Ici.
Ailleurs.
Ici, ou nulle part.
Telle une ombre, Umbrae rôdait. Il n'était pourtant pas seul. Mais il aurait suffit, pour qu'il le soit, que le vent se taise, que la plaine verdoyante s'arrache à la terre nourricière, éclate et gicle vers le ciel.
Pourquoi avancer ? Bientôt, il serait face à la mer, immobile, inutile. Il n'aurait plus qu'à mourir.
Cela devait ne jamais se produire.
Au pied d'un arbre millénaire, l'Hybride bifurqua. Ses yeux, du vert des bourgeons au début du printemps, fixaient un but que nul d'autre ne percevait. Umbrae ne marchait pas au hasard.
Un instant plus tard, alors qu'une maisonnette au toit de chaume apparaissait, un phénomène inhabituel se produisit. Le coin des lèvres de l'être bicentenaire s'étira, un peu, puis d'avantage. Un sourire éclaira son visage. L'espace d'un souffle, Umbrae rayonna.
Enfin. Il parvenait enfin chez cette créature qui n'était autre que la sœur de sa mère, une elfe sylve.
« Entre, fils. »
Umbrae toléra sans ciller le contact des doigts de l'aveugle sur son visage. Cette femme au faciès effilé possédait la souplesse du sauge et l'éternelle jeunesse des elfes. Ses yeux n'avaient d'égal que ceux du tigre acculé au gouffre, l'immensité de leur profondeur donnait le vertige.
Umbrae n'avait que rarement ressenti un tel sentiment d'apaisement. Il s'accorda d'enlacer la créature, qui hoqueta de surprise. Si l'Hybride n'appréciait généralement pas ce genre de contact, il abritait le désir de sentir contre son corps la chair qui se trouvait être à l'origine de son propre sang.
Umbrae suivit la femme à l'intérieur. Elle se prénommait Diane. Diane d'Aurevilly, peut-être, un nom banal, dont les origines nobles gisaient dans la poussière de quelque antique registre.