De la colère des Dieux naîtra la folie des Hommes | Libre

Jarvan, une petite bourgade à la frontière d’Alonna… environ une centaine d’habitants, une petite dizaine de soldats, rien de bien folichon. Son intérêt ? Être sur la route reliant Alonna au Nord à Odélian au Sud, ce qui justifiait le maintien d’une petite garnison permanente en charge de surveiller les passages et vérifier que les caravanes marchandes étaient en règle.

Mais ce jour là, ce n’était pas une caravane qui s’approchait de Jarvan. Comment décrire ca ? Une… horde ? Oui voilà, une horde, plus de deux cents fanatiques sales et débraillés, brandissant des faux et autres outils agricoles, qui s’avançait en hurlant des slogans à la gloire d’un "Prophète dont le nom ne devait pas être prononcé près des oreilles des incroyants".

Mais qu’est-ce que c’est que ce bazar ? marmonna Vendrix Ulz, lieutenant dans l’armée d‘Alonna, en regardant s’approcher ces énergumènes.

D’un geste, il ordonna à ses hommes de se placer avec lui à l’entrée du village, leurs armes abaissées pour éviter toute provocation mais prêtes à servir. La horde s’arrêta à quelques dizaines de mètres de l’entrée du petit village et une sorte de brute épaisse, sans doute leur plus haut dignitaire, s’avança. Les sourcils broussailleux de l’homme semblaient monter jusqu’à ses cheveux, sa barbe emplie de poux et de bière tombait sur sa vaste bedaine, et il brandissait une sorte d’épée rouillée qui avait du faire la joie d’un guerrier au siècle précédent.

Enfin bref pas un canon de beauté, vous l’aurez compris. Mais à la lueur fanatique qui brulait dans son regard, le lieutenant se sentit mal à l’aise. C’était le regard d’un fou, mais d’un fou qui savait assez bien parler pour arranger une foule et la lancer vers ses ennemis. Était-ce un ancien chef mercenaire reconverti dans la religion ? Probable.

Halte, ordonna Vendrix en levant la main droite, que venez vous faire sur les terres d’Hanegard Kastelord, régent d’Alonna par la volonté de notre bon roi Trystan ?
Nous ne rendons hommage à aucun soldat ni aucun roi, soldat. Le Prophète a lancé le saint pèlerinage et nous avons besoin de vivres pour y aller. Alors écartes toi et ouvres le grenier du village !
Pardon ? Avez-vous perdu la tête ? Le grenier appartient aux habitants.
Je n’ai jamais été plus lucide soldat. Le Prophète, notre maître à penser dont l’esprit rayonne dans ce monde, a besoin de grains. La puissance de son esprit et la clarté de sa parole n’ont que faire des habitants de ce village. Ils viendront avec nous grossir les rangs du saint pèlerinage et purifier par le feu et l’acier les incroyants qui doutent des parole du Prophète.

Bon, Vendrix n’était pas plus avancé sur l’identité de ce soi-disant « Prophète », mais cela sentait mauvais. Pas seulement à cause de la crasse du bonhomme non. Surtout à cause de ces histoires de purification… en général ca se termine mal. Se redressant de toute sa hauteur, le lieutenant tenta de faire preuve d’autorité et d’impressionner cette brute épaisse.

Vous avez pénétrer sur ces terres sans autorisations, je vous ordonne de vous en retourner d’où vous venez !
Tu oses t’opposer à la marche en avant de la vérité ? Blasphémateur !

Et avant que Vendrix n’ait eu le temps de comprendre, le représentant du Prophète lui planta son épée en pleine gorge, avant de tomber lui-même une seconde plus tard abattu par un des soldats. Alors que sa vie s’échappait de lui à gros bouillons écarlates, le lieutenant eut encore le temps de voir la horde de barbares foncer sur le petit groupe de soldat et les écraser littéralement sous le nombre.

Alors le massacre commença…

Comment pareille fumisterie pouvait-elle être toléré ? Un prophète ? Une éclipse qui sert de prétexte. Le chaos qui se répandait en terres diantraises et dans le Médian avait jusque là épargner les bonnes terres du Nord. Il fallait bien qu'un misérable gourou illuminé se mettent en tête de rallier les gueux à sa cause. Les pécores n'avaient pas trouvés plus amusant que de se joindre en masse à l'appel du Charlatan. Et comme par hasard, c'est d'Assar que vinrent les nouvelles des premières bandes de paysans hagards, avides de rédemption auprès de ce soi-disant prophète. La piétaille était décidément agaçante avec ses croyances de pacotille. Un Homme donnant la parole d'un Dieu ... Non mais, il n'y a vraiment que les esprits limités pour y croire ... Gaucelm, lui, était débarrassé de ces croyances grotesques, ce qui ne l'empêcher pas de rendre les rites dut aux Cinq avec une hypocrisie non feinte. Le loupiot semblait incapable de gérer cette masse inculte avec la poigne de fer nécessaire. Encore une fois, il regretta la mort de Jehan. Lui aurait fait fi de toute compassion et en voiture simone, une bonne charge de cavaliers dans le giron, saupoudré d'un nuage de carreaux empennés de blancs, voilà qui aurait réglé le problème, avec en guise de combustible pour le méchoui, le Charlatan. Les nouvelles ne faisaient pas avis que d'une seule et unique bande, mais nombre qui convergeait vers la ville des Rochefort. Gaucelm fit alors mander Guy et lui souffla dès que ce dernier passa la porte.

Faites demander les Densois ... Nous allons faucher ses crétins comme des blés ...

Le serviteur écarquilla les yeux. Le comte faisait appel à son élite, les auriges de Dens ... Il n'avait visiblement pas envie de perdre de temps avec le sort des gueux ... Il déglutit bêtement, puis fila au pigeonnier, accomplir son oeuvre. Le Gras se tourna alors, s'assurant que Fulbert était bien dans son ombre, comme à l'accoutumée. D'un regard, il fit comprendre au clerc ce qu'il voulait. Ce dernier sortit un vélin et lissa sa plume d'un geste précis. Le comte n'attendit pas de vérifier si il était prêt et débuta.

Lettre au Seigneur Loup de Rochefort

Loup, des nouvelles de bandes en maraude allant et venant souillent les routes odélianes. Assar semble être un point de rassemblement pour ces misérables. J'ai demandé à mon frère, Grégoire, de mener les battues avec ses chars. Veillez à son accueil et à une plein coopération.

Gaucelm, Comte d'Odélian

Tandis que Fulbert achevait la prise de note, le Gras sourit en pensant au sort qui attendait les fous qui s'élèveraient sur le chemin des densois. On disait les gens de la ville du Gras, hargneux et sans pitié, un peu à l'image du Comte, diront certains. Leur devise suffisait à s'en convaincre ... "Les prisonniers sont ceux qui nous ont échappés" ... Charmant