cas échéant. Ses doigts s’emparèrent d’un des nombreux pétales qui parsemaient la soie, et elle la glissa sous l’oreille effilée, attentive jadis et à jamais du moindre de ses murmures. « As-tu pensé à un nom ? »
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MessageSujet: Re: Veille de Voile | Aerandir   Veille de Voile | Aerandir I_icon_minitimeMar 14 Sep 2010 - 14:19

« Tu me prêtes des dons que je n'ai pas. »

Il ment. Doux mensonge qu'elle lui réclame et qu'il décide de suivre. Qu'importe en vérité le sexe de l'âme nouvelle. Elle sera leur. Elle sera juste eux. Les années sont passées, douces passionnées, violentes et sanguinaires, le Serviteur n'avait jamais donné la vie. A moins que celles ci lui est été cachées. L'ombre du voile de l'avenir reste parfois muet, se jouant du Serviteur comme lui se joue des destins.

« Soit, l'envie n'est pas. Je ne saurais me plaindre de tes attentions. »

Ses bras entourent l'Absolue et le parfum de sa chevelure s'impose, piétinant l'odeur suave des roses. Emblème sublimé du Prisonnier. Ses oreilles tintent d'un rire étrange, entre moquerie et toute puissance. Comme si le joug imposé ne pouvait être brisé. Le Serviteur fronce un instant les sourcils mais déjà, l'instant s'envole. Etrange murmure qu'il ne saurait comprendre mais déjà qu'il oublie, perdu dans les vagues soyeuses, attirantes, surprenantes. Ses lèvres s'incurvent et déjà, il perce le voile jeté.

« Devrais je m'inquiéter de quelque chose ? »

Tissage parfait des notes qui ne laissent entrevoir qu'un rire tenu. Il sait sans savoir. Pressent aveuglement mais ne peut assurer. Ambivalence qui le distrait un instant seulement avant que ne s'imprime la douceur de l'écarlate. Le silence nait de ses lèvres tandis que le temps égrène ses secondes immuables.

« Tinuviel...La fille du crépuscule. Lòmendil, le chant du crépuscule. Choisis mon Lys, il est des choses que seule une mère peut percevoir. »

Il effleure les lèvres des siennes, il n'impose que douceur là où il rêve d'interdit. Fragile est la femme qui porte en elle sa propre vie.
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Le Vaisseau de la Voilée
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MessageSujet: Re: Veille de Voile | Aerandir   Veille de Voile | Aerandir I_icon_minitimeJeu 16 Sep 2010 - 23:24

    S’il y avait une chose que savait Katalina au sujet d’Aerandir, c’était qu’il était plein de surprises et de ressources. Jamais homme ne lui avait jamais donné autant l’impression de se jouer de l’impossible. Une qualité autant qu’un défaut, car il était parfois difficile de se tenir à ses côtés sans ressentir l’étreinte tenue de l’impuissance. Au fond, devenir la Gardienne de Tyra avait peut-être été, indirectement, le meilleur moyen de restaurer un semblant d’équilibre dans cette relation atypique. « Un pour chacun de tes dons que j’ignore », répondit-elle avec une certaine douceur. Qu’en était-il d’elle, désormais ? Elle ne pouvait s’imaginer rivaliser avec le sang-mêlé, mais il n’y avait aucune raison que ce ne soit pas le cas. A part, bien sûr, la force de l’habitude. Aerandir usait de magie comme il respirait. Une performance avec laquelle elle était encore loin de frayée.
    La suite de la discussion devait les amener jusqu’à son lit, à moins que ce ne soit sa propre détermination qui les poussait tous deux vers les draps de soie, elle ne savait plus très bien. L’intervention de Tyra la secoua, mais elle la chassa, affirmant à son Gardien que tout allait bien. L’important était ce pétale, dansant au rythme de ses doigts, simple caresse presque langoureuse sur l’oreille effilée. Gênée par son corps, devenue une prison autant qu’une source d’émerveillement, elle n’en demeurait pas moins avide de ses attentions, et désireuses de le faire profiter des siennes. S’échappa alors la question du nom, inévitable et presque tardive, mais ne s’étant pas interrogée sur le sexe, Katalina n’avait pu, de fait, réfléchir sur le prénom qu’elle souhaitait donner à sa progéniture. « Tinuviel et Lomendil… » répéta-t-elle, esquissant un sourire rêveur. « Tu me connais trop bien. »
    Le Serviteur savait l’amour de sa compagne pour les sonorités elfiques, ayant été son professeur et le témoin de son enthousiasme. Mais il était de toute façon plus proche d’Alëandir que de Diantra, même s’il avait été le Haut Prêtre de cette dernière. « Des jumeaux, pour ne pas avoir à trancher. Ce serait l’idéal », affirma Katalina avec un sourire rêveur, tandis que la courbe ployée de la douceur végétale redessinait l’ovale d’un visage. Les choses semblaient si simples, soudainement. Elle n’était plus qu’une future mère, confortablement installée dans les bras du père de son enfant. Sa cécité n’était que paupière abaissée, et le regard divin aurait pu ne jamais exister. Taquine, et sans l’ombre d’une hésitation, elle vint mordiller le menton masculin, avant de l’allonger. Qu’était forte, alors, l’envie de se coucher sur lui et d’attendre, seulement attendre, se laisser emporter, par ses mains, par sa peau, par sa seule présence.
    « Pourquoi es-tu venu me chercher, ce fameux jour d’automne ? » demanda-t-elle, et ce devait être la centième fois que la question franchissait ses lèvres. Même maintenant qu’elle avait, en quelque sorte, vécu une expérience similaire en accueillant Aureane chez elle, elle avait du mal à comprendre. Néanmoins, il n’y avait plus dans sa voix trace de doute ou de peur, seulement de douceur et d’affection. Comme si, plus d’un an après leur rencontre, elle ne parvenait toujours pas à croire en sa chance. « Hum ? »
    Déjà, ses doigts délaissaient le pétale, s’attaquant au lin d’une chemise. Déjà, elle sentait la douceur de sa peau, glissant sur le torse à peine découvert, en une caresse frôlant le chatouillement. Elle s’amusait des légers frissonnements qu’elle faisait naître, les apaisant parfois du bout de ses lèvres. Autour d’elle, ses cheveux cascadaient et recouvraient partiellement le corps allongé. « Cette nuit, je redeviens Katalina. »
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